LE MÉDIATEUR EUROPÉEN ET LES OMBUDSMÄN DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE



À la suite d'une proposition espagnole en 1991, le principe de l'instauration d'un Médiateur au niveau européen fut retenu, dans l'intention de renforcer la protection des droits politiques, civils et sociaux des citoyens, face aux Institutions européennes.

Cette innovation consacrée par le Traité de Maastricht sur l'Union Européenne dans son article 138 E est également l'expression d'une volonté politique visant à réduire l'image bureaucratique ou encore technocratique, si souvent décriée par les citoyens à l'encontre de l'administration européenne.

Le Médiateur européen est élu par le Parlement européen pour une durée de cinq ans renouvelable. Il doit être citoyen de l'Union. Il agit en toute indépendance. Pendant son mandat, il ne peut exercer une activité professionnelle ni un mandat politique. Ses droits, ses privilèges et ses rémunérations sont assimilés à ceux des Juges de la Cour de justice des Communautés européennes.

Avec mes collègues européens, j'ai participé depuis deux ans aux discussions relatives à l'élaboration du statut de ce nouvel " instrument " communautaire.

Adoptés en mars 1994, les statuts de l'Institution portent la marque de notre expérience commune et expriment le souci des parlementaires de Strasbourg de créer un Ombudsman réellement indépendant, capable d'intercéder entre les citoyens et l'administration communautaire.

Le Médiateur européen étant, à l'image de l'exemple français, une Institution personnalisée, je forme des vúux pour que son premier titulaire puisse installer rapidement son organisation et lui donner la juste et nécessaire place qu'elle doit prendre dans le concert des institutions européennes. Je l'assure de mon soutien et de ma volonté de l'aider dans sa tâche délicate.

C'est pourquoi j'ai cru souhaitable de marquer, cette année, l'intérêt que porte mon institution à la naissance du Médiateur européen en lui consacrant une étude dans mon Rapport au Président de la République et au Parlement.

J'ai également pensé que ce pouvait être l'occasion de rappeler les principes inhérents à l'organisation et aux compétences des Médiateurs nationaux existant au sein de la Communauté, ainsi que de l'Ombudsman suédois, qui reste la référence historique.


I.LE MÉDIATEUR EUROPÉEN

Institué par le Traité sur l'Union européenne, entré en vigueur en novembre 1993, le Médiateur européen a été présenté comme l'une des principales innovations visant à rapprocher les institutions européennes des citoyens.

Les textes

C'est l'article 138 E du Traité de Maastricht qui introduit un Médiateur sur le modèle de l'Ombudsman parlementaire.

L'article constitutif de l'Institution étant imprécis, le statut du Médiateur a dû être renforcé par un texte adopté par le Parlement européen le 9 mars 1994.

Il est le fruit de l'imbrication des principales caractéristiques des deux modèles auxquels on peut rattacher les Ombudsmän européens.

Les débats furent difficiles et les Médiateurs nationaux furent notamment consultés, pour aboutir à un Médiateur européen disposant, au moins dans les textes, d'une indépendance réelle, de compétences certaines et de moyens importants.

Le Médiateur européen est en effet défini comme un des garants de la démocratie européenne, mais aussi comme son promoteur.

Nomination

Le Médiateur européen est élu par le Parlement européen, après chaque élection et pour la durée de la législature (5 ans).

Son mandat est renouvelable. Il est quasiment irrévocable sauf en cas de faute grave constatée par la Cour de Justice européenne et confirmée par le Parlement.

Le Médiateur doit être un citoyen de l'Union et disposer de l'expérience requise résultant d'un compromis entre des connaissances juridiques et une autorité morale.

Il agit en toute indépendance et ne peut exercer pendant la durée de son mandat aucune activité professionnelle. Par ailleurs tout mandat politique est incompatible avec cette fonction.

Il est assimilé, en ce qui concerne ses droits, privilèges et rémunérations, à un Juge de la Cour de Justice des Communautés.

Compétence

Il instruit les plaintes relatives aux cas de mauvaise administration concernant l'action des institutions ou organismes communautaires, à l'exclusion de la Cour de Justice.

Il n'est compétent pour les litiges opposant la Communauté à ses agents, que si les possibilités de réclamations administratives internes ont été utilisées par les intéressés.

Saisine

Tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un état membre de l'Union peut saisir le Médiateur directement ou par le biais d'un membre du Parlement européen.

Moyens

Son budget est annexé à celui du Parlement européen. À titre prévisionnel il a été fixé pour 1994 à 3 millions d'Écus.

Le siège du Médiateur est celui du Parlement européen. Compte tenu des débats sur ce sujet, on peut penser que si le principal établissement du Médiateur se situe à Strasbourg, une antenne sera probablement installée à Bruxelles.

Il nomme son Secrétaire général et le Parlement fixe l'organigramme de son secrétariat.

Pouvoirs

C'est bien évidemment cette question des pouvoirs du Médiateur européen qui a donné lieu aux débats les plus délicats. C'est sur ce terrain de la compétence que les Médiateurs nationaux sont notamment intervenus afin de permettre au Médiateur européen un accès aux documents confidentiels produits en nombre par les organes communautaires.

En fait, le Médiateur européen peut procéder à toutes enquêtes et investigations qu'il juge nécessaires, de sa propre initiative ou à la suite d'une requête.

Il peut renvoyer toute plainte au Parlement pour examen, conformément à la procédure prévue pour les pétitions.

Les institutions ou organes communautaires sont tenus de fournir au Médiateur toutes informations susceptibles de l'aider dans ses recherches. On ne peut lui opposer la confidentialité mais seulement le secret défense ou diplomatique. Par ailleurs, les autorités nationales ont obligation de coopérer avec lui.

Enfin, aucune hiérarchie n'existant entre les Médiateurs nationaux et le Médiateur européen, la coopération entre eux est simplement volontaire.

Incompétence

Le Médiateur procède aux enquêtes sauf si les faits allégués font ou ont fait l'objet d'une procédure juridictionnelle. Les investigations du Médiateur n'interrompent pas les délais de recours.

Il ne peut former de recours devant la Cour de Justice et ne peut donc pas exercer directement une action en justice.

Intervention

Le Médiateur saisit l'institution concernée et lui propose des moyens pour remédier au dysfonctionnement constaté. L'institution dispose d'un délai de 3 mois pour donner son avis, qui doit être motivé. Le Médiateur a la possibilité de faire des recommandations à l'organisme concerné et peut adresser un rapport spécial au Parlement et à l'institution.

