LE CITOYEN ET SA CONTRIBUTION À L'IMPÔT




Par le contenu de la mission qui lui est confiée, le Médiateur de la République est appelé à répondre à une double attente :

- celle du citoyen placé dans une situation telle qu'il a besoin d'être soutenu dans l'exercice de ses droits;

- celle des pouvoirs publics engagés dans la voie de la rénovation du service public.

Le présent rapport, en retraçant l'activité de l'institution, offre aussi l'occasion de mesurer selon quelles tendances évoluent les causes des litiges qui lui sont soumis.

Depuis quelques années, et de façon continue, l'institution connaît une forte montée du nombre de réclamations qu'elle reçoit.

Parmi ces demandes, on constate cependant certaines constantes dans les sources des litiges.

Ainsi, il apparaît que bien des contestations trouvent leur origine dans une plus ou moins grande méconnaissance des éléments constitutifs de l'affaire : soit que l'auteur de la décision contestée n'ait pas perçu, en droit ou en fait, la situation exacte de l'administré, soit que ce dernier n'ait pas accompli les démarches nécessaires pour éviter le différend, ou simplement ait ignoré leur existence.

Dans bien des domaines, les services publics s'emploient à diffuser l'information sur leurs activités, y compris sur leur fonctionnement; malgré ces efforts, la méconnaissance demeure encore, notamment en matière fiscale.

C'est pourquoi il a paru opportun au Médiateur de la République d'éclairer le contribuable sur ses obligations et ses droits vis-à-vis des administrations financières.

Trois grandes administrations se répartissent les compétences pour établir et recouvrer les impôts :

- la direction générale des Impôts,

- la direction de la Comptabilité publique,

- la direction générale des Douanes et Droits indirects.

Chacune de ces directions, pour accomplir la mission qui lui est confiée, dispose de deux catégories de services : les services centraux, ou direction générale proprement dite, et les services extérieurs (nationaux, régionaux et départementaux). Elles sont désignées, dans la vie courante, par les appellations " Impôts ", " Trésor public " et " Douanes ".

Dans notre État de droit, tout contribuable va nécessairement être amené à entretenir de fréquentes relations avec l'une ou l'autre de ces administrations.

Or ce dialogue ne sera aisément praticable que si le contribuable est en mesure de rencontrer le bon interlocuteur, au bon moment peut-on ajouter.

Très simplement, cela implique que le contribuable sache pourquoi telle question relève de la compétence de " son contrôleur " et telle autre de " son percepteur ".

Peut-être convient-il aussi d'attirer l'attention du contribuable sur les démarches qu'il doit accomplir en certaines circonstances ou situations particulières, par exemple en cas de changement d'adresse ou de situation de non-imposition.

Le Médiateur ayant constaté que de nombreux litiges auraient, en l'espèce, pu être évités grâce à une meilleure information des contribuables, il lui a paru utile de rappeler, dans les grandes lignes :

1°) les compétences respectives du contrôleur et du percepteur dans leurs relations avec les contribuables;

2°) le rôle du contribuable dans certaines situations plus fréquemment évoquées à travers les réclamations reçues à la Médiature;

3°) les attributions particulières qui appartiennent soit " aux Impôts ", soit " aux Douanes ".

I. CONTRÔLEUR ET PERCEPTEUR


De façon périodique, ou dans certaines circonstances particulières, le citoyen est appelé à honorer ses obligations fiscales, fixées par la loi en fonction de ses facultés contributives. Cette contribution, faut-il le rappeler, est destinée à la couverture des dépenses générales de l'État et des collectivités territoriales, dont il profitera par ailleurs de manière directe ou indirecte.

Les relations qu'il va ainsi établir, en sa qualité de contribuable, avec l'administration, vont s'avérer relativement complexes dans la mesure où le contrôle et le recouvrement de l'impôt incombent à des services distincts, qui ne relèvent pas toujours de la même administration.

Il importe par conséquent d'avoir une idée assez précise du rôle et des compétences de chacun d'entre eux, pour chaque catégorie d'imposition.

