Année 1986


LES CAS SIGNIFICATIFS


Secteur social



La législation sociale qui concerne chaque citoyen et qui intègre des impératifs parfois contradictoires est source de nombreuses contestations. Cela explique qu'au niveau de la Médiature, les réclamations adressées au secteur social soient les plus nombreuses.

1 -La maladie

Les contestations les plus fréquentes portent sur les prestations.

S'agissant du versement des prestations en nature, des citoyens s'étonnent que des appareillages et traitements ne soient pas remboursés, faute d'être inscrits sur la liste des soins remboursables. Comme sur ce point, les réglementations suivent avec plus ou moins de retard l'évolution des techniques, j'ai été conduit à intervenir pour demander le remboursement de certains traitements qui, bien que non prévus par la nomenclature, sont moins coûteux que les soins traditionnels en milieu hospitalier et sont indispensables. Tel est par exemple le cas de certaines trachéotomies.

S'agissant des prestations en espèces, de nombreuses contestations trouvent leur origine dans une erreur initiale des caisses les conduisant ultérieurement à demander le remboursement des sommes indûment versées. De condition souvent modeste, les personnes concernées sont dans l'incapacité de rembourser les sommes parfois très importantes qui leur sont réclamées.

Lorsque la répétition de l'indu repose sur une erreur de l'organisme et qu'elle concerne une personne placée dans une situation financière manifestement précaire, j'interviens pour demander la remise au moins partielle des sommes réclamées et, en toute hypothèse, un étalement des remboursements.

2 -L'invalidité

Le Médiateur est saisi de nombreuses réclamations portant sur les conditions d'attribution des pensions d'invalidité et leur montant.

Mes interventions visent, la plupart du temps, à accélérer le cours de procédures dont l'instruction s'avère trop longue. Je ne puis en revanche intervenir au soutien des contestations sur les taux des pensions, car ils sont fixés sur la base d'expertises médicales qu'il est difficile de remettre en cause.

De nombreuses contestations trouvent également leur origine dans le refus de certains organismes d'accorder une indemnisation, faute d'un lien prouvé entre l'invalidité ou l'affection et l'activité professionnelle.

3 -Le chômage

L'indemnisation du chômage suscite de nombreuses contestations tant sur le droit à l'indemnisation que sur son montant.

Les réclamations portant sur le droit à indemnisation posent de délicats problèmes de coordination entre le secteur privé et le secteur public pour l'indemnisation du chômage.

Bien que les salariés du secteur public soient indemnisés dans les mêmes conditions que ceux du secteur privé, il arrive que l'U.N.E.D.I.C. et l'ex-employeur public se déclarent successivement incompétents en l'absence de règles précises en la matière.

Paradoxalement l'extrême rapidité avec laquelle sont traités certains dossiers par les A.S.S.E.D.I.C. est également à l'origine de litiges car les cas de demandes de répétition de sommes indûment perçues ne sont pas rares. Je suis parfois conduit à suggérer dans les cas les plus dramatiques, la remise au moins partielle des sommes réclamées.

4 -La retraite

Certains salariés rencontrent des difficultés pour racheter des cotisations ou pour prouver l'exercice d'une activité salariée antérieure. L'enjeu est important puisque le montant de la pension versée, voire son versement, en dépendra.

Le principe de non rétroactivité en matière de pensions est une autre source de contestations.

L'abaissement à soixante ans de l'âge de la retraite entraîne également des contestations dues à une mauvaise coordination entre les régimes de base et les organismes de retraites complémentaires.

Enfin, un nombre non négligeable de préretraités ne comprennent pas toujours les conditions d'attribution de leurs allocations.

5 -L'aide sociale

La généralisation de la protection sociale à toutes les catégories de la population a conduit à des règles d'allocation souvent très complexes imbriquées dans le droit de la sécurité sociale. Beaucoup de citoyens, surtout parmi les plus défavorisés, s'en plaignent au Médiateur.

6 -Le recouvrement des cotisations sociales

Des réclamations m'ont été adressées mettant en cause le recouvrement des cotisations de sécurité sociale par les U.R.S.S.A.F. qui disposent d'un large pouvoir d'appréciation. J'ai été conduit par exemple à intervenir pour suggérer une harmonisation du calcul des cotisations des accidents du travail.

Les multiples interlocuteurs avec lesquels je dialogue (caisses d'assurance maladie, C.A.F., A.S.S.E.D.I.C., D.D.A.S.S., administrations et établissements publics, etc.) s'efforcent de remplir leur mission au mieux. Mais les administrés ne comprennent pas toujours la nécessité et la portée des réglementations qui leur sont appliquées parce que l'information ne leur est pas donnée dans la forme qui conviendrait.

Un accueil déficient aux guichets, des réponses insuffisantes ou inadaptées constituent autant de raisons de s'adresser au Médiateur.

Ne pas confondre ferrailleurs et chiffonniers

Affaire : n°861354 transmise par M. Métais, député de la Vendée.

L'application stricte des dispositions législatives et réglementaires ne convient pas à certaines situations particulières. Cette inadaptation est d'autant moins bien acceptée qu'elle résulte de dispositions qui ne sont pas appliquées partout avec la même rigueur.

J'ai été saisi du cas de l'Association E* qui, dans plusieurs régions de France, accueille des personnes sans domicile fixe, en détresse morale et physique, en leur donnant une occupation. A cet effet, elle a organisé une activité de récupération de papiers, cartons, chiffons et ferrailles qui lui permet de faire vivre la communauté et de participer à diverses actions humanitaires. Une de ces communautés a eu des difficultés avec la caisse régionale d'assurance maladie dont elle dépend au sujet du calcul de ses cotisations d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Par trois fois, la caisse a refusé de réduire le taux de ses cotisations au motif que le taux appliqué (11,40 %) correspond exactement à celui prévu pour l'activité principale de la communauté (" chiffonniers, ramasseurs non spécialisés de produits de récupération professionnelle ").

En vain, l'association fait valoir sa spécificité et ses conditions particulières de travail différentes de celles des récupérateurs professionnels : part réduite de la récupération de métaux dans l'ensemble de l'activité, absence de machines... " Les outils les plus dangereux sont le marteau et le burin ", explique l'animateur.

En outre, les communautés dépendant d'une autre caisse régionale ont vu leurs cotisations considérablement réduites.

Malgré ces observations, la caisse régionale a refusé de modifier sa position mais a proposé une intéressante ouverture. Elle est intervenue auprès de la Caisse nationale d'assurance maladie afin que, dans un souci d'équité, la classification de l'ensemble des établissements de l'Association soit harmonisée. Bien entendu, je me suis associé à cette démarche.

Une interprétation non constructive

Affaire : n°850833 transmise par M. Charles, alors député du Lot.

Les agents publics ont le devoir d'interpréter les textes avec humanité. Or il arrive que, sans doute en vue de l'intérêt du service et dans le louable souci de ménager les finances publiques, ils adoptent une interprétation systématiquement restrictive qui devient contraire à l'esprit de la loi —c'est-à-dire à la volonté du législateur—et au simple bon sens.

Mme N* est une ancienne agricultrice. Elle ne perçoit qu'une très modeste retraite et n'a conservé que quelques éléments de son capital d'exploitation. Aussi touche-t-elle régulièrement l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.

A son décès, la caisse régionale d'assurance maladie se retourne très normalement vers les héritiers pour leur demander une quote-part du remboursement de cette allocation en application de l'article L 698 du Code de la sécurité sociale. Cette action en recouvrement sur la succession doit être engagée lorsque le montant de l'actif successoral dépasse 150 000 F. Or, l'Administration des impôts a évalué la succession de Mme N* à 199 500 F.

Cependant, la fille de Mme N* se demande si elle ne devrait pas bénéficier des dispositions de l'article 14 de la loi de finances modificative du 22 décembre 1967 qui prévoit, pour le calcul du seuil de l'action en recouvrement, un abattement de 30 % lorsque la personne décédée avait la qualité d'exploitant agricole " au moment de son décès " et que sa succession est constituée en tout ou partie par un capital d'exploitation. Si cet article est applicable à la succession de Mme N*, il n'y a pas lieu d'engager l'action en recouvrement.

La caisse refuse d'appliquer ce texte en l'espèce. En effet, lors de son décès, Mme N* était retraitée, comme en témoigne un certificat de la Mutualité sociale agricole : elle n'était donc plus exploitante " au moment de son décès ". La caisse fera la même réponse au Médiateur.

Cette position est illogique. En effet, pour percevoir l'allocation supplémentaire du F.N.S., il faut avoir cessé son activité puisque cette allocation vient compléter les avantages vieillesse. L'interprétation soutenue par la caisse signifierait que le texte prévoyant un abattement est inapplicable puisqu'au moment de son décès, aucun titulaire de l'allocation supplémentaire du F.N.S. ne peut avoir la qualité d'exploitant agricole en activité.

En revanche, ce texte retrouve un sens si on considère qu'il doit s'appliquer aux retraités qui avaient, en dernier lieu, la qualité de chefs d'exploitation agricole et qui n'ont donc exercé aucune autre activité professionnelle entre la date de leur admission à la retraite et celle de leur décès.

C'est cette interprétation que l'inspection générale des affaires sociales a bien voulu me confirmer et que j'ai fait connaître à la caisse pour qu'elle l'applique au cas de Mme N*.

Les toutes puissantes circulaires

Affaire : n°861974 transmise par M. P. Bastie, sénateur de l'Aude.

Les caisses de sécurité ont souvent tendance à interpréter restrictivement la réglementation. Il est difficile de remettre en cause à posteriori leurs décisions, même lorsque le juge a rendu une interprétation favorable aux administrés.

M. A*, au moment de la liquidation de sa retraite, demande à bénéficier de la bonification d'un dixième prévue à l'article L 338 du Code de la sécurité sociale pour tout assuré " ayant au moins trois enfants ".

L'un de ses enfants étant mort-né, la Caisse a rejeté la demande en considérant que le texte n'est applicable qu'aux personnes ayant " élevé " trois enfants. Cette précision figurait dans une rédaction antérieure du Code de la sécurité sociale et l'on pouvait hésiter sur l'interprétation à donner au nouveau texte. Plusieurs cours d'appel avaient d'ailleurs statué dans des sens opposés. Cependant, dans un arrêt du 9 décembre 1985, la Cour de Cassation a tranché dans le sens le plus favorable aux assurés.

Malgré sa bonne connaissance de la jurisprudence, M. A* ne parvint à obtenir gain de cause, ni devant la caisse, ni devant la Commission de première instance du contentieux de la sécurité sociale. Ce n'est que sur mon intervention que la caisse a consenti à régulariser sa situation.

Dans sa réponse au Médiateur, le directeur de la caisse donne involontairement la raison de son obstination. La décision de refus était conforme aux directives ministérielles publiées dans le bulletin juridique du 1er mars 1972 et cette instruction est restée en vigueur jusqu'à la publication " d'une nouvelle directive qui, avec 9 mois de retard, a spécifié qu'il convient de suivre la jurisprudence de la Haute Cour ".

En somme, la caisse ignore le Code de la sécurité sociale et les décisions de la Cour de Cassation Elle ne connaît que les circulaires...

Un retraité mal informé

Affaire : n°850543 transmise par M. Colin, député de la Marne.

Les retraités connaissent insuffisamment la législation sur les retraites tandis que les organismes sociaux font parfois une interprétation trop rigide des textes.

En témoignent les difficultés rencontrées par le Médiateur pour convaincre les services d'une caisse régionale d'annuler la liquidation d'une pension dont les conséquences étaient trop inéquitables pour être maintenues.

Chauffeur d'autocar, M. L* est licencié le 13 juillet 1981 pour inaptitude physique à la conduite. Ne pouvant plus travailler, il demande la liquidation d'une pension vieillesse avec effet à son 60e anniversaire, soit le 1er mai 1982.

Or, le bénéfice de l'inaptitude auquel il croyait, en toute bonne foi pouvoir prétendre, lui est refusé et il obtient sa retraite sur la base de 115 trimestres d'assurance, soit seulement aux taux de 25 % de son salaire annuel moyen.

M. L* qui, en raison des conditions de son licenciement, peut être pris en charge par 1'A.S.S.E.D.I.C. au titre de la garantie de ressources jusqu'à 65 ans, demande alors le report de l'entrée en jouissance de sa pension au 1er mai 1987.

La caisse refuse. Le tribunal des affaires de sécurité sociale et la Cour d'appel confirment la régularité de la liquidation intervenue au 1er mai 1982 et rappellent son caractère définitif et irrévocable.

Après examen du dossier, le Médiateur constate que les 17 années de cotisations de l'intéressé au régime agricole n'ont pas été prises en compte et, qu'en application de l'article 9 de l'ordonnance du 26 mars 1982 relative à l'abaissement de l'âge de la retraite, publiée deux mois après la demande de liquidation de son dossier, il pouvait bénéficier d'une pension au taux normal à compter du 1er juillet 1982.

Des raisons d'équité le conduisent donc à demander un réexamen du dossier sur ces nouvelles bases.

