LES BOURSES D'ENSEIGNEMENT


Depuis plusieurs années, les délégués départementaux et moi-même avons observé un accroissement du nombre des réclamations relatives aux bourses d'enseignement. Certaines portent sur de simples incidents (ex. : retards dans la transmission du dossier lors d'un changement d'établissement, d'un changement d'académie), qui justifient une intervention de ma part mais n'appellent pas, sur le fond, des remarques particulières. Mais au-delà de ces incidents, mes collaborateurs ont pu également constater que les réclamations qui sont adressées à la médiature posent, dans la majorité des cas, des problèmes de fond.

Ce constat avait d'ailleurs conduit mon prédécesseur, Paul LEGATTE, à proposer en 1991 au ministre de l'Éducation nationale, alors également en charge de l'enseignement supérieur, une réforme sur les bourses d'enseignement (Proposition de réforme ED 91.02 citée au Rapport 1991, p. 308 et suiv.). Cette proposition a été prise en compte partiellement en 1993 puisque l'appréciation des ressources des familles qui sollicitent une bourse d'enseignement supérieur ou une bourse de lycée s'effectue de nouveau sur la base du revenu brut global mentionné sur l'avis fiscal d'imposition.

Au-delà de l'instruction quotidienne des réclamations, la Médiature a, depuis plusieurs années, conduit une réflexion d'ensemble sur la question.

Ayant exercé, il y a quelques années, les fonctions de secrétaire d'État à l'Éducation, il était naturel que ces travaux retiennent tout particulièrement mon attention et me conduisent, en application des dispositions de l'article 2 du décret du 22 janvier 1990, à proposer au Commissaire général au Plan de saisir le comité interministériel d'Évaluation d'un projet sur les bourses d'enseignement.

En vue des travaux de ce comité, mes services ont rédigé un avant-projet retraçant les enjeux de l'évaluation proposée.

Ce document, rédigé en janvier 1994 et qui, dans ses grandes lignes, demeure d'actualité, est publié dans le premier titre de ce chapitre.

Parmi les considérations qui m'ont conduit à formuler cette proposition d'évaluation, j'insisterai tout particulièrement sur la nécessité de mieux prendre en compte les situations d'exclusion.

Du fait même de la démocratisation du système éducatif, la durée des études s'allonge, mais il faut garder à l'esprit que les enfants des familles défavorisées sont les plus exposés à l'échec scolaire et universitaire.

Le risque d'exclusion est réel. Il l'est d'autant plus qu'aujourd'hui la situation personnelle, la situation d'emploi des familles sont facilement fragiles et les revers de fortune sont souvent imprévisibles, frappant des familles peu préparées à surmonter ces difficultés. Les dispositifs existants, en raison de leur ancienneté et de la multiplicité des correctifs qui leur ont été apportés, ne répondent pas toujours à ces situations difficiles. J'ai été frappé de constater, à l'occasion du traitement individuel des réclamations, que les réponses qui me sont fournies se bornent - de peur de créer un précédent - à faire état des impossibilités réglementaires actuelles en évitant de prendre en compte la situation individuelle exposée.

Instruit par ces réclamations et conscient des difficultés rencontrées, j'ai, indépendamment de la proposition pour une évaluation d'ensemble des politiques des bourses d'études, formulé sur les points qui me sont apparus prioritaires, un certain nombre de suggestions aux différents ministres intéressés. Ces propositions, ainsi que les réclamations les plus significatives, figurent dans le second titre de ce chapitre.


I. AVANT-PROJET SUR L'ÉVALUATION DES BOURSES D'ENSEIGNEMENT

La question des bourses d'enseignement revient régulièrement à l'ordre du jour dans les préoccupations du Médiateur de la République. Dès 1973, le Médiateur évoquait dans son rapport annuel les difficultés rencontrées par les familles vis-à-vis de l'administration et notamment avec les services de l'Éducation nationale.

Au cours des dernières années, les services du Médiateur ont observé une croissance des réclamations concernant les bourses qui les a conduit à s'interroger sur la pertinence des procédures mises en place et à remettre en cause un certain nombre de règles définies notamment par le ministère de l'Éducation nationale (proposition de réforme ED 91.02).

Ces réclamations, pour une bonne partie d'entre elles, posent des problèmes de fond et démontrent que la réglementation, actuellement applicable, a des effets pervers qui conduisent à exclure du bénéfice de ces aides des familles qui précisément en auraient besoin. Ce constat a conduit le Médiateur de la République à suggérer, compte tenu des enjeux budgétaires que représente pour l'État le financement de ces politiques, une évaluation, sachant par ailleurs que les ministères concernés envisageaient une refonte du système ou plus exactement des systèmes existants.

En préalable, il convient d'observer qu'il n'y a pas eu, au cours de ces dernières années, d'évaluation des politiques de redistribution définies en faveur des familles dans le domaine de l'enseignement.

Or, les bourses d'enseignement ne constituent que l'un des volets de la politique d'aide aux familles, politique qui, dans son ensemble, est difficile à appréhender en raison de la diversité des mesures mises en úuvre et de la multiplicité des partenaires en présence.

Indépendamment des aides accordées par l'État, il faut mentionner pour mémoire celles qui sont accordées par les collectivités locales dont le volume est encore plus difficile à apprécier. Traditionnelles de la part des communes en ce qui concerne les enfants scolarisés dans l'enseignement primaire, elles sont plus diffuses dans les autres niveaux de collectivité et concernent notamment la restauration et les transports scolaires.

S'agissant des bourses d'enseignement, l'essentiel de leur financement est assuré par l'État.

Il s'agit principalement de crédits gérés par les ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur.


D'autres ministères distribuent des bourses. À cet égard on relèvera le ministère de l'Agriculture (440 millions de francs, inscrits à la loi de finances pour 1994 pour les enfants scolarisés en établissements agricoles) et le ministère des Affaires sociales, qui sert des bourses aux étudiants effectuant des études paramédicales.