Dans le cas contraire, en effet, toute démarche engagée auprès d'un service non habilité à y donner suite, conduira inévitablement à une perte de temps : des courriers répétés, des frais inutiles et une surcharge de travail pour les agents concernés, sans omettre les risques d'une information inexacte.

Le système fiscal français distingue deux grandes catégories d'impôts :

- les impôts directs,

- les impôts indirects.

Les impôts directs, d'État ou locaux, qu'ils soient déclaratifs ou non, sont ceux perçus par voie de rôle nominatif, c'est-à-dire en vertu d'un document préalablement établi par l'administration, appelé " avis d'imposition ".

Ce titre, identifiant le contribuable, indique la nature de l'impôt, les éléments sur lesquels il est calculé, et la somme due.

Très important pour l'administration comme pour le contribuable (il ouvre droit à réclamation si l'on s'estime surimposé), ce document est établi par le centre des impôts, compétent pour calculer les droits, et autorise le Trésor public, chargé du recouvrement, à utiliser les procédures légales pour en obtenir le paiement.

Les compétences respectives du contrôleur et du percepteur apparaissent clairement en matière d'impôts directs.

Le service de " l'assiette " au centre des impôts (contrôleur) assure le suivi permanent du dossier fiscal qui réunit l'ensemble des déclarations souscrites par le contribuable et sert à établir les différentes impositions. Il dépend de la direction générale des Impôts. Le comptable du Trésor (percepteur, trésorier) dépend, lui, de la direction de la Comptabilité publique, et a pour tâche principale de recouvrer l'impôt.

Les contrôleurs établissent et contrôlent les bases servant au calcul des différents impôts directs et indirects. Ils procèdent à des vérifications de documents et peuvent, le cas échéant, effectuer des redressements.

Les dossiers d'impôt sur le revenu sont gérés par les services d'assiette (pour les particuliers), par le service de la fiscalité d'entreprise (pour les commerçants et artisans) et par celui de la fiscalité personnelle (pour les professions libérales).

Lorsque les bases d'imposition sont contestées, ou lorsque le contribuable souhaite obtenir une remise gracieuse des droits ou des pénalités d'assiette, c'est le contrôleur qui est compétent pour répondre.

Outre l'impôt sur le revenu (le plus important des impôts directs) qui a rapporté 278 milliards de francs en 1991, les centres des impôts suivent également l'impôt sur les sociétés et l'imposition forfaitaire annuelle payés par les entreprises (127 milliards de francs en 1991).

Les impôts locaux sont également des impôts directs (taxe d'habitation, taxe professionnelle et taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties). Ils ont rapporté environ 230 milliards de francs en 1991. Leur base et leur calcul sont établis par le centre des impôts fonciers.

Les impôts indirects, contrairement aux impôts directs, sont perçus sans rôle nominatif, et cela quel que soit leur objet. On classe dans cette catégorie la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.), principal de ces impôts indirects, et les droits d'enregistrement.

Autre différence importante par rapport aux impôts directs, leur recouvrement n'est pas assuré par le percepteur (Trésor public), mais par le receveur des impôts (direction générale des impôts).

Par ailleurs, outre le recouvrement des impôts directs d'État (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, imposition forfaitaire annuelle), le percepteur est également chargé de la gestion des finances des collectivités locales pour lesquelles, notamment, il encaisse les impôts directs locaux et taxes assimilées (taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties).

Le percepteur est responsable des opérations dont il a la charge. Cette responsabilité est personnelle et pécuniaire pour le contrôle et l'exécution des dépenses et des recettes qui lui sont confiées, pour la conservation des fonds qu'il détient, et des documents comptables et pièces justificatives des opérations effectuées.

Enfin, le percepteur est également chargé du recouvrement de certaines taxes non fiscales de l'État (amendes, prélèvement sur le produit des jeux) et de recettes diverses, telles que la redevance de l'audiovisuel. De même, il assure la gestion de la dette publique et l'exécution des budgets des établissements publics (H.L.M., hôpitaux) et des collectivités locales.