Après s'être longtemps retranchée derrière l'autorité de la chose jugée, la caisse régionale a finalement décidé de donner satisfaction à M. L* et a annulé la liquidation intervenue en 1982.

M. L* sera pris en charge par 1'A.S.S.E.D.I.C. au titre de la garantie de ressources jusqu'à son 65e anniversaire et bénéficiera à partir de cette date, d'une pension de vieillesse au taux plein.

Secteur fiscal



Le secteur fiscal est l'un des grands domaines d'intervention du Médiateur. Les dossiers traités concernent surtout des litiges consécutifs à des contrôles fiscaux (80 % des affaires). Mais il existe des difficultés relativement fréquentes afférentes à des procédures de recouvrement ou à l'accomplissement de diverses formalités.

1 -Le contrôle fiscal

Les cas visés concernent principalement les artisans, à propos de la procédure de rectification d'office lorsque la comptabilité n'a pas été reconnue probante. Ces procédures qui peuvent ne pas être contradictoires, empêchent ainsi la saisine de la Commission départementale des impôts, et de ce fait, les solutions de conciliation. Mon intervention permet alors un dialogue malheureusement tardif. Sur les suggestions d'une commission aux travaux de laquelle j'ai été associé, le Gouvernement a d'ailleurs prévu de renforcer les garanties des contribuables.

Pour les salariés, par contre, les affaires portent principalement sur la remise en cause de déductions (frais réels, dépenses pour l'acquisition de la résidence principale, pour économiser l'énergie, pour l'entretien de personnes à charge...).

Dans d'autres cas tels que l'estimation de la valeur vénale d'un bien à la suite d'une mutation à titre gratuit ou onéreux il a été fait une correcte application de la loi et je n'interviens qu'en cas de flagrante iniquité. Une difficulté découle de l'article 24 du livre des procédures fiscales qui interdit toute remise gracieuse en matière de droits d'enregistrement ou de T.V.A. J'ai proposé un assouplissement de cette règle.

2 -Le recouvrement

Quelques affaires sont relatives à la mise en œuvre du principe de la responsabilité solidaire entre propriétaire et locataire pour la taxe d'habitation, ou entre propriétaire de fonds de commerce et exploitant, au regard des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds. Ces règles, destinées à sauvegarder les intérêts du Trésor, sont parfois trop rigoureuses. Je demande alors qu'il soit tenu compte de la situation réelle des intéressés.

La procédure de sursis de paiement qui permet à un contribuable de demander à être provisoirement dispensé de paiement des sommes contestées est à l'origine de fréquentes réclamations. Celles-ci sont relatives à l'obligation de consigner auprès du comptable public une somme égale au quart des recouvrements contestés, (articles L 277 et L 279 du livre des procédures fiscales). Sur ce point, la proposition de réforme formulée par le Médiateur a été reprise par la Commission Aicardi.

3 -Les formalités diverses

Les redevances relatives à la TV et aux magnétoscopes, ont été la cause de nombreuses réclamations au Médiateur.

De même les délais de déclaration de succession, les exigences de certificat de conformité pour preuve de la construction dans les 4 ans ou de déclaration pour être exonéré de " droit " de la taxe professionnelle sont souvent l'objet de contestations.

4 -L'organisation des services et l'information des contribuables

Beaucoup de dossiers me permettent de constater les liaisons parfois difficiles entre les services de l'assiette et ceux du recouvrement. Il s'ensuit des délais parfois trop longs pour rembourser les contribuables et, le cas échéant, leur accorder des intérêts moratoires, à la suite d'une erreur des services fiscaux lorsqu'un dégrèvement a été accordé.

L'insuffisance de l'information est à la base de beaucoup de contestations, malgré les intéressants efforts de la Direction générale pour les relations avec le public et des Centres d'informations et de renseignements administratifs (C.I.R.A.).

Une deuxième chance

Affaire : n°852943 transmise par Mme Nevoux, députée du Val-de-Marne

A la demande du Médiateur et même après un jugement qui reconnaît le bien-fondé de la remise en cause d'un régime dérogatoire, l'Administration peut opérer une substitution de qualification juridique qui atténue pour le contribuable les conséquences de la décision confirmée par le juge.

M. V*, chômeur, avait décidé de créer une petite entreprise. Il a cru pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 44 ter du C.G.I., prévoyant l'exonération de l'impôt sur les sociétés pendant les 3 premiers exercices. Toutefois, faute de fonds propres, il n'avait pas pu respecter la condition d'investir dans l'exploitation les bénéfices réalisés pendant les trois premières années.

Son exonération a donc été remise en cause et il a été imposé à l'impôt sur les sociétés dans les conditions du droit commun. Il a alors porté le différend devant le Tribunal administratif, lequel s'en tenant à la lettre du texte, n'a pu que rejeter sa requête.

Il ne m'appartenait pas de remettre en cause ce jugement. Cependant, ses conséquences me sont apparues particulièrement graves car, en dépit des difficultés de démarrage, l'entreprise était viable et digne d'être encouragée.

A ma demande, l'Administration a accepté, de faire bénéficier M. V* d'un autre régime d'allégement de l'impôt sur les sociétés dont il remplissait d'ailleurs les conditions d'application.

En vertu des dispositions de l'article 44 bis du C.G.I., l'intéressé a ainsi obtenu un abattement d'un tiers sur les bénéfices imposables des quatre premières années d'exploitation.

Une imposition prématurée

Affaire : n°850876 transmise par M. Charles, député du Nord.

Lorsque l'application des règles du droit fiscal aboutit à des situations manifestement contraires au bon sens, je recherche, en liaison avec l'Administration, une interprétation conforme à l'équité.

M. et Mme X* avaient hérité d'un parent. Cependant, cette attribution était contestée par un autre héritier. L'issue de l'affaire portée devant les tribunaux était incertaine. Or, en matière de droits de succession, l'administration évalue le patrimoine au jour du décès et a donc calculé l'imposition sur la totalité de l'héritage.

M. et Mme X* jugeaient anormal de se voir réclamer immédiatement des droits de succession sur des biens qu'ils ne détiendraient effectivement qu'après le jugement ou peut-être même jamais. L'iniquité était évidente. Mais elle devait être conciliée avec la non moins nécessaire conservation des droits du Trésor public qui aurait pu être atteinte par la prescription.

La solution a été trouvée en liaison avec l'administration par application d'une ancienne jurisprudence de la Cour de Cassation (C. Cass. 24 août 1841), qui semblait avoir été perdue de vue et selon laquelle des biens dont l'attribution est contestée ne doivent pas être compris dans une succession, mais doivent être seulement déclarés dans les six mois de la décision qui les fait entrer effectivement dans le patrimoine des héritiers.

La bonne foi reconnue

Affaire : n°860628 transmise par M. Tavernier, député de l'Essonne.

Dans cette affaire, mon intervention a permis de prouver la bonne foi d'un réclamant, confronté au difficile problème de l'établir alors que sa déclaration avait été égarée par le service.

M. G* avait fait construire un pavillon, sur la commune de L*, dont les travaux se sont achevés le 4 novembre 1983. Conformément aux indications portées sur le permis de construire, il adresse le 5 mars 1984 une déclaration au bureau du cadastre afin de bénéficier de l'exonération de la taxe foncière pendant deux ans.

Cependant, au cours de l'année 1984, les services du cadastre lui ont fait parvenir un imprimé, afin de préciser les caractéristiques de la construction en cause (ces informations étaient d'ailleurs disponibles auprès de la Direction départementale de l'équipement), ainsi que la date d'achèvement des travaux, dont la déclaration est obligatoire. Il fait retour alors à l'administration des formulaires dûment remplis.

Le 18 mars 1985 M. G* est avisé par les services fiscaux dont il relève qu'en raison des dispositions de l'article 1406 du C.G.I. il ne peut bénéficier de l'exonération. En effet, le bénéfice de celle-ci serait subordonné à la souscription du formulaire officiel dans un délai de 90 jours après l'achèvement des travaux.

L'administration lui précise que sa première lettre a été adressée au service après l'expiration du délai et qu'au surplus, postée sous pli ordinaire, elle a été égarée et n'a pu être retrouvée par les agents du service destinataire.

Cette solution, justifiée par la lettre des textes, m'est apparue rigoureuse, compte tenu de l'évidente bonne foi de M. G*.

En effet, celui-ci avait satisfait à son obligation déclarative, dès qu'il en avait été informé.

J'ai donc obtenu que le directeur des services fiscaux, lui maintienne, à titre tout à fait exceptionnel, le bénéfice de l'exonération temporaire de deux ans.

La mauvaise foi démasquée

Affaire : n°862831 transmise par M. Bernard-Reymond, député des Hautes-Alpes.

La tâche de l'administration fiscale n'est pas aisée. Or les contribuables de mauvaise foi n'hésitent pas à utiliser tous les recours possibles, Médiateur y compris, pour éluder, ou différer, les paiements des sommes qu'ils doivent à la collectivité.

Dans de tels cas, je considère que j'ai le devoir de rejeter directement les réclamations qui me sont transmises afin de ne pas encombrer inutilement les services administratifs.

L'exploitante d'un bar restaurant mettait ainsi en cause, par une réclamation transmise par un parlementaire, la régularité de contrôles fiscaux effectués à son encontre et qualifiait d'exagérées les impositions et les pénalités mises à sa charge.

L'examen de cette réclamation me permit de constater tout d'abord que les impositions supplémentaires résultaient en fait de dissimulations répétées de recettes imposables dont la réalité n'était pas sérieusement contestée. Les constatations se fondaient sur un faisceau d'éléments précis et concordants, révélées à la fois par l'intervention de la brigade départementale des contributions indirectes et par celle des douanes et corroborées par la vérification de comptabilité qui a suivi.

J'ai relevé que les fonctionnaires mis en cause avaient parfaitement respecté les procédures légales et que la réclamante qui avait eu parfaitement connaissance des garanties dont elle pouvait bénéficier, avait régulièrement signé le procès-verbal.

Ce litige ne mettait donc nullement en cause un quelconque mauvais fonctionnement d'un service public, lequel s'était borné à faire une exacte application des textes en vigueur. Il ne révélait pas d'avantage d'iniquité à l'encontre du contribuable.

Il appartenait éventuellement à celui-ci de porter le différend devant le Tribunal administratif. Quant à moi, je me suis borné à indiquer au parlementaire qui m'avait saisi que je n'avais pas à intervenir, tout en lui faisant observer que l'administration fiscale, avait été en matière de pénalités, très bienveillante à l'encontre du contribuable eu égard à la gravité des manquements relevés.

Une juridiction fantôme

Affaire : n°862818 transmise par M. Richard, député de Atlantique.

La carence d'une administration (en l'occurrence celle de l'éducation nationale), par rapport à des problèmes fiscaux (la taxe d'apprentissage) est d'autant plus étonnante qu'elle dure depuis de nombreuses années, ne semble guère troubler les fonctionnaires concernés et prive les contribuables d'une voie de recours prévue par un texte législatif.

M. D*, exploitant d'un hôtel restaurant, aujourd'hui retraité, et redevable en 1976 de la taxe d'apprentissage, pensait pouvoir bénéficier de l'exonération prévue par le Code général des impôts pour les employeurs qui exposent des dépenses directes pour l'apprentissage.

L'intéressé s'est plaint dans sa réclamation d'une part de n'avoir obtenu qu'une exonération partielle, et d'autre part de ce que le recours formé à l'encontre de cette décision ne pourrait être examiné en raison de carences administratives.

Effectivement, le Comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, n'avait accordé qu'une exonération partielle en raison du dépôt tardif de la demande auprès de la recette des impôts compétente, ce que l'intéressé contestait formellement.

Par ailleurs, la Commission spéciale expressément prévue par l'article 227 du Code général des impôts afin de se prononcer sur les recours dirigés contre les décisions des comités départementaux ne pouvait pas se prononcer, le décret relatif à sa composition et à son fonctionnement n'ayant jamais été pris depuis la loi du 16 juillet 1971 !

A défaut de la Commission elle-même, il existe au ministère de l'éducation nationale un secrétariat qui a enregistré le recours de M. D* et lui a écrit en 1979, en 1980 et en 1983 pour l'informer que la constitution de la nouvelle Commission se trouvait retardée " compte tenu de diverses circonstances " et que son dossier serait soumis à l'appréciation de cette juridiction " lors de sa première session ".

Compte tenu de toutes ces observations, j'ai saisi les services fiscaux afin de leur demander un rapport circonstancié qui tienne compte de cette situation paradoxale et permette un règlement bienveillant du litige. Par ailleurs j'ai demandé au ministre de l'Education nationale ses observations sur cette étonnante négligence à prendre le règlement d'application d'une loi.

A mon grand étonnement, j'ai reçu une réponse analogue à celle des administrés puisqu'on m'informe que les activités de la commission sont " à ce jour suspendues " et qu'il appartiendra à cette commission " en instance de constitution et seule compétente dans ce domaine, de se prononcer sur le bien fondé de la démarche de cet assujetti ".

