AVANTAGES SOCIAUX ET INDEMNISATION DU CHÔMAGE



I. LES RELATIONS AVEC LES ORGANISMES SOCIAUX

Dans son précédent rapport, le Médiateur signalait déjà les améliorations constatées dans les relations entretenues avec les organismes sociaux, à l'occasion du traitement des réclamations qui lui sont soumises.

Dans l'ensemble, ces organismes répondent de mieux en mieux à l'intervention du Médiateur de la République, notamment sur le plan de l'équité, et leur attitude est plus coopérative.

A. URSSAF : UNE POLITIQUE DE RELATIONS SUIVIES QUI PORTE SES FRUITS

Ainsi en est-il par exemple des URSSAF auxquelles il est arrivé au Médiateur de reprocher une attitude trop rigide. Grâce à une politique d'explications, de relations, notamment avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) auprès de laquelle le Médiateur a un correspondant, le traitement des dossiers s'est trouvé nettement amélioré et les difficultés des assurés sociaux dans la conjoncture actuelle sont mieux prises en compte.

C'est ainsi par exemple que le cas, déjà évoqué dans le rapport pour 1992, page 67, de cette veuve de médecin très malade qui avait à faire face à une dette de cotisations élevée a été résolu dans un sens favorable. L'URSSAF du Var, reconnaissant les arguments du Médiateur, a consenti à titre tout à fait dérogatoire une importante remise de dette (dossier no 92-3108).

L'URSSAF de Paris devient plus réceptive à des solutions d'équité grâce à une politique de relations et d'explications qui porte ses fruits. Son directeur a en effet accepté, sur demande du Médiateur, de désigner une personne plus particulièrement chargée de suivre les dossiers transmis par ses soins dans cet organisme très important, qui compte plus d'un million de comptes cotisants.

Cette politique également engagée avec les caisses primaires d'assurance maladie les plus importantes, notamment en région parisienne, a été poursuivie puisque cette année trois nouvelles CPAM ont désigné en leur sein un correspondant du Médiateur (caisses primaires de Seine-et-Marne, du Val-d'Oise, des Yvelines). Ce sont ainsi plusieurs dossiers qui ont pu être traités plus facilement et plus rapidement.

B. UNE ATTITUDE CONSTRUCTIVE AU NIVEAU DES RÉFORMES

Le Médiateur a noté avec satisfaction que plusieurs dispositions législatives sont venues modifier les régimes existants en apportant des améliorations dans le système de protection sociale, notamment en matière d'accidents du travail, de maladies professionnelles, d'invalidité :

- La loi no 92-1446 du 31 décembre 1992 (article 32) relative aux garanties de reclassement ou d'indemnisation accordées aux salariés déclarés inaptes à leur emploi par la médecine du travail est venue combler une lacune que, comme son prédécesseur, le Médiateur n'a cessé de dénoncer auprès des pouvoirs publics (cf. la proposition de réforme STR 87.12 déjà formulée en 1987 sur la nécessaire compatibilité des décisions des médecins conseils des caisses et des médecins du travail en matière d'inaptitude, et le rapport du Médiateur pour l'année 1992).

Ainsi, le travailleur, victime d'un accident du travail ou de maladie professionnelle, bénéficie d'une obligation de reclassement dans l'entreprise. Si l'employeur justifie être dans l'impossibilité de proposer un reclassement conforme à l'avis du médecin du travail ou si le travailleur refuse l'emploi proposé, l'employeur peut prononcer son licenciement. Dans cette situation, le travailleur accède au bénéfice de l'indemnisation du chômage. De plus, si le reclassement ou le licenciement n'intervient pas dans le délai d'un mois, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé le salaire correspondant à l'emploi perdu.

- La loi DMOS no 93-121 du 27 janvier 1993 a institué une nouvelle procédure de reconnaissance des maladies professionnelles, fondée sur une expertise individuelle, notamment lorsque la maladie n'a pas été reconnue d'origine professionnelle dans le cadre des tableaux précisant les cas d'exposition aux risques et leurs conséquences médicales.