Pour toutes les sommes dont il doit assurer le recouvrement, le percepteur est fondé à engager des poursuites en cas de non-paiement. C'est également lui qui est compétent pour accorder des délais de paiement et la remise des majorations de recouvrement et des frais de poursuites.

C'est donc au percepteur que doivent être adressées toutes les demandes sollicitant le bénéfice d'une de ces mesures.

II. LE RÔLE DU CONTRIBUABLE

A. LE CHANGEMENT D'ADRESSE


Lorsqu'une personne change de domicile et donc d'adresse, certaines démarches doivent être nécessairement effectuées pour signaler ce changement afin d'éviter des désagréments.

Il arrive en effet que des poursuites pour recouvrer des impositions soient engagées et que les personnes concernées reçoivent, plusieurs années après, des commandements de payer ou des actes de saisie pour des impôts dont elles ignoraient l'existence. De même, lorsque des versements effectués pour payer un impôt se révèlent trop élevés, l'administration se trouve empêchée de restituer la somme indûment perçue faute de connaître la nouvelle adresse du contribuable.

Or il suffit, l'année du changement d'adresse, d'informer par écrit les services suivants :

- le contrôleur des impôts de l'ancien domicile et, éventuellement, celui du lieu des immeubles possédés (terrains et constructions);

- le percepteur de l'ancien domicile;

- le contrôleur du centre des impôts fonciers, en cas de paiement d'une taxe foncière.

S'agissant du règlement des avis d'imposition reçus l'année du changement, il est à effectuer auprès du percepteur qui a adressé l'avis d'imposition; son adresse figure sur le document reçu : c'est en général le percepteur de l'ancien domicile. En cas de mensualisation, les prélèvements continuent d'être effectués par le percepteur de l'ancien domicile.

S'agissant de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, lorsque le changement de domicile a eu lieu en cours d'année, leur paiement doit également être effectué auprès du percepteur de l'ancien domicile.

Puis, l'année suivante, où l'occupation du domicile est déjà effective au 1er janvier, il convient d'envoyer la déclaration d'impôt au contrôleur des impôts dont l'adresse figure sur l'imprimé qui est transmis. C'est le contrôleur de l'ancien domicile.

Si, éventuellement, le contribuable ne reçoit aucun document avant l'expiration des délais légaux de dépôt des déclarations d'impôt sur le revenu, il doit nécessairement se procurer un imprimé de déclaration dans un centre des impôts et l'envoyer, dûment rempli, au contrôleur de l'ancien domicile, sans oublier d'indiquer son ancienne et sa nouvelle adresse.

Les acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu sont payés au percepteur de l'ancien domicile, et le solde au percepteur du nouveau domicile qui doit être informé des versements d'acomptes effectués auprès de l'ancien percepteur.

En cas de prélèvements mensuels, il suffit d'informer le percepteur du nouveau domicile de l'existence de ces prélèvements auprès du percepteur de l'ancien domicile quand l'avis d'imposition est émis afin que les fonds soient transférés au nouveau comptable. Les taxes d'habitation, et éventuellement foncière, sont à payer auprès du percepteur du nouveau domicile.

B. LES AVANTAGES FISCAUX - L'IMPORTANCE DES JUSTIFICATIFS


L'obtention d'un avantage fiscal, tel qu'une réduction d'impôt ou la déduction de certaines charges du revenu imposable, est subordonnée à la production, dans les délais impartis, de justificatifs présentés en la forme exigée par la réglementation.

Or le contribuable qui remplit les conditions de fond pour bénéficier de l'avantage fiscal a bien souvent tendance à négliger le strict respect des règles de forme qui régissent la procédure d'octroi de la mesure fiscale.

C'est ainsi que pour de simples raisons tenant à la non-conformité des pièces justificatives ou à leur présentation hors délai, l'administration peut, en toute légalité, remettre en cause de manière définitive l'avantage fiscal dont le contribuable entendait bénéficier.

L'octroi de la réduction d'impôt dans le cadre de l'investissement immobilier locatif est, par exemple, subordonné notamment à la souscription d'un engagement de location, rédigé conformément à un modèle fixé par l'administration, comportant tous les renseignements utiles concernant le contribuable et l'immeuble loué.