Chaque ministère a élaboré sa propre réglementation qu'il fait évoluer selon une logique autonome, ce qui n'est pas sans inconvénient et a pu conduire en pratique à des disparités de traitement entre les familles, incompréhensibles pour l'usager. Ainsi, entre 1990 et 1993, les enfants d'agriculteurs ont-ils été traités différemment selon qu'ils fréquentaient un établissement relevant du ministère de l'Agriculture ou du ministère de l'Éducation nationale (ce dernier ministère considérant que les dotations d'amortissement ne constituant pas des charges d'exploitation, elles devaient être réintégrées dans les résultats d'exploitation).

Le panorama serait incomplet, si on omettait de mentionner les bourses d'enseignement distribuées par les collectivités locales sur le fondement du décret du 19 janvier 1881 en ce qui concerne les communes, de la loi du 10 août 1871 pour les départements et en dehors de toute base législative ou réglementaire en ce qui concerne les régions. À la connaissance du Médiateur, aucun document d'ensemble n'en retrace la synthèse.

Les bourses d'enseignement concernent un large public. Dans le second degré (enseignement général et technique), 1 628 999 élèves ont bénéficié d'une bourse lors de l'année scolaire 1992-1993, soit près de 30 % des effectifs (cf. tableau ci-après).

Dans l'enseignement supérieur, 348 000 étudiants sont actuellement boursiers, soit 19 % des effectifs.

Cette progression d'ensemble du nombre de boursiers reflète l'allongement du temps passé en formation initiale.

Il en résulte que la procédure d'octroi des bourses, définie il y a maintenant près de 40 ans, ne répond pas toujours de façon satisfaisante aux besoins actuels.

Le constat est unanime et depuis plusieurs années dénoncé par les rapporteurs parlementaires à l'occasion de l'examen de la loi de finances, qui soulignent la modicité de l'aide apportée.

A. L'ATTRIBUTION DES BOURSES NATIONALES D'ENSEIGNEMENT, UNE PROCÉDURE LOURDE ET COMPLEXE

Les développements qui suivent concernent les bourses distribuées par les ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur. Le Médiateur n'a pas eu, en effet, à connaître de réclamations intéressant d'autres autorités.

Les politiques de bourses sont anciennes. On rappellera pour mémoire que c'est la loi du 11 floréal an X qui institue des bourses au bénéfice des " élèves nationaux " en récompense des services civils et militaires accomplis par leurs parents.

Les procédures actuellement mises en úuvre remontent, en fait, au début de la Ve République.

Dans le second degré, le système est assis sur les décrets 59-38 et 39 du 2 janvier 1959 et 59-1422 du 18 décembre 1959, qui viennent préciser la loi du 21 septembre 1951 dite " loi André Marie ". Dans la pratique, l'essentiel du dispositif fait l'objet d'une circulaire annuelle.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur, la procédure est régie par une circulaire du 28 avril 1982 remise à jour chaque année.

Ces procédures ont des finalités analogues. Il s'agit pour l'État d'accorder aux familles qui éprouvent des difficultés à financer les études de leurs enfants une aide personnalisée, en fonction de l'analyse de leurs ressources effectives et de leurs charges ainsi que du cursus d'études.

Le dispositif mis en place, qui passe par une analyse des situations individuelles au travers notamment d'un barème de charges, témoigne du souci des pouvoirs publics de pratiquer une réelle redistribution.

1. L'analyse des ressources

a. La référence au revenu brut global

Plusieurs systèmes d'évaluation des ressources se sont succédé dans le temps. Mais depuis 1969, c'est le revenu brut global de l'avis d'imposition qui est pris en compte.

Cette référence suscite de nombreux débats.

En effet, ce système qui a pour avantage d'assurer une certaine objectivité en uniformisant le traitement des dossiers, souffre néanmoins de plusieurs inconvénients dans la mesure où la variété des régimes fiscaux existants n'assure pas obligatoirement un traitement équitable de l'ensemble des contribuables.

Il s'agit d'une question générale souvent abordée [avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 1981 (fascicule Éducation)].

De façon plus ponctuelle, le Médiateur de la République a été conduit à relever les insuffisances de cette référence en ce qui concerne les enfants des parents divorcés. Les pensions alimentaires versées par les parents ne sont en effet pas prises en compte puisque déduites après détermination du revenu brut global alors même qu'elles constituent une charge obligatoire pour celui qui est tenu de la verser. Lors de l'instruction d'un dossier de bourse, ses ressources se trouvent donc, dans les faits, surévaluées.

Ces considérations sur l'iniquité du système fiscal selon la nature des revenus appréhendés ainsi que la diversité des objectifs retenus par le législateur dans sa politique fiscale ont conduit, à plusieurs reprises, le ministère de l'Éducation nationale à remettre en cause, pour partie, la référence au revenu brut global.

C'est ainsi que les circulaires applicables de 1990 à 1993 aussi bien à l'enseignement du second degré qu'à l'enseignement supérieur ont défini un certain nombre d'aménagements selon la nature des revenus pris en compte et surtout, ce qui était pour le moins injuste pour l'usager, selon que ces revenus avaient ou non été vérifiés par l'administration fiscale (cf. rapport du Médiateur pour l'année 1991, p. 308 et suiv.).

De nombreuses réclamations, instruites par le Médiateur au cours de ces trois dernières années sur la base de ces dispositions, démontrent qu'en fait les services instructeurs - rectorats et inspections d'académie - ne sont pas à même d'évaluer les revenus des familles, faute de maîtriser les techniques fiscales. Dans ces conditions, le retour au revenu brut global de l'avis d'imposition, même s'il n'est pas toujours satisfaisant en termes d'équité, constitue un moindre mal.

b. L'année de référence

L'un des travers du système actuel concerne l'année de référence prise en compte pour évaluer les ressources.