La mise en place de comités régionaux chargés d'apprécier le caractère professionnel des maladies devrait apporter une meilleure garantie aux victimes et remédier à des cas où l'iniquité est évidente.

- Enfin, le Médiateur a apprécié les efforts faits par certains organismes pour améliorer la protection sociale générale pour les risques qui touchent les plus gravement atteints. C'est ainsi que la CANCAVA, répondant aux critiques formulées l'an passé concernant la couverture du risque invalidité des commerçants et des artisans, a engagé avec les pouvoirs publics une réforme du régime invalidité devant permettre d'étendre la couverture du risque " incapacité au métier " jusqu'au soixantième anniversaire de l'assuré. Jusqu'ici cette couverture était limitée à trois années et pouvait être prolongée d'un an si une situation sociale particulière l'exigeait.

Cette réforme, que le Médiateur appuie évidemment très fermement, devrait permettre, comme le souligne le directeur de cette caisse nationale, " d'éviter que des assurés n'ayant pu se reconvertir ou exclus du marché du travail en raison de leur âge, se trouvent démunis de ressources et de couverture maladie ". Voilà encore des cas d'iniquité flagrante qui pourront être désormais résolus.

C. ASSEDIC : DIFFICULTÉS PERSISTANTES

Cependant il est un secteur avec lequel des difficultés subsistent encore : c'est celui des ASSEDIC.

En effet, les problèmes rencontrés par les demandeurs d'emploi, compte tenu de la conjoncture actuelle, sont de plus en plus nombreux et le nombre des réclamations augmente : plus de 100 dossiers sur les six premiers mois de l'année 1993 reçus à la Médiature, soit une augmentation de 50 % par rapport aux statistiques de l'année précédente.

Mais il semble qu'au fur et à mesure de cette croissance, les difficultés augmentent en proportion, ce qui ne simplifie pas les démarches des assurés, du Médiateur de la République et de ses délégués départementaux...

Quelques exemples de ce " parcours du combattant " :

1. L'accès à l'information

Il est vrai que l'augmentation conséquente du nombre des demandeurs d'emploi ne facilite pas la tâche des gestionnaires du régime d'assurance chômage, régime dont les difficultés financières sont par ailleurs bien connues.

Mais le souci d'une bonne gestion dans les services publics doit rester permanent, comme celui de l'accueil et de l'information.

Dans ce domaine quelques carences regrettables peuvent être signalées :

- plusieurs délégués départementaux du Médiateur se sont plaints de ne pas pouvoir accéder aux responsables des ASSEDIC : accès téléphonique occupé en permanence, impossibilité d'obtenir un rendez-vous ou une information sur un dossier;

- les services parisiens de la Médiature déplorent les mêmes difficultés : une ASSEDIC qu'il faut contacter en urgence est sur liste rouge (Antenne Chevaleret - ASSEDIC de Paris). Très souvent le numéro officiel ne répond pas. Après enquête auprès de l'UNEDIC (qui avoue avoir les mêmes problèmes pour joindre les agences locales) il n'existe pas de numéro direct ou interne susceptible de faciliter l'accès. Seule solution en cas d'urgence pour le Médiateur, utiliser le fax pour tenter d'être rappelé par un responsable : alors seulement, le renseignement sollicité pourra être obtenu.

Des efforts cependant doivent être soulignés : certaines ASSEDIC (ASSEDIC de l'Essonne, des Deux-Sèvres par exemple) se sont dotées de plus amples moyens pour répondre aux interrogations des allocataires : serveur vocal, équipe d'accueil téléphonique. De telles innova

tions, au service des usagers, devraient être généralisées d'urgence.

2. L'accès au droit

Si d'aventure on parvient au renseignement souhaité, il est plus difficile de contrôler l'application faite aux cas particuliers des textes en vigueur. En effet, outre le fait que la réglementation change fréquemment, elle est d'une forme peu accessible (convention, avenants à la convention, règlement, annexes au règlement, directives, circulaires). La complexité des stratifications ne rend pas aisée la compréhension, ce qui génère une certaine opacité. Celle-ci paraît entretenue dans certains cas par les ASSEDIC elles-mêmes : en effet les antennes locales ne possèdent pas toujours les textes sous la main et s'en réfèrent à un manuel de l'assurance chômage. Si l'assuré (ou un délégué départemental du Médiateur) demande communication d'un texte précis, il n'est pas rare qu'on lui en refuse l'accès au motif de secret professionnel !