Ce document doit impérativement être annexé à la déclaration des revenus de l'année au cours de laquelle le bénéfice de la réduction d'impôt est demandé.

Des contribuables qui ont fourni ce document a posteriori, ou qui ont joint à leur déclaration toute autre pièce justificative, telle que l'acte d'acquisition du logement ou le contrat de bail du locataire en omettant l'engagement de location exigé par l'administration, ont perdu le bénéfice de la réduction d'impôt.

L'engagement de louer doit donc impérativement être joint à la déclaration des revenus, car il concrétise l'intention de réaliser une acquisition conforme à la volonté du législateur, notamment en ce qui concerne la durée de la location. En outre, les mentions qui y sont portées ont également pour but de permettre au service local des impôts de vérifier que le contribuable remplit bien toutes les conditions exigées par la loi pour bénéficier de la réduction d'impôt.

Par ailleurs, en matière de déduction de charges, la législation fiscale autorise les propriétaires d'immeubles classés monuments historiques à déduire de leur revenu global la totalité de leur participation financière aux travaux de réparation et d'entretien exécutés ou subventionnés par l'administration des affaires culturelles.

Or, un propriétaire a engagé des travaux après avoir reçu du conservateur régional des affaires culturelles une simple lettre d'intention de réserver une aide de faible importance à la restauration du bâtiment concerné. Le contribuable a donc estimé, en toute bonne foi, pouvoir bénéficier de la déductibilité des travaux effectués, à concurrence de la totalité du montant.

Malheureusement, la subvention promise n'ayant pu être versée que cinq années plus tard, bien après l'accomplissement des importants travaux de rénovation, l'administration a pu considérer légalement que l'aide allouée ne s'appliquait pas à la tranche de travaux effectués antérieurement, mais concernait une nouvelle tranche de travaux.

La déductibilité des dépenses engagées a, par conséquent, été limitée à 50 %, pourcentage applicable en l'absence de subvention.

Ainsi, il apparaît que le bénéfice de l'avantage fiscal est subordonné au versement effectué de la subvention, préalablement à l'engagement des travaux.

C. LE PAIEMENT DE L'IMPÔT SANS DEMANDE DE L'ADMINISTRATION


Certains impôts recouvrés par l'administration fiscale doivent être versés spontanément par les contribuables au percepteur ou au receveur des impôts concerné : ce sont les impôts dits " sans rôle ".

Le contribuable détermine lui-même le montant de l'impôt à verser et produit un document comportant les éléments de calcul. Ce document, transmis à la direction des services fiscaux, permet de contrôler le versement effectué et les bases d'imposition. L'absence ou l'insuffisance de versement spontané est sanctionnée par des pénalités et des majorations. Selon les cas, ce versement doit ou non être accompagné d'une déclaration.

1. Les versements spontanés non accompagnés de déclaration

a. L'impôt sur les sociétés

Les acomptes versés au Trésor public sont calculés à l'initiative de la société. Chaque versement est accompagné d'un bordereau qui fait la navette entre la société et le comptable du Trésor, et où sont indiqués les bénéfices imposables de l'exercice. En fin d'exercice, la société calcule l'impôt réellement dû, verse le solde éventuel et produit, dans les trois mois, une déclaration des bénéfices réalisés au centre des impôts dont elle dépend. Les services des impôts s'assurent alors que les calculs de la société sont conformes aux résultats déclarés. Ils effectuent un redressement et appliquent des majorations quand l'impôt résultant des déclarations est supérieur aux sommes effectivement versées, ou lorsqu'aucun versement n'est intervenu.

b. L'imposition forfaitaire annuelle

Due par toutes les sociétés ou personnes morales assujetties à l'impôt sur les sociétés, elle est calculée et versée spontanément, entre le 1er janvier et le 1er mars, à la caisse du percepteur territorialement compétent. Le versement est accompagné d'un bordereau-avis, transmis ensuite à la direction des services fiscaux. A défaut de paiement, les services d'assiette émettent un rôle, avec majoration.

c. La taxe sur les salaires

Elle est due par tous les employeurs non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Le versement est effectué spontanément par l'employeur auprès du comptable du Trésor dont il dépend, et dans les quinze premiers jours de chaque mois pour les rémunérations versées le mois précédent. Il est accompagné d'un bordereau-avis, transmis ensuite à la direction départementale des services fiscaux.