Du fait du décalage dans le temps entre la date fixée pour le dépôt de la demande de bourse et celle à laquelle l'avis fiscal est émis, c'est en fait à une date antérieure de deux années que la situation des revenus de la famille du candidat est appréciée. Or bien des modifications peuvent se produire en cet espace de temps et fausser, dans un sens ou dans l'autre, l'appréciation du décideur.

Dans une affaire remontant à l'année 1988-1989, et citée au rapport 1991, une demande de bourse avait été rejetée du fait qu'en 1986, " selon l'avis fiscal délivré... ", les revenus dont avait disposé la famille du candidat s'étaient élevés à la somme de 128 000 F, en dépassement du plafond en vigueur en 1988 d'une somme de 1 400 F, soit un peu plus de 1 %. Dans son intervention, le Médiateur de la République rappelait notamment à l'administration que, dans le dossier de demande de bourse, il était démontré qu'en 1987, les revenus de la famille avaient baissé de plus de 10 %. L'administration de l'Éducation nationale, persistant dans son refus, devait répondre que l'abaissement du montant des revenus du foyer en 1987 ne saurait être considéré comme une dégradation de la situation familiale, étant donné qu'il était dû à la perte d'un travail complémentaire dans la profession du chef de foyer.

Dans un certain nombre d'hypothèses, l'administration accepte de tenir compte d'évènements exceptionnels et les circulaires procèdent à cet effet à l'énumération des situations susceptibles d'être prises en compte (maladie, décès, chômage, retraite...) de façon à ce que les revenus soient évalués sur la base de données plus récentes. Mais les réclamations transmises au Médiateur montrent cependant l'insuffisance de ce type de dispositions.

D'une part, seules sont couvertes les situations connues au moment de l'instruction des dossiers de bourses.

Les familles confrontées de façon brutale à une difficulté ne peuvent s'insérer dans le circuit des bourses. Depuis 1991, des secours d'études exceptionnels ont été mis à la disposition des établissements du second degré afin d'aider des élèves confrontés à des difficultés particulières grâce au crédit complémentaire spécial et au fonds social lycéen. Mais à ce jour aucune évaluation de ces politiques n'a été faite. Par ailleurs, le Médiateur ne peut manquer de souligner que pour un certain nombre de réclamations qui pourraient entrer dans ce cas de figure, des refus d'aide sont maintenus par l'administration qui se fonde sur l'annualité des crédits alors que ces fonds devraient, par leur nature même, permettre de régler les situations signalées quel que soit le moment où elles sont exposées.

D'autre part, la liste des situations prises en compte par les circulaires est interprétée de façon limitative par l'administration, de telle sorte que la baisse brutale d'activité éprouvée par certains professionnels ne peut être prise en compte au titre de la procédure des bourses alors même qu'elle est connue lors de l'instruction de la demande (réclamation no 93-4309).

L'effet de ce décalage dans le temps est d'autant plus accentué dans l'enseignement du second degré que les plafonds de bourses retenus ne progressent eux-mêmes que de façon limitée (cf. tableau ci-après).

En revanche, le relèvement des plafonds de ressources intervenu à compter du 1er septembre 1993 dans l'enseignement supérieur atténue cet effet de décalage.

Le plafond de ressources à prendre en considération pour déterminer le droit à obtenir une bourse dépend du nombre de points de charges attribués aux familles en fonction de leur situation.

c. L'analyse des charges

Cette analyse se fait à travers un barème qui, bien que différent selon le cycle d'études concerné, a pour caractéristique de ne pas tenir compte uniquement du nombre d'enfants à charge.


À plusieurs reprises, le Médiateur de la République a été conduit à relever des discordances dans la mise en úuvre des barèmes. Ainsi pour le second degré, plusieurs réclamations ont été présentées par des familles dont l'un des parents avait perdu son emploi et qui perdaient de ce fait un point de charge. Les finalités sociales de la politique des bourses semblent alors perdues de vue.

De façon plus générale, des discordances peuvent apparaître dès lors que les charges du barème s'apprécient au moment de la demande alors que les ressources retenues sont celles de l'année n-2 (réclamation no 91-3968).

Ces quelques réflexions relatives au régime particulier des bourses doivent s'inscrire dans une démarche d'ensemble concernant les différentes aides ou prestations délivrées sans conditions de ressources. À l'occasion de l'instruction des réclamations, le Médiateur a pu relever qu'il existe une grande disparité dans l'appréciation des ressources par les différentes administrations. Ces conditions diffèrent souvent d'une aide à l'autre. C'est ainsi que, selon les cas, les intéressés devront faire valoir les ressources de l'année en cours, ou de l'année précédente, ou encore de l'année antérieure. En outre, les déductions admises pour le calcul des ressources déterminant le droit à une allocation peuvent varier, à tel point qu'une même famille peut se voir accorder une aide et refuser une autre, alors que les plafonds de ressources qui y donnent droit sont les mêmes.

Ces disparités sont mal comprises des administrés et compliquent singulièrement leurs démarches, alors que, s'agissant le plus souvent de personnes en grande difficulté financière et sociale, l'accès aux prestations légales devrait être simple et clair.

C'est pourquoi le Médiateur a demandé au Premier président de la Cour des comptes de faire procéder à une étude sur l'harmonisation et la simplification de l'évaluation des ressources. Cette étude est en cours.

2. Le cursus d'études

L'idée qui sous-tend le dispositif des bourses repose implicitement sur le mérite des bénéficiaires. Seuls les élèves et étudiants ayant un cursus d'études linéaire sans incident de parcours peuvent en principe bénéficier d'une bourse d'études.

À certains égards, la rigueur de la règle est quelque peu atténuée.

En ce qui concerne l'enseignement secondaire, les élèves redoublants du second cycle, sous réserve de la vérification des ressources, peuvent voir leurs bourses maintenues.