Il présente chaque année un Rapport au Parlement.

Le Médiateur européen est un Médiateur parlementaire.

Malgré un statut relativement clair, quelques problèmes subsistent eu égard à la mise en place effective du Médiateur européen :

- La frontière n'a pas été tracée avec la procédure de pétition (en 1987 le Parlement a créé une 18e commission, la commission des pétitions, composée de parlementaires et chargée d'examiner les requêtes des citoyens de l'Union). On ne sait pas bien ce qui les distingue l'une de l'autre (conflit collectif ou d'intérêt général/conflit individuel). Une controverse risque donc de s'installer entre la commission des pétitions et le Médiateur.

- Un conflit du même genre risque d'opposer le Médiateur aux commissions d'enquête, composées de Parlementaires, chargées d'examiner " les allégations d'infraction à la législation communautaire ou des cas de mauvaise administration dans les domaines relevant de la compétence communautaire ".

- Le véritable enjeu aujourd'hui se trouve dans les moyens d'investigations qui seront concrètement donnés au Médiateur et dans l'accueil que lui réserveront les citoyens de l'Union.

- Il faudra éviter que le Médiateur ne fasse double emploi avec les Médiateurs nationaux. À cet effet, le Médiateur européen devrait être un complément utile aux Ombudsmän nationaux, notamment dans sa mission d'information sur la législation européenne.

- Les députés européens, membres de la commission des pétitions n'étant pas parvenus à faire un choix parmi les candidatures en présence, l'assemblée plénière du Parlement de Strasbourg devrait désigner le Médiateur européen dans le courant de l'année 1995.




COMPARAISON ENTRE LE MÉDIATEUR FRANÇAIS

(Loi no 73-6 du 3 janvier 1973,
complétée par la loi no 76-1211 du 24 décembre 1976
et la loi no 89-18 du 13 janvier 1989,
et modifiée par la loi no 92-125 du 6 février 1992)
ET LE MÉDIATEUR EUROPÉEN
(Art. 138 E du Traité de Maastricht
décision du 9 mars 1994 portant statut)



COMPÉTENCE DU MÉDIATEUR
Français
- reçoit les réclamations concernant dans leurs relations avec les administrés le fonctionnement des administrations de l'État, des collectivités publiques ou de tout autre organisme investi d'une mission de service public.
(Art. 1)

- sont exclus du champ de compétence du Médiateur les différends entre les administrations et leurs agents en activité mais non après la cessation de leurs fonctions.
(Art. 8)

Européen
- contribue à déceler les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions communautaires (à l'exclusion de la Cour de Justice ou du Tribunal de 1re Instance dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle).
L'action de toute autre autorité est exclue de son champ de compétence.

- le Médiateur peut traiter des questions ayant trait aux rapports de travail entre la Communauté et ses fonctionnaires à la condition que les possibilités de recours interne aient été utilisées.
(Art. 2, al. 8)



SAISINE DU MÉDIATEUR
Français
- toute personne physique ou morale qui, à l'occasion d'une affaire la concernant, estime qu'il y a eu dysfonctionnement d'un organisme investi d'une mission de service public, peut adresser une réclamation au Médiateur par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur qui la transmet au Médiateur, si elle lui paraît entrer dans sa compétence et mériter son intervention.
(Art. 1)

- possibilité de saisine directe par les parlementaires.
(Art. 6)

- le réclamant doit avoir accompli des démarches préalables auprès de l'administration concernée.
(Art. 7)

Européen
- tout citoyen de l'Union ou toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre peut saisir le Médiateur soit directement, soit par le biais d'un membre du Parlement européen.

Il n'y a donc pas d'examen de la recevabilité des demandes par les parlementaires européens.
(Art. 2)

- la plainte doit être introduite dans un délai de 2 ans à compter du moment où le plaignant a connaissance des faits qui la justifient.
(Art. 2)

- le réclamant doit avoir accompli des démarches préalables auprès de l'organe concerné.
(Art. 2)



POUVOIRS DU MÉDIATEUR

1.Moyens d'investigation


Français
- peut demander au Ministre responsable ou à l'autorité com- pétente de lui communiquer tout document ou dossier concernant une affaire dont il est saisi.
- on ne peut lui opposer le secret sauf en matière de défense nationale, sûreté de l'État ou de politique extérieure.
(Art. 13)

- possibilité de faire procéder à toutes études par le Vice-Président du Conseil d'État ou le Premier Président de la Cour des Comptes.

- les ministres et toutes autorités publiques doivent faciliter la tâche du Médiateur. Ils sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et éventuellement aux convocations du Médiateur de la République et les corps de contrôle à accomplir les vérifications et enquêtes demandées par le Médiateur.
(Art. 12)

Européen
- peut procéder à toutes enquêtes et investigations qu'il juge nécessaires de sa propre initiative, à la suite d'une plainte ou à la demande du Parlement européen.

- les institutions et organes communautaires sont tenus de fournir au médiateur les renseignements qu'il leur demande et de lui donner accès aux dossiers concernés. Ils ne peuvent s'y refuser que pour des motifs de secret dûment justifiés.
(Art. 3.2)

- les autorités des États membres sont également tenues de fournir toutes informations au Médiateur.
(Art. 3.3)

- les fonctionnaires communautaires sont tenus de témoigner à la demande du Médiateur.
(Art. 3.2)

- si le Médiateur estime ne pas recevoir l'assistance qu'il souhaite il en informe le Parlement européen qui entreprend les démarches appropriées.
(Art. 3.4)

2. Moyens d'action

Français
- le Médiateur fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et toutes propositions de nature à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné.

- le Médiateur peut intervenir en équité lorsque l'application des règles législatives ou régle- mentaires aboutit à une iniquité.

- le Médiateur peut également proposer des modifications de textes législatifs ou réglementaires.

- en l'absence de réponse à son intervention, le Médiateur peut rendre publiques ses recom- mandations.
(Art. 9)

- le Médiateur peut engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire et le cas échéant, saisir d'une plainte la juridiction répressive.
(Art. 10)

- le Médiateur présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel établissant le bilan de son activité.

Européen
- le Médiateur cherche une solution de nature à éliminer les cas de mauvaises administrations.
(Art. 3.5).