Par ailleurs, les documents transmis aux allocataires sont le plus fréquemment informatisés, ce qui est sans nul doute un gain de temps, mais ne facilite pas la compréhension et la relation, surtout lorsque sont utilisés des abréviations et sigles divers (OD pour ouverture de droit, etc.) ou que, dans certains cas, ces mêmes courriers ne sont ni datés, ni signés.

Une clarification de l'information et une simplification de la réglementation s'imposent, sans doute dans le sens d'une codification des règles de droit, afin de rendre le régime d'assurance chômage plus accessible à ses allocataires et à ses utilisateurs.

À noter enfin les réticences opposées parfois par des ASSEDIC aux interrogations du Médiateur ou de ses délégués. Or la loi du 3 janvier 1973 précise que le Médiateur de la République reçoit " les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l'État, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public " (article 1#E:er} de la loi). Les ASSEDIC appartiennent bien à cette dernière catégorie d'organismes et le Médiateur a compétence pour intervenir et les questionner sur l'accomplissement de cette mission, sur leur propre fonctionnement et la conformité des actes pris au regard de la règle de droit.

M. LEGATTE, précédent Médiateur, a d'ailleurs rappelé, dans son rapport pour l'année 1987, les organismes qui relèvent de la compétence du Médiateur, en application de l'avis du Conseil d'État rendu le 6 juillet 1976. Les ASSEDIC y figurent en bonne place (rapport 1987, p. 13).

3. Les dysfonctionnements

Le Médiateur est souvent saisi de réclamations d'allocataires qui ne comprennent pas les calculs effectués dans la liquidation de leurs droits. Il faut dire que les règles du régime, du fait de fréquents changements, de périodes transitoires, sont devenues complexes.

Son souci est alors, en liaison avec l'ASSEDIC compétente, d'effectuer un contrôle et d'expliquer au réclamant les règles de calcul.

C'est ce qui a été fait également avec le journal " Rebondir ", mensuel qui s'adresse aux chômeurs, et dont la rédaction a contacté le Médiateur afin d'obtenir son concours pour des réponses adressées aux courriers des lecteurs.

Le Médiateur est aussi interrogé pour des retards dans la liquidation des droits et des allocations. Or celles-ci sont vitales pour les chômeurs et certaines ASSEDIC ont malheureusement plusieurs mois de retard. C'est ainsi qu'il a pu contribuer à résoudre plusieurs problèmes liés à des transferts de dossiers entre ASSEDIC.

Enfin plusieurs questions sont fréquemment évoquées dans les dossiers, sources d'importantes difficultés sur le plan juridique : remboursement de trop perçus, contestation de la qualité de salarié, problèmes liés aux activités réduites ou aux régimes particuliers (intermittents du spectacle, travailleurs saisonniers, frontaliers...). Le Médiateur s'efforce de les résoudre au cas par cas, mais aussi sur le plan plus général des réformes.

4. L'absence de prise en compte de l'équité

M. LEGATTE a longuement précisé dans son rapport pour l'année 1991 les circonstances, les motifs et les moyens de l'intervention en équité du Médiateur de la République, prévue par les dispositions de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973.

La plupart des responsables des organismes sociaux acceptent de prendre, sur cette base des décisions, souvent dérogatoires au droit applicable, mais dont la responsabilité est endossée par le Médiateur qui en fait lui-même la demande.

Dans le cas des ASSEDIC, les réponses positives aux interventions du Médiateur sur le plan de l'équité sont encore très peu nombreuses et cela est regrettable car, lorsqu'il intervient sur ce terrain, c'est que la situation du requérant ou les lacunes de la réglementation le justifient.

