LES PROPOSITIONS DE REFORME


I.LES COMPÉTENCES DU MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE


L'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 donne qualité au Médiateur de la République pour faire " toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l'organisme concerné " et " suggérer les modifications qu'il lui paraît opportun d'apporter à des textes législatifs ou réglementaires ".

Ces dispositions, qui conduisent le Médiateur de la République à saisir le Gouvernement de propositions de réformes, reposent sur la situation privilégiée qui est la sienne pour observer les dysfonctionnements de l'administration. L'examen des réclamations qui lui sont adressées, les rapports de ses délégués départementaux, ses contacts avec les élus et le monde associatif lui fournissent un tableau très précis des problèmes que connaissent les usagers des services publics.

Quand la difficulté rencontrée par un administré résulte d'une information ambiguë ou incomplète, d'un comportement administratif critiquable, de la rédaction imparfaite d'un texte législatif ou réglementaire, ou encore lorsque la décision incriminée se réfère à un texte qui n'est plus adapté aux circonstances, le Médiateur de la République peut proposer les modifications qu'il estime opportunes.

Les interventions qu'il est amené à faire peuvent viser la modification d'un imprimé administratif ou l'amélioration d'une procédure; elles peuvent, également, aller jusqu'à demander au Gouvernement de préparer un nouveau dispositif législatif, ou de modifier celui qui est en vigueur.

La plupart des propositions émises trouvent leur source dans l'analyse précise et rigoureuse des litiges soumis au Médiateur par les particuliers. Ce n'est pourtant pas le seul " gisement " des réflexions qui sont entreprises à la médiature : les services suivent avec attention les travaux parlementaires (notamment les propositions de lois et les questions écrites adressées aux ministres), ainsi que les différents rapports publics émanant d'organismes d'inspection et de contrôle, ou d'autorités administratives indépendantes. Les propositions émises par ces autorités tendent en effet à répondre aux mêmes problèmes que ceux qui figurent dans les dossiers soumis au Médiateur ou à ses délégués départementaux.

Les propositions de réforme du Médiateur de la République sont instruites suivant une procédure dont l'efficacité a été améliorée en 1993. Le Médiateur adresse aux ministres concernés une lettre décrivant les difficultés constatées et les évolutions qui lui paraissent souhaitables.

Le dossier est instruit par le ministère et suivi par le correspondant ministériel désigné dans chaque ministère. L'état d'avancement des propositions est examiné dans des réunions interministérielles tenues au Secrétariat général du Gouvernement et conduites par un membre du cabinet du ministre chargé des Réformes administratives. L'organisation, depuis cette année, de réunions plus fréquentes autour de thèmes précis a permis d'aboutir à une instruction très satisfaisante des dossiers.

Si le Médiateur s'adresse aux autorités ministérielles pour faire valoir ses propositions, il tient à les transmettre aux commissions concernées des Assemblées lorsque ces propositions mettent en cause des dispositions législatives ou ont fait l'objet de travaux parlementaires.

Les propositions de réforme sont, enfin, portées à la connaissance du public par le rapport annuel et, parfois, par des communiqués de presse.

Le Médiateur de la République souhaite développer cette fonction de proposition qui peut seule permettre le règlement en profondeur des litiges qui lui sont soumis.

Pour ce faire, il s'efforce de se rapprocher de l'ensemble des acteurs (cellules de modernisation au sein des administrations, organismes et autorités indépendantes), afin d'améliorer la réflexion et d'assurer la plus grande crédibilité aux propositions qui sont émises.

Enfin, l'étude des réclamations montre que certaines catégories de population connaissent des difficultés administratives qui leur sont propres. Sur ces sujets (les handicapés, les personnes âgées dépendantes, les " sans domicile fixe "), le Médiateur étudie la possibilité de saisir les pouvoirs publics d'un ensemble de propositions de nature à remédier à leurs problèmes administratifs spécifiques.

II. LE SORT DES PROPOSITIONS PRÉSENTÉES OU DISCUTÉES EN 1993

A.DES AVANCÉES SATISFAISANTES


Parmi la trentaine de dossiers en cours pendant l'année 1993, le Médiateur de la République a eu la satisfaction de constater que plusieurs propositions de réforme ont été couronnées de succès.

C'est le cas d'une proposition ancienne AGP 90-02, qui tendait à permettre aux ayants-droit des fonctionnaires décédés dans les jours suivant leur mise à la retraite de bénéficier d'un capital-décès. Cette possibilité leur était refusée, en dépit de décisions de justice favorables. Cette proposition a fait l'objet d'un arbitrage du Premier ministre dans le sens des suggestions du Médiateur.

