LES RÉCLAMATIONS EN MATIÈRE DE RETRAITES : ILLUSTRATIONS ET RÉFLEXIONS



Depuis la création de l'Institution en 1973, des retraités ou leurs ayants droit adressent chaque année au Médiateur de la République des réclamations qui font apparaître un certain nombre de difficultés. Celles-ci tiennent notamment à la multiplicité, au particularisme et à la complexité des régimes de retraite, qui sont sources de divers dysfonctionnements.

Une approche des différents problèmes soulevés ne peut méconnaître la longue évolution du domaine des retraites, ni l'originalité et les spécificités de chacun des régimes. C'est le résultat de leur histoire, et notamment de modes de financement qui leur sont propres.

Il est donc apparu utile de dresser un panorama incluant les principaux régimes, à travers le rappel des caractéristiques des régimes de base, et l'établissement de tableaux comparatifs qui détaillent, grâce aux informations fournies par les organismes de retraite, les spécificités des régimes spéciaux. À cet égard, bien qu'ils ne relèvent pas de la compétence du Médiateur puisqu'ils sont gérés par des organismes privés, les régimes complémentaires obligatoires du secteur privé ont été décrits, car ils concernent de nombreux agents ayant relevé successivement des secteurs public et privé, et peuvent contribuer à éclairer le débat.

Au préalable, il a semblé également nécessaire d'apporter quelques précisions sur les caractéristiques générales des principaux régimes, dont l'importance respective en pourcentage se trouve exprimée par le schéma ci-dessous, édité par la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

L'enquête permet de dégager les points suivants :

Pour les salariés du secteur privé :

- à un 1er niveau, se situe le régime général de l'assurance vieillesse,

- à un 2e niveau, les régimes dits complémentaires, à caractère obligatoire (ARRCO ou AGIRC),

- à un 3e niveau, les régimes " sur-complémentaires " à caractère facultatif qui peuvent venir en supplément.

Pour les agents du secteur public ou d'organismes publics ou para-publics, dotés d'un régime spécial de retraite, d'une manière générale, la pension versée par l'État à ses fonctionnaires ou à ses ouvriers, par la CNRACL aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers, ou enfin par des organismes tels que la SNCF, la RATP, EDF à leurs agents sous statut, correspond globalement à une pension de 1er et de 2e niveau.

La situation de l'agent public non titulaire qui bénéficie, quant à lui, d'une pension de 1er niveau du régime général et d'une pension de 2e niveau versée par l'IRCANTEC constitue un cas particulier. À cette situation, il convient d'assimiler celle du fonctionnaire comptant moins de 15 ans de services publics lors de son départ en retraite, qui se trouve rétroactivement affilié au régime général et à l'IRCANTEC.

Tout agent public a également la possibilité, comme tout salarié de droit privé, de se constituer volontairement une retraite de 3e niveau " sur-complémentaire " par des cotisations de type facultatif et " privé ".

Dans ce dernier cas, la retraite " sur-complémentaire " est déterminée en fonction des cotisations que lui-même, ou son employeur le cas échéant, aura versées au cours de sa vie professionnelle : il s'agit ici, d'une forme d'assurance qui fonctionne par capitalisation des sommes versées au compte individuel de l'intéressé, mais qui n'entre pas dans le champ de cette étude.

Cette forme d'assurance diffère en effet du concept de solidarité entre les actifs et les retraités sur lequel sont bâtis depuis 1945 les principaux régimes de retraite qui fonctionnent sur la base d'un système de répartition et sont l'objet de ce chapitre.

Dans ces régimes, les pensions versées aux retraités actuels sont en effet financées par les cotisations des actifs. L'effritement du rapport entre les actifs et les pensionnés de demain, du fait notamment de l'évolution démographique, cristallise aujourd'hui les interrogations des futurs retraités et les efforts de consolidation des pouvoirs publics et des organismes de retraite concernés.

Dès lors, il devient possible d'établir une comparaison entre les principaux régimes publics et spéciaux de fonctionnaires, ces régimes étant globaux, et les régimes des agents non-titulaires ou les régimes privés des salariés comportant nécessairement deux niveaux.

Ne sont pas intégrés dans cette étude comparative de caractère très général, certaines catégories de régimes spéciaux régissant des personnels particuliers (Banque de France, Théâtres nationaux, Opéra, etc.) ni les régimes des non-salariés qui sont gérés par des caisses autonomes (professions libérales, industriels, commerçants, artisans et exploitants agricoles) ni les régimes des salariés agricoles qui sont alignés sur la plupart des règles du régime général d'assurance vieillesse.

I. CARACTÉRISTIQUES DES PRINCIPAUX RÉGIMES DE RETRAITE

Avant d'examiner les principales différences de droits entre les principaux régimes, il n'est pas sans intérêt d'examiner leurs points de convergence.

A. LES PRINCIPES COMMUNS

1. Le niveau moyen des retraites

Il dépend dans tous les cas de figure, de la durée de l'activité, elle-même déterminée par l'âge d'entrée dans la vie professionnelle. Pour les seuls salariés du secteur privé ou les agents non-titulaires du secteur public, les périodes de chômage sont assimilables, sous certaines conditions, à des périodes d'activité.