Bien entendu, cette réponse n'est pas satisfaisante. Mais il était intéressant de signaler dès maintenant la découverte de cette juridiction fantôme. J'ajoute que le problème n'est pas inconnu de l'Administration puisque mon prédécesseur avait saisi les autorités compétentes et, en dernier lieu, le Premier ministre, en 1980 1982 et 1984 sans aucun résultat !

Secteur " pensions et agents publics "



Les dossiers traités par le secteur concernent :

Les pensions (pensions civiles et militaires de retraite, pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre), le statut des agents publics (problèmes de carrière, d'emploi, etc.), le service national et l'indemnisation des rapatriés.

1 -Les retraites

Les questions les plus fréquentes en ce domaine révèlent les difficultés éprouvées par les assurés pour obtenir des précisions sur la liquidation de leur pension de vieillesse.

L'abaissement à 60 ans de l'âge de la retraite a augmenté le nombre de liquidations et, pour beaucoup, les carrières sont variées ou peu homogènes, d'où des difficultés pour obtenir la validation de certaines périodes.

L'usager se heurte ici à la complexité du système de retraites français et aux particularités des règles de liquidation propres à certains régimes (notamment les régimes dits " spéciaux " qui concernent les fonctionnaires, agents des collectivités territoriales, des chemins de fer, de la R.A.T.P., etc.).

Sur les réglementations propres à ces régimes quelques points méritent d'être signalés.

Les conditions de durée d'assurance imposées par la plupart de ces régimes sont sources de difficultés et surtout d'iniquité : les personnes qui, par exemple, totalisent moins de quinze années d'assurance n'ont pas, dans le régime des fonctionnaires, de droit à pension. Leurs droits sont alors transférés par les organismes employeurs vers le régime général, ce qui ne va pas sans difficultés de tous ordres (erreurs, négligence des collectivités et administrations, changement de régime pour les intéressés, etc.).

En matière de sécurité sociale, les frontières entre régimes peuvent également être source d'iniquités. C'est ainsi qu'en matière de régimes complémentaires, certains salariés qui ont quitté leur régime après être devenus agents de collectivités locales se voient refuser par certaines Caisses (A.R.C.C.O. notamment) tout droit de pension, même après plusieurs années de cotisations.

Cependant, je suis tenu dans ces domaines par les limites de ma compétence. Je ne peux intervenir auprès des organismes de sécurité sociale et de retraite que dans la mesure où ceux-ci peuvent être considérés au regard ses critères fixés par le Conseil d'Etat comme chargés d'une mission de service public.

Enfin, l'application à la lettre de certaines dispositions peut conduire à des situations anormales nées de la complexité de la réglementation, comme c'est le cas notamment en matière de pensions de réversion.

Sauf cas assez rares, il n'est pas possible d'obtenir qu'il soit par exemple dérogé à la condition de quatre années de mariage, ou au principe selon lequel, avant la loi du 12 juillet 1978, la veuve divorcée à ses torts ne peut bénéficier d'une pension de réversion (régime des pensions civiles et militaires).

D'où des situations d'iniquité très mal perçues des requérants qui, grâce à l'action du Médiateur et à la bonne volonté de l'Administration, trouvent parfois une solution satisfaisante.

2 -Les pensions militaires d'invalidité

La plupart des requêtes ont pour objet l'obtention d'une pension de retraite du combattant, d'une pension d'invalidité, ou une révision de celle-ci pour aggravation.

En règle générale, le ministère de la Défense comme le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, s'en tiennent à une application stricte de la réglementation. Dans ce domaine, l'intervention du Médiateur s'attache à deux points précis :

En premier lieu : la motivation des décisions.

Le Code des pensions militaires d'invalidité précise (article L 25) que " toute décision comportant attribution de pension doit être motivée et faire ressortir les faits et documents ou les raisons d'ordre médical. "

Or, l'administration se retranche trop souvent derrière la décision médicale (qui n'est d'ailleurs pas toujours précisément explicitée) pour justifier ses décisions.

Le Médiateur exige que le refus d'attribution d'une pension, ou les décisions relatives aux taux des pensions attribuées soient correctement motivés.

En second lieu : le respect de l'équité.

L'expertise médicale effectuée pour le compte de la Commission de réforme est extrêmement importante, et même souvent déterminante pour le sort de la demande.

Le Médiateur, sans remettre en cause les décisions de justice s'appuyant sur ces rapports, peut, dans certains cas, inciter l'administration à reconsidérer son attitude et à se placer sur le plan de l'équité.

Le caractère de dette de reconnaissance, qui préside à la concession des pensions, s'inscrit d'ailleurs souvent dans cette logique de l'équité, et c'est ce qui permet au Médiateur d'intervenir auprès de l'administration qui refuse de prendre en considération les situations particulières (" cristallisation " des pensions versées par la France aux anciens combattants et victimes de guerre d'Algérie).

3 -L'indemnisation du chômage

En matière d'indemnisation du chômage des agents publics, l'ordonnance du II mars 1984 et la circulaire interministérielle du 5 octobre 1984 ont créé un nouveau dispositif.

Mais les textes ne sont pas toujours clairs, et les circulaires chargées de les éclairer pas toujours publiées !

A cette source de complications s'ajoute le manque d'information des intéressés et les réticences certaines des collectivités concernées à accorder l'indemnisation.

Cependant rien ne saurait dispenser les collectivités en cause d'une juste application de la réglementation que le Médiateur est en droit de rappeler.

Les litiges portent essentiellement sur les conditions d'ouverture des droits, la notion de rupture ou de fin de contrat de travail, et celle de démission pour motif légitime.

On peut noter que, grâce à l'intervention du Médiateur, satisfaction est souvent donnée à ce type de requête, les collectivités se rendant finalement aux arguments de droit et d'équité invoqués.

4 -Questions relatives au service national et à l'indemnisation des rapatriés

En ce qui concerne le service national, les litiges portent pour la plupart sur des demandes de libération anticipée, de report d'incorporation.

Plus complexes sont les demandes de pension d'invalidité pour des accidents survenus au cours de sorties, permissions, quartiers libres. Les quelques cas, parfois dramatiques, qui ont été soumis au Médiateur ont permis de constater un vide juridique et une lacune dans la couverture sociale tout à fait dommageables pour les intéressés, pour qui le service national est une obligation. Une proposition de réforme a été déposée par le Médiateur.

En ce qui concerne les rapatriés, les réclamations soumises au Médiateur invoquent une insuffisance d'évaluation des biens perdus ou concernent une demande de levée de forclusion. Le Médiateur souvent saisi en la matière par des personnes d'origine modeste peut simplement aider les intéressés à clarifier leur situation et les conseiller pour la constitution de leur dossier. Compte tenu de la nature des textes applicables, le Médiateur ne peut avoir qu'un rôle d'intercesseur auprès des services administratifs (le plus souvent l'A.N.I.F.O.M. - Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer).

Un chômeur pénalisé... pour avoir travaillé...

Affaire : n°854852 transmise par M. Mayoud, député du Rhône.

Cette affaire met en évidence les difficultés qui apparaissent en matière d'indemnisation du chômage des agents des collectivités locales, compte tenu des étapes successives de l'alignement de ce régime sur celui du secteur privé.

Les collectivités territoriales sont mal informées en ce domaine du fait de la complexité des textes et de l'absence de publication de certaines circulaires d'application.

Mme C* ayant démissionné en juin 1983 de son emploi dans une entreprise privée pour suivre son conjoint, a effectué, au cours de l'été 1983, un remplacement de deux mois et demi à la mairie de G* dans le département du Rhône.

Au terme de son contrat, le maire, conformément aux dispositions du décret n•80-897 du 18 novembre 1980 alors en vigueur, lui a accordé le bénéfice d'une allocation pour perte d'emploi. Cependant lors de l'entrée en vigueur du nouveau régime d'indemnisation du chômage en novembre 1983, il a aussitôt estimé que l'allocation pour perte d'emploi n'était plus due à l'intéressée puisque le nouveau texte exigeait que l'agent justifie d'une durée de trois mois de service continu.

Il est vrai que le nouveau décret abroge le régime antérieur et précise que " les agents en cours d'indemnisation à la date d'application du texte sont repris à partir de cette date dans le nouveau régime ".

Pour le ministère de l'Intérieur consulté à plusieurs reprises et pour le Secrétariat d'Etat à la fonction publique, l'ensemble des droits à indemnisation doivent être réexaminés dans le cadre des dispositions du nouveau régime y compris le principe même du droit à indemnisation. L'application du nouveau régime aux personnes en cours d'indemnisation pourrait donc conduire à l'extinction de leurs droits.

Cependant, le texte est imprécis et il a fait l'objet d'interprétations divergentes jusqu'à la parution d'une circulaire interministérielle du 16 juillet 1984.

Cette circulaire prévoit, notamment, une mesure de tempérament pour les agents en cours d'indemnisation. Mais elle semble ne pas être bien connue des collectivités locales. J'estime donc que le cas de Mme C* doit être examiné à nouveau et qu'elle a des chances de voir sa situation réglée par cette disposition spécifique.

Des raisons d'équité plaident, par ailleurs, en sa faveur puisque, si elle n'avait pas effectué ce remplacement durant deux mois dans une mairie, elle aurait été indemnisée sans aucune difficulté comme demandeur d'emploi du secteur privé.

Un double mariage non prévu par la législation

Affaire : n°862228 transmise par M. Foyer, député du Maine-et-Loire.

La législation relative aux pensions de réversion, édifiée par stratifications successives, présente des conditions d'application trop souvent restrictives et complexes qui sont fréquemment la source de nombreuses iniquités, notamment en matière de divorce où elle s'adapte mal aux cas particuliers. Elle est trop strictement appliquée et n'autorise aucune dérogation.

Cependant le Médiateur peut en appelant la bienveillante compréhension de l'administration aboutir à des solutions plus équitables.

Mme D* a contracté un premier mariage qui dura 20 ans avec M. D*, militaire de carrière. Après un divorce et une séparation de 7 ans, elle devait à nouveau se remarier... avec son premier mari, cette dernière union ne durant que deux ans, neuf mois et quatre jours avant le décès de ce dernier.

Mme D* ne pouvait donc obtenir une pension de réversion au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite, issu de la loi du 20 septembre 1948 puisqu'elle ne remplissait pas la condition de durée de 4 ans de mariage exigée dans ce régime.

Elle ne pouvait non plus se voir reconnaître un droit à pension du fait de son premier mariage puisque cette union avait été dissoute par un divorce aux torts réciproques (article R 70 du code précité).

Du fait de son remariage trop bref— à quelques mois près ! — et des conditions du divorce antérieur, Mme D* qui, avait pourtant contracté avec M. D* un double mariage d'une durée totale effective de 23 ans, se trouvait privée de tout droit à pension de réversion.

Dans un premier temps, le ministère de la Défense a signalé que, compte tenu des textes en vigueur, la demande de pension de réversion de Mme D* ne pouvait être accueillie. Certes, une nouvelle législation a assoupli les conditions d'attribution des pensions de veuve, mais elle ne s'applique qu'aux ayants cause dont les droits résultant du décès se sont ouverts après le 1er décembre 1964. Or le mari de Mme D* est décédé en 1962 ! Mme D* n'a donc vraiment pas de chance...

Toutefois, au deuxième examen, sans modifier son interprétation stricte des textes, le ministère de la Défense a fait preuve d'imagination. Il a proposé l'application du décret n•66-809 du 28 octobre 1966 qui prévoit l'attribution d'une allocation annuelle, sous certaines conditions, aux veuves non remariées qui n'ont pu obtenir une pension de réversion en application de l'ancienne réglementation.

Ainsi Mme D* ne subira aucun préjudice matériel puisque grâce à la diligence et à la bienveillante compréhension du ministre, elle recevra une allocation d'un montant égal à celui de la pension de réversion à laquelle elle aurait pu prétendre.

Dans le doute, l'Administration préfère la rigueur

Affaire : n°853638 transmise par M. Bernard, député de la Meuse.

En matière de validation de périodes litigieuses pour le calcul de la retraite, les caisses chargées de la liquidation ne sont pas toujours sûres du droit, et dans le doute, adoptent le plus souvent la solution la plus restrictive.

Ce genre d'affaires intéresse bon nombre de personnes qui ont connu les périodes troublées de la guerre 1939-1945 et qui, arrivées à l'âge de la retraite, ont du mal à faire valider ces années-là.

M. G*, qui avait été employé dans un chantier forestier au titre du service civique rural de 1942 à 1943 en exécution d'un ordre de réquisition du préfet de la Meuse, se voit refuser la validation de ces périodes par sa caisse de retraite (C.P.A.M. du Nord-Est) du fait que l'Etat n'a versé à l'époque aucune cotisation pour la retraite. La Caisse de mutualité sociale agricole lui fait une réponse identique.

Le service central compétent saisi par le Médiateur a précisé les règles applicables : les périodes effectuées au titre du service de travail obligatoire (S.T.O.) sont validables. Dans le cas où les intéressés ont été contraints au travail en France, la validation est subordonnée à un assujettissement préalable au régime général.

Par analogie, les périodes accomplies au titre du service civique rural sont également validées gratuitement sous réserve de la condition d'assujettissement préalable et sous réserve qu'elles soient consécutives à un ordre de réquisition.