En revanche, dans l'enseignement supérieur, sauf dans un certain nombre de cas (redoublement de classe préparatoire, étudiants handicapés, sportifs de haut niveau...), l'étudiant doit solliciter du Recteur une aide individualisée exceptionnelle ou un prêt d'honneur. Mais, il ne s'agit pas d'un droit systématique et, dans la pratique, nombre d'étudiants en situation de redoublement ne bénéficient plus d'aucune aide financière, ce qui conduit à un cumul de handicaps.

La rigidité du principe apparaît d'autant plus que, dans bon nombre de situations, des réorientations - de plus en plus fréquentes aujourd'hui - sont assimilées par l'administration à des redoublements.

Ainsi ce jeune étudiant titulaire d'un DUT de génie civil qui, faute de pouvoir s'inscrire en université, s'inscrit dans un IUP afin de parfaire sa formation et obtenir un diplôme de niveau supérieur et voit, de ce fait, sa bourse supprimée parce que la première année d'IUP correspond au niveau DUT.

On peut ainsi recenser une multitude de situations pour lesquelles les élèves et les étudiants ne sont pas traités équitablement. À cet égard, il convient de préciser que le rapport PREVOS sur les conditions de vie des étudiants remis au ministre de l'Enseignement supérieur préconise l'abandon de ces règles.

Dans le même ordre d'idée, le Médiateur évoquera la situation de cette jeune Française qui, née à Alger, y a fait ses études de médecine et y a obtenu son diplôme en septembre 1990. Préférant revenir en France pour y achever sa spécialité et en vue de s'installer comme médecin, elle est mise dans l'obligation, pour obtenir une équivalence de son diplôme, de représenter l'examen de fin de première année des études médicales PCEM 1.

Elle s'est donc inscrite à Paris, mais a échoué lors de la première présentation. Ayant dû travailler pour subvenir à ses besoins, elle n'avait pu préparer qu'insuffisamment ce concours très sélectif. Elle décide alors de se consacrer uniquement à la préparation de cet examen et sollicite l'octroi d'une bourse qu'elle n'a pu obtenir car âgée de plus de 26 ans. Toutes ses autres demandes d'aide se sont soldées par des échecs (RMI, demande irrecevable en qualité d'étudiante; aucune aide des collectivités locales qu'elle avait sollicitées; aucune aide au titre de la formation professionnelle, faute d'avoir travaillé). L'intéressée s'est donc trouvée dans une situation d'exclusion totale, ne pouvant bénéficier d'aucune des aides prévues sur le plan social.

Cette situation est sans doute exceptionnelle, mais il n'y a eu aucune possibilité de la faire valoir auprès de l'administration, ce qui conduit, pour des étudiants de valeur socialement défavorisés, à des situations d'exclusion pour le moins paradoxales, compte tenu des objectifs retenus par les pouvoirs publics.

D'une façon générale, l'examen des réclamations formulées en matière de bourses, même s'il ne constitue pas un échantillon pertinent au sens statistique, montre que les procédures mises en úuvre sont extrêmement lourdes et complexes et de ce fait peu compréhensibles pour l'usager. Elles impliquent pour les administrations concernées des coûts de gestion élevés sans doute disproportionnés au regard de l'efficacité même des politiques mises en úuvre.

B. L'ATTRIBUTION DES BOURSES NATIONALES, RÉSULTATS INSUFFISANTS POUR LES FAMILLES

Les procédures en vigueur ne répondent qu'imparfaitement aux besoins actuels des familles.

1. La modicité de l'aide apportée

C'est en collège que l'aide apportée est la plus faible. Le montant moyen de la bourse s'élève à 650 F mais 53 % des boursiers ne perçoivent que 340 F.

Dans l'enseignement général, l'aide apportée en second cycle long est plus substantielle puisque le montant moyen de la bourse s'élève à 1 936 F indépendamment des primes versées (1 200 F pour l'entrée en seconde, 1 400 F pour l'entrée en première).

En ce qui concerne l'enseignement technique, la prise en compte du coût des études, plus élevé que pour l'enseignement général, conduit à des aides plus conséquentes.


Alors que la demande d'éducation est de plus en plus forte, le soutien apporté aux familles dans l'enseignement secondaire connaît un certain tassement.

En collège, le montant de la part de bourse n'a pas augmenté depuis 1975 (168,30 F). En lycée, la part a été portée de 168,30 F à 188,40 F à la rentrée 1981 et est passée à 219 F à la rentrée 1984, à 225 F à la rentrée 1985 et à 243 F à la rentrée 1989 mais depuis lors n'a pas été revalorisée.

L'étude statistique sur l'évolution des taux moyens de bourse depuis 1985 reflète clairement cette évolution (cf. tableau ci-après).


Dans l'enseignement supérieur, la mise en úuvre du plan social étudiant a conduit à une progression significative des bourses.

En vertu d'un arrêté du 8 juin 1993 portant majoration des taux des bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour l'année universitaire 1993-1994, ces taux sont fixés, à compter du 1er septembre 1993, ainsi qu'il suit :

Mais, dans ce secteur également, il apparaît clairement que ce type de politique n'est plus en mesure de répondre à la demande de formation actuelle. D'après les chiffrages actuels, à public constant, une simple augmentation de 100 F par mois des bourses accordées aux étudiants signifie pour le budget de l'État une mesure nouvelle à un coût de 300 millions de francs.

Cette impossibilité de faire évoluer l'ensemble du dispositif au regard de l'évolution du coût de la vie a conduit les pouvoirs publics à apporter des correctifs au système existant, ce qui a eu d'ailleurs pour effet d'en accroître la complexité ou d'imaginer d'autres formes d'aides.

2. Les aménagements du système

Dans le second degré, des financements complémentaires ont été apportés par une politique d'attribution de parts supplémentaires de bourses et la définition d'un régime de primes forfaitaires.