Le service des statistiques des études et des systèmes d'information (SESI) a mis en évidence une certaine parité des montants de retraite entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé. Parmi les retraités ayant exercé une carrière complète et bénéficiant, à ce titre, d'une retraite à taux plein, les agents publics de catégorie A (cadres) ont reçu en 1993, en moyenne, une pension mensuelle de l'ordre de 14 588 F. Pour les agents de catégorie B (niveau de recrutement baccalauréat), la moyenne était de 9 730 F. De leur côté, les salariés du secteur privé, cadres et non-cadres, ont reçu respectivement 14 972 F et 10 192 F.

La différence est plus sensible pour les agents publics de catégorie C (agents d'exécution) qui disposent d'une retraite plus élevée que celle des salariés du secteur privé de même niveau: 6 858 F contre 6 395 F.

2. Le mode de calcul des droits à retraite n'est pas uniforme, il repose essentiellement sur deux techniques

Il y a un mode dit de l'annuité : le montant de la retraite résulte d'un pourcentage du salaire d'activité par rapport au nombre d'années de services. Ce régime est celui retenu notamment par le régime général de la sécurité sociale et par les régimes dits spéciaux (État, collectivités territoriales, établissements publics).

Un second mode relève de la référence à un système de points acquis annuellement selon les rémunérations perçues. Les droits des affiliés sont représentés par des points acquis annuellement pendant leur carrière selon l'emploi exercé, qui s'additionneront jusqu'à leur départ à la retraite.

Le montant de la retraite est ensuite déterminé en multipliant le nombre de points acquis par la valeur du point au moment du calcul, valeur périodiquement revalorisée, ce qui permet le réajustement des pensions. Ce système de calcul se rencontre à l'IRCANTEC, assurant les agents publics non fonctionnaires ou ne justifiant pas d'au moins 15 ans de fonctions de titulaire, et à l'ARRCO et à l'AGIRC pour les retraites complémentaires des salariés du secteur privé.

B .LES SPÉCIFICITÉS

Les différences s'ordonnent autour de plusieurs axes.

1. La base de calcul des cotisations affectées à la retraite

Dans la plupart des régimes spéciaux, les cotisations pour la retraite sont prélevées sur la rémunération, par référence au seul traitement de base, pendant toute la durée d'activité. Les primes et indemnités complémentaires ne sont pas soumises à retenues et n'entrent pas dans le calcul de la retraite.

À la différence, le régime général de la sécurité sociale et les régimes complémentaires obligatoires , pour calculer le montant des cotisations et de la retraite, prennent en compte la totalité des rémunérations perçues dans la limite d'un plafond fixé bi-annuellement. Ainsi, pour l'année 1995, le plafond de référence a été fixé à 12 930 F par mois le 1er janvier 1995, et à 13 060 F par mois à partir du 1er juillet 1995.

Certes, pour des salaires plus élevés, cette limitation pourrait paraître pénalisante. Toutefois, des compensations sont prévues par certains régimes complémentaires, qui ouvrent plus largement le montant de leur couverture.

2. Les modalités de calcul du montant de la retraite

Pour les agents publics titulaires, le montant de la pension dépend du traitement de base et du pourcentage applicable correspondant au nombre d'années de service.

Le traitement de base est celui du grade et de l'échelon atteints depuis au moins six mois avant la cessation des services valables pour la retraite.

Aux annuités de services s'ajoutent dans certains cas des bonifications augmentant le nombre d'annuités : services effectués hors du territoire métropolitain, annuités supplémentaires accordées aux mères de famille fonctionnaires. La pension maximale qui est, rappelons-le, globale, oscille ainsi généralement entre 75 % et 80 % du traitement de base.

Le montant de la pension peut enfin s'augmenter de majorations. Ainsi en est-il des majorations pour enfants. L'article L 18 du code des pensions civiles et militaires accorde aux fonctionnaires une majoration de 10 % pour avoir élevé trois enfants pendant au moins neuf ans, 5 % par enfant au-delà du troisième. Le montant de la pension majorée ne peut excéder toutefois le montant des émoluments de base servant de référence au calcul de la pension.

Lorsque l'agent n'a pas accompli une carrière complète, le taux est proportionnel au nombre d'années de services effectifs (augmenté, le cas échéant, des bonifications mentionnées ci-dessus). Enfin rappelons que le droit à pension de l'État n'est acquis au fonctionnaire que lorsqu'il a accompli 15 ans de services civils et militaires effectifs avant la limite d'âge. Un fonctionnaire ne réunissant pas ce nombre minimal d'annuités, se voit rétroactivement réaffilié au régime général de la sécurité sociale, et à l'IRCANTEC pour sa retraite complémentaire.

