Année 1984


QUELQUES DOSSIERS SIGNIFICATIFS




Avant de présenter certains dossiers qui sont la meilleure illustration des interventions du Médiateur, il paraît utile de rappeler certains des pouvoirs que lui a donnés la loi, ainsi que les procédures exceptionnelles qui y sont prévues et l'utilisation qu'il en a faite.

La loi du 24 décembre 1976, par rapport à la loi créant l'institution en 1973, a étendu les pouvoirs du Médiateur, notamment par la possibilité de recourir à l'injonction (art. 11) et à la recommandation (art. 9).

Le pouvoir d'injonction limité aux cas d'inexécution de décisions de justice par une administration ou un organisme relevant des domaines d'intervention du Médiateur définis aux articles 1er et 6 de la loi ne fut utilisé au cours de la période 1976-1980 qu'une seule fois (affaire n°762296. Voir rapports 1977 et 1978 .

Cette injonction ayant été suivie d'effet, sa publication au Journal officiel (art. 11 et 14 de la loi) n'a pas été nécessaire.

Depuis 1980, le simple rappel aux administrations et organismes concernés de ce pouvoir a permis dans un certain nombre d'affaires d'assurer l'exécution attendue de la décision de justice rendue définitive.

Au cours des années 1983 et 1984, la menace d'utilisation de l'article 11 de la loi fut utilisée à quatre reprises (notamment dans l'affaire n° 812527 développée).

Si deux d'entre elles sont encore à l'étude, deux ont connu une issue favorable.

En particulier, dans l'affaire F... (812527) la menace d'injonction avait été assortie d'un délai de réponse de quinze jours au-delà duquel le Médiateur aurait fait immédiatement usage de " l'arme " de la publication au Journal officiel. L'issue heureuse de cette injonction a évité d'en arriver là.

Dans l'autre affaire (834928), le Médiateur parvenait, en septembre 1984, à faire appliquer un jugement du tribunal administratif de Paris du 10 octobre 1982 condamnant l'Etat à verser à la Société S. . . une indemnité de retard de 18 405,07 F.

Le pouvoir de recommandation. Les recommandations du Médiateur au sens de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 et de la loi du 24 décembre 1976, excepté leur mention dans les différents rapports annuels, n'ont été rendues publiques qu'une seule fois par leur publication au Journal officiel du 25 août 1980, édition des Documents administratifs (voir rapport du Médiateur 1980).

Le pouvoir de recommandation non limité à un type de mauvais fonctionnement de l'Administration (à la différence du pouvoir d'injonction limité uniquement aux cas d'inexécution d'une décision de justice) est souvent utilisé par le Médiateur sous forme de menaces graduées, la publicité de ses " recommandations " restant le moyen de persuasion ultime et le plus " coercitif ".

Comme pour l'injonction, la menace de ce pouvoir a jusqu'à présent suffi à débloquer certaines affaires complexes.

Au cours de l'année 1984, quatre affaires ont nécessité que le Médiateur affirme avec une certaine solennité auprès des services concernés la particularité et les effets de ce pouvoir.

Sur ces quatre affaires, une est encore à l'étude (834263), une est en voie de satisfaction (832822), deux complètement satisfaites (814677, voir infra, p.., et 831099). Pour cette dernière, le Médiateur usant de son pouvoir de recommandation est parvenu à obtenir la communication d'un document administratif (lettre d'un Préfet au Ministre de l'urbanisme exposant les motifs de son refus de retirer l'arrêté municipal interrompant les travaux de lotissement).

Il n'y aurait là rien de très exceptionnel - le Médiateur étant de plus en plus saisi de demandes de communication de documents administratifs - si la C.A.D.A. (commission d'accès aux documents administratifs), n'avait déjà rendu un avis favorable à la communication, avis qui ne fut pas suivi d'effet (seulement 6 p. 100 de ses avis ne sont pas suivis. Rapport C.A.D.A. 1984).

Le Médiateur se félicite de l'issue favorable de cette requête - démontrant si besoin était l'intérêt des procédures amiables, la complémentarité de l'action de la C.A.D.A. et du Médiateur et l'intérêt tout particulier que celui-ci porte à la bonne application de la loi du 17 juillet 1978 .