Si une enquête révèle un cas de mauvaise administration, le Médiateur saisit l'institution ou l'organe concerné en lui proposant le cas échéant des moyens d'y remédier; l'organe concerné doit répondre par un avis motivé dans un délai de trois mois.
(Art. 3.6)

- l'intervention en équité n'est pas prévue par le statut.

- le Médiateur doit également transmettre au Parlement européen et à l'organe concerné un rapport pour chaque cas de mauvaise administration.
(Art. 3.7)

- le Médiateur présente au Parlement européen un rapport annuel sur les résultats de ses enquêtes.
(Art. 3.8)


NOMINATION DU MÉDIATEUR
Français
- le Médiateur est nommé pour six ans par décret en Conseil des ministres.

- son mandat est non renouvelable.

- il est inamovible sauf en cas d'empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
(Art. 2)

Européen
- le Médiateur est nommé par le Parlement européen après chaque élection pour la durée de la législature (cinq ans).

Il doit être citoyen de l'Union et être qualifié pour l'exercice de ses fonctions.
(Art. 6)

- son mandat est renouvelable.
(Art. 6.1)

- le Médiateur peut être déclaré démissionnaire par la Cour de Justice à la demande du Parlement européen s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ou s'il a commis une faute grave.

(Art. 8)


- il peut démissionner.


INDÉPENDANCE DU MÉDIATEUR
Français
- le Médiateur est une " autorité indépendante ". Il ne reçoit d'instruction d'aucune autorité.
(Art. 1er)

- il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.
(Art. 3)

Européen
- le Médiateur exerce ses fonctions en toute indépendance.
(Art. 9)

- il ne sollicite ni n'accepte d'instruction d'aucune institution.
(Art. 9.1)



OBLIGATIONS IMPOSÉES AU MÉDIATEUR
Français
- le Médiateur ne peut être candidat à un mandat de conseiller général ou de conseiller municipal s'il n'exerçait ce même mandat antérieurement à sa nomination.
(Art. 4)
- il doit veiller au respect du secret professionnel et assurer la non-identification des personnes dont le nom lui est révélé.

(Art. 13)
Européen
- pendant la durée de ses fonctions le Médiateur ne peut exercer aucune autre activité professionnelle rémunérée ou non, ni aucune fonction politique.
(Art. 10)

- obligation de confidentialité et de réserve pour toute information dont le Médiateur a connaissance.
(Art. 4.1)

- le Médiateur prête serment d'exercer ses fonctions en pleine indépendance et impartialité devant la Cour de Justice.



MOYENS MATÉRIELS DU MÉDIATEUR
Français
- les crédits sont inscrits au budget du Premier Ministre. Contrôle de la Cour des Comptes.

Européen
- son budget figure au budget général des Communautés Européennes.
(Art. 12)

- sa rémunération est fixée par assimilation à celle de juge de la CJCE.
(Art. 10)

- le Médiateur est assisté par un secrétariat dont il nomme le principal responsable.
(Art. 11)

- les fonctionnaires des Communautés européennes et des États membres composant le secrétariat du Médiateur sont détachés avec garantie de réintégration dans leur institution d'origine.
(Art. 11)


RELATIONS AVEC LES JURIDICTIONS
Français
- la réclamation formulée au Médiateur n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions.
(Art. 7)

- le Médiateur ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle mais peut faire des recommandations à l'organisme mis en cause.

- en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, il peut formuler des injonctions de s'y conformer à l'organisme mis en cause et présenter un rapport spécial sur cette question.
(Art. 11)

Européen
- les plaintes présentées au Médiateur n'interrompent pas les délais de recours contentieux.
(Art. 2 al. 6)

- le Médiateur ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision de justice.
(Art. 1er)

- le Médiateur suspend son action lorsque les faits sur lesquels porte la plainte font ou ont fait l'objet d'une procédure en justice.

- il doit informer les autorités nationales compétentes de faits relevant du droit pénal dont il a connaissance dans le cadre de ses enquêtes.
(Art. 4).


RELATIONS AVEC LES ÉTATS MEMBRES


- Les institutions communautaires peuvent donner au Médiateur européen accès aux documents émanant d'un État membre après l'en avoir averti. Les documents couverts par le secret en vertu d'une disposition législative ou réglementaire ne pourront être communiqués au Médiateur européen qu'après accord de l'État Membre concerné.

Dans les deux cas le Médiateur ne peut divulguer le contenu de ces documents (Art. 3);

- les États Membres sont tenus de fournir au Médiateur toute information susceptible d'être utile à son enquête (Art. 3.3);

- les Représentations permanentes des États Membres sont les interlocuteurs du Médiateur (Art. 3, Art. 4.2);

- le Médiateur peut coopérer avec les autorités de même type existant dans certains États Membres dans la mesure où cela peut contribuer à renforcer l'efficacité de ses enquêtes et à mieux sauvegarder les droits et intérêts des personnes qui déposent des plaintes devant lui et dans le respect des législations nationales (Art. 5);

- Le Médiateur européen doit informer les autorités nationales compétentes des faits dont il a connaissance dans le cadre d'une enquête et qu'il estime relever du droit pénal.

II. LES OMBUDSMÄN NATIONAUX DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

La présente étude se limite aux pays de l'Europe des Douze, auxquels s'ajoute la Suède, pays d'origine de l'Ombudsman, qui méritait une analyse spécifique.


L'OMBUDSMAN SUÉDOIS
(PARLIAMENTARY OMBUDSMAN)




Création

L'Ombudsman suédois a été institué en 1809 sous la dénomination de " Justitie Ombudsmen " (Ombudsman pour la justice). En 1915 fut institué un deuxième Ombudsman pour les affaires militaires. Celui-ci fut supprimé en 1967 pour mettre en place un système collégial de 3 Ombudsmän. Ce nombre fut porté à 4 en 1975. Chacun des 4 Ombudsmän a un domaine spécifique d'intervention.

Le premier est responsable de l'institution, de son organisation interne et de l'orientation de ses activités. Il a par ailleurs en charge certains domaines de l'action administrative tels que la fiscalité, l'accès aux documents administratifs, les élections législatives.

Le second exerce son contrôle sur les institutions judiciaires, le ministère public, la police et les prisons.

Le troisième contrôle l'armée et les administrations locales.

Le quatrième contrôle tout ce qui concerne la sécurité et la protection sociales.

Nomination

Les Ombudsmän sont élus par le Parlement en session plénière. Il est de tradition de ne nommer que des personnalités faisant l'objet d'un consensus de tous les partis du Rikstag.