Pour les salariés du secteur privé, le dispositif est plus complexe. Le calcul de la pension repose sur trois éléments :

a. Le calcul du salaire annuel moyen résulte de la prise en compte de celui des meilleures années d'activité après application d'un coefficient de revalorisation de ces salaires. Depuis la réforme du régime général des pensions, intervenue en 1994, le nombre d'années pris en compte pour ce calcul passe progressivement de 10 à 25 ans, (une année supplémentaire par an jusqu'au 1er janvier 2008). Le montant de la pension sera calculé par application de pourcentages sur la base de ce salaire moyen.

b. Le montant de la pension dépend ensuite de la durée d'assurance, c'est-à-dire du nombre de trimestres d'activité cotisés ou correspondant à des périodes assimilées à des périodes de cotisations (congés de maladie, de maternité, période de chômage...) ou encore rachetés (appartenance à un autre régime, activités à l'étranger). À la durée de services ainsi prise en compte peuvent s'ajouter des bonifications pour enfant : 2 ans par enfant pour les mères de famille.

c. Le montant de la pension est lié au nombre de trimestres reconnus constituer la durée d'activité du salarié. Ainsi, pour avoir droit à une pension dite au taux plein (c'est-à-dire à l'application du taux de 50 % sur le salaire de référence du salarié concerné), il fallait jusqu'en 1993, totaliser 150 trimestres. En application de la réforme du régime général des pensions, cette exigence est majorée d'un trimestre par an, et devra atteindre 160 trimestres en 2003. Le salarié totalisant un nombre inférieur de trimestres se verra appliquer un taux dégressif.

En outre, un salarié justifiant d'une durée complète d'activité ne peut percevoir une retraite supérieure à la moitié du salaire plafond de la sécurité sociale tel que défini plus haut. Il faut signaler que le taux plafond fixé par la sécurité sociale au 1er janvier et au 1er juillet de l'année sert aussi au calcul des cotisations pour la retraite.

Le montant de la retraite peut cependant être supérieur, par exemple si le retraité bénéficie d'une majoration pour enfants - soit 10 % pour avoir élevé au moins 3 enfants - ou pour conjoint à charge.

Avec l'apport des régimes obligatoires de 2e niveau qui permettent d'élargir la base de salaire soumise à cotisation au-delà du plafond pour se constituer de nouveaux droits à retraite, les salariés non cadres obtiennent un taux de remplacement de 70 % par rapport à leur dernier salaire d'activité et les cadres un taux de 60 % environ. Il est prévisible que ces taux subiront l'effet des mesures de réforme prises récemment.

3. Les droits à pension dite de réversion du conjoint survivant et des enfants orphelins au décès du retraité

Les taux de la pension de réversion présentent à première vue des écarts sensibles entre les régimes.

Le conjoint survivant d'un salarié du secteur privé a droit à 54 % de l'avantage servi par le régime général à l'époux décédé. Il perçoit par ailleurs 60 % de la retraite complémentaire servie par les régimes ARRCO ou AGIRC.

En ce qui concerne la veuve d'un agent public fonctionnaire, les droits à pension de réversion représentent 50 % de la pension servie par l'État ou la CNRACL.

Toutefois, dans le cas où l'agent public relevait du régime général et de l'IRCANTEC (agent non titulaire ou fonctionnaire comptant moins de 15 ans d'activité) l'épouse percevra une pension du régime général égale à 54 % et une pension complémentaire de l'IRCANTEC égale à 50 % des droits acquis par l'époux décédé.

L'avantage apparent pour le conjoint survivant d'un salarié du secteur privé mérite d'être nuancé. En effet, des conditions restrictives sont exigées pour être bénéficiaire d'une pension de réversion du régime général :

- avoir 55 ans;

- justifier d'au moins 2 années de mariage avant le décès du retraité, sauf si un enfant en est issu;

- ne pas dépasser un plafond de ressources personnelles telles que celles résultant d'avantages personnels de vieillesse et d'invalidité.

Les orphelins âgés de moins de 21 ans ou infirmes majeurs d'un parent salarié attributaire du régime général ne peuvent prétendre à aucune prestation. À la différence, les régimes spéciaux s'avèrent pour ces deux catégories de bénéficiaires beaucoup plus favorables.

4. L'âge d'entrée en jouissance de la retraite

En France, la grande majorité des salariés du secteur privé et des agents publics non visés par des dispositions particulières, peut bénéficier d'une retraite à 60 ans, la limite d'âge supérieure étant le plus souvent fixée à 65 ans. Mais la spécificité des régimes et l'existence de dispositions prévoyant des modalités de départ et de jouissance anticipées permettent de constater des distorsions assez nettes.

Ainsi, entre 50 et 55 ans, certaines catégories très limitées de personnels ayant exercé des activités particulièrement pénibles, insalubres ou dangereuses au service de l'État ou d'autres collectivités publiques peuvent obtenir le bénéfice d'une retraite anticipée. Peuvent également y prétendre, après 15 ans de services dans la fonction publique, dans certains organismes para-publics comme, par exemple, EDF-GDF, les femmes agents titulaires, mères d'au moins 3 enfants. Il faut noter cependant qu'à l'intérieur de ces catégories, la disparité s'accroît avec une durée de services exigée pouvant varier de 15 ans à 37 ans et demi d'activités spécifiques reconnues (personnel roulant et d'entretien de la SNCF et de la RATP ayant 50 ans et 25 ans de services; 52 ans et demi pour les marins de la marine marchande ayant 37 ans et demi de services...).

Néanmoins, pour atténuer cette apparente disproportion, essentiellement favorable aux affiliés de certains régimes spéciaux, il faut remarquer que le départ à la retraite dès l'âge minimum de 60 ans est ouvert à tous. Considéré par les salariés du secteur privé comme un acquis social, il reste facultatif.

La limite maximale de départ obligatoire pour le salarié du secteur privé est fixée à 65 ans. Cette limite d'âge est également en usage dans la fonction publique d'une manière générale.