C'est ainsi que les élèves de l'enseignement technique bénéficient de deux parts supplémentaires dites d'" enseignement technologique ".

Cela concerne les élèves boursiers des classes de seconde spéciale ou spécifique et les élèves boursiers qui suivent la voie professionnelle. Mais on observe que les élèves boursiers de la voie générale et technologique qui choisissent des options technologiques ne peuvent pas bénéficier de ces deux parts supplémentaires en dépit de leur " label ", ce qui là encore n'est guère compris des usagers.

Cela concerne les élèves boursiers des classes de première de la voie technologique qui conduit au brevet de technicien dans une spécialité donnée et au baccalauréat technologique dans l'une des nouvelles séries suivantes :

- STT (sciences et technologies tertiaires),

- STL (sciences et technologies de laboratoire),

- SMS (sciences médico-sociales),

- STI (sciences et technologies industrielles),

- appliqués,

- Techniques de la musique et de la danse,

- Hôtellerie,

- STAE (sciences et technologies de l'agronomie et de l'environnement).

Sont également concernés les élèves boursiers des classes de terminale.

Au fil des ans et des circulaires, le système s'est complexifié à un point extrême qui permet mal aujourd'hui d'en mesurer la cohérence interne et d'en évaluer les effets sur les familles. Le tableau suivant illustre utilement le degré de complexité atteint par le système actuellement en vigueur dans le second degré.


Le système a perdu de sa cohérence interne. Ainsi, les élèves qui entrent en seconde pour préparer un baccalauréat professionnel obtiennent une prime de 1 200 F au lieu et place de la prime qualification de 2 811 F qu'ils touchaient dans l'enseignement technique court. De fait, l'État réduit son aide à qui poursuit ses études pour obtenir un diplôme plus qualifiant.

Ces modifications successives du régime des bourses sont en outre sources de nombreuses erreurs dans le traitement des dossiers par les services. Par ailleurs, les modifications du régime des primes se sont à plusieurs reprises traduites concrètement par une diminution de l'aide pour les familles concernées. Ainsi lors de la rentrée scolaire 1992-1993, la suppression de la part " section industrielle " et sa fusion dans la prime d'équipement se sont traduites concrètement par une diminution de l'aide.

3. La multiplication des aides

Dans le second degré, on peut relever diverses aides indirectes accordées par le ministère de l'Éducation nationale telles que le prêt gratuit de manuels scolaires aux élèves des collèges (382,70 millions de francs inscrits à la loi de finances 1994) ou l'aide accordée pour la prise en charge des frais de pension à certaines familles ayant des enfants en EREA.

Toujours dans le second degré, on relèvera que depuis 1974 les caisses d'allocations familiales versent sous condition de ressources à certaines familles ayant des enfants soumis à l'obligation scolaire une allocation de rentrée scolaire. Le montant de cette prestation familiale a été porté à la dernière rentrée scolaire de 400 à 1 500 F par enfant (pour cette seule année). Le coût de l'aide pour 1994 est estimé à 2,168 milliards de francs. Elle concerne 2,5 millions de familles et 5,5 millions d'enfants, soit un public beaucoup plus large que celui des boursiers.

Dans l'enseignement supérieur, on observe la même diversification des politiques conduites à l'initiative de l'État avec l'introduction en septembre 1991 d'une politique de prêt étudiant, l'existence d'aides indirectes au logement telle que l'ALS, prestation familiale étendue à l'ensemble du territoire depuis le 1er janvier 1993 qui vient compléter le dispositif social géré par le CNOUS et ses établissements (1 453,3 millions de francs à la loi de finances 1994).

On notera également que depuis 1992 les lois de finances ont défini des avantages fiscaux au bénéfice des parents dont les enfants poursuivent des études secondaires ou supérieures. Ces réductions d'impôt sur le revenu - de 400 F ou 1 000 F par enfant en collège ou lycée - concernent 2,3 millions de foyers et ont un coût de 3,6 milliards de francs pour l'État. S'agissant des familles ayant à charge des étudiants, à la réduction d'impôt de 1 200 F par enfant poursuivant des études supérieures s'ajoute l'octroi d'une demi-part supplémentaire de quotient pour chaque enfant majeur âgé de 25 ans, rattaché au foyer fiscal de ses parents pendant la durée de ses études (coût estimé à 5 milliards de francs).

Cet ensemble de mesures conduit de fait à une politique très morcelée de l'aide aux familles. Cette tendance risque de s'accentuer avec les projets de réforme actuellement à l'étude dans les ministères concernés, dont on peut donner les grandes lignes :

a. Suppression des bourses de collège annoncée pour la rentrée 1994. Les crédits correspondants ont été transférés au ministère des Affaires sociales pour que soit substituée au système des bourses une nouvelle prestation familiale complémentaire à l'actuelle allocation de rentrée scolaire gérée par les CAF.

b. Une refonte du régime en vigueur pour les lycées est prévue mais avec l'architecture actuelle. Les simplifications porteraient essentiellement sur le circuit décisionnel d'instruction des dossiers.

c. Mise en úuvre du rapport PREVOS en ce qui concerne l'enseignement supérieur avec notamment la définition d'une politique de prêt.

Ce rapide constat témoigne des insuffisances du système des bourses et conduit, d'autant qu'une multitude d'aides de substitution ont vu le jour, à préconiser une évaluation de cette forme d'aide publique qui n'est sans doute pas dissociable de l'ensemble des politiques d'aide aux familles. Dans un contexte où la demande d'éducation est forte et devrait encore sensiblement progresser, la question de l'aide est centrale. L'opinion publique est d'autant plus sensibilisée qu'elle est vivement attachée aux principes républicains qui fondent l'enseignement public en France et notamment au principe de la gratuité.