Mandat

Le mandat est de 4 ans. Il est renouvelable.

Compétence

Le rôle de l'Ombdusman est double : d'une part, il examine les plaintes des particuliers; d'autre part, il exerce des activités d'inspection sur les administrations de sa propre initiative.

Le champ de compétence des Ombudsmän est très vaste puisqu'il s'étend à toutes les administrations centrales et locales et à leur personnel et plus généralement à toute personne investie de l'autorité publique.

Quelques institutions échappent au contrôle de l'Ombudsman : ministres, parlementaires, conseillers municipaux, gouverneurs de la banque de Suède.



L'objet du contrôle exercé par l'Ombudsman est de s'assurer que les autorités administratives respectent la loi et les droits et libertés fondamentaux des citoyens.

Saisine

Toute personne, même ressortissante d'un autre pays, peut adresser une plainte à l'Ombudsman. Les faits donnant lieu à la réclamation ne doivent pas s'être produits dans un délai antérieur de plus de deux ans à la plainte. En principe le médiateur n'intervient pas si une action en justice est en cours sauf s'il s'agit d'un problème de procédure ou si l'affaire n'est pas jugée dans un délai raisonnable.

La plainte doit être rédigée par écrit. Le recours est gratuit.

L'Ombudsman peut s'autosaisir. Il le fait généralement à l'occasion de ses actions d'inspection.

Moyens d'action

Le principal moyen d'action de l'Ombudsman réside dans son pouvoir de critiquer l'action fautive de l'administration. Si une mesure lui apparaît inadéquate il peut proposer des réformes. Il peut demander à l'autorité administrative concernée de modifier sa pratique ou les textes réglementaires. Il peut demander au gouvernement de modifier une loi.

Il ne peut annuler ou corriger une décision, ni donner d'ordre aux responsables administratifs.

L'Ombudsman publie un rapport annuel rendant compte de l'activité de l'institution.

Relations avec le Parlement

- Le Parlement nomme les Ombudsmän (cf. supra).

- Par ailleurs il existe au Parlement suédois une commission spécialisée chargée de suivre l'activité et d'examiner le rapport annuel de l'Ombudsman. Cette commission établit un rapport sur l'activité des Ombudsmän qui est discuté en séance plénière.

Nombre de dossiers traités

En 1990 près de 3 500 plaintes ont été soumises aux Ombudsmän. Les cas traités de leur propre initiative étaient pour cette même année au nombre de 167.



ALLEMAGNE






Il n'existe pas de véritable médiateur en Allemagne. Cette situation résulte d'une part du caractère fédéral de l'État qui exclut a priori tout ce qui relève de chaque Land de la compétence d'un éventuel médiateur, et d'autre part de la tradition juridique et constitutionnelle allemande qui a conduit à confier à une commission parlementaire les fonctions assurées ailleurs par le médiateur. Enfin, pour des raisons essentiellement historiques a été institué un Médiateur militaire.

1. La commission des pétitions

Création

- Le droit de pétition est ancien en Allemagne, il est reconnu expressément par la Loi Fondamentale (Constitution) de 1949 dans son article 17 : " Chacun a le droit d'adresser par écrit, individuellement ou conjointement avec d'autres, des requêtes ou des réclamations aux autorités compétentes et à la représentation du peuple ".

- La réforme constitutionnelle de 1975 constitutionnalise l'existence de la Commission des pétitions du Bundestag.

Nomination

La Commission est une formation collégiale de 29 membres avec un président à leur tête, élu parmi les partis représentés au Bundestag.

Mandat

Durée de la législature.

Indépendance

La Commission des pétitions est composée de représentants des différents partis proportionnellement au nombre de leurs élus.

Compétence

La Commission est compétente pour toute requête concernant une administration de l'État fédéral : Bundestag, ministères, postes, chemins de fer, douanes, caisse centrale d'assurance invalidité et vieillesse, agence fédérale, assurance chômage.

Saisine

La commission peut être saisie par tout citoyen mais ne peut se saisir elle-même.


Rapport annuel

La Commission élabore un rapport annuel.

Moyens d'actions

La Commission peut obtenir toutes informations des administrations concernées par les requêtes et relevant de l'État fédéral. Elle peut entendre tout témoin ou procéder à des investigations sur place;

La Commission peut formuler des recommandations à l'administration mise en cause mais elle n'a pas le pouvoir d'imposer une solution. Le sérieux de ses enquêtes et l'autorité du parlement lui donnent une influence importante;

Elle peut proposer des réformes législatives.

Relations avec le Parlement

La situation de la Commission des pétitions est sur ce point très différente de celle des médiateurs européens. En effet il s'agit d'une Commission parlementaire composée d'élus à la proportionnelle des groupes.

2. Le médiateur militaire

Création

C'est dans le domaine militaire que naît un médiateur en Allemagne de l'Ouest, dans le souci d'éviter le retour aux pratiques prussiennes : création par la loi constitutionnelle de 1957 d'un " Commissaire du Parlement fédéral pour la défense " (Wehrbeauftragter) " pour défendre les droits fondamentaux et avec le caractère d'un organe parlementaire ";

Puis création en 1979 d'un médiateur chargé de la protection des données personnelles.

Nomination

Commissaire à la défense élu par la majorité absolue des membres du Bundestag;

Peut être élu tout citoyen allemand de plus de 35 ans jouissant de ses droits civiques et ayant effectué son service militaire, sans que soient exigées de compétences juridiques.


Mandat

5 ans renouvelable.

Indépendance

Le " Wehrbeauftragter " est élu par le Bundestag et ses structures administratives et budgétaires y sont incorporées. Néanmoins, rien ne l'oblige à respecter d'éventuelles instructions du Parlement.

Compétence

Toute question intéressant les forces armées;

Atteintes aux " droits fondamentaux " du soldat et au " règlement intérieur " des forces armées.

Saisine

À la demande du Parlement ou de la Commission de la défense nationale;

De sa propre initiative (pouvoir discrétionnaire d'enquêter);

À la suite de pétitions formulées par tout militaire en dehors de toute voie hiérarchique.

Rapport annuel


Le Médiateur militaire établit un rapport annuel.



LE MEDIATEUR BRITANNIQUE (PARLEMENTARY COMMISSIONER FOR
ADMINISTRATION)






Création

Institué par une loi de 1967 le " Parliamentary Commissioner Act " 1967.

Nomination

Il est nommé par la Reine sur proposition du Premier Ministre.