Par exemple, une association intermédiaire s'est vu refuser la remise d'une contribution forfaitaire consécutive à trois licenciements intervenus en 1992 (soit 3 fois 1 500 F). Or en l'espèce, des exonérations étaient prévues par le Code du travail pour les contrats ayant pour objet de favoriser l'insertion ou la formation. Dans l'esprit du texte, les associations intermédiaires qui úuvrent en faveur de l'insertion auraient pu elles aussi être exonérées; par ailleurs cette contribution a été supprimée en 1993. Un geste de remise de dette, sur le plan de l'équité, pris à titre exceptionnel, outre le fait qu'il aurait eu, pour le régime d'assurance chômage, une incidence financière minime, aurait sans doute contribué à un allègement des charges de cette petite association. Mais l'ASSEDIC s'en est tenue à la lettre du texte (dossier no 93-0173).

D'autres entreprises ont saisi le Médiateur de difficultés similaires dans le paiement de certaines contributions (" Delalande ", forfaitaires). Même dans des cas difficiles (accident de l'employeur), il n'a pas été possible d'obtenir une solution sur le plan de l'équité. Il en va de même en matière de remise de dettes pour prestations indûment perçues. Même lorsque la situation de l'allocataire est très difficile, il est rare d'obtenir une remise de dette ou un secours, bien que le fonds social de l'ASSEDIC puisse dans certains cas être utilisé, comme le sont les fonds d'action sociale des caisses de sécurité sociale.

5. Des rapprochements utiles

Afin d'être à même de traiter plus efficacement les dossiers qui lui sont transmis, le Médiateur a développé, depuis plusieurs années, des relations avec l'UNEDIC, organisme national chargé de la gestion du régime d'assurance chômage, comme il l'a fait avec d'autres caisses nationales de Sécurité sociale. C'est ainsi qu'il est en contact avec le secrétariat de la Commission nationale paritaire, chargé du suivi de la réglementation du régime et des évolutions qui lui sont données par les partenaires sociaux, ainsi qu'avec le service juridique.

Plusieurs réunions ont permis d'amorcer une collaboration fructueuse. C'est ainsi qu'ont pu être abordés les problèmes relatifs aux décisions des commissions paritaires des ASSEDIC, aux contributions particulières comme la contribution dite " Delalande " (article L.321-13 du Code du travail), aux régimes spéciaux (intermittents du spectacle, saisonniers, militaires pensionnés, etc.). Une information réciproque a permis de mieux comprendre les contraintes particulières du régime, aux services de l'UNEDIC de mieux connaître la mission du Médiateur, notamment dans le cadre de ses interventions sur le plan de l'équité. Une circulaire devrait d'ailleurs être prochainement adressée par l'organisme national aux différentes ASSEDIC pour que l'institution soit mieux connue et mieux perçue.

Ces contacts ont été enfin fructueux sur le plan de la réflexion pour une évolution du régime d'assurance chômage dans certains cas précis où la réglementation adaptée par les partenaires sociaux conduit à des situations inéquitables : c'est ainsi que le Médiateur de la République a été amené à appuyer diverses interventions relatives à la situation des anciens militaires titulaires d'une pension de retraite militaire qui se trouvaient pénalisés par l'application de la règle de non-cumul avec les allocations de chômage, règle édictée par une délibération de la Commission paritaire nationale du 17 avril 1992. Une amélioration de ces règles de non-cumul dans un sens plus équitable a été obtenue.

Par ailleurs, dans la même optique d'une réforme des textes de l'assurance chômage, le Médiateur de la République a engagé avec l'UNEDIC une réflexion sur les iniquités induites par les limitations de versement des allocations d'assurance chômage en cas de maintien d'une activité réduite. En effet, il semble que la réglementation actuelle, qui refuse toute indemnisation en cas de maintien d'une activité qui procure des revenus supérieurs à 47 %% des ressources initiales des assurés, pénalise les salariés à employeurs multiples ou ceux qui ont des activités partielles et occasionnelles.