Avant de proposer une réflexion pour déterminer les situations appelant plus d'égalité de traitement entre les salariés publics et privés, il semble opportun de tenter de mieux situer les régimes de retraite français dans un panorama élargi aux régimes de retraite des pays de l'Union européenne.

Dans ce cadre, malgré l'hétérogénéité des systèmes légaux de retraite, plusieurs caractéristiques méritent d'être rappelées. Parmi les dénominateurs communs, signalons :

- le financement partagé entre employeurs et salariés sur la base du montant des revenus professionnels;

- le mode de calcul des pensions à partir d'un salaire de référence et de la prise en compte d'un taux de pondération et d'une durée d'assurance.

Les disparités apparaissent avec :

- les âges minimaux de départ à la retraite. À titre comparatif, ils sont plus élevés en Europe dans la plupart des autres États membres que ceux pratiqués en France. Le départ à la retraite des ressortissants des États membres de l'Union européenne s'établit en effet entre 60 et 65 ans, voire même au-delà, pour les hommes comme pour les femmes. L'échelonnement des âges de départ est plus ouvert en France;

- les modalités de réversion qui diffèrent entre hommes et femmes.

Il est à remarquer également que dans l'Union européenne, la différenciation s'élargit au niveau du maintien du pouvoir d'achat des retraités. La revalorisation des pensions ne revêt pas, en effet, de caractère systématique : elle peut ne pas comporter d'index de référence comme en Irlande et au Portugal, et être aléatoire; elle peut être gelée comme en Allemagne ou même, fixée à la baisse, comme aux Pays-Bas ou enfin, différenciée selon les ressources propres des ressortissants, comme en Italie.

La France fait, à cet égard, figure d'exception puisque le régime général et les régimes spéciaux évoluent à la hausse à partir de la référence à l'indice spécifique à chaque régime, mais s'efforcent de s'aligner sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation. Les autres critères retenus, référence à la valeur du point (point fonction publique ou point spécifique RATP ou EDF), qui sont des valeurs de référence officielles permettant de calculer toutes les rémunérations publiques exprimées en certain nombre de points, tendent à converger vers ce taux de progression commun.

II. POUR PLUS D'ÉQUITÉ ENTRE LES DIFFÉRENTES SITUATIONS DE RETRAITÉS

Au regard de ce qui précède et des dossiers soumis à l'examen du Médiateur de la République, deux idées directrices paraissent mériter d'être retenues :

- ouvrir, dans certains cas, la possibilité de réaliser une carrière plus complète par l'allongement de la durée d'activité au-delà de la limite supérieure d'âge de la catégorie concernée;

- rechercher un traitement plus homogène et plus équitable entre les différentes situations de retraités.

A. DURÉE D'ACTIVITÉ ET LIMITE D'ÂGE

Le droit du travailleur de prendre sa retraite à partir de 60 ans est un principe social établi, que cette étude ne propose évidemment pas de remettre en cause. C'est sur un tout autre plan qu'il convient de se placer pour apprécier la proposition de repousser l'effet que représente la survenance de la limite supérieure d'âge dans le déroulement d'une carrière.

En première analyse, les tableaux annexés font le constat de l'existence d'un large éventail des âges d'ouverture des droits à retraite des différents régimes présentés dans cette étude.

Dans ce domaine, de nombreux dossiers révèlent le cas de retraités qui, en atteignant la limite d'âge de leur emploi, sont dans l'impossibilité de percevoir une retraite de l'État, faute de réunir le minimum exigé de 15 ans de services publics.

C'est ainsi que certaines mères de famille en faveur desquelles la réglementation a repoussé les limites d'âge des concours de recrutement, se sont trouvées confrontées à la perte de tout droit à une pension d'État, en fin de carrière, car elles ne réunissaient pas le nombre d'annuités minimum requis.

La réglementation étant impérative, la non-reconnaissance du droit à pension de l'État leur est ainsi opposée, même si elles réunissent 14 ans, 11 mois mais moins de 30 jours, pour remplir la condition exigée de 15 ans.

La règle étant très stricte, toute intervention au plan individuel se heurte au principe de l'égalité de traitement de tous les agents placés en situation identique, et partant, à un rejet.

Certes, les intéressées se trouvent réaffiliées rétroactivement au régime général et à l'IRCANTEC pour la part complémentaire de leur retraite.

Pourtant cette disposition réglementaire n'est pas sans créer des situations parfois dramatiques en raison de la non-concordance des âges à partir desquels le droit à pension se trouve ouvert selon les statuts auxquels appartiennent les agents.

Réclamation no 95-0445 transmise par M. LESEIN, sénateur de l'Aisne.

Mme F..., gardien de la paix, mère d'un enfant handicapé décédé à 30 ans, est entrée tardivement dans la fonction publique. À 55 ans, touchée par la limite d'âge de son grade, elle est contrainte à prendre sa retraite en sa qualité de fonctionnaire.

Ne réunissant que 14 ans et 8 mois de services et ne justifiant d'aucune possibilité légale de prolongation d'activité (pas d'enfant à charge), elle est alors obligatoirement affiliée au régime général de la sécurité sociale pour la liquidation de sa pension.

Or, le régime général ne peut reconnaître comme âge d'ouverture que l'âge minimum de 60 ans. Il lui faut donc attendre pendant cinq ans.