Mandat

Le mandat du " Parliamentary Commissioner for administration " (PCA) a une durée illimitée. Il y a cependant une limite d'âge : 65 ans. Par ailleurs le mandat peut prendre fin soit à la demande de son titulaire soit si les deux chambres du Parlement le décident.

Compétence

Le PCA est compétent pour tout litige opposant une personne à l'administration centrale. À cet égard il complète l'action de contrôle exercée par le Parlement britannique sur l'administration du pays par le gouvernement.

Le PCA n'est pas compétent pour tout ce qui concerne la sécurité de l'État, les relations avec d'autres États, les juridictions, la carrière des fonctionnaires et des militaires, les relations commerciales entre l'administration, ses fournisseurs ou usagers.

Le PCA n'est pas compétent pour les litiges concernant l'administration locale. Il existe en effet des Ombudsmän différents pour les collectivités locales créés par une loi sur l'administration territoriale de 1974 le " Local Government Act " : un pour le Pays de Galles, un pour l'Écosse et trois pour l'Angleterre, le PCA est cependant associé à l'action de médiateurs locaux dans la mesure où il est membre de droit des commissions pour l'administration locale dont font partie les médiateurs locaux.

Saisine

Le PCA ne peut être saisi que par un parlementaire. Il ne peut se saisir lui-même. Le réclamant peut être un particulier ou un groupe de personnes mais non une collectivité locale ni une entreprise nationalisée ni aucun organisme public. Le réclamant doit résider au Royaume-Uni ou y avoir résidé au moment des faits.



La plainte doit être adressée au parlementaire dans le délai d'un an suivant les faits ou la connaissance des faits à l'origine de la plainte.

Moyens d'action

S'il estime que la plainte relève de sa compétence, le Médiateur procède à une enquête : il peut demander à entendre toute personne, y compris les ministres et les fonctionnaires. Le " Commissioner " a à sa disposition du personnel chargé d'effectuer ces investigations mais le rapport final établi par le " Commissioner " reflète son propre jugement sur le litige.

Les conclusions sur chaque litige sont adressées au parlementaire ayant transmis la requête et au responsable du service concerné.

Le " Commissioner " peut demander à l'administration de remédier à l'iniquité constatée mais il ne peut l'y forcer ni modifier ses décisions.

Toutefois lorsque l'iniquité persiste le " Commissioner " peut adresser sur ce sujet un rapport au Parlement en suggérant le cas échéant des réformes législatives. Le Parlement doit alors décider quelle suite donner au rapport du " Commissioner ".

Lorsque le " Commissioner " constate, à l'occasion d'une plainte, que d'autres personnes sont dans la même situation, il peut demander à l'administration en cause de réparer les dommages qui leur sont causés même si les personnes concernées ne l'ont pas saisi; le nombre de bénéficiaires de l'intervention du PCA peut ainsi être très important.

Relations avec le Parlement

Les relations entre le " Commissioner " et le Parlement sont très étroites :

- le Médiateur britannique ne peut être saisi que par un parlementaire, auquel il devra transmettre ses conclusions;

- seul le Parlement peut mettre fin à ses fonctions;

- le Parlement décide de la suite à donner aux rapports établis sur les litiges qui sont soumis au " Commissioner ";

- le " Commissioner " retrace ses activités dans un rapport annuel au Parlement.

Ces liens étroits se traduisent par l'existence à la Chambre des Communes, d'une Commission parlementaire chargée de contrôler l'activité du " Commissioner " et de le soutenir dans ses relations avec l'administration centrale.

Nombre de dossiers traités

Le Médiateur britannique a reçu 945 plaintes en 1992. Le nombre des plaintes reçues par les Ombudsmän locaux est beaucoup plus élevé; à titre d'exemple il était, pour la seule Angleterre, de 13 307 en 1992.



L'OMBUDSMAN DANOIS
(DANISH OMBUDSMAN)





Création

L'Ombudsman danois a été institué par la Constitution et l'Acte no 203 du 11 juin 1954. L'article 55 de la Constitution (de 1953) prévoit la nomination par le Folketing (Parlement) d'une ou deux personnes chargées du contrôle de l'administration civile et militaire. L'acte précité confère à une seule personne, indépendante du Parlement, les pouvoirs de l'Ombudsman.

Nomination

Élu par le Parlement après chaque élection générale. Le premier Ombudsman danois a été élu le 29 mars 1955.

Mandat

4 ans renouvelable. Le Parlement peut démettre à tout moment l'Ombudsman s'il estime qu'il a perdu sa confiance. La limite d'âge est fixée à 70 ans.

Indépendance

L'Ombudsman ne peut être membre du Parlement et ne doit exercer aucune activité dans l'administration, le secteur privé ou un organisme quelconque sans accord préalable de la Commission juridique du Parlement.

Le Parlement ne peut ni lui interdire, ni lui ordonner d'entreprendre une enquête quelconque.

Compétence

Limité à l'origine aux administrations centrales, la compétence de l'Ombudsman a été ensuite élargie aux administrations locales. L'Ombudsman danois n'est pas compétent pour les litiges qui mettent en cause l'activité des juridictions et leur personnel. Enfin les voies de recours administratifs doivent avoir été utilisées par le plaignant.

Saisine

L'Ombudsman peut être saisi par tout citoyen, même s'il n'est pas personnellement concerné par le litige. La plainte doit être adressée par écrit mais une assistance peut à cet égard être sollicitée. Le recours à l'Ombudsman est gratuit.


La saisine doit être effectuée dans le délai d'un an suivant les faits qui la motivent.

Il peut se saisir lui-même.

Pouvoirs

L'Ombudsman a le pouvoir de mener des enquêtes auprès des administrations, le cas échéant, de sa propre initiative. L'administration est tenue de lui fournir les informations qu'il demande.

Il peut procéder à des inspections dans les institutions publiques (prisons, casernes, etc.)

Lorsqu'il est saisi d'un litige, l'Ombudsman communique au réclamant son point de vue sur ce litige; il peut formuler des critiques et des recommandations aux autorités concernées. Il ne peut cependant imposer sa décision mais la pratique montre que ses recommandations sont presque toujours suivies.

L'Ombudsman peut également demander l'aide judiciaire pour un réclamant qui veut intenter une action en justice lorsqu'il estime cette action justifiée.

L'Ombudsman doit informer le Parlement et le ministre concerné des modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent nécessaires. Les demandes de réforme sont au nombre d'une trentaine par an.