Certaines propositions avaient pour objet la clarification de notices ou de documents administratifs qui étaient apparus peu clairs ou difficilement lisibles.

Le ministère du Budget a ainsi accepté d'améliorer la rédaction des notices remises aux contribuables en matière de réduction d'impôt pour les dons aux úuvres FIN 92-07 et de réduction d'impôt au titre des dépenses de grosses réparations FIN 93-01. Le ministère de l'Equipement, répondant à la demande du Médiateur URB 90-01, a modifié les imprimés types de permis de construire, afin d'expliciter le sens de la formule : " le permis est délivré sous réserve des droits des tiers ", qui n'était pas toujours comprise. Le ministère de l'Education, quant à lui, a modifié les formulaires de relevés de notes du baccalauréat ED 93-01.

Dans le domaine de l'information, le Médiateur de la République avait demandé FIN 92-02 que les ministères du Budget et des Affaires sociales se rapprochent afin d'élaborer un document permettant aux personnes qui ne sont pas imposables de connaître l'étendue des droits qui peuvent, sous certaines conditions, en découler (voir chapitre Le citoyen et sa contribution à l'impôt, E.La non-imposition). Ce dossier est maintenant en bonne voie et devrait aboutir au début de l'année 1994.

Concernant le droit de vote, le Médiateur de la République avait été saisi de nombreuses réclamations émanant de retraités, exclus du vote pour le référendum du 20 septembre 1992; en effet, si les citoyens " en congés de vacances " étaient autorisés à voter par procuration, cette possibilité était refusée aux retraités et autres " inactifs ". Le Médiateur avait porté cette question à l'attention du ministre de l'Intérieur INT 93-02. Le problème a été réglé, à la satisfaction du Médiateur, par une modification du Code électoral au mois de juillet 1993.

B. DES ÉCHECS ET DES LENTEURS


Lorsque l'administration réitère son refus aux propositions qu'il a présentées, le Médiateur peut être amené à les retirer et, éventuellement, à les reformuler.

C'est ainsi qu'une proposition ancienne AGP 89-02, portant sur les modalités de révision des pensions des fonctionnaires, qui avait été soumise à l'arbitrage du Premier ministre, a finalement été retirée, devant les contraintes techniques invoquées par le ministère du Budget.

Ce fut également le cas de la proposition STR 92-04, visant à soumettre certaines décisions des organismes de sécurité sociale à un contrôle juridictionnel accru. Le retrait de cette proposition ne signifie pas que le problème soit réglé : le Médiateur de la République considère toujours que ces décisions, lorsqu'elles sont prises en matière gracieuse, ne sont pas contrôlées de manière satisfaisante; le justiciable ne sait pas où s'adresser pour faire valoir ses droits et les particularités de sa situation lorsqu'une remise de dette lui est refusée.

D'autres propositions de réforme, qui sont encore en principe en discussion, apparaissent en réalité au point mort, aucune solution n'étant envisagée pour résoudre les problèmes soulevés par le Médiateur de la République.

Un premier dossier est significatif à cet égard et illustre en outre les difficultés qui se manifestent lorsque les compétences des collectivités locales sont en cause. Une allocation compensatrice pour aide d'une tierce personne doit normalement être versée par les départements au titre de l'aide sociale. Or, de nombreux conseils généraux refusent de verser cette allocation aux personnes âgées handicapées, hébergées à titre payant en centre de long séjour. Pour ce faire, ils se prévalent d'arguments juridiques qui n'ont pas résisté à l'analyse des juridictions saisies en cas de recours. Saisi de nombreuses réclamations, le Médiateur de la République a présenté, en 1991, une proposition de réforme STR 91-02, visant notamment à revoir la rédaction des textes applicables. Malgré des démarches répétées, le dossier n'a pas avancé et ne pourra sans doute aboutir qu'à la faveur d'une réforme globale des aides aux personnes âgées dépendantes.

On peut également citer, dans cette rubrique, la proposition de réforme AGE 92-01, relative aux modalités du contrôle technique des véhicules. L'administration estime que les problèmes rencontrés par les propriétaires d'automobiles pour se soumettre à cette nouvelle réglementation sont peu nombreux. Elle ne semble pas prête à remettre en question les conditions actuelles du contrôle.

Enfin, le Médiateur de la République regrette que certains dossiers, qui auraient pu appeler un traitement relativement simple, n'aient guère avancé depuis qu'ils ont été soumis aux pouvoirs publics, ou alors ont demandé un temps particulièrement long pour trouver une solution.

C'est le cas d'une proposition, présentée en octobre 1990 RAG 90-03, tendant à l'élaboration d'une circulaire rappelant aux services administratifs les règles qui s'imposent pour respecter les décisions du juge judiciaire. La circulaire est sur le point d'être adoptée, mais au terme d'une période qui apparaît excessivement longue.