Tout manquement donne lieu à l'émission d'un rôle au nom de l'employeur, ainsi qu'à des majorations et intérêts de retard. Les régularisations des insuffisances de versement ont lieu après dépôt de la déclaration annuelle des salaires au centre des impôts.

2. Les versements d'impôts accompagnés de déclaration

a. La taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.)


Les redevables de la T.V.A. sont tenus de produire, chaque mois ou chaque trimestre, selon l'importance de leur chiffre d'affaires, une déclaration indiquant, pour la période concernée, le montant total des opérations réalisées, et le détail des opérations taxables.

Le paiement de l'impôt intervient en principe au moment même du dépôt ou de l'envoi de la déclaration au service des impôts, et doit être fait à la caisse du receveur des impôts. Les dates limites de dépôt des déclarations, et donc de paiement, sont fixées au plan national. Le défaut ou le retard de production des déclarations entraînent, bien sûr, des pénalités.

Par ailleurs, la déclaration sans paiement entraîne une amende fiscale, alors que le retard de paiement ne donne lieu qu'à des majorations et intérêts de retard.

b. L'impôt de solidarité sur la fortune (I.S.F.)


Les personnes physiques dont le patrimoine excède le seuil d'imposition fixé au 1er janvier doivent souscrire chaque année, avant le 15 juin, une déclaration détaillée et estimative de leurs biens, accompagnée du paiement au comptant de l'impôt, et adressée à la recette des impôts dont ils dépendent. A défaut, des sanctions sont appliquées, ainsi qu'en cas de déclaration et paiement hors délais.

c. La taxe d'apprentissage


Les employeurs doivent produire une déclaration au plus tard le 5 avril de l'année suivant celle du paiement des salaires, accompagnée du versement de la taxe à la recette des impôts dont ils dépendent. Le défaut ou le retard de déclaration, et donc de paiement, entraînent là encore des sanctions fiscales.

Enfin, s'agissant des impôts perçus par voie de rôle et qui donnent lieu à envoi, par l'Administration, d'un avis d'imposition, il convient de noter que la non-réception de cet avis par le contribuable ne le dispense pas de s'acquitter des sommes dues (exemple : acomptes provisionnels de l'impôt sur le revenu).

Le défaut de versement, dans les délais, entraîne l'application d'une majoration de 10 %.

D. LE PAIEMENT SOLIDAIRE DE L'IMPÔT ET LA DÉCHARGE DE RESPONSABILITÉ


Le recouvrement des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être poursuivi non seulement auprès du contribuable lui-même, mais dans certains cas, envers des tiers solidairement responsables.

Il en est ainsi de la solidarité entre époux, entre fermiers et locataires, entre propriétaires de fonds de commerce ou d'immeubles et locataires, entre les gérants de leur société, ou entre les représentants ou les ayants droit du contribuable.

Cette responsabilité peut être mise en jeu et cela, par toutes les voies de droit, sans qu'il y ait lieu de procéder à une répartition de la dette fiscale entre les personnes tenues au paiement solidaire de l'impôt. Les comptables chargés de ces poursuites peuvent réclamer indifféremment aux unes ou aux autres la totalité de la dette.

Toutefois, en cas de difficulté, les tiers tenus au paiement total ou partiel de l'impôt à la place du redevable peuvent, sans contester leur solidarité, demander à être déchargés de cette responsabilité.

A cette fin, en matière d'impôt direct, le redevable adresse une demande exposant clairement et précisément sa situation personnelle et financière au trésorier-payeur général du lieu d'imposition. Un avis est formulé par le comptable chargé de recouvrer l'impôt, ainsi que par le directeur des services fiscaux concerné. Le trésorier-payeur général statue ensuite sur la demande présentée si le montant de la dette est dans les limites de sa compétence, puis notifie sa décision.