L'Ombudsman signale au Parlement et au ministre concerné les cas de mauvaise administration à l'échelon local dont il a eu connaissance. Il les mentionne également dans son rapport annuel.

Relations avec le Parlement

L'Ombudsman adresse au Parlement son rapport annuel. Il lui suggère des propositions de réforme législative. Les commissions parlementaires peuvent demander à entendre un ministre dont l'action a fait l'objet d'une recommandation de l'Ombudsman et lui demander quelles suites il entend y donner.

Nombre de dossiers traités

Le nombre de dossiers enregistrés pour l'année 1992 s'élève à 2 926 dont la moitié n'ont pas pu être traités pour diverses raisons (absence de recours préalable, forclusion, non-compétence de l'Ombudsman, etc.).

Le nombre de demandes adressées à l'Ombudsman est en constante augmentation et a plus que doublé en 10 ans.




LE MEDIATEUR ESPAGNOL





Création

Le " Defensor del Pueblo " a été institué par l'article 54 de la Constitution de 1978. Une loi organique du 6 avril 1981 précise les modalités de fonctionnement de l'institution qui a commencé à fonctionner en 1982.

Il existe par ailleurs dans sept régions espagnoles des défenseurs locaux appelés " commissaires parlementaires ", ayant pour mission de contrôler l'administration.

Nomination

Le " Defensor del Pueblo " est élu par le Parlement à la majorité des 3/5 des voix de chaque chambre, cette majorité qualifiée garantit l'existence d'un consensus sur le choix du médiateur. La même majorité est exigée pour mettre fin à ses fonctions. Ses deux adjoints sont également élus par les Cortès et appartiennent l'un à la majorité, l'autre à l'opposition.

Monsieur Alvaro GIL ROBLES a succédé en 1987 à M. Ruiz GIMENEZ, premier " Defensor del Pueblo ". Après un intérim de quelques mois assuré par Mme Margarita RETUERTO BUADES, son premier adjoint, il vient d'être remplacé par M. Fernando ALVAREZ de MIRANDA.

Mandat

Le " Defensor del Pueblo " est nommé pour 5 ans alors que la législature ne dure que 4 ans. Cette durée témoigne de la volonté d'assurer son indépendance à l'égard des assemblées parlementaires.

Indépendance

La fonction de " Defensor del Pueblo " est incompatible avec l'exercice de fonctions politiques ou d'un mandat parlementaire. Le Médiateur ne peut exercer une autre activité professionnelle que ce soit dans la Fonction publique ou le secteur privé.

Le Médiateur ne peut être arrêté ou jugé pour des actes relevant de l'exercice de ses fonctions. Seule la section pénale de la Cour Suprême peut le mettre en accusation.

Compétence

La compétence du " Defensor del Pueblo " est plus large que celle de la plupart des autres médiateurs : il doit, commme eux, contrôler les cas de " maladministration "; mais il est en outre chargé de protéger les droits et libertés fondamentales de ses concitoyens. Ces compétences s'appliquent à toutes les administrations publiques locales ou centrales.



Toutefois les administrations relevant de la défense nationale sont exclues de son champ d'intervention.

Par ailleurs les plaintes concernant le fonctionnement de la justice ne peuvent être traitées par le " Defensor del Pueblo " qui doit les transmettre au Procureur général.

Saisine

Le Médiateur espagnol peut être saisi directement par toute personne y ayant intérêt.

Il peut également être saisi par des parlementaires ou une commission parlementaire.

Il peut se saisir d'office.

La procédure est totalement gratuite.

Moyens d'action

Le Médiateur a des moyens d'investigation : toutes les administrations doivent l'aider dans ses enquêtes; il peut procéder à des inspections sur place et avoir communication de tout dossier. Aucun document ne peut lui être refusé sauf accord du Conseil des ministres. Il peut dans son rapport faire état des obstacles qu'il rencontre et dénoncer les fonctionnaires qui auraient entravé son action.

Pour résoudre les litiges qui lui sont soumis, le " Defensor del Pueblo " adresse des avertissements et des recommandations aux administrations concernées. Il peut tirer des conséquences plus générales des problèmes observés en proposant au Parlement les modifications normatives qu'il estime nécessaires : 112 propositions ont ainsi été formulées en 1993.

Enfin le " Defensor del Pueblo " peut déposer un recours en inconstitutionnalité devant le Tribunal constitutionnel.

Relations avec le Parlement

Elles sont très étroites : ainsi, chaque chambre comporte une commission permanente chargée du suivi de l'action du " Defensor del Pueblo ". Cependant, diverses dispositions garantissent l'indépendance du Médiateur espagnol à l'égard du Parlement.

Il est élu par les Cortès, mais la durée de son mandat est plus longue que le mandat législatif.

Le Médiateur peut remettre en cause la constitutionnalité d'une loi en déposant un recours devant le Tribunal constitutionnel.

Nombre de dossiers traités

En 1993, 22 000 plaintes ont été soumises directement au " Defensor del Pueblo ".




L'OMBUDSMAN IRLANDAIS




Création

L'Ombudsman irlandais a été institué par une loi : " l'Ombudsman Act " de 1980 mais le premier Médiateur, Michaël MILLS, a été nommé le 8 novembre 1983 et a pris ses fonctions en janvier 1984. L'institution du Médiateur avait été préconisée par un rapport d'une commission parlementaire sur la justice administrative remis en 1977.

Nomination

L'Ombudsman irlandais est nommé par le Président de la République.

Mandat

6 ans renouvelable.

Indépendance

L'Ombudsman doit être impartial; il est indépendant du gouvernement.

Compétence

La compétence de l'Ombudsman irlandais est très large : elle s'étend à l'ensemble de l'administration centrale, mais aussi aux collectivités locales, administration de la santé, télécommunication et poste.

En revanche il n'est pas compétent pour les litiges privés, ceux concernant les modalités de recrutement, de rémunération et les conditions de travail; les décisions de juridictions et l'organisation du système pénitentiaire, les litiges pour lesquels existe un droit d'appel auprès d'un tribunal ou organisme indépendant comme c'est le cas en matière fiscale; les " fonctions réservées " des autorités locales, c'est-à-dire celles exercées par des élus; les litiges purement médicaux; les actes des médecins privés, dentistes, opticiens et pharmaciens.

Saisine

Tout particulier, entreprise, ou association peut saisir l'Ombudsman, après avoir tenté de résoudre au préalable ses difficultés avec le service administratif concerné.