Désormais sans emploi, ne pouvant prétendre à une indemnisation de chômage, ni à une pension de retraite, Mme F... fait alors appel au Médiateur de la République pour qu'une solution soit trouvée à sa situation. Le recrutement temporaire par l'administration de tels agents sur un emploi de contractuel - qui est dans l'état actuel de la réglementation la seule voie de solution possible - ne trouve malheureusement pas de possibilité de réalisation, faute d'emplois disponibles.

À l'inverse de cette situation, des cas portés à la connaissance du Médiateur révèlent que les nécessités de service peuvent contraindre un agent à continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à une date butoir (qui peut être l'année scolaire, civile, judiciaire, etc.), et ceci, malgré la survenance de sa limite d'âge. Le temps du maintien en fonction pendant lequel le traitement de l'agent subit les retenues de cotisations courantes n'est pas pris en compte dans le calcul de sa retraite, et ne peut lui ouvrir droit à des avantages liés à la position d'activité dans laquelle il se trouve néanmoins.

Réclamation no 94-0026 transmise par M. Pierre MAUROY, sénateur du Nord, ancien Premier ministre.

Mme B..., ancien président de chambre de cour d'appel, a atteint la limite d'âge de son grade le 22 décembre 1992. Par nécessité de service, elle a été maintenue en fonction jusqu'au 30 juin 1993, et n'a donc perçu sa pension qu'à compter de cette date.

Ayant formulé le 4 février 1993 une demande de validation de services auxiliaires pour leur prise en compte dans la durée globale de sa carrière, elle s'est vu opposer un refus au motif que sa demande intervenait après sa radiation des cadres pour limite d'âge, le 22 décembre 1992, les services accomplis au-delà de cette date ne pouvant pas non plus lui servir dans le calcul de sa pension.

Les démarches au soutien de l'intéressée se sont heurtées à l'opposition de l'administration, qui s'en tient aux impératifs des dates fixées pour la demande de validation des services à accomplir.

Parallèlement, ne pourrait-on pas reprocher à l'administration de ne pas avoir, en temps utile, signalé à l'intéressée ses droits et les démarches qui lui incombaient et, par ailleurs, ne pourrait-on pas s'interroger sur le bien-fondé du refus opposé, alors que le maintien en service n'avait pas touché à son terme ?

Réclamation no 94-1409 transmise par M. Claude DEMASSIEUX, député du Pas-de-Calais.

M. M..., ancien trésorier principal, a atteint la limite d'âge de son grade le 28 juin 1990. Il avait bénéficié, 5 mois et 28 jours plus tôt, d'une promotion et d'un classement à un indice supérieur. Par nécessité de service, il a été maintenu en fonction jusqu'au 30 juin 1990. S'ils avaient été pris en compte dans son ancienneté, ces deux jours d'activité supplémentaires lui auraient permis de bénéficier d'une pension calculée sur ce dernier indice. En effet, selon les dispositions de l'article L 15 du code des pensions de l'État, la pension est calculée par référence au dernier indice détenu depuis au moins 6 mois.

Se heurtant, pour les raisons invoquées plus haut, au même refus que Mme B..., M. M... a ainsi perdu le bénéfice de sa dernière promotion dans le calcul de sa retraite.

Pour l'administration, la date de la rupture du lien de fonctionnaire de M. M... avec le service est celle du 28 juin 1990, quel que soit le jour de la cessation en droit de ses fonctions; tandis que le maintien temporaire en fonctions de l'intéressé " relève de l'intérêt du service ".

On est alors tenté de se demander en vertu de quels pouvoirs M. M..., légalement radié des cadres, a pu assumer le fonctionnement du " service public "?

Réclamation no 94-1307 transmise par M. Henri CORSANT, délégué départemental du Médiateur dans la Loire.

Mme R..., ancien attaché d'administration scolaire et universitaire, a atteint sa limite d'âge le 20 avril 1993. Par nécessité de service, elle a été maintenue en fonction jusqu'au 31 août 1993.

Mme R... n'a pu obtenir la prise en compte de sa prolongation d'activité, dans le calcul de sa pension. Elle n'a pu non plus obtenir le reversement des cotisations retraite prélevées durant la période litigieuse au motif qu'il ne peut exister, dans un système de retraite fonctionnant sur la base de la répartition des cotisations des actifs au bénéfice des retraités, de corrélation entre le versement des retenues de cotisations retraite et le temps pris en compte dans le droit à pension du cotisant.

De telles situations suscitent, à des degrés divers, un sentiment d'injustice, et dans le cas de Mme F... cité plus haut de réels problèmes humains, qui méritent un réexamen de la réglementation.

On peut remarquer que la prolongation possible d'activité ne va pas à l'encontre de la sauvegarde du système de la répartition qui serait consolidé par un apport supplémentaire de recettes généré par l'allongement de la durée de versement des cotisations. Une mesure de cet ordre permettrait le règlement de situations difficiles et le maintien du pouvoir d'achat des retraités concernés par un allongement de carrière.

B. UN TRAITEMENT PLUS HOMOGÈNE DES RETRAITÉS ET DE LEURS AYANTS DROIT

Faire converger dans la même direction, sans pour autant rechercher une identité entre des régimes de retraite hétérogènes, constitue un préalable à un traitement plus équitable des futurs retraités.