A côté de ces pouvoirs particuliers, le Médiateur possède en matière d'instruction et d'investigation, des pouvoirs relativement étendus qui l'ont conduit pour la première fois à saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés (dossiers 822574, 835326), la Haute Assemblée de l'audiovisuel (842771, 844104) et la Commission des clauses abusives (821007).

Le Médiateur a également le pouvoir de demander des études au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes (art. 12, al. 3, de la loi du 3 janvier 1973).

Le Médiateur, dès ses débuts, eut recours à ce pouvoir important.

Des études précieuses furent demandées tant pour des affaires de portée individuelle que générale, citons pour mémoire: en 1976, forclusions en matière administrative, application du principe de la non-rétroactivité des lois en matière sociale, nature juridique des organismes gérant des régimes de retraites complémentaires; en 1980, règlement amiable des litiges (en collaboration avec la Cour des comptes); en 1982, fonctionnement des administrations fiscales, interprétation de la loi du 13 juillet 1972 sur la validation des services auxiliaires, application de la loi du 16 juillet 1980 sur les astreintes en matière administrative, accès aux copies d'examens.

En 1983 et 1984, des avis sur des affaires individuelles ont été demandés par le Médiateur à la Commission du rapport et des études du Conseil d'Etat ainsi qu'au chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives du Conseil d'Etat.

L'excès de zèle d'un fonctionnaire peut entraîner
une situation que la loi cherche à éviter.

(dossier 822574)



Un commissaire de police a pu constituer un fichier détaillé sur les habitants de son quartier.

Le 13 septembre 1982 le Médiateur recevait la lettre suivante témoignage d'une inquiétude devant le comportement d'un service administratif.

Monsieur le Médiateur,

Je ne sais si ma requête relève de votre mission, mais ne sachant à qui m'adresser je vous expose mon problème.

Habitant X.. et devant faire renouveler ma carte nationale d'identité, je me suis adressée, en août 1982, au commissariat de police local.

Comme je m'étonnais de ce qu'on me demande trois photos d'identité, je n'ai reçu aucune réponse à mes questions. Renseignements pris à la préfecture de.., j'ai eu la confirmation qu'il suffisait de produire deux photos seulement. Par contre, à la sous-préfecture de X.., qui a établi ma carte d'identité, on m'a confirmé la position du commissariat en m'informant que cette troisième photo était utilisée par le commissariat pour la constitution de son fichier.

Si cette mesure est légale, je veux bien m'y soumettre.. mais pourquoi y a-t-il une contradiction entre préfecture et sous-préfecture ? Pourquoi cette mesure locale ?

A un moment où de nombreuses organisations de citoyens se sont élevées contre la mise en place de certains fichiers, je trouve regrettable qu'il s'en constitue de parallèles.

Je vous prie, monsieur le Médiateur, de bien vouloir m'informer de la législation en vigueur, et, si la mesure dont j'ai été l'objet est illégale, de bien vouloir m'indiquer les moyens de recours.

Avec mes remerciements, veuillez agréer,..

F: Devant l'organisation d'un tel fichier et les risques qu'il fait courir à la notion de libertés, le Médiateur a vérifié auprès du préfet la véracité des informations et il a eu la surprise de recevoir la réponse suivante:

Monsieur le Médiateur,

Par transmission citée en référence, vous m'avez donné connaissance de la réclamation qui vous a été adressée par Mme R..., demeurant à X.., au sujet du renouvellement de sa carte d'identité.

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que, lors de l'établissement du document en cause par les services de la sous-préfecture de X.., une photographie est apposée sur la carte nationale d'identité de l'intéressé, la seconde étant conservée en archives sur le talon détachable de la demande.

Une troisième photographie est réclamée par le commissariat de police X.. Cette photographie est jointe aux documents d'archives conservés par le préposé aux cartes nationales d'identité, documents pouvant servir de référence et de garantie pour le demandeur, notamment lors d'une requête qu'il déposerait ultérieurement pour quelque raison que ce soit.

Cette photographie n'est pas utilisée à la constitution d'un fichier et les documents d'archives où elle est conservée ne sont consultés que par le préposé aux cartes nationales d'identité, à l'exclusion de tout service judiciaire.

Cette réponse est d'autant plus surprenante qu'elle ne contient aucune condamnation de la pratique dénoncée ni aucune annonce de mesure destinée à la faire cesser. Par ailleurs, estimer qu'une photographie jointe à des documents d'archives ne constitue pas un fichier peut être considéré comme une interprétation ambiguë.