Cette collaboration, tant au niveau de la connaissance réciproque de l'institution et des ASSEDIC qu'au niveau de la réflexion juridique et des réformes, devrait à terme porter ses fruits et permettre de résoudre au mieux les difficultés des allocataires de plus en plus nombreux qui transmettent leurs réclamations au Médiateur.

II. LES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Dans les réclamations individuelles reçues par le Médiateur de la République, il apparaît parfois que le dialogue peut être difficile entre les collectivités locales et leurs agents non fonctionnaires lorsqu'en situation de perte d'emploi, ceux-ci demandent une indemnisation de leur chômage. Il s'avère ainsi que les employeurs du secteur public ont tendance à apprécier de façon plus stricte et plus restrictive que les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) les droits de leurs anciens agents. Pourtant, la réglementation dans ce domaine implique que les critères d'appréciation soient les mêmes que dans le secteur privé.

Dans ce contexte difficile, l'intervention du Médiateur se veut informative. Il est rassurant de la voir de mieux en mieux perçue et accueillie.

A. L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DU SYSTÈME

La réglementation relative aux allocations versées aux agents non fonctionnaires involontairement privés d'emploi est déterminée par l'ordonnance no 84-198 du 2 mars 1984 relative au revenu des travailleurs involontairement privés d'emploi - et portant modification du code de travail - qui aligne les modalités d'octroi de l'indemnisation du chômage des agents non titulaires des collectivités locales et des établissements publics administratifs sur celles appliquées aux personnels du secteur privé.

Si de nouvelles conventions, signées par les partenaires sociaux, notamment le 26 février 1988, puis le 1er janvier 1990, et enfin le 1er janvier 1993 ont depuis aménagé les dispositions primitivement adoptées, elles n'ont cependant pas remis en cause l'économie générale du système applicable au secteur public qui se fait par référence à ces conventions successives.

Les personnels visés par ces mesures sont :

- les agents non fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics autres que ceux de caractère industriel et commercial qui, de par leur statut, relèvent automatiquement des ASSEDIC;

- les agents non titulaires des collectivités locales;

- les salariés des sociétés d'économie mixte;

- les salariés non statutaires des chambres de métiers et des chambres d'agriculture;

- les salariés non statutaires des services à caractère industriel et commercial gérés par les chambres de commerce et d'industrie.

Pour le service de l'indemnisation, la réglementation définie ouvre deux possibilités à l'organisme employeur :

- soit qu'il verse directement à son employé les indemnités auxquelles il a droit;

- soit qu'il passe une convention avec l'UNEDIC et, contre le paiement de cotisations identiques à celles que versent les entreprises du secteur privé, l'ASSEDIC alloue les indemnités dues.

Dans la pratique, cette deuxième possibilité est utilisée par un faible nombre d'organismes, en particulier chez les collectivités locales.

Assurant sur leurs propres budgets le paiement des allocations, ces organismes ont souvent une attitude restrictive, parfois totalement négative, soucieux qu'ils sont de ménager leurs ressources.

Il n'en reste pas moins que la vocation du chômeur à obtenir l'indemnisation constitue un droit irréfragable. Une abondante jurisprudence rendue en l'espèce lève toute ambiguïté quant à ce droit de l'agent, involontairement privé d'emploi, de recevoir un revenu de remplacement, dans des conditions identiques à celles du secteur privé.

B. LES CONDITIONS D'OUVERTURE DE L'INDEMNISATION

Le revenu de remplacement est alloué aux agents dont le contrat de travail a été rompu.

Les modes de rupture indemnisables sont :

- le licenciement;

- l'arrivée à terme d'un contrat de travail à durée déterminée;

- la démission pour motif reconnu légitime.

Il ressort des affaires portées à la connaissance du Médiateur de la République que le contentieux en ce domaine est lié à la forme erronée de l'interprétation tirée de la réglementation. Cette erreur se développe principalement sur les deux derniers modes de rupture ci-dessus.

1. L'arrivée à terme d'un contrat à durée déterminée

Nombre d'employeurs refusent l'indemnisation, car ils assimilent à une démission le refus opposé par leurs agents à une proposition de renouvellement de leur contrat, comportant des altérations profondes.