II. LES PROPOSITIONS

A. UNE VOLONTÉ DE SIMPLIFIER LE MODE D'ATTRIBUTION

En préambule aux développements qui suivent, on rappellera en quelques mots les réformes qui ont été adoptées à l'initiative du gouvernement dans le souci de simplifier les procédures d'attribution des bourses.

L'une des critiques principales adressées au système des bourses dont l'avant-projet d'évaluation se faisait d'ailleurs l'écho portait sur la lourdeur des procédures.

Le constat était évident en ce qui concerne les collèges.

Lors de la discussion du projet de loi sur la famille, Mme VEIL, ministre d'État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, devait rappeler que " 52 % des boursiers de collège ne touchent que 337 F payables en trois fois alors que le coût de gestion pour le ministère de l'éducation nationale est, pour chaque bourse, de 250 F " et insister sur la lourdeur de la procédure " avec onze critères différents et une gestion compliquée ".

L'article 23 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille, qui substitue aux bourses de collège une aide à la scolarité, est entré en vigueur dès la rentrée scolaire de septembre 1994. Désormais, les caisses d'allocations familiales versent cette aide en une seule fois lors de la rentrée scolaire aux familles dont la situation le justifie sans que celles-ci aient, comme par le passé, à présenter un dossier de demande.

En revanche, en ce qui concerne les bourses versées aux lycéens, les dispositions antérieures ont été reconduites pour la campagne de bourses 1994-1995. Un projet de décret simplifiant la procédure d'attribution prévue par les décrets nos 59-38 et 59-39 du 2 janvier 1959 est toutefois prévu.

Dans l'enseignement supérieur, diverses mesures ont été prises au cours des dernières années pour progressivement simplifier et améliorer les procédures en vigueur : transfert de la gestion aux Centres régionaux des úuvres universitaires et scolaires (CROUS), amélioration des délais de paiement, généralisation de la mensualisation, possibilité d'obtenir une avance sur bourse à la rentrée universitaire.

Des difficultés subsistent cependant, en ce domaine, comme le montre la réclamation no 94-4011.

Mme A..., qui ne dispose pour seules ressources que du Revenu Minimum d'Insertion, a deux enfants qui tous deux poursuivent actuellement leurs études à l'université. Compte tenu de la situation de ressources de la famille, ces jeunes gens sont éligibles aux bourses d'enseignement supérieur et ont déposé leur dossier auprès du rectorat de Paris compétent pour instruire leur demande avant le 1er avril 1994, ainsi que la circulaire du 4 mars 1994 du ministre de l'Enseignement supérieur, publiée au Bulletin officiel du 24 mars, les y invitait. En juillet, Mme A... s'est inquiétée auprès du rectorat de ne pas avoir reçu comme à l'habitude, l'avis d'attribution conditionnelle. L'interlocuteur de Mme A... lui a indiqué que le service avait du retard dans le traitement des dossiers et qu'en conséquence les avis ne pourraient être délivrés que fin septembre. Ne pouvant disposer de cet avis lors des inscriptions administratives à l'université, le fils aîné de Mme A... n'a pu bénéficier de la gratuité des frais d'inscription qui est accordée aux étudiants boursiers (article 2 du décret 84-13 du 5 janvier 1984) et s'est acquitté de 1 568 F de droits soit plus de la moitié du revenu dont sa mère dispose chaque mois, et a renoncé à prendre une couverture auprès d'une mutuelle compte tenu de l'importance de l'avance qu'il a dû consentir. Certes, Mme A... est en droit d'obtenir auprès de l'université le remboursement des droits d'inscription versés mais cette procédure qui nécessite des démarches supplémentaires n'est susceptible d'aboutir qu'après plusieurs mois. Il n'est nul besoin d'insister sur les conséquences graves de ces retards pour l'ensemble de la famille.

Saisi de cette réclamation, le Médiateur de la République devait saisir le recteur de Paris pour attirer son attention sur les conséquences des dysfonctionnements observés et aider Mme A... à effectuer ses démarches auprès de l'université pour être remboursée des droits versés à tort.

À l'origine, le système des bourses a été conçu par les pouvoirs publics pour aider les élèves et les étudiants les plus méritants dont les familles ne pouvaient subvenir aux études. Mais il est clair aujourd'hui que cette primauté accordée à la réussite scolaire ou universitaire induit des conséquences trop rigoureuses, dans un système où l'accès à l'enseignement se généralise.

Dans le second degré, en dépit de la lettre de la loi du 21 septembre 1951, plus connue sous le nom de loi André Marie, le ministère de l'Éducation nationale avait d'ailleurs introduit des assouplissements en faveur des redoublants pour éviter que leurs difficultés scolaires ne soient sanctionnées pécuniairement par un retrait de leur bourse d'étude.

L'institution de " l'aide à la scolarité " au bénéfice des élèves des collèges traduit, à cet égard, un changement important dans l'approche des politiques d'aide aux études, l'aide étant désormais accordée au seul vu des ressources des familles.

À l'occasion des débats devant l'Assemblée nationale, les dispositions de cette loi ont par ailleurs, sur l'initiative de plusieurs parlementaires, été modifiées dans le même sens et la référence " aux élèves les plus méritants " supprimée. Le droit s'accorde ainsi à nouveau avec les faits.

En revanche, dans l'enseignement supérieur, un certain nombre de difficultés subsistent.

En l'état actuel de la réglementation, issue de la circulaire no 82-180 du 28 avril 1982 modifiée, les étudiants en situation de redoublement ne peuvent prétendre au maintien de leur bourse. Les étudiants concernés doivent alors solliciter du recteur d'académie l'octroi d'une aide individualisée exceptionnelle.

Toutefois, à la différence des bourses sur critères sociaux, cette aide n'est pas de droit et, lorsque l'aide est accordée, elle s'avère en outre d'un montant inférieur à celui d'une bourse.