M. G* avait donc bien droit à la validation de ses années de travail 1942-1943. Cette solution bienveillante et justifiée a été portée à la connaissance de la Caisse.

Secteur administration générale



Le secteur reçoit l'ensemble des réclamations qui ne sont pas instruites par les secteurs spécialisés de l'Institution.

Les affaires qu'il connaît relèvent d'une dizaine d'administrations (Agriculture, Intérieur, Affaires étrangères, Culture, Transports, Industrie, Communication, Jeunesse et Sports...) et mettent en cause des administrations centrales, des services déconcentrés, des collectivités locales, des établissements publics (S.A.F.E.R., O.N.F., O.N.C...) ainsi que des autorités administratives indépendantes (Haute autorité de l'audiovisuel, puis C.N.C.L). Cette diversité conduit nécessairement à une adaptation particulière des relations avec ces interlocuteurs.

Les différends relèvent de deux catégories bien différentes. En premier lieu, ceux qui se rapportent à la partie " réglementation " du secteur (environ 50 % des dossiers), tels que l'octroi des primes, aides, dotations, réglementation professionnelle des étrangers, droit de chasse, licence sportive, restriction de validité du permis de conduire, etc...

Les motifs des réclamations portent aussi bien sur l'interprétation jugée trop rigoureuse des textes que sur une prétendue méconnaissance de la réglementation par les autorités responsables.

Les autres affaires tiennent souvent à une contestation sur des circonstances de fait (remembrement, préemption et rétrocession par les S.A.F.E.R., propriétés enclavées, gestion des forêts...) Elles sont souvent délicates à appréhender. L'instruction peut donc nécessiter une enquête sur place par l'intermédiaire du délégué départemental du Médiateur bien placé pour juger de la réalité sur le terrain et apprécier le contexte local. Une telle contribution se révèle particulièrement utile dans les affaires foncières.

Au travers de ces objets différents, il reste que les griefs invoqués dans ces affaires se rapportent généralement à des comportements administratifs abusifs ; des lenteurs à exécuter des décisions de justice, des insuffisances de motivation et des refus d'accès à des documents administratifs communicables, des résistances à l'application de la réglementation communautaire; enfin à une information insuffisante des usagers.

Un dialogue différencié avec les autorités administratives contribue à faciliter la recherche d'une solution équitable.

L'obtention d'un résultat favorable demande souvent une grande détermination et de très nombreuses interventions. La tentation est alors grande de mettre en œuvre les pouvoirs de pression que le législateur a mis à la disposition du Médiateur.

Un abus de position dominante

Affaire : n°855338 transmise par M. Le Gars, alors député des Yvelines.

Jusqu'à la loi récente sur les astreintes administratives, l'Etat bénéficiait d'une quasi impunité en matière d'exécution des décisions de justice.

L'affaire exposée ici démontre une nouvelle fois à quel point l'inertie de l'administration peut finalement aboutir à faire échec à une décision de la juridiction administrative, même si le réclamant a fait usage, en temps utile, de toutes les possibilités de recours qui lui étaient offertes.

Le plan définitif de remembrement de la commune de C* dans le Jura, publié en 1972, prévoit la création d'un chemin d'exploitation d'accès à la parcelle de M. B.*, par emprise sur une parcelle voisine.

En juillet 1975, l'Association foncière prend l'initiative de modifier le tracé et crée un chemin sur une autre parcelle. Cette décision est annulée par le tribunal administratif le 26 avril 1975 sur requête de M. B.*.

Le Préfet ayant refusé l'inscription d'office au budget de l'Association foncière du montant des dépenses de réalisation du chemin décidé initialement, M. B.* introduit une requête et, en appel, le Conseil d'Etat lui donne raison. Le préfet demeure silencieux.

L'intéressé saisit alors la section du rapport et des études du Conseil d'Etat et dépose une demande d'astreinte auprès de la section du contentieux : ces demandes sont en cours d'instruction.

Le commissaire de la République, pour sa part, fait valoir plusieurs arguments pour s'opposer à l'exécution. Selon lui, cette affaire provoquerait une crise au sein de l'Association foncière et au sein du Conseil municipal de C*, la création du chemin risquerait d'aggraver les problèmes d'inondations à l'endroit considéré, enfin l'intéressé est un procédurier...

Ces éléments sont dignes d'intérêt, mais ne m'ont pas été présentés d'une manière totalement convaincante.

Mon action s'est heurtée, en effet, à la difficulté d'appréhender correctement la situation locale et d'obtenir le concours des autorités publiques impliquées. Celles-ci ont montré, dans le dialogue que je tentais d'instaurer, une réelle inertie. Depuis 12 ans, l'Administration prend des décisions qui sont reconnues illégales par la juridiction administrative (cinq jugements favorables au réclamant) pour retarder l'exécution de l'arrêt de Conseil d'Etat.

Dans ces conditions, l'utilisation de la procédure d'injonction se révèle délicate dans la mesure où l'arrêt du Conseil d'Etat ne semble plus pouvoir être matériellement exécuté. Une intervention de la " dernière chance " est envisagée pour enjoindre à l'autorité préfectorale d'inscrire d'office sur le budget de l'Association foncière le montant des dépenses nécessaires à la réalisation du chemin ou la mise en œuvre de toute solution permettant de donner une solution équitable à ce litige.

L'obstination contentieuse

Affaire : n°836642 transmise par M. Cabanel, sénateur de l'Isère.

Parallèlement à une procédure en cours et dans le but de décharger la juridiction administrative des " petites " affaires dont elle est encombrée, le Médiateur peut agir comme amiable " compositeur " pour accélérer le règlement d'une affaire. Mais, encore faut-il que l'administration s'y prête, ce qui n'est pas toujours le cas.

M. G.* demande réparation au ministre de l'Agriculture de l'accident survenu à son poulain, alors qu'il était en pension dans un haras.

L'administration ayant refusé de reconnaître sa responsabilité, l'affaire a été portée devant le tribunal administratif de Dijon qui, par décision du 5 janvier 1982,, a déclaré l'Etat responsable de l'accident et a mis à sa charge une indemnité réparatrice.

Estimant que l'état du poulain s'était aggravé, M. G.* demanda alors à l'administration une indemnisation complémentaire qui lui fut refusée. Ce refus justifia le dépôt d'une nouvelle requête devant le tribunal administratif.

Cependant, soucieux d'abréger l'issue de cette affaire, l'intéressé demanda l'intervention du Médiateur le 7 novembre 1983 en vue de rechercher un accord amiable.

Le Médiateur proposa une solution équitable parallèlement à la procédure en cours.

Par ailleurs, le faible enjeu financier de la transaction justifiait une volonté d'éviter l'encombrement de la juridiction administrative, en proposant une solution rapide à l'administration, déjà désavouée par le tribunal administratif.

En l'occurrence, le lien immédiat et direct de cause à effet pouvait être facilement déduit du certificat vétérinaire établi deux mois après l'accident. C'est pourquoi, pour déterminer le montant du préjudice, il a été préconisé de recourir à une expertise à frais partagés que les parties accepteraient comme solution d'arbitrage. L'inertie de l'administration a été malgré tout la plus forte en dépit des rappels qui lui ont été adressés jusqu'en février 1986. Ce n'est que courant 1986 qu'un appel téléphonique au greffe du tribunal administratif de Dijon a permis d'apprendre que la procédure contentieuse avait été poursuivie jusqu'à son terme et qu'après expertise, le réclamant avait enfin obtenu une indemnité.

"Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre"

Affaire : n°851111 transmise par M. Julien, député de la Gironde.

En cas de situation bloquée entre les parties en présence, le Médiateur fait des propositions pour concilier les intérêts des uns et des autres : son intervention est parfois mal perçue et rejetée. Dans ces conditions, mieux vaut renoncer, surtout lorsque la justice a été saisie par le réclamant.

La commune de LE H* (Gironde) accordait depuis plusieurs années une subvention à l'Association sportive H*, animant de nombreuses sections sportives.

Il s'agissait d'une dépense non obligatoire dont l'utilisation était légalement contrôlée. En 1984, le maire a subordonné le mandatement de la subvention à la production par l'Association de la liste nominative de ses adhérents et de leurs adresses.

Saisie par l'Association, la Commission nationale de l'informatique et des libertés s'est prononcée contre la communication d'une telle liste : en conséquence, l'Association a proposé la consultation sur place du fichier, ou sa présentation lors d'une réunion en mairie.

Le maire a maintenu ses prétentions, malgré l'avis rendu par la rendu par la C.N.I.L.

Soucieux de l'enjeu (la mise en péril d'activités sportives pour les habitants), et pour mettre rapidement fin aux passions suscitées par cette affaire, le Médiateur propose au maire de se faire présenter le fichier des adhérents, dans le cadre d'une réunion à la mairie à son initiative, de sorte qu'il puisse vérifier la réalité de l'augmentation des adhérents de l'Association et le nombre d'adhérents ne résidant pas dans la commune, ainsi que ceux pratiquant plusieurs disciplines sportives.

Cette démarche a donné lieu à deux courriers (5 avril et 17 juillet 1985) qui n'ont cependant pas reçu d'écho favorable bien au contraire.

Constatant que le conflit ne pouvait être apaisé, le Médiateur a dû renoncer. Il a informé le parlementaire intervenant de l'impossibilité dans laquelle il était placé de poursuivre dans la voie d'une solution amiable.

La patience récompensée

Affaire : n°822709 transmise par M. P. Guidoni, député de l'Aude.

Il est parfois difficile de déterminer quelle est l'administration qui a compétence pour connaître d'un litige. Les administrés, mais aussi le Médiateur, rencontrent souvent bien des difficultés pour y parvenir..., surtout lorsqu'il s'agit d'obtenir une mesure en application d'une loi de 1877...

L'intéressé demandait le remboursement d'un fusil de chasse qu'il avait remis sur réquisition à l'autorité militaire en Algérie en 1961 et qui avait été détruit. L'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer, a priori compétente, se refusait à toute indemnisation au motif que la loi du 17 juillet 1970 n'avait pas prévu de réparer les destructions d'armes auxquelles l'autorité militaire avait fait procéder.

Sollicité par le Médiateur, le ministre de la Défense, après avoir examiné le dossier et pris connaissance du bon de réquisition militaire, déclinait sa compétence et renvoyait au ministre des Relations extérieures qui a hérité des dossiers du secrétariat d'Etat aux affaires algériennes, au motif que l'arme avait été remise " volontairement " par l'intéressé.

A son tour, le ministre des Relations extérieures indiquait qu'il ne disposait d'aucun crédit et renvoyait à la compétence de l'A.N.I.F.O.M., laquelle confirmait l'absence de texte applicable à la demande du réclamant.

A l'issue de ces démarches, le Médiateur pouvait enfin faire connaître sa position au ministre de la Défense, suivant laquelle, en l'absence de dispositions expresses envisagées par la loi d'indemnisation de 1970, il convenait de faire une application équitable des textes préexistants, en l'occurrence la loi du 3 juillet 1877 sur les réquisitions militaires.

En août 1985, une proposition d'indemnisation correspondant à la valeur actuelle du fusil était offerte à l'intéressé et, en février 1986, le Médiateur était informé que ce litige qui avait pris naissance il y a 15 ans, était clos après plus de 3 ans d'efforts.

Un oui du ministre, mais...

Affaire : n°843 866.

Même lorsqu'un accord est intervenu entre les parties intéressées il arrive que le Médiateur soit à nouveau saisi pour obtenir l'exécution des décisions prises.

Ainsi, une décision rétablissant un administré dans ses droits, prise par un ministre le 23 avril 1985, n'avait toujours pas reçu application en novembre 1986.

Il s'agissait d'un agriculteur bénéficiaire de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs qui avait été déchu de ses droits et contraint à remboursement, au motif qu'il n'exerçait plus cette activité à titre principal. Il lui était reproché d'avoir une autre activité. Or, il est apparu que cette activité se bornait à dispenser, en complément, quelques heures de cours dans un lycée agricole.

Le Médiateur est intervenu auprès du ministre de l'Agriculture qui a bien voulu prendre rapidement une décision reconnaissant la qualité d'agriculteur à l'intéressé et confirmant son droit à bénéficier de la dotation d'installation.

Malgré cela, l'intéressé s'est heurté encore, au niveau de l'exécution, à de sérieuses difficultés.

Le commissaire de la République territorialement compétent a fait connaître qu'il s'était dessaisi de ce dossier qui relevait désormais de l'administration centrale. Les services du ministère ont semblé avoir quelques hésitations pour passer outre aux réserves que ce cas particulier suscitait de la part de leurs représentants locaux. Il m'est apparu cependant indispensable que la décision donnant satisfaction au réclamant, signée du ministre lui-même et notifiée au Médiateur, soit exécutée.

J'ai donc demandé au successeur du ministre signataire . maintenir et faire exécuter la décision de son prédécesseur. Le nouveau ministre a bien voulu prendre en considération mon intervention et assurer la bonne application de la décision de son prédécesseur. Je l'en remercie bien sincèrement au nom du bénéficiaire de cette décision et en mon propre nom pour sa d1l1gence et sa compréhension.