Certes, l'opposition de l'agent au renouvellement de son contrat est de nature à constituer un refus d'emploi. Mais même dans cette circons

tance, l'appréciation de la légitimité du refus étant exclusivement de la compétence du préfet, l'employeur est dépourvu de toute faculté pour en décider seul.

Si l'employeur doute néanmoins de la bonne volonté de son ancien agent à rechercher activement un emploi, il doit, y étant légalement tenu, informer les services du contrôle de la recherche d'emploi à la direction départementale du travail et de l'emploi. Un tel comportement est en effet incompatible avec le principe de l'indemnisation de la perte d'emploi.

Les services peuvent ainsi vérifier si un refus d'emploi n'est pas justifié et, le cas échéant, prononcer une sanction d'exclusion temporaire ou définitive du revenu de remplacement.

La décision de sanction est alors notifiée à l'intéressé, à l'agence locale de l'emploi et à l'administration gestionnaire.

Le Médiateur de la République a déjà eu à rappeler cette démarche. A l'occasion d'une affaire précise, dans laquelle un refus constant était opposé, le Médiateur avait suggéré à l'employeur (maire d'une petite commune) de soumettre à l'appréciation du service déconcentré du travail et de l'emploi la légitimité du motif de la démission. Le résultat de la consultation rejoignait l'analyse faite par le Médiateur, concluant au droit à indemnisation de l'intéressé. Quelque six mois plus tard, le maire attendait encore de faire savoir quelle suite il réservait au réexamen de ce dossier.

2. Le cas de démission pour motif reconnu légitime

Le Médiateur est fréquemment saisi de réclamations émanant d'agents qui ont dû démissionner pour suivre leur conjoint.

Le bénéfice des allocations pour perte d'emploi est accordé dans ce cas, lorsque le changement de résidence du conjoint est motivé par des raisons d'ordre professionnel. Il n'en va pas de même lorsque le changement de résidence est dû au départ du conjoint à la retraite.

Lorsque le Médiateur est sollicité pour intervenir, il limite son action au contrôle de l'application de la réglementation, dans la lettre autant que dans l'esprit.

Ainsi, le président d'une chambre de commerce et d'industrie a été saisi d'une demande de révision de la décision d'exclusion du revenu de remplacement, qu'il avait prise à l'encontre d'une de ses salariées ayant démissionné pour rejoindre son futur conjoint résidant loin du lieu de travail de l'intéressée. Le président de cette assemblée fondait son refus sur l'application stricto sensu de la réglementation en vigueur, qui précise que le bénéfice des indemnités de chômage est accordé aux agents qui démissionnent pour suivre leur conjoint dans sa nouvelle résidence, lorsque ce changement est motivé par des raisons d'ordre professionnel.

Cependant, l'UNEDIC a modifié et précisé le champ d'application d'une délibération sur laquelle prenait appui l'argumentation développée. Ainsi la délibération no 10 du 12 juin 1990 (modifiée le 10 septembre 1992) ajoute que la démission est réputée légitime si " le départ s'explique par un prochain mariage, dès lors que moins de deux mois s'écoulent entre la date de la fin de l'emploi et la date du mariage " (Dossier 93-0545).

C. LA DÉMARCHE DU MÉDIATEUR

Le Médiateur intervient, dans un premier temps, auprès de la collectivité dont la décision est contestée, en rappelant la règle de droit de façon détaillée.

1. Une intervention mieux accueillie

Cette démarche est aujourd'hui mieux accueillie par les interlocuteurs. Rares sont ceux qui répugnent à écouter les arguments du Médiateur; nombreux sont ceux qui cherchent à établir le dialogue.

Dans le cadre de cette évolution positive, les réponses faites sont souvent argumentées et font référence à des délibérations relatives aux circulaires de l'UNEDIC.

Elles mettent parfois en exergue certains avis que peuvent être amenés à donner des organismes consultatifs, tels que les centres de gestion de la fonction publique territoriale. Elles font référence à des correspondances déjà échangées avec les directions départementales du travail et de l'emploi, qui ont seules compétence pour apprécier la légitimité d'un refus d'indemnisation.