Si les avis du trésorier-payeur général et du directeur des services fiscaux divergent, la décision définitive appartient au directeur de la Comptabilité publique, après avis du directeur général des Impôts. Cette procédure est également suivie lorsque le montant de la dette dépasse les limites de la compétence du trésorier-payeur général. Cependant, dans ce dernier cas, lorsque les avis émis par le directeur de la Comptabilité publique et le directeur général des Impôts sont différents, la décision revient au ministre du Budget.

S'agissant des taxes sur le chiffre d'affaires, le directeur des services fiscaux, le directeur général des Impôts ou le ministre du Budget statue sur les requêtes présentées, dans les limites de leurs compétences respectives.

Lorsque l'examen du dossier permet à l'administration de constater que le tiers solidaire n'a tiré aucun profit des revenus servant de base à l'imposition, ou si sa situation matérielle et financière est précaire, la décharge totale ou partielle de sa responsabilité dans le paiement de l'impôt peut être prononcée.

E. LA NON-IMPOSITION


Certaines personnes, bien que non imposables en raison de la faiblesse de leurs revenus, doivent souscrire obligatoirement une déclaration lorsqu'elles disposent d'éléments de train de vie particuliers.

Ainsi, les personnes qui possèdent un avion de tourisme ou une voiture de tourisme destinée exclusivement au transport des personnes, ou un yacht ou bateau de plaisance, ou un ou plusieurs chevaux de course, celles qui emploient un employé de maison, celles qui ont à leur disposition une ou plusieurs résidences secondaires, permanentes ou temporaires, en France ou hors de France, doivent souscrire une déclaration de revenus, quelles que soient leurs ressources.

Cette obligation vise également les personnes dont la résidence principale présente une valeur locative ayant excédé, au cours de l'année d'imposition, 1.000 F à Paris et dans les communes situées dans un rayon de 30 kilomètres, et 750 F dans les autres localités.

Toutefois, dans ce cas, il n'est pas exigé de déclaration des occupants de logements très modestes, sauf élément particulier d'information concernant leur train de vie ou leurs revenus.

D'autre part, il convient de préciser que, pour obtenir le remboursement d'un crédit d'impôt ou d'un avoir fiscal sans autre formalité particulière à effectuer, il suffit de souscrire la déclaration d'impôt sur le revenu.

Par ailleurs, il peut être de l'intérêt des personnes non imposables de souscrire une déclaration, même si elle n'est pas obligatoire. En effet, pour bénéficier de divers avantages, notamment sociaux, pour lesquels un justificatif de ressources est nécessaire, l'avis de non-imposition est, en général, le seul moyen de preuve. Or il n'est délivré qu'à la condition qu'une déclaration de revenu ait été souscrite.

Sans doute, est-il utile d'essayer de préciser ici, dans les grandes lignes, la nature de ces avantages, étant toutefois observé que cette liste, d'ailleurs non exhaustive, ne saurait dispenser de se reporter à la réglementation propre au domaine relatif à chacune des mesures évoquées.

Ainsi, la non-imposition sur le revenu est la seule condition à remplir pour obtenir :

- le versement de la prime prévue en faveur des titulaires d'un plan d'épargne populaire (P.E.P.);

- l'exonération du prélèvement social de 1 %;

- l'exonération de l'impôt complémentaire de 1 % sur les revenus de capitaux mobiliers;

- l'exonération de cotisation d'assurance maladie sur les retraites;

- l'exonération de la contribution sociale généralisée sur les pensions de retraite et d'invalidité;

- l'exonération de la contribution sociale généralisée sur les allocations de chômage et de préretraite.

En revanche, le fait d'être non imposable sur le revenu ne constitue que l'une des conditions requises pour ouvrir droit :

- à l'exonération de la redevance télévision;

- à l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties;

- à l'exonération de la taxe d'habitation;

- au dégrèvement total de la taxe d'habitation (incidence de la mesure de plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu).