Secteur éducation - consommation

Dans ces domaines, les réclamations qui me parviennent concernent en majorité des litiges avec le ministère de l'Education nationale d'une part et avec les services d'E.D.F. et des P.T.T. d'autre part.

1 -Les litiges intéressant l'Education nationale

Nombre de dossiers reçus font état de différends entre l'administration et ses agents. Ces dossiers ne relèvent pas de ma compétence. Cependant, je crois utile d'appeler l'attention du ministre de l'Education nationale sur l'importance de ce contentieux qui est, d'une certaine manière, révélateur de difficultés propres à ce ministère.

Les autres réclamations concernent surtout l'attribution de l'indemnité représentative de logement aux instituteurs et les bourses d'enseignement supérieur.

Certains des problèmes liés à l'indemnité représentative de logement sont apparus à la suite de la modification des textes législatifs et réglementaires qui ont précisé les critères d'attribution de l'indemnité et la qualité du logement pouvant être proposé aux enseignants.

Quant aux problèmes des bourses d'enseignement supérieur, ils se rapportent la plupart du temps, en l'absence de textes réglementaires, à une application restrictive des circulaires ministérielles par les recteurs.

Par exemple la circulaire n•82-180 dispose que pour obtenir une bourse, l'étudiant doit suivre des études selon un rythme normal de progression. Cependant plusieurs dérogations sont prévues telles que le redoublement dû à une maternité, à un accident de santé ou à des difficultés familiales importantes.

Il arrive que certains recteurs, s'appuyant sur les avis de la Commission régionale des bourses, ne prennent pas en compte ces éléments d'une manière équitable. Il est d'ailleurs probable que les positions restrictives parfois rencontrées et la difficulté de remettre en cause une décision de refus s'expliquent, pour une large part, par des raisons budgétaires.

2 -Les factures d'électricité

Les litiges portent principalement sur des redressements opérés après qu'une défaillance ait été constatée au niveau du compteur électrique.

Par ailleurs, le système mis en place par E.D.F. depuis 1985, appelé facturation intermédiaire, ne permet pas à l'usager de contrôler aussi rigoureusement que par le passé la consommation facturée. Il se trouve à l'origine de certains litiges qui résultent essentiellement d'une difficulté de compréhension de ce nouveau mode de facturation.

3 -La facturation téléphonique

Je constate au regard des lettres que les réclamants m'adressent à ce sujet, que leurs plaintes sont motivées tant par la difficulté des usagers à contrôler leur consommation téléphonique, que par l'insuffisance des réponses que leur adressent les services P. et T.

Il est vrai qu'à l'heure actuelle, la preuve de l'exacte consommation est difficile à établir. Les contrôles de la ligne téléphonique ne sont effectués qu'a posteriori et tous les centraux ne sont pas équipés d'auto-commutateurs électroniques qui permettent la facturation détaillée. J'ajoute que beaucoup d'abonnés hésitent à installer à leur domicile un compteur de taxes dans la mesure où celui-ci n'a pas, pour les services P. et T., valeur de preuve en cas de contestation.

Cependant, je note avec plaisir que, depuis plusieurs années, environ 20 % des dossiers transmis par le Médiateur au ministre sont satisfaits et que depuis quelques mois ils font l'objet d'une étude plus approfondie et de réponses mieux motivées. Ces réponses font notamment explicitement état des différentes étapes de l'enquête et sont généralement personnalisées.

Cela m'amène paradoxalement à regretter que certaines réponses des agences commerciales ne soient pas toujours aussi bonnes, ce qui alourdit, inutilement, le contentieux téléphonique devant le Médiateur et devant le ministre. J'ai donc formulé une première proposition de réforme à ce sujet qui vise principalement à améliorer la qualité de l'instruction des recours.

Cependant, la volonté de l'Administration de donner davantage satisfaction à l'usager, mérite d'être soulignée. Cela se traduit par l'extension du service de la facturation détaillée, l'analyse rapide des défaillances techniques et le suivi préventif de la consommation téléphonique. J'ai d'ailleurs pu constater l'intérêt de ces systèmes au cours d'une visite au Centre principal d'exploitation des télécommunications de Paris Masséna.

Mal orienté... mais indemnisé

Affaire : n°853897 transmise par M. Adevah-Pœuf, député du Puy-de-Dôme.

Lorsque son activité cause des dommages qui n'entrent pas dans les catégories habituelles, l'Administration a parfois tendance à refuser de prendre la responsabilité d'une indemnisation amiable.

Elle est portée à s'en remettre au juge en incitant, indirectement, les victimes à s'engager dans des procédures contentieuses toujours longues et aléatoires. Cependant, il arrive que l'Administration fasse preuve de bonne volonté et, à la demande du Médiateur, accepte de reconnaître les droits des victimes et de compenser honnêtement les préjudices.

Ce fut le cas dans l'affaire intéressant le jeune Thierry L* admis, à l'issue de sa classe de 5e à préparer le C.A.P. d'électricien mécanicien au Lycée d'enseignement professionnel de Thiers dans le Puy-de-Dôme en 1983.

Après une visite médicale, le proviseur de l'établissement découvre, à la fin du 1er trimestre, que son élève présente une anomalie de la vision des couleurs qui entraîne une confusion entre le rouge et le vert et, prenant ses responsabilités, interdit la poursuite de la scolarité dans une branche où il est essentiel de distinguer sans hésiter la couleur des fils électriques.

Les parents obtiennent la réadmission de leur fils dans la classe de 4e de son collège d'origine puis, l'année suivante, sa réorientation dans une section " Bois " d'un L.E.P. voisin. Ils demandent également, par l'intermédiaire du député, à être indemnisés du préjudice subi (transports, frais de pension, outillage et fournitures spéciales et, surtout, perte d'une année scolaire).

Le ministère oppose alors un refus motivé par le fait que le dossier d'admission " ne faisait pas état de daltonisme mais simplement de contre-indications pour les métiers nécessitant une parfaite vision des couleurs ", que la responsabilité du jeune homme était en cause puisqu'il avait fallu " attendre un trimestre avant qu'il ne se décide à changer d'orientation ", que l'administration avait fait des efforts incontestables pour réussir sa reconversion et, enfin, s'agissant des frais d'équipement engagés par la famille " qu'il n'est pas prévu dans ce cas d'indemnisation par l'administration ". En somme, une réponse de refus bien motivée, sans faille et signée du ministre lui-même.

Cependant, le Médiateur, après avoir constitué un bon dossier — en particulier sur le point précis des certificats attestant les troubles de vision et figurant effectivement dans le dossier d'admission —a décidé de saisir à son tour le ministre.

Après entretien avec l'intéressé, le ministère a très rapidement proposé une indemnisation convenable d'un montant de 12 884,90 F (dont 10 000 F pour compenser la perte de l'année scolaire) et a obtenu l'accord de son contrôleur financier. La rapidité et la qualité de cette réponse méritent d'être soulignées.

Une communication hors de prix

Affaire : n°860446 transmise par Mme Fraysse-Cazalis, député des Hauts-de-Seine.

A la demande du Médiateur, le ministre délégué à la Poste et aux Télécommunications fait procéder à des vérifications sérieuses pour instruire les réclamations relatives à la facturation téléphonique et, en cas de mauvais fonctionnement du service, accorde une exonération.

En tout état de cause, il adresse une réponse motivée au Médiateur qui complète utilement l'information des usagers du téléphone.

Ainsi, M. V*, demeurant dans les Hauts-de-Seine, reçoit en 1985 des relevés téléphoniques qui mentionnent respectivement 8 756 et 14 950 taxes de base, alors que la moyenne de l'année, si l'on excepte les factures litigieuses, ne s'établit qu'à 280 taxes de base. M. V* est persuadé d'utiliser seul son téléphone. Depuis un relevé antérieur qui lui semblait excessif, il prend soin de noter ses communications.

Ces arguments — qui sont ceux de la plupart des réclamants — ne constituent pas à eux seuls une preuve du mauvais fonctionnement du système de taxation. Cependant, l'Administration a le devoir d'y répondre en effectuant les vérifications nécessaires.

Dans cette affaire, elle a effectué, à la demande du Médiateur, une enquête approfondie : d'abord le contrôle comptable de l'établissement des relevés et le contrôle technique du fonctionnement de la ligne et du système de taxation ; ensuite, la consultation des documents de maintenance pour constater si des dérangements dans l'installation téléphonique ou des travaux sur le commutateur ou le câble de desserte n'ont pas été de nature à influer sur la taxation ; enfin, la "mise en observation " de la ligne pendant quinze jours qui permet de vérifier la concordance entre la bande de contrôle et le compteur, de constater l'importance du trafic interurbain et des appels vers les services Télétel dans la consommation de l'intéressé et de permettre à celui-ci de comparer l'enregistrement de la bande de contrôle avec ses propres relevés de communication.

Tous ces contrôles — qui ne remplacent pas la facturation détaillée, mais permettent de bien circonscrire le litige — n'ont, en l'espèce, pas apporté d'informations décisives.

Cependant, compte tenu de l'ampleur de l'écart constaté et du caractère tardif de l'observation du trafic, alors que le service aurait pu effectuer des vérifications dès l'émission d'un relevé en très forte hausse sur la moyenne habituelle de l'intéressé, le ministre a reconnu que l'enquête perdait de sa valeur probante et, a prescrit, à titre exceptionnel, l'exonération des sommes contestées.

Le courant passe difficilement

Affaire : n°852845.

L'électricité est une fourniture payable selon les règles habituelles du commerce, son montant est donc dû dès lors que la prestation de courant a été fournie. Une facture erronée ne libère pas le consommateur de sa dette.

Les usagers oublient souvent cette caractéristique. Mais E.D.F., de son côté, ne manque pas d'en tirer les conséquences. Le Médiateur est parfois conduit à rétablir avec le concours de son correspondant dans l'établissement un certain équilibre entre l'application des règles du droit commercial et les conséquences qui en découleraient pour l'usager.

M. B* a acquis en 1968 un hôtel-restaurant qu'il a modernisé. En 1984, après 16 ans de fonctionnement, l'E.D.F. lui apprend que les sommes qu'il a acquittées régulièrement depuis son installation pour ses consommations d'électricité doivent être multipliées par 10 !

En effet, depuis l'origine, le programme de facturation de l'E.D.F. n'a pas pris en compte le fait que son compteur indique les consommations en dizaine de kilowatt/h. et non en unité de KWH.

L'intéressé proteste de sa bonne foi, souligne l'impossibilité de répercuter cette charge imprévue dans ses prix de vente et attire l'attention sur le risque très sérieux de mise en péril de son entreprise. E.D.F. ne manque pas de répondre que l'intéressé aurait pu s'apercevoir de la faiblesse de sa consommation, que la prescription en matière commerciale est de 10 ans, et surtout que M. B*, même s'il règle le rappel demandé, aura bénéficié pendant 9 ans de la fourniture gratuite des 9/10e de son électricité.

A la demande du Médiateur, une recherche de solution amiable a été entreprise dans des conditions assez difficiles, puisqu'au cours de la négociation l'E.D.F. a assigné M. B* à comparaître devant le Tribunal de grande instance pour se voir condamner à payer le rappel demandé.

En définitive, une transaction est cependant intervenue, combinant une remise importante de la dette et un échelonnement de paiements compatible avec les capacités financières de l'entreprise. E.D.F. a agi équitablement.

Secteur Justice



De toutes les réclamations instruites par le secteur Justice, très rares sont celles justifiant des démarches de ma part.

La loi de 1973 instituant ma fonction m'interdit toute intervention pour influencer le cours d'une affaire pendante devant une juridiction administrative ou judiciaire.

A fortiori, je ne puis remettre en cause des décisions rendues en toute indépendance par ces juridictions.

Démuni par principe de toute prérogative d'examen au fond d'affaires déjà tranchées, mon intervention reste possible sur deux terrains distincts :

—celui de l'iniquité susceptible de résulter d'une décision ayant entraîné des effets que le juge administratif ou judiciaire n'avait manifestement ni prévus ni souhaités,

—celui du mauvais fonctionnement du service public de la justice, principalement en amont (mise en état des procédures) et en aval (exécution des décisions rendues) du procès.

Enfin, je suis amené à intervenir de plus en plus fréquemment dans les affaires relevant de la police de l'immigration.

1 -Le Médiateur n'est pas un troisième ou quatrième degré de juridiction

En dépit des limitations claires et précises inscrites dans la loi, je reste saisi de trop nombreuses réclamations qu'il m'est impossible d'instruire, soit qu'elles aient trait à des litiges entre particuliers, soit qu'elles visent à influencer ou à remettre en cause des décisions de nature juridictionnelle.

C'est ainsi qu'un parlementaire m'a transmis une réclamation relative à un différend opposant une citoyenne à des particuliers au sujet de la disparition de son chien.

D'autres réclamations me demandent de revenir sur des décisions rendues, notamment en matière pénale, mettant en cause la régularité de la procédure, ou le résultat de certaines investigations.

2 -Lenteur et inexécution de certaines décisions de justice

La plupart de mes interventions visent à accélérer le cours de la justice.