Moyens d'action

Il peut demander toute information, document ou dossier à l'administration visée par la plainte et peut convoquer tout responsable du service mis en cause pour expliquer sa position sur le litige.

Si l'Ombudsman estime que la plainte est justifiée, il adresse ses conclusions au service concerné en lui demandant de modifier sa décision. L'Ombudsman n'a aucun moyen de forcer une administration à suivre ses recommandations. Mais il peut cependant, en cas de refus, adresser un rapport aux chambres du Parlement.

Relations avec le Parlement

Outre le rapport que l'Ombudsman peut adresser sur un litige aux deux chambres du Parlement, il est tenu de leur présenter un rapport annuel retraçant son activité.

Nombre de dossiers traités

L'Ombudsman irlandais a reçu 2 267 plaintes en 1984, première année de son fonctionnement. Il en a reçu 3 116 en 1992.




LES MEDIATEURS ITALIENS
(DIFENSORE CIVICI)




Création

Il n'y a pas en Italie de médiateur national. Toutefois la loi no 142 du 8 juin 1990 sur les autonomies locales fixe les conditions applicables aux médiateurs régionaux institués, pour certains, depuis 1974. Il en existe aujourd'hui dans 15 régions (Piémont, Lombardie, Frioul, Vénétie, Ligurie, Emilie-Romagne, Toscane, Marches, Ombrie, Latium, Pouilles, Basilicate, Calabre et Sardaigne).

Nomination

Le Médiateur est nommé au scrutin secret par le Conseil régional, à une majorité qui varie selon les régions.

Mandat

Il est de 5 ans et est renouvelable.

Indépendance

Les conditions d'accès à la fonction varient selon les régions : ne peuvent être élus les membres du Parlement européen et du Parlement national, les conseillers régionaux, provinciaux et communaux, ni dans certains cas les professeurs d'université titulaires d'une chaire de droit.

Le " Difensore civico " est totalement indépendant. Il est tenu de faire rapport à l'autorité judiciaire si, au cours d'une enquête, il vient à connaître des faits qui peuvent constituer un délit. Il présente des rapports périodiques sur ses activités au Conseil régional. Il peut demander à ce dernier des documents qui ont trait à son activité. L'obligation de garder le secret ne peut lui être opposée en l'occurrence.

Compétence

Il intervient auprès de l'administration régionale, des organes et des entreprises publiques et des organes ayant reçu délégation de fonctions régionales, pour signaler aux organes statutaires de la région d'éventuels retards, irrégularités ou des défauts de fonctionnement. Il ne peut se prononcer ni sur la légitimité des actes administratifs ni sur le fond.

Les principales questions dont s'occupe le médiateur régional concernent l'urbanisme, les travaux publics, les structures institutionnelles, l'environnement, les transports, la santé, la pollution, les pensions et les impôts. Il exerce également son activité dans les domaines qui sont du ressort des communes et des provinces, pour autant que celles-ci aient à cet égard prévu son intervention. Il va sans dire que la commune qui ne prévoit pas de créer de fonction de médiateur au niveau communal peut décider statutairement de permettre au médiateur régional d'exercer également ses fonctions dans les domaines de compétence communale.

Saisine

Le " Difensore civico " peut être saisi par n'importe quel citoyen. Il peut également agir de son propre chef.




L'OMBUDSMAN NEERLANDAIS
(NATIONALE OMBUDSMAN)





Création

L'Ombudsman néerlandais a été institué par une loi du 4 février 1981, entrée en vigueur le 1er février 1982.

Nomination

L'Ombudsman est nommé par la chambre basse du Parlement et non par la Couronne, ce qui constitue une exception par rapport aux règles habituelles de nomination de personnalités. L'Ombudsman est depuis 1987, Monsieur Marten OOSTING, un ancien professeur de droit.

Mandat

Le mandat est de 6 ans et est renouvelable. L'Ombudsman peut être démis de ses fonctions. Les motifs possibles sont les mêmes que ceux qui s'appliquent aux membres du corps judiciaire. Des adjoints de l'Ombudsman peuvent être désignés dans les mêmes conditions.

Indépendance

La loi a garanti l'indépendance de l'Ombudsman par rapport à l'exécutif en confiant sa désignation au Parlement. Elle a par ailleurs fixé un certain nombre d'incompatibilités avec les fonctions publiques et plus généralement toute fonction incompatible avec l'accomplissement de sa mission, son indépendance, ou la confiance de l'opinion publique.

Compétence

L'Ombudsman a pour mission de contrôler l'action des autorités administratives c'est-à-dire des ministres et de leurs administrations. La loi a prévu que son champ de compétence pourra par " order in council " être étendu aux organes administratifs indépendants et aux collectivités locales.

Ne sont pas de la compétence de l'Ombudsman, les actes royaux, les " high councils of State " (c'est-à-dire le Parlement, le Conseil d'État et la Cour des Comptes), les organes judiciaires et les organismes contrôlés par le judiciaire.

Saisine

Tout citoyen a le droit d'adresser une réclamation à l'Ombudsman dans le délai d'un an suivant les faits motivant la demande.


Le recours à l'Ombudsman est gratuit.

L'Ombudsman peut s'autosaisir, ce qui lui permet de s'attaquer à certains aspects structurels de la pratique administrative.

Moyens d'action

L'Ombudsman examine d'abord si la demande est recevable. Près d'un tiers des dossiers sont écartés soit parce qu'ils étaient infondés, soit parce que présentés hors délais.

Les plaintes jugées recevables font l'objet d'une enquête basée sur le principe du contradictoire : les réponses fournies par l'administration sont communiquées au plaignant qui peut y répondre.

Les moyens d'investigation dont dispose l'Ombudsman sont importants : visite sur place, audition des responsables, de témoins et recours à des experts. Les administrations sont tenues de répondre à ses demandes et de fournir les documents demandés y compris ceux considérés comme confidentiels.

Un rapport peut être établi à l'issue de l'enquête et communiqué à l'administration concernée et au plaignant. Ce rapport contient les conclusions de l'Ombudsman sur l'affaire en cause et, le cas échéant, ses recommandations.

Les conclusions de l'Ombudsman ne s'imposent pas à l'administration; il n'a pas le pouvoir de la contraindre à les appliquer.

Relations avec le Parlement

L'action de l'Ombudsman complète le contrôle de l'exécutif par le Parlement. La Chambre basse comprend une Commission de l'Ombudsman qui examine son rapport annuel et peut demander des comptes aux ministres concernés. Un débat en séance publique a lieu chaque année sur le rapport de l'Ombudsman.