Comme le relevait le ministre de l'Enseignement supérieur dans la réponse à une question écrite d'un parlementaire (QE no 5716 JOAN 6 décembre 1993 p. 4373), " on ne peut nier qu'un certain nombre d'étudiants en situation de redoublement ne bénéficient plus d'aucune aide financière ". Dans son rapport sur les conditions de vie des étudiants, M. Albert PREVOS relevait la sévérité de la règle dans la mesure où 50 %% d'étudiants échouent dans leurs études au cours du premier cycle et souhaitait, à cet égard, l'engagement d'une réflexion sur les critères sociaux d'accès aux bourses.

On observera également que dans un arrêt récent du 7 avril 1994, le Conseil d'État a annulé le refus de verser une bourse opposé à une élève qui redoublait une classe préparatoire en rappelant que s'il appartenait au recteur, en application du décret du 2 janvier 1959, d'apprécier dans quelle mesure la situation familiale de la requérante justifiait l'attribution d'une bourse, il n'a pu légalement en prononcer le retrait au seul motif que l'intéressée avait été admise à redoubler.

Dans le prolongement de cette réflexion sur les droits des étudiants redoublants à prétendre à une bourse, il faut également relever que l'administration assimile les réorientations à des redoublements alors même que les palliers d'orientation se sont multipliés mettant les jeunes devant des choix difficiles qu'ils sont parfois appelés à remettre en cause et que la fragilité de la situation économique de notre pays les entraîne à des reconversions avant même leur sortie du monde universitaire.

Pour une illustration de cette situation, on renverra à la réclamation évoquée dans l'avant-projet d'évaluation concernant un jeune étudiant titulaire d'un DUT de génie civil qui s'est ultérieurement orienté vers un IUP.

B. UNE POLITIQUE D'AIDE PLUS COHÉRENTE

Des difficultés apparaissent également, alors même que les étudiants poursuivent un cursus d'études cohérent, comme le montre la réclamation no 92-3309.

Elève d'une classe préparatoire aux grandes écoles " Lettres supérieures modernes, option sciences politiques ", M. J... bénéficiait d'une bourse scolaire de 16 740 F, soit l'échelon maximal sur le barème des bourses alors applicable.

À l'issue de cette année d'études, l'intéressé a souhaité s'inscrire à l'institut d'Études politiques (IEP) d'Aix-en-Provence mais a appris à cette occasion que son admission dans un IEP le priverait du bénéfice d'une bourse. Le rectorat lui a, en effet, expliqué que dans la mesure où il reprenait une inscription à un niveau d'études bac + 1, il devrait formuler une demande d'aide individualisée exceptionnelle en même temps que le transfert de son dossier vers l'académie d'Aix-en-Provence.

M. J... a saisi le Médiateur de la République en faisant valoir que la suppression du bénéfice d'une bourse d'enseignement supérieur lui apparaissait inéquitable dans la mesure où son entrée à l'IEP d'Aix-en-Provence ne pouvait être assimilée à un redoublement et où le cursus qu'il avait suivi était cohérent.

Bien que partageant cette thèse, le Médiateur n'a pu obtenir de l'administration qu'elle modifie son analyse, à l'occasion de cette réclamation.

Enfin, il convient de signaler les refus de bourses liés à la nature des études poursuivies par les étudiants comme le montre la réclamation no 94-3961.

Après avoir obtenu une maîtrise de sciences et techniques à l'université d'Aix-Marseille III, M. F... a été accepté en 2e année à l'École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires (ENSAIA) de Nancy en 1993.

Depuis le début de sa vie étudiante en 1989, M. F... a bénéficié, compte tenu de la modicité des revenus familiaux, d'une bourse sur critères sociaux d'un montant annuel d'environ 17 000 F.

Lors de la rentrée universitaire 1993-94, la bourse lui est refusée au motif qu'il est titulaire d'un diplôme à finalité professionnelle du niveau bac+4.

Lors de l'instruction de cette réclamation, le Médiateur de la République s'est interrogé sur la pertinence de cette notion de diplôme à finalité professionnelle. En l'occurrence, cette distinction a pour conséquence de pénaliser les étudiants titulaires d'une maîtrise de sciences et techniques qui sont admis sur titre en 2e année de l'ENSAIA, par rapport à leurs camarades titulaires d'une maîtrise de sciences pures également admissibles sur titres et qui eux sont éligibles aux bourses. La réglementation actuelle contribue à pénaliser l'étudiant qui, titulaire d'une maîtrise de sciences et techniques et conscient des difficultés économiques, cherche à valoriser son diplôme par une formation complémentaire en usant d'ailleurs d'une filière d'accès prévue par les textes, ce qui montre bien qu'il y a continuité du cursus d'études.

L'ensemble de ces observations a conduit le Médiateur de la République à suggérer au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche une refonte des règles applicables aux étudiants boursiers qui redoublent ou qui se réorientent dans le sens d'un assouplissement et d'une meilleure cohérence avec l'organisation même des études.

Il convient également d'insister sur l'absence de vision d'ensemble à moyen terme des politiques destinées à aider les familles à financer les études de leurs enfants. Comme le souligne l'avant-projet d'évaluation adressé en mars 1994 au commissariat général au Plan, les aides se sont diversifiées sans qu'une évaluation globale n'en ait jamais été faite. Ces aides ont, de par leur nature même, des effets différents sans qu'on sache si elles bénéficient aux mêmes familles ou si, au contraire, elles s'excluent entre elles.

Elles relèvent d'ailleurs de philosophies différentes. Certaines n'ont eu qu'une existence éphémère et sont aujourd'hui supprimées sans qu'une véritable évaluation de leurs incidences n'ait été réalisée. C'est le cas des exonérations fiscales introduites par la loi de finances pour 1992 qui ont été abrogées par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille.