J'ai été amené à constater que certaines affaires tardent à être jugées pour des raisons diverses : manœuvres dilatoires des parties, désintéressement de certains avocats pour leur client, surtout lorsque celui-ci bénéficie de l'aide judiciaire, délais excessifs pour la remise de nombre d'expertises, laxisme incompréhensible de certains juges de la mise en état.

D'autres décisions déjà rendues et insusceptibles de recours restent trop longtemps inexécutées, occasionnant des réclamations montrant que le citoyen ne sait pas toujours que l'exécution des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire relève de l'initiative exclusive des parties.

Parfois, ce sont certains auxiliaires participant au fonctionnement du service public de la justice qui n'accomplissent pas correctement leur mission.

Chaque fois que j'observe un retard anormal dans le déroulement d'une procédure, j'interviens : soit auprès du président de la juridiction saisie en lui demandant les raisons pour lesquelles l'affaire a subi d'incompréhensibles retards et la date à laquelle elle sera susceptible d'être tranchée ; soit auprès du responsable de l'ordre dont relève l'auxiliaire de justice négligent pour demander plus de diligence dans l'exécution de sa mission ; soit auprès du Garde des Sceaux et des parquets compétents chargés d'un contrôle général de la légalité des actes des professions participant au service public de la justice (notaires, huissiers, syndics ...) dès lors qu'un comportements fautif apparaît dans la réclamation dont je suis saisi.

C'est ainsi que j'ai été amené à signaler le cas d'un huissier qui avait omis de conserver des pièces comptables en violant les règles de la profession relatives à la conservation des archives.

D'une manière générale, j'ai constaté que si les ordres qui assurent la discipline des différentes catégories d'auxiliaires de justice répondent volontiers et dans des délais très raisonnable à mes sollicitations, les juridictions, notamment de l'ordre judiciaire, jalouses de leur indépendance et de leurs prérogatives, hésitent parfois à fournir les renseignements ou les précisions que je suis amené à leur demander.

Il paraît souhaitable que des instructions puissent être données par le Garde des Sceaux pour inviter les chefs de juridiction à mieux instruire et traiter les réclamations dont je les saisis.

Naturalisation et immigration

Plusieurs réclamations ont justifié mon intervention pour permettre à une personne de se voir reconnaître un droit.

C'est ainsi que m'a été adressée une réclamation visant à obtenir du ministère en charge des naturalisations qu'il entreprenne l'instruction d'une demande d'acquisition de la nationalité française rejetée à la suite d'une simple erreur de tampon, d'ailleurs immédiatement rectifiée, commise par le greffe du juge d'instance initialement saisi.

J'ai également été amené à constater qu'un certain nombre de ressortissants du Sud-Est asiatique ayant sollicité l'asile politique avaient vu leur demande rejetée par l'Office pour les réfugiés et les apatrides à la suite de procédures fâcheusement expéditives et que le ministre de l'Intérieur leur oppose très souvent l'obligation de prouver qu'ils sont titulaires d'un emploi, alors que cette exigence n'est pas inscrite dans les textes.

Dans ce secteur sensible, j'interviens dans les conditions habituelles, c'est-à-dire seulement lorsqu'un mauvais fonctionnement du service public est établi ou lorsqu'une iniquité grave est relevée.

Un terrain vendu deux fois

Affaire : n°84089 transmise par M. Lejeune, sénateur du Finistère.

Lorsqu'une affaire révèle un mauvais fonctionnement du service public assuré par les auxiliaires de justice, j'estime que je suis fondé à intervenir. Cependant, mon pouvoir de proposition est nécessairement limité dans ce domaine compte tenu du statut particulier des intervenants.

En 1962, M. et Mme P* ont acheté un terrain par acte notarié.

Or au décès de leur vendeur, survenu en 1964, le tribunal de grande instance a ordonné le partage de la communauté et a désigné un expert chargé d'établir la désignation des biens immeubles indivis et leur origine de propriété.

La parcelle appartenant à M. et Mme P* a été comprise, par erreur, dans l'état liquidatif et attribuée à l'un des enfants du vendeur.

Cette parcelle, déjà vendue en 1962, n'aurait jamais dû être reprise dans la succession, d'autant plus que l'état du partage de la communauté a été dressé en 1971 par deux notaires dont celui qui neuf ans auparavant avait rédigé l'acte par lequel la parcelle avait été vendue à M. et Mme P*.

Or, les héritiers ont revendu le terrain litigieux en 1975.

Mme P*, devenue veuve, s'est ainsi trouvée dépossédée de son bien régulièrement acquis. Après 10 ans de tentatives infructueuses auprès des notaires, elle a fait appel au Médiateur.

Quelles qu'aient été les difficultés rencontrées pour exercer leur ministère, il m'est apparu avec certitude que l'expert judiciaire et les notaires avaient quelque responsabilité dans cette affaire.

J'ai donc saisi les chambres professionnelles intéressées. Malgré diverses réunions et des propositions de règlement formulées par les assureurs des notaires et de l'expert, aucun accord amiable n'a pu être envisagé et je n'ai pu que transmettre au réclamant les renseignements obtenus en invitant les acquéreurs à prendre l'initiative d'une procédure judiciaire.

Des conseils utiles

Affaire : n°86720 transmise par M. Méric, sénateur de la Haute Garonne.

Je suis saisi trop souvent de litiges privés qui ne relèvent pas de ma compétence et je suis dans l'obligation de rejeter de telles réclamations. Cependant, dans les cas particuliers graves ou urgents, je m'efforce de donner un conseil utile, d'orienter vers l'organisme adapté et même, si cela est nécessaire, de solliciter le concours de l'institution compétente.

Par exemple, les difficultés que rencontrait Mme C* pour faire exécuter une décision judiciaire lui accordant une pension alimentaire ne m'ont pas laissé indifférent.

Le tribunal de grande instance a prononcé le divorce entre les époux S-C* aux torts du mari et a condamné celui-ci à payer à Mme C. une pension alimentaire pour sa part contributive à l'entretien de leur enfant.

M. S* a toujours refusé de payer la pension à son ex-épouse et l'expertise ordonnée par le juge a fait apparaître que, gérant un restaurant par l'intermédiaire d'un prête-nom, il avait organisé son insolvabilité.

Mme C* a été finalement contrainte de s'adresser à la justice pour que son mari soit condamné à lui payer la pension alimentaire.

Une procédure de paiement direct a été tentée en 1983 auprès d'un employeur de M. S*, mais celui-ci n'a pas effectué de prélèvement sur les salaires et Mme C* n'a pu percevoir un acompte qu'après un nouveau procès.

C'est` alors que Mme C* m'a saisi en espérant que je pourrais l'aider à faire exécuter les sentences des tribunaux. Mais il s'agit d'un litige privé. L'exécution des décisions judiciaires est, en principe, laissée à la seule initiative des parties. Cependant, j'ai pu donner quelques renseignements utiles à Mme C* en lui indiquant ses droits à l'allocation de soutien familial et l'aide qu'elle pouvait recevoir de la Caisse d'allocations familiales.

En outre, j'ai signalé son cas au procureur de la République qui m'a informé qu'à la suite de la condamnation pénale de M. S*, il demandait au juge de l'application des peines de prendre toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts de Mme C* et de son enfant.

Course d'obstacle

Affaire : n°863066 transmise par Mme Neiertz, députée de Seine Saint-Denis.

Les ressortissants du Sud-Est asiatique rencontrent certaines difficultés pour obtenir une carte de séjour.

Avec prudence et en respectant la marge d'opportunité réservée aux pouvoirs publics, il m'appartient de répondre aux demandes dont je suis saisi si un mauvais fonctionnement du service public ou une grave iniquité peut être présumé.

Lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, O.F.P.R.A., ainsi que la Commission chargée d'examiner les recours des réfugiés n'accordent pas le statut de réfugié à ceux qui sollicitent l'asile, ces derniers se retournent vers les préfectures pour être autorisés à séjourner en France.

Ainsi, M. et Mme B* sont entrés en France clandestinement, le 18 octobre 1981, en provenance de la Thaïlande où ils ont séjourné 3 ans.

Ils ont demandé à l'O.F.P.R.A. que leur soit délivrée une carte de réfugié.

La décision de rejet rendue le 29 novembre 1984 par cet organisme a fait l'objet d'un appel devant la Commission des recours qui l'a confirmée le 21 mars 1986.

N'ayant pu obtenir le statut de réfugié, M. et Mme B* ont alors demandé à bénéficier d'une carte de séjour en invoquant les dispositions du décret n•84-1079 du 4 décembre 1984 (art. R 341-4 du code du travail) qui prévoit un régime favorable pour les ressortissants de l'Asie du Sud-Est auquel la situation de l'emploi ne peut être opposée.

La préfecture a refusé d'accorder les titres de séjour demandés par les époux B*, en indiquant que ceux-ci n'avaient pas été en mesure de produire un justificatif de leur nationalité.

Or, il semble que ces personnes n'ont pas à prouver leur nationalité puisque celle-ci n'a pas été contestée par la Commission des recours des réfugiés qui a expressément statué " sur le cas de M. et Mme B* de nationalité laotienne ".

Lorsque la nationalité n'est pas établie, cette juridiction mentionne en général que les requérants sont " d'une nationalité indéterminée ".

De plus, il apparaît que des circonstances particulières exposeraient les époux B* à des risques graves s'ils étaient forcés de rentrer dans leur pays d'origine. C'est pourquoi, j'ai demandé au ministre de l'Intérieur de réexaminer leur situation.

Marié sans le savoir

Affaire : n°850077 transmise par le délégué départemental de la Haute-Garonne.

Il arrive que les administrés se trouvent, de bonne foi, dans une situation juridiquement inextricable alors que ni l'efficacité ni le comportement des fonctionnaires ne sont en cause.

C'est avec le concours de tous ceux qui participent au service public que le Médiateur peut inviter l'Administration à mettre en œuvre des solutions adaptées.

En 1962, un enfant né à Hanoï dénommé Robert L* est accueilli par un couple de directeurs de collège.

Ayant grandi, il devient à son tour professeur, se fiance et le mariage est prévu pour le 22 décembre 1984.

Il demande alors, comme il l'a fait lors de la constitution de ses dossiers d'examens, une copie de son acte de naissance au service de l'état civil des Français nés à l'étranger.

Il est surpris de découvrir dans le document qui lui est adressé cette précision : " marié le 17 septembre 1983 avec ... ".

Croyant à une erreur de transcription, il se renseigne à l'état civil où on lui confirme que la mention marginale n'est pas le résultat d'une erreur de transcription et qu'il est officiellement marié.

Robert L* parvient à identifier son homonyme et à se mettre en rapport avec lui. Ils ont effectivement le même état civil : mêmes père et mère, même date de naissance, même numéro d'I.N.S.E.E., même livret médical et... leurs papiers sont donc semblables.

La justice, saisie, annonce une procédure fort longue. Antenne 2 s'intéresse à l'affaire et parvient à établir que l'identité de Robert L* est la vraie et à faire témoigner le père de Robert qu'on croyait mort depuis plusieurs années !

Cependant, pour que Robert L* puisse se marier, il reste indispensable de lever la mention marginale portée sur son acte de naissance.

Le Médiateur intervient alors auprès du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et du procureur de la République, qui ont suivi attentivement cette affaire. Ils ont donné des instructions à la mairie pour qu'elle accepte, à défaut d'acte de naissance, un certificat de notoriété qui a été établi par le juge du tribunal de grande instance.

Le problème de fond, c'est-à-dire, la revendication d'état civil est en cours devant la justice.

Le mariage a pu ainsi être célébré le 21 décembre 1985, soit un an après la date prévue ... et le Médiateur y a été invité.

Ping-pong

Affaire : n°855476 transmise par M. Josèphe, alors député du Pas-de-Calais.

Lorsqu'un administré est confronté simultanément à deux législations restrictives, l'intervention du Médiateur peut mettre fin à un " ping-pong administratif " justifié au regard de chacune des législations mais inacceptable du point de vue de l'équité.

M. K*, de nationalité libanaise, est entré en France en 1978. Après plusieurs années d'études à la faculté de chirurgie dentaire, il a obtenu son doctorat d'Etat français de chirurgien-dentiste.

Ne pouvant envisager un retour dans son pays d'origine et bien intégré dans la société française, M. K* a décidé d'exercer son métier en France. Mais l'article 356 du Code de la santé publique exige la nationalité française pour pouvoir exercer en France la profession de chirurgien-dentiste.

L'étudiant a donc présenté deux demandes de naturalisation en avril 1981 et en septembre 1983, celles-ci ont fait l'objet de deux décisions d'irrecevabilité au motif que M. K* ne remplissait pas la condition de résidence exigée par l'article 61 du Code de la nationalité française. Il devait, en effet, avoir dans notre pays le centre de ses attaches et de ses occupations, ce qui est habituellement établi par l'exercice d'une activité professionnelle génératrice de revenus.

Mais, pour que M. K* puisse exercer en France son métier de chirurgien-dentiste, il lui fallait avoir la nationalité française !