1. Au profit des retraités eux-mêmes

a. Certaines dérogations à la limite d'âge supérieure existent déjà. Leurs durées sont liées à des situations définies par des textes réglementaires, soit du fait de l'appartenance à certains corps, catégories ou emplois supérieurs, soit en raison de la permanence de charges familiales, etc.

Il en est ainsi pour les élus locaux dont les pensions, au titre de leur mandat, sont servies par l'IRCANTEC, et, pour le secteur privé, pour l'ensemble des salariés du régime général qui cotisent aux régimes complémentaires obligatoires (2e niveau).

La levée du caractère impératif des limites d'âge maximales ne se heurterait donc pas à une impossibilité technique et serait de nature à favoriser une plus grande égalité de traitement entre les différentes catégories d'agents.

b. D'autres conséquences, allant dans le même sens, pourraient résulter de mesures d'harmonisation relatives à certains avantages accessoires de retraite, tels que les bonifications et les majorations pour enfant.

- Selon une enquête des services statistiques du ministère de la solidarité entre les générations, la moitié des retraités, tous régimes confondus, ayant une carrière complète, bénéficient, en plus de la retraite principale pour leurs services, d'autres avantages ayant une incidence financière. Le plus répandu est la bonification d'annuité pour enfants, qu'il faut distinguer de la majoration de pension attribuée aux parents ayant élevé au moins trois enfants.

La femme salariée du secteur privé se voit attribuer à ce titre 2 annuités supplémentaires par enfant; la femme fonctionnaire dans le même cas se voit attribuer une bonification d'une année pour chacun de ses enfants.

En envisageant la possibilité d'attribuer 2 annuités par enfant au secteur public, les régimes seraient unifiés de manière plus équitable.

- La plupart des régimes prévoient une majoration du montant de la pension pour les parents ayant eu au moins trois enfants. Les conditions de l'octroi d'une telle majoration de pension à partir du 3e enfant apparaissent pénalisantes à l'égard des parents adoptifs qui demeurent dans une situation différente de celle des parents biologiques. Ainsi, pour le fonctionnaire, l'attribution de la majoration est soumise à une condition de durée d'éducation de 9 ans, que l'enfant ait, ou non, un lien biologique avec les parents.

Cette modalité génère une iniquité marquée et pénalise les parents adoptifs. Ainsi les adoptants d'enfants âgés de plus de 7 ans sont privés d'une possibilité de majoration de leur pension du fait du maintien de cette condition minimale d'éducation. Ils sont donc moins bien traités que les familles naturelles qui ont pu élever leurs enfants depuis la naissance, alors que la famille adoptive se substitue, en tout point, à la famille biologique.

Sous la pression de la jurisprudence statuant en faveur de la prise en compte des enfants mort-nés pour l'attribution de cet avantage de retraite, le régime général semble avoir, pour sa part, infléchi sa réglementation pour les seules familles biologiques en n'exigeant pas la durée minimale d'éducation.

Pour le régime des fonctionnaires, le Médiateur a formulé une proposition de réforme (AGP 94-03) qui préconise la levée de cette durée minimale d'éducation; cette proposition n'a pas eu, à ce jour, de suite favorable.

Pourtant, une telle proposition serait de nature à conforter l'égalité de la famille adoptive par rapport à la famille biologique et à élargir les possibilités d'adoption d'enfants plus âgés, placés, sur ce point, en situation moins favorable que les très jeunes qui focalisent la plupart des demandes.

c. Des mesures facilitant la mobilité au sein de l'Union européenne.

Depuis plusieurs années, la situation des fonctionnaires français devenus fonctionnaires européens et les difficultés rencontrées par les intéressés, pour obtenir le transfert de leurs droits avaient été signalées au Médiateur de la République.

- Sur l'un des aspects de ce problème, je me félicite qu'à la suite d'une proposition de réforme formulée par mon prédécesseur Paul LEGATTE et suivie de longues négociations, les intéressés soient désormais autorisés à obtenir le transfert des droits à pension qu'ils ont acquis auprès des différents régimes nationaux à la caisse de retraite des communautés européennes;

- Sur le plan du régime général, la survenance inévitable de problèmes liés aux migrations des salariés au sein de l'Union européenne mérite une attention toute particulière en vue d'une harmonisation.

2. Au profit de l'entourage du retraité décédé

La recherche d'une plus juste égalité conduit à relever, par ordre de priorité, l'existence de trois situations discriminatoires dont les deux premières sont des plus sensibles :

- Au premier plan, il faut souligner la situation des orphelins de moins de 21 ans ou à charge et des orphelins infirmes majeurs dont le sort varie selon le régime d'appartenance du parent décédé, et mérite un réexamen en fonction des possibilités de chaque régime.

Les régimes spéciaux accordent dans leur ensemble une pension de réversion qui constitue une prolongation du soutien familial.

Une telle mesure n'est pas assurée par le régime général, qui n'accorde aucune prestation.

- Au deuxième plan vient le cas du veuf d'une femme, salariée d'une entreprise privée ou fonctionnaire. La situation conduisant à réversion d'une pension est, pour l'essentiel, un phénomène typiquement féminin, qui ne concerne environ que 3 % des hommes. Le régime général reconnaît au conjoint survivant, veuf ou veuve, le même droit à réversion, dans les mêmes conditions, qui sont restrictives si le bénéficiaire exerce lui-même une activité professionnelle.