Enfin, la non-imposition sur le revenu est l'un des critères sociaux d'attribution des bourses de l'enseignement du second degré et du supérieur.

F. LE PLAN CADASTRAL ET LE DROIT DE PROPRIÉTÉ


Les litiges mettant en cause l'administration du Cadastre montrent une méconnaissance, par les administrés, du rôle de ce service et de la portée juridique des documents qu'il délivre.

Ainsi leur est-il souvent attribué une valeur qu'ils ne possèdent pas, notamment en matière de propriété.

Or ces malentendus peuvent nourrir des contentieux de voisinage, longs et coûteux, et dont l'issue sera des plus incertaines.

C'est pourquoi il apparaît très utile :

- de rappeler les grandes lignes des différentes missions qui incombent au Cadastre dans ses relations avec les administrés;

- de préciser, en conséquence, la valeur juridique, technique et fiscale que revêtent les documents cadastraux, de manière à les invoquer utilement en cas de litiges afférents aux parcelles auxquelles ils se rapportent.

1. Les missions du Cadastre


Le Cadastre tient l'inventaire permanent de la propriété foncière, bâtie et non bâtie. Cet inventaire, à la fois descriptif et évaluatif, a un double rôle :

- juridique, foncier et technique;

- fiscal.

En effet, l'administration du Cadastre a pour mission :

- d'une part, d'identifier et de décrire physiquement l'ensemble des propriétés, en établissant et en maintenant à jour un document topographique exhaustif, appelé " plan cadastral ";

- d'autre part, d'assurer l'évaluation des biens fonciers nécessaire à la détermination des bases des taxes foncières et de recenser les propriétaires redevables de ces taxes.

Le Cadastre constitue donc le reflet de l'état civil de la propriété foncière et l'instrument de la fiscalité directe locale.

2. La valeur juridique des documents cadastraux


Les administrés ont accès à cette documentation dans les bureaux du Cadastre; ils peuvent la consulter et obtenir des copies. Un double des registres cadastraux est également consultable en mairie.

La délivrance des reproductions et extraits du plan cadastral répond à divers besoins :

- recherche d'informations fiscales (assiette des impôts locaux ...) ou foncières (situation et consistance des biens ...);

- accomplissement des formalités de publicité foncière dans les conservations des hypothèques, qui accompagnent les mutations de propriétés.

C'est certainement ce dernier point qui est source de confusion dans l'esprit de nombreux propriétaires qui assimilent, à tort, le document cadastral établi à leur nom lors de la mutation à un véritable titre de propriété du bien figurant sur l'extrait de plan.

Or il faut savoir que les documents cadastraux sont des pièces de nature purement administrative : ils décrivent seulement des situations de propriété apparentes, mais ne constituent en aucun cas une preuve (ou même une présomption) de propriété.

Ils ne peuvent donc être utilement produits en cas de contestation du droit de propriété dont la reconnaissance ne sera établie que sur le fondement des mentions énoncées dans le titre de propriété du bien litigieux, conservé au bureau des hypothèques (en général, l'acte notarié).

Cela étant, des liaisons étroites existent entre le Cadastre et le fichier immobilier des hypothèques qui retrace les événements juridiques de la propriété (en Alsace-Lorraine, c'est le système du livre foncier tenu par un magistrat, hérité du droit allemand, qui est en vigueur).

En effet, depuis la réforme de la publicité foncière intervenue en 1956, la désignation cadastrale des biens est obligatoire pour tout acte soumis aux formalités de publicité foncière.

Une rénovation cadastrale, appelée " remaniement ", est donc entreprise chaque fois que l'inadaptation des documents cadastraux par rapport à la situation des immeubles sur le terrain le nécessite.

A cet égard, il est utile d'apporter quelques précisions susceptibles, là aussi, d'éviter des contestations.

Ainsi, lors d'une procédure de remaniement cadastral, les délimitations des propriétés privées effectuées consistent essentiellement en la mise en place, contradictoire si possible, des limites des parcelles par les propriétaires eux-mêmes, le rôle du géomètre du Cadastre se limitant à constater leur accord.