A la suite de mon intervention, le ministère des Affaires sociales a bien voulu rechercher une issue à cette situation apparemment insoluble.

Il a accordé à M. K*, en application de l'article L 356 (2) du Code de la santé publique, qui prévoit une procédure exceptionnelle en faveur d'un nombre limité d'étrangers, l'autorisation temporaire d'exercer sa profession de chirurgien-dentiste et, parallèlement, il a invité M. K* à renouveler sa demande de naturalisation auprès de la préfecture du lieu de son domicile.

Secteur urbanisme



Le secteur urbanisme qui regroupe également les questions d'équipement, de logement et d'environnement connaît des affaires délicates à traiter.

Les difficultés signalées dans les réclamations se rapportent souvent à l'insuffisance tant de l'information des citoyens que de l'indemnisation des dommages provoqués par les erreurs de l'administration.

1 -Une information parfois inadaptée

Lorsque des projets d'urbanisme sont envisagés, l'information est organisée essentiellement sur le plan local.

Or, certains propriétaires intéressés qui ne résident pas dans la commune ne sont pas toujours en mesure de faire connaître utilement leurs observations sur le projet dans le cadre d'une enquête préalable ou d'utilité publique.

De même l'existence d'un droit de délaissement pour les terrains privés classés en réserve pour équipements publics est souvent ignorée des propriétaires concernés. Ceux-ci ne sont ni informés personnellement de cette servitude, ni des possibilités de mettre la collectivité publique en demeure d'acquérir ces biens.

Les conséquences d'une information trop impersonnelle ne sont pas les seules à être évoquées. Il s'y ajoute l'absence de précisions dans les documents ou autorisations administratifs délivrés à des particuliers qui par la suite, manquent aux bénéficiaires pour préserver leurs droits. Ainsi, en est-il des permis de construire et autres autorisations qui sont délivrés " sous réserve des droits des tiers ".

2 -L'indemnisation des préjudices

Des protestations concernent la réparation des préjudices causés par la délivrance d'autorisations administratives telles que le permis de construire qui sont ensuite annulées par le juge administratif. Dans ces cas l'intervention du Médiateur peut permettre au réclamant d'obtenir, dans un délai raisonnable, l'accord de principe pour une indemnisation amiable. Mais si l'Etat reconnaît sans trop de difficultés sa responsabilité, lorsque celle-ci est flagrante, par contre, il hésite à indemniser correctement le réclamant, de sorte que les propositions amiables sont souvent très faibles eu égard au préjudice subi. Cette attitude est délibérée car 1e réclamant n'a d'autre choix que d'accepter la " modeste " indemnisation s'il répugne à engager une action devant le juge administratif pour tenter d'obtenir une indemnisation équitable.

3 -L intervention d autorités multiples

On pouvait craindre que les litiges soient multipliés par le transfert des compétences résultant des lois de décentralisation.

Le nombre des réclamations dont je suis saisi dans le secteur de l'urbanisme ne semble pas cependant avoir augmenté. Mais cela peut découler en partie tant de la diminution des grands programmes de constructions que de l'amélioration de la qualité des documents d'urbanisme pour laquelle j'ai été amené à faire plusieurs propositions de réforme.

En revanche, l'incidence des lois de décentralisation sur la conduite de l'instruction des réclamations est manifeste.

Avant la décentralisation, le préfet était l'interlocuteur unique du Médiateur, il le reste aujourd'hui dans les seuls cas où les communes ne sont pas, par exemple, dotées d'un P.O.S. Lorsque celui-ci a été approuvé, l'interlocuteur est le maire qui peut en vertu d'une convention passée avec la Direction départementale de l'équipement, faire examiner la réclamation par cette administration. Le Médiateur ne saurait ignorer la participation active de ces différents acteurs, s'il ne veut pas compromettre les chances de succès d'une solution amiable. Dès lors, le délai de réponse en est affecté. A cela s'ajoute également de la part de certains élus la méconnaissance du rôle de conciliateur que peut exercer le Médiateur.

Cependant, certains différends proviennent des avis divergents rendus par les divers acteurs de la décision.

Le cas le plus " typique " que j'ai eu à connaître est celui où la commune ne dispose pas d'un plan d'occupation des sols.

En l'absence d'un tel document lors du dépôt d'une demande de permis de construire, s'applique la règle de la constructibilité limitée qui permet, dans certaines conditions, de s'opposer à la construction en dehors de la partie agglomérée de la commune.

L'application de cette règle de portée générale laisse une grande liberté d'appréciation à l'Administration. Les décisions ainsi rendues par les commissaires de la République sont parfois mal comprises de l'usager pour qui elles relèvent de l'arbitraire. Ce sentiment est accentué par le fait que préalablement à la décision, le maire, soucieux de préserver le développement de sa commune, a pu donner un avis favorable sur lequel les réclamants s'appuient pour contester la décision de l'Administration.

Mon rôle consiste alors à vérifier que tous les avis ont bien été pris en compte et à rappeler les conditions, assouplies depuis la loi du 19 août 1986, dans lesquelles s'applique la règle de la constructibilité limitée. Je ne saurais aller au-delà sans méconnaître les limites de ma compétence.

Danger chute de pierres

Affaire : n°844966 transmise par M. H. Tazieff, ancien ministre.

Les automobilistes, alors qu'ils circulent normalement sur une voie publique, peuvent courir de graves dangers. L'absence d'indemnisation dans de tels cas crée des situations d'iniquité particulièrement graves.

Le 30 novembre 1981 alors qu'il circule sur une route nationale dans la traversée de gorges très encaissées, M. D*, artisan plombier, est victime d'un accident mortel, dû à la chute d'un bloc de pierres de 40 tonnes qui s'est détaché de la montagne surplombant la chaussée.

Mme D*, en son nom et celui de ses trois enfants, mineurs, recherche la responsabilité de l'Etat devant le tribunal administratif. Le juge relève que deux panneaux routiers signalaient le risque de chutes de pierres, qu'un éboulement de cette importance n aurait pu être prévenu par des travaux d'entretien courant et que vingt et un passages des services de l'équipement dans les trois jours précédant l'accident n'avaient pas permis de déceler le danger. En conséquence le tribunal administratif, estime que l'accident n'est pas consécutif à un défaut d'entretien normal, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

La décision du tribunal administratif est conforme à l'état actuel de la jurisprudence.

Il est apparu inéquitable que les conséquences d'un tel accident restent entièrement à la charge des victimes. Cependant l'Administration s'est refusée à rechercher un arrangement amiable en raison notamment de la jurisprudence du Conseil d'Etat.

A défaut d'une évolution jurisprudentielle prévisible cette affaire a conduit le Médiateur à formuler une proposition de réforme visant à l'institution d'un régime d'indemnisation publique pour les victimes d'ouvrages exceptionnellement dangereux (proposition URB 86.01 du 6 février 1986).

Des droits acquis et perdus

Affaire : n°840723 transmise par M. Y. Dollo, député des Côtes-du-Nord.

Être propriétaire d'une parcelle dans un lotissement d'habitation approuvé, n'assure pas le droit de pouvoir y faire construire une maison si la réglementation d'urbanisme vient à changer.

M. et Mme O* sont propriétaires dans une commune littorale de Bretagne de deux parcelles d'un lotissement approuvé par le préfet le 13 mai 1969.

En 1978, souhaitant y faire construire une maison individuelle ils demandent un permis de construire. Cette autorisation leur est refusée le 26 juillet 1978, au motif que leur projet serait de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt du site (article R 111-21 du code de l'urbanisme).

Leur terrain se situe sur un éperon rocheux s'avançant sur la mer, en contrebas d'une route en corniche, dans une zone vierge de toute urbanisation, hormis une guérite de douanier.

Mais le Conseil d'Etat par décision du 9 novembre 1983 a annulé le refus de permis de construire estimant que la disposition particulière invoquée du code de l'urbanisme ne permettait pas d'édicter " une prétendue impossibilité de construire quelque habitation que ce soit à l'endroit projeté ".

M. et Mme O* confirment aussitôt leur première demande auprès des autorités compétentes. Malheureusement pour eux, entre-temps est intervenue la Directive nationale d'aménagement du territoire du 25 août 1979 relative à la protection et à l'aménagement du littoral qui prohibe toute construction " hors des zones actuellement urbanisées des agglomérations existantes ". Sur le fondement de cette directive, un deuxième refus de permis de construire leur est opposé. L'administration ayant l'obligation de statuer sur les textes applicables au jour de sa décision, ce refus est justifié en droit.

Si le Médiateur ne peut que s'incliner devant la nécessité constamment affirmée par les pouvoirs publics de protéger les zones littorales, en revanche il estime que la responsabilité de l'Etat est doublement engagée dans cette affaire. L'administration est fautive pour avoir refusé une autorisation à une époque où les textes ne le lui permettaient pas. Par ailleurs, le code de l'urbanisme prévoit une indemnité lorsqu'une atteinte aux droits acquis résulte d'une servitude d'urbanisme telle une autorisation de lotir, comme en l'espèce.

Le Médiateur a donc obtenu que le ministre de l'Equipement, indemnise à l'amiable les époux O* du préjudice qu'ils ont subi.

Enfin, cette affaire qui ne constitue pas un cas isolé, a inspiré au Médiateur une proposition de réforme instituant un droit de délaissement offert aux propriétaires de terrains acquis avec des droits à construire et rendus inconstructibles par des règlements ultérieurs.

Querelles de voisinage dans un lotissement

Affaire : n°845266 transmise par M. Philibert, député des Bouches-du-Rhône.

Cette affaire se rapporte à la démolition, ordonnée par voie de justice, d'un pavillon construit selon un permis de construire qui ne respectait pas les règles d'un lotissement. Ces affaires sont souvent dramatiques pour les intéressés et l'administration a le devoir de les indemniser convenablement.

Souhaitant agrandir la villa qu'ils possèdent dans le lotissement de la S... à B..., les époux S* demandent et obtiennent le 22 juillet 1981 du préfet des Bouches-du-Rhône un permis de construire une extension profitant de ce que le cahier des charges de ce lotissement avait été modifié peu de temps auparavant pour permettre les extensions.

Aussitôt leur voisin immédiat, M. G*, mécontent, saisit le tribunal administratif d'une demande d'annulation des arrêtés autorisant la modification du lotissement et l'agrandissement de la maison. Le juge administratif après avoir relevé un vice de forme dans la procédure de modification annule les deux décisions, le 27 juin 1984.

Par la suite, la Cour d'appel, amenée à statuer sur la responsabilité contractuelle des époux S* pour non-respect du cahier des charges, ordonne la démolition de l'extension réalisée.

L'administration est cependant fautive d'avoir délivré une autorisation irrégulière ayant eu des conséquences très préjudiciables.

Saisi par le Médiateur, le ministre de l'Equipement a reconnu sans difficulté, la responsabilité de l'Etat et a accepté d'indemniser M. et Mme S* sur une base amiable.

Des décisions contradictoires

Affaire : n°851224 transmise par M. Le Foll, député de Seine-et-Marne.

La possession d'un certificat d'urbanisme " constructible " ne met pas à l'abri ses détenteurs d'un possible revirement de l'administration dont les conséquences peuvent leur être extrêmement préjudiciables et justifier une indemnisation équitable.

M. et Mme C* obtiennent, en 1983, par la voie d'un certificat d'urbanisme, l'autorisation de créer deux lots constructibles sur un terrain dont ils ont hérité. Les lots ainsi créés sont vendus comme terrains à construire. Mais les permis de construire qui sont demandés par les acquéreurs sont refusés par le maire de C* dans des termes qui remettront en cause fondamentalement la constructibilité du terrain initial.

Devant ce refus, les acquéreurs engagent immédiatement une procédure en annulation des ventes invoquant l'erreur sur une qualité substantielle de la chose vendue. Ils obtiennent gain de cause sans difficulté et M. et Mme C* sont condamnés à restituer les sommes qu'ils ont reçues en paiement augmentées de frais et de dommages et intérêts considérables. Pour faire face à leurs obligations, ils doivent souscrire un emprunt dont ils ont beaucoup de difficultés à supporter les charges.

L'examen de ce dossier a révélé que le mauvais fonctionnement du service s'expliquait en grande partie par la complexité des rapports du fait et de droit, existants entre la commune, les services de l'Etat et le commissaire de la République en matière d'urbanisme avant les transferts de compétences décidés en 1983.

Le certificat constructible a été délivré par le commissaire de la République au nom de l'Etat au vu de la réglementation locale en vigueur. Mais au moment de statuer favorablement sur les demandes de permis de construire, il a hésité à passer outre l'avis négatif du maire de la commune concernée dont l'intention était de rendre inconstructible le terrain à l'occasion de l'approbation du plan d'occupation des sols. Toutefois, ce refus était, à l'époque, irrégulier.

L'administration de l'Etat a donc commis une faute ouvrant droit à réparation pécuniaire puisque les autorisations de construire qui ont été refusées ne peuvent plus être délivrées en raison du changement de réglementation.

Le Médiateur est intervenu auprès du ministre de l'Equipement qui a accepté de dédommager à l'amiable les époux C*.