Pour sa part, le Médiateur vérifie que les dossiers qui lui sont transmis entrent bien dans le champ d'application de la réglementation en la matière. L'intervention consiste alors en un exposé des faits et au rappel des règles, notamment jurisprudentielles, qui suffisent parfois à convaincre l'interlocuteur du bien-fondé de la réclamation. L'exemple suivant témoigne de ce dialogue nouveau (Dossier no 92-4897).

Une ancienne employée d'un institut départemental des aveugles a dû quitter ses fonctions d'agent hospitalier auprès d'adolescents surhandicapés.

En effet, en l'absence de vacance de poste budgétaire à temps plein, il lui a été proposé d'effectuer un travail à temps partiel réduisant sensiblement ses ressources, ce qu'elle ne pouvait se permettre. L'intéressée a par conséquent présenté sa démission et sollicité le versement d'allocations pour perte d'emploi.

La directrice de l'établissement, dans un premier temps, n'a pas cru devoir faire droit à la demande de son ancienne employée. Elle appuyait de bonne foi son refus sur la réglementation en vigueur, qui précise, que pour bénéficier de l'assurance chômage, un agent doit avoir perdu involontairement son emploi.

Il reste que les conséquences de la modification d'un contrat de travail à l'initiative de l'employeur sont très différentes selon qu'elles portent ou non sur un élément important du contrat.

S'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, le Médiateur a fait valoir que le changement d'horaire dans ce cas précis, imposant un travail irrégulier à temps partiel à un agent précédemment occupé à temps plein, pouvait être assimilé à un changement substantiel.

Dès lors que l'employée n'a pas accepté les modifications qui lui étaient proposées, l'employeur devra respecter la procédure de licenciement.

Convaincue par cette argumentation juridique, la directrice de l'institut a accepté d'ouvrir, sans difficultés, à la réclamante le bénéfice des allocations pour perte d'emploi. Cette attitude témoigne de la parfaite bonne foi de cet employeur, et de son souci de respecter la légalité.

2. Les moyens de pression du Médiateur

L'action du Médiateur peut consister en la saisine des administrations centrales, des autorités de tutelle ou des autorités investies d'un pouvoir de contrôle a posteriori, dès lors qu'il n'a pas reçu un écho favorable aux démarches de proximité qu'il a entreprises. Cette intervention reste un moyen efficace de faire reconnaître la réalité des droits des intéressés.

Ainsi, les préfets aident parfois le Médiateur par le recours à la procédure d'inscription d'office au budget de la collectivité, ou en rappelant la collectivité récalcitrante à ses obligations. En règle générale, cette collaboration s'avère efficace et aboutit au paiement des allocations dues.

Suite aux mesures de licenciement touchant un certain nombre de ses employés, le président d'une chambre de métiers a estimé qu'il convenait de fractionner le paiement de l'indemnité de licenciement qui leur était due. Saisis d'un recours en annulation pour excès de pouvoir, les juges du tribunal administratif ont condamné cette assemblée consulaire à verser aux requérants l'indemnité dans son intégralité.

Plusieurs mois après, la décision des juges n'était toujours pas exécutée, l'indemnité de licenciement ayant continué à faire l'objet d'un mandatement mensuel, et non sous la forme d'un capital. Il est en outre signalé que certaines personnes ne pou

vaient obtenir le versement des dernières fractions. Aussi, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, le préfet, qui a été saisi de cette affaire, a-t-il inscrit la dette au budget de la chambre de métiers au titre des dépenses obligatoires (Dossier 92-4330).

Il n'en reste pas moins que les petites communes notamment ont des difficultés à dégager des fonds pour assurer le paiement de l'indemnisation, non prise en compte dans leur budget prévisionnel. Aussi semble-t-il important de souligner une fois encore leur intérêt qui est de passer une convention avec l'UNEDIC.

Si la médiation aboutit parfois difficilement, le Médiateur est heureux de constater cependant que les conditions de dialogue avec les collectivités territoriales s'améliorent et que cela peut être riche de conséquences pour les personnes privées d'emploi.

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