Les résultats du remaniement sont communiqués aux propriétaires. Chacun peut prendre connaissance du nouveau plan cadastral qui est déposé à la mairie et faire part de ses observations éventuelles.

En cas de désaccord persistant, seul un géomètre privé peut, en sa qualité d'expert, déterminer les droits de chacun. Et dans l'hypothèse où cet expert ne disposerait d'aucun élément pour opérer cette délimitation, notamment en l'absence de preuve, le différend doit alors être porté devant l'autorité judiciaire, par une action en revendication auprès du tribunal de grande instance territorialement compétent qui déterminera la propriété des parcelles objet du litige.

III. LES COMPÉTENCES PARTICULIÈRES DES IMPÔTS ET DES DOUANES


Au lieu d'être établis directement sur les personnes, les impôts indirects reposent, en général, sur l'activité économique du pays; contrairement aux impôts directs, ils sont recouvrés par les services comptables de la direction générale des impôts (recette des impôts), ainsi que cela a déjà été précisé, ou par ceux de la direction générale des douanes (recettes des douanes).

On distingue la T.V.A., les impôts indirects proprement dits et les droits de douane. La T.V.A., principal de ces impôts, est basée sur la consommation et les services. Elle est collectée par les entreprises qui la facturent à leurs clients.

Les droits d'enregistrement sont calculés et dus lors du dépôt de déclarations de succession, de donation et de toutes autres transactions mobilières et immobilières (ils ont produit 640 milliards de francs en 1991). Ces déclarations font l'objet d'un contrôle ultérieur par le service des impôts.

En outre, certains services de la direction générale des impôts sont chargés de missions spécifiques telles que la tenue du plan cadastral (service du Cadastre), l'évaluation des immeubles et l'administration du domaine de l'État (service des Domaines), la publicité foncière et la conservation de tous les renseignements concernant les immeubles (conservation des Hypothèques).

Les missions de la direction générale des douanes et droits indirects ont été sensiblement modifiées dans la perspective du Marché européen unique. Depuis le 1er janvier 1993, tout contrôle ou formalité à finalité fiscale lors du passage des frontières intracommunautaires a été supprimé.

La perception de la taxe sur la valeur ajoutée dans les échanges entre pays appartenant à la Communauté européenne n'est plus effectuée, depuis cette date, par l'administration des Douanes.

Cette tâche incombe désormais aux services des impôts, qui reçoivent les déclarations de T.V.A. et les versements correspondants, comme pour les opérations internes. Le nouveau mécanisme en vigueur maintient l'exigibilité de la T.V.A. applicable dans l'État où est établi l'acquéreur du bien. Ce système n'a été mis en place qu'à titre provisoire. A terme, l'objectif est de parvenir, dans les relations entre résidents de la C.E.E., à une taxation généralisée des biens et services dans le pays d'origine.

Cela étant, les achats que les particuliers effectuent dans un autre État membre supportent, à l'exception des véhicules neufs, la taxe sur la valeur ajoutée de cet État. Les franchises communautaires et les bordereaux de vente sont supprimés pour les voyageurs de la C.E.E.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 1993, les compétences exercées jusqu'alors par la direction générale des Impôts en matière d'assiette, de contrôle et de recouvrement des contributions indirectes, des droits, taxes, redevances et impositions, dans le domaine de la garantie de tous produits d'or, d'argent et de platine, et dans les secteurs de la viticulture, des céréales, des tabacs et des alcools, sont transférées aux services des douanes.

Les missions de la direction générale des douanes demeurent pratiquement inchangées pour les importations et les exportations en provenance ou à destination des pays tiers.

L'entrée en France d'un bien originaire ou en provenance d'un pays tiers, et qui n'a pas été dédouané dans un autre État membre de la C.E.E., est soumis aux droits de douane et à la taxe sur la valeur ajoutée.

Ce service reste donc compétent pour la perception de la taxe sur la valeur ajoutée sur les " importations ", terme réservé désormais aux biens d'origine extra-communautaire et non dédouanés dans un pays de la C.E.E. avant leur arrivée en France.

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