Un terrain gelé en toutes saisons

Affaire : n°851918 transmise par M. G. Ansart, député du Nord.

L'Administration dispose de plusieurs procédures pour se procurer les terrains nécessaires à la réalisation d'équipements publics. Toutes ces procédures garantissant les droits des propriétaires à évincer, en leur permettant notamment de récupérer leur terrain si les travaux d'équipement ne sont pas réalisés dans des délais convenables. La relation qui va suivre illustre le " gel " par l'administration de terrains qu'elle convoite en dehors de toute décision effective.

M. H* est horticulteur. En 1979, une partie de son exploitation est expropriée par le département qui fait savoir qu'à terme l'exploitation sera touchée en totalité et lui propose l'acquisition anticipée à l'amiable de l'ensemble de la propriété. M. H* qui, à cette époque, n'a que 54 ans, envisage sa réinstallation.

Ensuite les services confirment constamment cette intention d'acquérir mais sans l'exécuter.

Enfin en 1985, le Conseil général décide de renoncer à l'acquisition amiable mais sans abandonner son projet de voirie qui demeure à l'étude, et ne prend aucune décision dont M. H* pourrait se prévaloir pour provoquer l'acquisition (prise en considération, déclaration d'utilité publique, inscription dans un plan d'occupation des sols publié).

Cette situation est gravement préjudiciable à l'intéressé qui a dû abandonner tout projet de réinstallation et qui est gêné pour exercer normalement son activité horticole. Par ailleurs, il ne peut pas céder son exploitation et se retirer car une servitude de fait pèse sur sa propriété.

Le Médiateur estime que le département a causé à M. H* un préjudice en différant une décision pour échapper aux procédures existantes.

Les mauvaises surprises : des subventions de l'A.N.A.H.

Affaire : n°854771 transmise par M. J. Valade, sénateur de la Gironde.

L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est un établissement public dont le rôle est de favoriser l'introduction sur le marché locatif de logements anciens rénovés par l'attribution de subventions aux propriétaires-bailleurs. Le maintien de ces subventions est subordonné à l'engagement par le bailleur de verser la taxe additionnelle au droit au bail (T.A.D.B.) qui constitue la source des fonds distribués par 1'A.N.A.H. Le Médiateur relève trop souvent une contradiction entre les appréciations portées par les différents services.

C'est ainsi que Mme D* désirant entreprendre la restauration de vieux bâtiments a demandé en 1979 une subvention à 1'A.N.A.H. dont le montant a été fixé à 105 075 F. Or, l'état de vétusté des bâtiments était tel que de simples réparations se sont vite avérées impossibles et qu'il a fallu démolir et reconstruire.

A partir de 1981, Mme D* met des locaux en location et s'acquitte du droit au bail. En ce qui concerne la T.A.D.B., la recette des impôts lui indique qu'elle n'est pas due, les locaux étant considérés comme neufs.

Mais à la suite d'un contrôle de 1'A.N.A.H., la recette des impôts est avisée de l'engagement de Mme D* et lui adresse un rappel de paiement que celle-ci s'empresse d'effectuer. Cependant, cette régularisation ne suffit pas à l'A.N.A.H. qui réclame à Mme D* la restitution de la totalité de la subvention après réévaluation, soit 147 105 F, pour non-respect de son engagement.

Le Médiateur a estimé que Mme D* avait obtenu la subvention dans des conditions régulières, que sa bonne foi était entière et qu'elle n'était redevable d'aucune pénalité.

L'A.N.A.H. a bien voulu se ranger à l'avis du Médiateur et a renoncé à exiger tout remboursement. Elle a également obtenu que désormais la taxe additionnelle au droit de bail reste applicable aux travaux d'agrandissement de construction ou de reconstruction dès lors qu'ils ont été financés avec le concours de l'agence (article 21 de la loi de finances rectificative pour 1986).).

Les permis à répétition

Affaire : n°862358 transmise par M. Kergueris, député du Morbihan.

En principe, une mesure de sursis à exécution décidée par le tribunal administratif à l'encontre d'un permis de construire doit avoir pour effet d'interrompre immédiatement les travaux dans l'attente d'un jugement définitif. Il faut rappeler que cette mesure est ordonnée par le juge quand un moyen sérieux est invoqué à l'encontre d'un acte et lorsque son exécution aurait des conséquences irréparables, ce qui est toujours reconnu en matière de permis de construire.

Toutefois, rien n'empêche l'autorité compétente de rapporter une décision à la légalité douteuse et de délivrer une nouvelle autorisation dans des termes légèrement différents. Une telle pratique peut, dans les faits faire échec aux actions contentieuses dirigées contre les permis de construire.

A Q*, la construction d'un petit immeuble de quatre étages situé en bordure d'un quartier résidentiel pavillonnaire était fortement contestée par un voisin particulièrement persévérant.

A trois reprises, le tribunal administratif a prononcé le sursis à exécution des permis de construire ce bâtiment délivrés par le maire. Après chaque jugement le promoteur obtenait une nouvelle autorisation sur un projet légèrement modifié par rapport au précédent, ce qui permettait de reprendre les travaux. Ainsi, malgré les présomptions d'irrégularité pesant sur les permis successifs, la construction pouvait se poursuivre entre deux jugements.

Interrogé par le Médiateur, sur les motifs de son comportement, le maire de Q. expliqua qu'il n'était guidé que par le souci de tirer au plus tôt les conséquences du jugement de sursis à exécution puisqu'à son avis cet immeuble était conforme à la vocation générale du secteur définie par le plan d'occupation des sols.

Quelles que soient les motivations des uns et des autres le Médiateur a obtenu que cesse ce petit jeu et que la justice puisse se prononcer au fond sans qu'aucune construction irréversible ne soit réalisée. A sa demande et à celle du commissaire de la République, le maire a ordonné la suspension des travaux mais la société a déjà déposé un quatrième permis...

Secteur " interventions urgentes "



Ce secteur regroupe l'ensemble des " saisines directes ", c'est-à-dire toutes les réclamations qui ne me sont pas transmises par un parlementaire et elles sont nombreuses puisqu'elles représentent plus de 20 % de l'ensemble des saisines.

1 - Ces saisines ne peuvent être accueillies, car les parlementaires ne peuvent jouer leur rôle que leur assigne l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973. De plus, cette absence de " filtrage " fait que bon nombre de ces réclamations sont irrecevables pour d'autres motifs.

Aussi, il m'est apparu nécessaire de revenir à une application plus stricte de l'article 6 sans pour autant rejeter la totalité de ces réclamations qui, pour être irrecevables en la forme, n'en revêtent pas moins parfois un réel caractère d'urgence.

De ce fait, j'ai assigné comme rôle principal au secteur " interventions urgentes ", de limiter strictement les interventions auprès d'une administration aux seuls cas pour lesquels un renvoi vers un parlementaire aurait pour effet de compromettre sérieusement les chances d'obtenir satisfaction compte tenu des délais nécessaires pour agir avec efficacité. Néanmoins, même dans ces cas exceptionnels, j'informe le réclamant que j'abandonnerai l'instruction de sa réclamation si sa demande n'est pas régularisée à bref délai par un parlementaire, qu'il aura pris soin de solliciter. Cette condition de régularisation, si elle permet une première " intervention urgente " m'autorise par ailleurs à clore le dossier quel que soit le sens de la réponse de l'Administration dès lors que le réclamant n'a pas, lui aussi, fait preuve de célérité dans sa démarche auprès d'un parlementaire.

Les autres réclamations dont je suis saisi directement font l'objet d'un rejet systématique. J'en explique les raisons aux intéressés dont la situation difficile ne m'échappe pas.

2 - Ainsi, chaque fois que les éléments en ma possession me permettent de déterminer si l'affaire relève bien a priori, de ma compétence, je conseille au réclamant de s'adresser soit à mon délégué départemental, soit à un parlementaire qui jugera de l'opportunité de me saisir. La lettre que reçoit le réclamant est accompagnée d'une notice rappelant les modalités de saisine du Médiateur et le champ de sa compétence. J'ai pu remarquer, à maintes occasions, que ces pièces sont communiquées par l'intéressé au parlementaire qui connaît ainsi mes premières observations.

Lorsqu'une décision de rejet s'impose, le réclamant en est averti très rapidement.

3 -Les saisines directes témoignent, d'une part, de la grande détresse de certains administrés qui ont recours au Médiateur pour des problèmes à la fois très modestes mais très importants pour eux-mêmes (saisies ; expulsions de locataires...) et qui n'ont pu trouver un interlocuteur attentif. La permanence de ce type de saisine révèle aussi que le Médiateur, bien que peu connu est perçu comme un dernier recours polyvalent par des catégories très modestes de la population.

A chacun ses compétences

Affaire : n°86 141 8.

En règle générale, les réclamations qui me sont présentées directement, sont rejetées comme irrecevables. Cependant, lorsqu'il est possible d'orienter utilement le réclamant vers l'autorité compétente, je lui donne toutes les précisions qui lui permettront de faire valoir ses droits. Tel est, en particulier, mon attitude en matière d'accès aux documents administratifs.

M. B* soucieux de connaître les conditions dans lesquelles le stationnement payant avait été institué dans sa commune a demandé la communication d'une copie des procès-verbaux de certaines séances du conseil municipal ainsi qu'un exemplaire du contrat liant la municipalité et une société privée.

Cette réclamation était irrecevable puisque l'intéressé n'avait pas saisi un parlementaire. Toutefois je lui ai suggéré de saisir la commission d'accès aux documents administratifs instituée par la loi du 17 juillet 1978.

Réforme spontanée

Affaire : n°855629.

M. C* avait saisi le Médiateur d'une situation qui lui semblait incohérente en matière d'ouverture des droits de jeunes demandeurs d'emploi à l'allocation d'insertion versée par les ASSEDIC. Il contestait le fait qu'au retour du service national un délai de carence de 6 mois avait été imposé à son fils au motif qu'avant son service, il s'était inscrit quelques jours à 1'A.N.P.E. Au contraire, un de ses camarades de lycée, inscrit pour la première fois comme demandeur d'emploi au retour du service, ne s'était vu opposer un délai de carence que d'un mois seulement.

D'après M. C* les employés de 1'ASSEDIC, tout en reconnaissant la difficulté, rappelaient que leur rôle se borne à appliquer les textes et non à les interpréter. Le service juridique de 1'UNEDIC avait confirmé la correcte interprétation des textes en cause à savoir : les articles R 351-6 et R 351 -7 du code du travail.

A la demande du Médiateur, 1'UNEDIC a réétudié la question en liaison avec la Délégation à l'emploi au ministère des Affaires sociales et il a été décidé que lors de la réinscription à 1'A.N.P.E. d'un jeune demandeur d'emploi au retour du service national, il sera appliqué le délai de carence le plus favorable.

Des instructions ont été adressées aux ASSEDIC afin de les informer de cette mesure nouvelle prise grâce à la réclamation de M. C*.

Une (bonne) solution provisoire

Affaire : n°842448.

Ni le législateur, ni l'autorité réglementaire ne peuvent tout prévoir. En revanche, il est difficilement acceptable que les services intéressés ne fassent pas diligence pour trouver une solution même provisoire à l'avantage des administrés victimes des lacunes ou des contradictions des dispositions législatives.

M. L*, journaliste à FR3 a été détaché outre-mer pendant deux ans pour collaborer à la station locale de la Radio Télévision Française d'outre-mer (R.F.O.).

Il n'a pu obtenir le versement d'aucune prestation familiale pendant son séjour pour des raisons tenant à une difficulté d'interprétation des textes dépassant largement son cas.

L'ancien territoire d'outre-mer où M. L* travaillait, est devenu un département de la République par la loi du 19 juillet 1976 sans que son statut soit complètement changé. Ainsi, le régime spécial d'assurance-maladie qui était en vigueur avant la promulgation de cette loi y est toujours applicable. Aucune coordination n'a été élaborée entre le régime spécial de ce T.O.M. devenu département et le régime général dé la sécurité sociale.

Dans ces conditions, la Caisse de prévoyance sociale de ce nouveau département refusait de verser les prestations familiales à M. L*. Elle craignait de ne pas être remboursée par la Caisse d'allocations familiales de la région parisienne du fait que l'intéressé ne pouvait être . administrativement considéré comme " détaché " dans la station locale où il travaillait depuis deux ans, le statut " département " s'y opposant.

Ainsi, M. L* se trouvait privé de ses droits pour un défaut de coordination administrative bien éloigné de sa situation particulière.

Dès 1984,, toutes les instances compétentes (caisses nationales et ministère) ont été saisies par les caisses intéressées.

C'est seulement après l'intervention du Médiateur et de multiples consultations que le directeur général de la Caisse d'allocations familiales de la région parisienne a pris très opportunément la décision de régulariser le dossier de M. L*, sans attendre la solution définitive qui résoudra les difficultés juridiques à l'occasion de cette affaire.

M. L.* a reçu ainsi une somme de 12 084,90 F que l'administration lui devait depuis 2 ans. Le directeur général de lai Caisse d'allocations familiales de la région parisienne a donné un bon exemple de ce que doit être l'attitude des responsables des grandes administrations.

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