À cet égard, on relèvera que la création de la nouvelle aide à la scolarité illustre une nouvelle fois la difficulté que les administrations rencontrent pour définir des systèmes d'aide qui soient cohérents entre eux.

Par souci de ne pas rompre avec les règles appliquées antérieurement par le ministère de l'Éducation nationale et qui restent en vigueur pour les lycéens, il a été décidé d'apprécier les ressources des familles en fonction du revenu net catégoriel.

Lors de l'instruction des dossiers d'aide à la scolarité, il n'est donc pas procédé aux abattements ou neutralisations prévus aux articles R 531-11 à R 531-13 du Code de la sécurité sociale alors même que ces dispositions sont prises en compte en vertu des dispositions de l'article R 543-6 du Code de la sécurité sociale pour l'attribution de l'allocation de rentrée scolaire qui est servie en même temps que l'aide à la scolarité.

Indépendamment de cette discordance, on relèvera surtout l'article 4 du décret 94-742 du 31 août 1994 relatif à l'aide à la scolarité, rappelant que, pour l'appréciation des ressources des familles, il est fait application des dispositions de l'article R 531-10 du Code de la sécurité sociale qui permet de prendre en compte dans les charges des familles les créances alimentaires alors qu'il n'en est pas tenu compte dans le régime applicable aux bourses accordées aux lycéens et aux étudiants.

Il n'est pas dans l'intention du Médiateur de la République de critiquer l'élargissement des critères ainsi opéré en ce qui concerne les boursiers des collèges qui correspond aux vúux exprimés dans l'avant-projet de la note d'évaluation. Mais cette amélioration du dispositif applicable aux collégiens appelle quasi nécessairement une modification des règles applicables aux lycéens et aux étudiants pour éviter que les droits d'une même famille soient appréciés de façon différente selon que leurs enfants sont en âge de fréquenter le collège ou le lycée. En ce domaine, alors que les créances alimentaires sont des charges obligatoires, rien ne peut justifier le maintien de telles discordances.

Dans cette perspective, le Médiateur de la République a donc proposé au ministre de l'Éducation nationale et au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche d'introduire, dans la réglementation applicable aux bourses, des dispositions équivalentes à celles définies par l'article R 531-10 du Code de la sécurité sociale.

À l'occasion de la réclamation no 94-3945, le Médiateur de la République a pu également constater que le passage d'un régime de bourse au régime de l'aide à la scolarité avait pour conséquence d'exclure du champ d'application du nouveau régime certaines familles qui, sous l'emprise des dispositions antérieures, auraient pu bénéficier d'une bourse.

M. et Mme L... connaissent une situation professionnelle difficile depuis plusieurs années et ne disposent que de ressources modestes. Leur fille entrant en sixième à la rentrée scolaire 1994, Mme L... a fait une démarche auprès de la caisse d'Allocations familiales pour obtenir le bénéfice d'une aide à la scolarité mais s'est heurtée à un refus indépendamment de la modicité des ressources dont elle pouvait justifier.

En l'espèce, le Médiateur de la République devait constater que la caisse d'Allocations familiales a fait une exacte application des dispositions de l'article 23 de la loi du 25 juillet 1994 dans la mesure où la réclamante n'était bénéficiaire d'aucune des prestations familiales énumérées par le texte : aide personnalisée au logement, allocation aux adultes handicapés ou revenu minimum d'insertion. Or, l'intéressée aurait pu dans le cadre de l'ancien régime des bourses des collèges obtenir, compte tenu de ses ressources et des barèmes en vigueur, une bourse d'études.

À l'occasion de ce dossier, le Médiateur de la République devait donc proposer au ministre des Affaires sociales de modifier le texte de l'article 23 reprenant d'ailleurs sur ce point certains amendements déposés lors de la discussion parlementaire qui n'avaient pas été retenus.

À l'occasion de cette proposition de réforme, il a été également suggéré de modifier les dispositions de l'article L 543-1 du Code de la sécurité sociale applicable à l'allocation de rentrée scolaire qui, comportant une rédaction analogue, excluent de la même façon certaines familles alors même qu'elles remplissent les conditions de ressources. On rappellera que cette partie de la proposition avait d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de loi de M. A. ZELLER déposée en 1993 mais qui n'a pas encore été inscrite à l'ordre du jour des assemblées.

Dans le même souci d'attirer l'attention de l'administration sur les incohérences qui peuvent exister entre les différents régimes d'aide applicables, on citera enfin la proposition de réforme AGE 94.04 adressée au ministre des Affaires étrangères à la suite de l'instruction de la réclamation no 94-0574.

M. et Mme J... résident au Maroc où leur fille a poursuivi ses études secondaires. Ayant obtenu son baccalauréat, Mlle J... a hésité sur l'orientation de ses études et s'est en fin d'année inscrite à l'université dans l'académie d'Orléans-Tours. En considération des revenus de sa famille, elle a alors obtenu un avis d'attribution conditionnelle pour une bourse d'étude d'un montant de 17 766 F.

Toutefois, compte tenu du montant très élevé des frais de séjour en France, M. J... n'a pas donné suite à ce projet initial et a en définitive pris la décision de faire effectuer à sa fille la préparation HEC au lycée Descartes à Rabat.

Ayant demandé à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger que soit transférée à Rabat la bourse d'étude qui aurait pu être servie à sa fille en France, M. J... a reçu une réponse négative, au motif que le champ d'intervention du service des bourses de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger ne s'étend pas au-delà du baccalauréat.

Après instruction, il est apparu que l'agence avait fait une exacte application de la réglementation applicable dans les établissements français à l'étranger. Mais, observant que la règle avait pour conséquence de pénaliser les jeunes Français expatriés qui souhaitent poursuivre leurs études en classe préparatoire dans un lycée relevant de l'agence par rapport à leurs camarades qui fréquentent une classe équivalente en métropole, le Médiateur de la République a souhaité, par sa proposition, la formulation de règles comparables.


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