Tous les rapports de l'Ombudsman concernant les réclamations sont adressés à la commission qui peut demander à entendre les ministres concernés.

L'Ombudsman travaille également en collaboration avec les Commissions des pétitions afin d'éviter les double emplois.

Nombre de dossiers traités

En 1992, l'Ombudsman a traité 4 620 requêtes dont 1 285 ont fait l'objet d'une enquête et 980 l'objet d'un rapport. Le délai de réponse est de 8 semaines pour les 2/3 des plaintes; seules 5 % d'entre elles nécessitent un délai supérieur à un an.




LE MEDIATEUR PORTUGAIS
(PROVEDOR DE JUSTIÇA)




Création

Le Médiateur portugais a été institué après la " révolution des úillets " de 1974 par un décret-loi no 212/75 et intégré à la Constitution. Son statut est désormais défini par la loi no 9/91 du 9 avril 1991.

Nomination

Il est élu par le Parlement à la majorité des deux tiers des votants, laquelle doit en tout état de cause être supérieure à la majorité absolue des membres du Parlement. Le Médiateur doit remplir les mêmes conditions que les candidats aux élections législatives.

Mandat

Le Médiateur est nommé pour 4 ans. Son mandat peut être renouvelé une seule fois.

Indépendance

Une fois nommé, le Médiateur est indépendant et irrévocable.

Il bénéficie d'une immunité juridique dans l'exercice de ses fonctions.

Il est soumis aux mêmes incompatibilités que les magistrats.

Il ne peut exercer de fonctions politiques.

Compétence

La compétence du Médiateur portugais s'étend à toutes les administrations centrales, régionales et locales, l'armée, les instituts et entreprises publiques ou dont le capital est majoritairement public, les entreprises concessionnaires du service public ou exploitant le domaine public.

Sa fonction est de défendre et promouvoir les droits, les libertés et les intérêts légitimes du citoyen.

Saisine

Tout citoyen peut saisir le Médiateur qui peut également agir de sa propre initiative.


Moyens d'action

Le Médiateur n'a pas de pouvoir de décision.

Il peut seulement adresser des recommandations aux administrations concernées :

il peut conseiller les autorités administratives sur les mesures à prendre pour remédier aux actes illégaux;

il peut exprimer son avis sur l'interprétation des dispositions législatives et sur les éventuelles modifications à y apporter y compris l'abrogation pure et simple d'un texte;

il peut intervenir dans l'élaboration des nouveaux textes de loi;

il peut saisir la Cour constitutionnelle de recours en inconstitutionnalité contre tout texte législatif ou réglementaire.

Pour l'accomplissement de sa mission, le Médiateur peut procéder à toute inspection ou investigation dans tous les secteurs de l'administration.

Relations avec le Parlement

Le Médiateur rend compte de son activité au Parlement en lui remettant un rapport annuel;

À la demande du Parlement, il peut donner un avis sur tout problème concernant son activité;

Il peut, s'il l'estime utile et à leur demande, participer aux travaux des commissions parlementaires.


L'analyse qui précède montre que l'institution du Médiateur ou de l'Ombudsman a tendance à se généraliser, puisqu'au sein de l'Europe des douze, sept pays en sont dotés tandis que cinq, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, le Luxembourg et la Grèce n'ont pas encore de Médiateur, excepté au niveau de certaines régions ou municipalités.

S'agissant des caractéristiques communes à tous les pays étudiés, la première est que le Médiateur ou l'Ombudsman a toujours pour mission d'aider le citoyen, l'individu, dans ses rapports avec l'administration. Il doit veiller au respect de la règle de droit mais aussi à ce que la pratique administrative ne soit pas nuisible aux citoyens.

La seconde caractéristique commune est que le Médiateur, à la différence du juge, n'a jamais de pouvoir de décision. Il ne peut en aucun cas imposer une solution. Il peut seulement, par la persuasion, amener une administration à modifier ses décisions.

Ces deux premières caractéristiques ont pour conséquence un troisième point commun à tous les médiateurs : l'absence de formalisme et la gratuité du recours à cette Institution qui la distingue des recours juridictionnels.

Cependant ces analogies ne doivent pas masquer les disparités nationales qui résultent des traditions juridiques et politiques propres à chaque État.

Ainsi alors que dans la plupart des pays européens l'Institution est nationale et personnalisée, l'Allemagne ou l'Italie, très décentralisées, n'ont pas de Médiateur national : l'Italie a des médiateurs dans certaines régions, l'Allemagne, une Commission des pétitions au sein de certains " Länder ".

De même, le champ de compétence de l'Institution varie d'un pays à l'autre : ainsi la jeune démocratie espagnole a confié au Médiateur un rôle plus large que la plupart des autres pays, puisqu'il y est chargé de protéger les libertés et droits fondamentaux des citoyens. Ce besoin n'a pas été ressenti dans d'autres pays tels que la France ou la Grande-Bretagne où d'autres institutions, notamment judiciaires, assuraient déjà cette fonction.

Enfin, si tous les États dotés d'un Médiateur ont voulu assurer son indépendance, on constate cependant des différences dans les rapports établis entre le Médiateur et les autres pouvoirs et particulièrement le pouvoir législatif.

À cet égard, on notera que la plupart des médiateurs sont des médiateurs parlementaires : le Parlement les nomme, contrôle leur action et les soutient si besoin est, par rapport à l'administration et au Gouvernement. C'est le cas, bien sûr, au Royaume-Uni, où une Commission de la Chambre des communes nomme et suit l'action du " Parliamentary Commissioner for administration ". Mais on retrouve le même type de relation Parlement/Médiateur en Suède, au Danemark, au Portugal, en Espagne et aux Pays-Bas. Dans tous ces pays, le Médiateur apparaît comme un des moyens d'assurer le contrôle de l'exécutif par le Parlement. Il n'en est pas de même en France ni en Irlande, pays dans lesquels le Médiateur est nommé par l'exécutif et où les relations avec les Assemblées élues sont moins étroites, même si, dans ces deux États, le Parlement est associé à l'action du Médiateur.

En conclusion, il faut souligner que l'Institution de l'Ombudsman, venue de Suède, s'est révélée suffisamment souple pour s'adapter à des contextes historiques et politiques très différents à travers l'Europe et contribuer partout à une meilleure démocratie.


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