Une autre proposition URB 91-02, émise en janvier 1991, avait pour objet de rendre plus rapide l'obtention d'un permis de construire dans le voisinage d'un site classé; alors que la proposition du Médiateur de la République ne semble pas rencontrer d'opposition de principe de la part des administrations concernées, aucune réforme n'a pu encore voir le jour.

On peut citer également une proposition STR 91-05, émise en septembre 1991, visant à améliorer l'information des assurés sociaux qui seraient hospitalisés hors du secteur où ils sont domiciliés, cette information devant porter notamment sur les conséquences financières, souvent importantes, qui en résultent.

C. DES PROPOSITIONS DE RÉFORME AUX INCIDENCES ÉTENDUES


Du fait même que les propositions de réforme trouvent leur source dans les réclamations des administrés, elles concernent la plupart du temps des questions techniques liées à l'application de législations complexes et d'un abord difficile pour les non-initiés, comme le droit social, la législation fiscale, le droit de l'urbanisme.

Cela explique que le Médiateur de la République soit, le plus souvent, conduit à proposer la clarification ou l'aménagement de textes ou de procédures. Les thèmes ainsi abordés, s'ils sont importants, car il s'agit d'améliorer la situation des administrés dans les rapports avec l'administration, ne sont pas toujours de nature à concerner le grand public.

Pourtant, certaines des propositions émises par le Médiateur ont une large portée.

C'est le cas de la proposition de réforme INT 93-01 concernant la situation des personnes " sans domicile fixe ". Ces personnes sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses. Étant dépourvues de domicile, elles connaissent des difficultés accrues avec les administrations. Parmi ces problèmes, figure au premier chef celui qui est lié à l'identité. On ne peut, en principe, se voir délivrer une carte nationale d'identité que si l'on est en mesure de faire état d'un domicile. Or, les cas particuliers soumis au Médiateur lui ont montré que la possession d'un tel titre est indispensable, surtout pour ces personnes.

Déjà, sur le plan psychologique, la perte du droit à une carte d'identité est dommageable. Ensuite, la détention d'un tel titre, si elle n'est pas obligatoire, est utile dans la pratique (en cas de contrôle d'identité, pour établir sa nationalité). Également, il est très difficile, pour ces personnes, d'obtenir l'ouverture d'un compte bancaire ou postal, pourtant indispensable pour tout effort de réinsertion. Enfin, l'absence de justificatif d'identité et de domicile fait obstacle à l'inscription sur les listes électorales et, par suite, à l'exercice du droit de vote.

Le Médiateur de la République a proposé que les " sans domicile fixe " puissent obtenir une carte d'identité en faisant élection de domicile auprès d'une association agréée par l'administration, comme c'est déjà parfois le cas pour la perception du revenu minimum d'insertion.

III. LISTE DES PROPOSITIONS DE RÉFORME PRÉSENTÉES AU COURS DE L'ANNÉE 1993

RÉFÉRENCE OBJET

JUS 93-01 Changement d'adresse du parent ayant la garde des enfants

DEF 93-01 Durée du service national pour les appelés ayant demandé à servir au titre de la coopération ou de l'aide technique

FIN 93-01 Réduction d'impôt au titre des dépenses de grosses réparations

JUS 93-02 Clarification des règles relatives aux successions mobilières

INT 93-01 Obtention d'une carte d'identité par les personnes " sans domicile fixe "

DEF 93-02 Frais de déménagement des militaires se retirant dans les départements d'outre-mer

INT 93-02 Vote par procuration des retraités

STR 93-01 Rétablissement du droit aux prestations en cas de liquidation judiciaire

ED 93-01 Relevés des notes du baccalauréat

STR 93-03 Modalités d'obtention d'une pension de réversion par le conjoint survivant

INT 93-04 Participation des majeurs sous tutelle aux scrutins politiques

URB 93-01 Procédures nécessitant l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France

STR 93-04 Versement par les entreprises de la " contribution supplémentaire " prévue à l'article L 321-13 du Code du travail

FIN 93-03 Réduction d'impôt pour investissement immobilier locatif

AGP 93-01 Date de jouissance des pensions de retraite

STR 93-05 Affiliation des étudiants handicapés à l'assurance maladie

AGP 93-02 Cumul de pensions et de rémunérations d'activité

FIN 93-04 Information sur les droits de mutation à taux réduits

AGE 93-02 Conditions d'accès aux professions réglementées

AGE 93-03 Prise en compte de la condition de nationalité pour l'accès à la fonction publique

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