Les régimes spéciaux attribuent, sous certaines conditions, un avantage de réversion au veuf égal à 50 % de la pension à laquelle peut prétendre son épouse. Ces conditions sont si limitatives (âge, plafonnement du montant de la pension) que l'égalité de traitement avec la veuve d'un conjoint fonctionnaire est rompue.

Dans tous les cas, le plafonnement lié à la référence aux ressources personnelles, aboutit, le plus souvent, à exclure le veuf d'un droit théoriquement reconnu.

Réclamation no 94-1740, transmise par M. Daniel ARATA, député de l'Aude.

M. B..., veuf d'une femme fonctionnaire, ayant encore à charge des enfants majeurs poursuivant leurs études et ne bénéficiant plus, pour leur part, de la réversion d'une pension temporaire d'orphelin, a sollicité une pension de réversion.

Sa demande a été rejetée, au motif qu'il ne remplissait pas les conditions requises.

Estimant ce rejet non conforme au principe de l'égalité de traitement hommes-femmes, à l'évolution de la société et aux directives européennes, il a souhaité l'intervention du Médiateur de la République.

En réponse, ont été opposés :

- des arguments strictement juridiques et de circonstance : les régimes spéciaux de retraite ne seraient pas visés, en l'état actuel des travaux conduits par l'application du droit communautaire européen, par les directives préconisant l'égalité entre hommes et femmes;

- des arguments budgétaires : les contraintes qui pèsent sur le budget de l'État et les difficultés de financement des régimes de retraite font obstacle à une évolution en ce domaine.

Réclamation no 95-0811, transmise par M. Raymond BARRE, député du Rhône, ancien Premier ministre.

M. T..., veuf d'une femme fonctionnaire, a sollicité lors du décès de son épouse en 1969, le bénéfice d'une pension de réversion en raison de son état de santé et de ses faibles ressources. Il lui a été opposé un refus, au motif que les dispositions réglementaires de l'époque ne prévoyaient pas cette possibilité.

Remplissant les conditions limitatives et donc exceptionnelles fixées par la loi de finances rectificative no 73-1128 du 21 décembre 1973 qui a modifié l'article L 42 du code des pensions civiles et militaires, il formule à nouveau sa requête.

Il lui est alors opposé, sans dérogation possible, le caractère non rétroactif de ce texte, le décès de son épouse étant en effet antérieur à l'année 1973.

Quelque justification que l'on puisse admettre de ces explications, le fait existe que dans des situations de l'espèce, de gros risques menacent la vie
des enfants encore à charge. Il serait opportun qu'une étude d'ensemble soit envisagée dans l'optique de mesures plus conformes à l'évolution de notre société.

Les requérants font valoir divers arguments qu'il me paraît utile de souligner.

Les retenues pour pensions sont effectuées de manière identique sur les traitements des hommes ou des femmes fonctionnaires. Les uns et les autres participent de la même manière au financement du régime de retraite par répartition et sont en droit d'attendre un traitement identique pour eux-mêmes et pour leurs ayants droit. Il y a donc, sur ce point, une rupture d'égalité de traitement et une iniquité.

De par les revenus de leur profession, les femmes participent, au même titre que leur mari, à l'entretien économique de la famille; mais si les retenues sur salaire sont les mêmes pour tous, les bénéfices de la retraite sont différents.

À la disparition de son époux, la veuve a ainsi la garantie d'une ressource lui permettant de maintenir à un niveau moyen les arrangements matériels du ménage. Tel n'est pas le cas pour le veuf alors même que ce besoin est identique, quel que soit le conjoint survivant.

Enfin, les données démographiques font apparaître le caractère relativement marginal des situations de réversion en faveur du veuf (environ 3 %).

L'ensemble de ces éléments et le caractère nettement discriminatoire de la réglementation actuelle rendent opportune la mise en úuvre d'une étude d'ensemble dans l'optique de mesures plus conformes à l'évolution de notre société.

- Au troisième plan, il convient de souligner la situation du conjoint divorcé et non remarié. Au regard du droit à pension de réversion à l'intérieur de chaque régime, ses droits sont en principe similaires à ceux du conjoint, et sont concurrents.

Cette apparente uniformité ne va pas sans différences sensibles pour une même situation, selon qu'elle relève de tel ou tel régime.

Ainsi la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 efface les effets négatifs d'un divorce-sanction sur les droits à pension et permet aux ex-conjoints non remariés, quels que soient les caractères du divorce (aux torts exclusifs ou aux torts réciproques), de bénéficier d'une part ou de la totalité de la pension de réversion de l'époux décédé, selon les dispositions de son régime d'affiliation. Le cas échéant, le partage d'une pension de réversion entre conjoints et ex-conjoints se fait en proportion de la durée de l'union.

Ce même texte n'a cependant pas remis en cause la spécificité des différents régimes ni la date d'appréciation de l'ouverture du droit à pension selon les régimes. De ce fait une même situation trouve, selon le régime d'appartenance de l'assuré, des solutions différentes qui sont contestées par certains requérants estimant être lésés par ces disparités. Ainsi peut-on relever que pour le régime SNCF, les droits à pension sont fixés au moment du décès du conjoint ou de l'ex-conjoint tandis que pour le régime général, ces droits sont appréciés au moment de la demande.

Réclamation no 92-4685, transmise par M. Pierre VALLON, ancien sénateur du Rhône.

Mme M..., divorcée à ses torts exclusifs de M. M... qui décède en 1972, sollicite en 1989 le bénéfice d'une pension de réversion sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978.

Il lui est fait connaître que si la loi précitée a bien effacé, en ce qui la concerne, la restriction de son droit à pension, liée au divorce à ses torts exclusifs, les dispositions constantes de l'article 19 du règlement de la SNCF, non modifiées par la loi, disposent que le droit à pension s'apprécie au moment du décès, quelle que puisse être, par la suite, la situation des éventuels bénéficiaires.

En conséquence, la loi n'ayant pas d'effet rétroactif, le droit à pension de réversion de Mme M... est éteint depuis 1972, date du décès de son ex-époux, et date à laquelle elle se trouvait divorcée à ses torts exclusifs et soumise à l'ancienne réglementation.

Mme M... faisait valoir, après consultation de la caisse de sécurité sociale, qu'elle aurait pu bénéficier d'une pension si son époux avait relevé du régime général, régime qui apprécie les possibilités d'ouverture du droit à pension au jour de la demande.

L'intervention du Médiateur n'a pu être suivie d'une décision favorable, le principe de non-rétroactivité des lois faisant obstacle à toute dérogation.

Il arrive que la conjonction du caractère plus favorable d'une loi, et de ses effets non rétroactifs aboutisse à créer des situations inéquitables - bien que juridiquement fondées - et bouleverse des situations considérées comme acquises.

Réclamation no 95-0174, transmise par M. Bernard LECCIA, député des Bouches-du-Rhône.

Mme P... est la veuve d'un ancien employé de la SNCF décédé en 1974. Depuis cette date, l'intéressée bénéficie d'une pension de réversion à taux plein.

Vingt ans plus tard, la situation de Mme P... est brusquement modifiée de manière considérable. Mme P... apprend en effet que l'ex-épouse de M. P..., qui avait obtenu le divorce à son profit, se trouvant brutalement privée de ressources à la mort de son concubin en 1993, avait demandé à bénéficier de la pension de réversion de M. P... à laquelle elle pouvait prétendre.

La pension de réversion se trouve alors partagée pour moitié entre la veuve et l'ex-épouse conformément à la réglementation applicable au moment du décès de M. P...

Mme P... évoque alors la loi précitée de 1978 qui a institué un partage au prorata de la durée de l'union et en demande l'application car elle lui aurait été plus favorable (27 ans pour sa part et 12 ans pour la première union).

Elle se heurte au même refus, la loi n'ayant pas d'effet rétroactif.

A la limite, se situe le cas du conjoint divorcé et remarié ou vivant en concubinage, pour la variété des règles qui lui sont appliquées. Le remariage de l'ex-conjoint donne lieu, dans les régimes spéciaux, à diverses solutions allant de la suspension provisoire de la pension jusqu'à la dissolution du nouveau mariage, à la perte totale ou au maintien d'un droit fixe; pour sa part, le régime général suspend le service de la pension de réversion et attribue un capital.

Réclamation no 92-0133, transmise par M. Nicolas SARKOZY, député des Hauts-de-Seine, ancien ministre.

Mme L... a divorcé en 1973 de M. L..., agent de la RATP. Celui-ci décède en 1990 et l'intéressée sollicite une pension de réversion. Mme L..., non remariée, vivait en concubinage à cette date.

Il est opposé à sa demande et à l'intervention du Médiateur, les dispositions de l'article 41 du règlement des retraites qui établit des règles différentes selon que le remariage ou la vie en concubinage interviennent avant ou après le décès de l'ex-époux.

Dans le premier cas, en effet, il y a perte totale des droits à pension, quelle que soit la situation de l'intéressée au moment de la demande.

On peut tirer argument du caractère subsidiaire, au regard des droits du conjoint et des orphelins, du droit de l'ex-conjoint remarié au maintien au-delà du divorce d'un devoir d'assistance. Néanmoins, dans la mesure où ce droit est reconnu largement, il serait opportun d'envisager une harmonisation afin de gommer les disparités les plus marquantes.

Enfin, à titre indicatif, nombre de retraités aux revenus modestes font valoir les difficultés qu'ils rencontrent en raison des dates de versement de leur pension, prévu dans de nombreux régimes pour intervenir entre le 10 et le 15 du mois. L'usage de fixer par ailleurs, les échéances en début de mois (loyer, prélèvements) les place en difficulté pour gérer leurs budgets. Bien que l'organisation générale des services n'entre pas directement dans le cadre de la compétence du Médiateur de la République, il paraît souhaitable de souligner ces difficultés qui pourraient trouver une solution favorable.

Les nombreux rapports, ouvrages et études consacrés à ces questions depuis plus de 10 ans font ressortir la difficulté de la question relative au devenir des retraites pour les actifs d'aujourd'hui dont le départ à la retraite interviendra à partir des années 2010 - 2015 et au-delà.

Aujourd'hui, chaque régime présente des spécificités qui, même si elles font apparaître des différences ponctuelles entre l'ensemble des régimes, doivent ainsi être relativisées.

Néanmoins il apparaît possible au Médiateur, pour ce qui le concerne, d'intervenir ponctuellement pour corriger des dysfonctionnements et pour proposer des réformes ayant pour but d'améliorer l'équité entre les différents retraités.


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