Le Médiateur a donc, dans ces conditions, saisi la seule instance susceptible d'apprécier le cas qui lui était soumis, c'est-à-dire la Commission nationale de l'informatique et des libertés. ,

Le Président de la Commission répondait le 2 février 1984 par la lettre suivante:

Le Président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés à Monsieur le Médiateur.

Monsieur le Médiateur,

Par lettre visée en référence, vous m'avez fait part d'une réclamation présentée par Mme R.. qui, à l'occasion d'une demande de carte nationale d'identité, s'est vu réclamer trois photographies dont l'une destinée à être conservée au commissariat.

Interrogé par mes services, M. Ie Ministre de l'intérieur et de la décentralisation m'apportait les précisions suivantes:

- si l'instruction du 1er décembre 1955 définissant les modalités d'application du décret n° 55-397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, exigeait la fourniture de trois photographies, les commissariats de police ou les mairies devaient les joindre toutes trois au fichier transmis à la préfecture ou à la sous-préfecture;

- en tout état de cause, après la modification du formulaire de demande de carte nationale d'identité intervenue en 1970 (circulaire n° 70-447 du 9 octobre 1970), il ne doit plus être exigé que deux photographies destinées, l'une à être fixée sur la carte et l'autre sur la partie détachable du formulaire conservée dans le fichier de la préfecture ou la sous-préfecture ayant établi la carte.

Par ailleurs, M. Ie ministre m'a indiqué que ces dispositions ont été rappelées au Commissaire de la République du département, les services de police n'étant en aucun cas fondés à détenir un fichier de cartes nationales d'identité, ni même à conserver des documents d'archives relatifs à la délivrance de ce titre.

Ce problème s'étant posé dans d'autres départements, de nouvelles instructions seront prochainement adressées par le Ministère de l'intérieur et de la décentralisation.

Cette réponse a été notifiée au Préfet et l'affaire s'est heureusement terminée. Des mesures ont été prises pour revenir à une situation régulière qui peut être résumée par le compte rendu du Préfet.

Monsieur le Médiateur,

Vous avez bien voulu appeler mon attention sur la réclamation de R.. qui, à l'occasion d'une demande de carte nationale d'identité, s'est vu réclamer trois photographies par le commissariat de police dont une serait conservée en archives.

J'ai l'honneur de vous informer qu'à la demande du ministère de l'intérieur et de la décentralisation j'ai fait procéder à une vérification sur place, par le Directeur départemental des polices urbaines afin de déterminer si le commissariat de police détenait indûment des documents de cette nature.

Ce contrôle ayant fait apparaître que les troisièmes photographies réclamées à tort aux personnes sollicitant une carte nationale d'identité étaient toujours conservées au service, il a été procédé sur-le-champ à leur destruction par incinération.

En conséquence, tous apaisements peuvent être apportes a R.. en ce qui concerne sa photographie.

Je vous prie d'agréer,..

Il est important de remarquer, à propos de cette affaire, que les citoyens ont à faire un effort de vigilance quant à certains abus de la part de fonctionnaires qui vont au-delà de la réglementation. Ce qui est plus grave, c'est que certains se refusent à suivre l'évolution de la réglementation ou de la législation. Le Médiateur a pu faire imposer au service public une pratique conforme à celle prévue par les textes dans ce domaine essentiel qui est celui de la protection des libertés.

Responsabilité du propriétaire dans le règlement
des factures de téléphone impayées par le locataire

(dossier 840145)



Mme A.., propriétaire d'une maison qu'elle donne en location, ne parvient pas à obtenir de sa locataire, Mme Z.., le paiement des loyers dus malgré un jugement condamnant la locataire et ordonnant l'expulsion.

La propriétaire a même dû régler la taxe d'habitation.

En ce qui concerne le téléphone, bien que Mme A.. soit restée propriétaire de la ligne, les factures étaient adressées à Mme Z.. utilisatrice officielle, qui ne les a pas réglées.

Là commence une série de correspondances qui, émanant d'une administration, étonnent tant par l'obscurité de la forme que par les arguments de fond.

Les trois correspondances successives de l'agence commerciale responsable reproduites ci-dessous posent un certain nombre de questions.

Madame,

18 avril 1983.

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que Mme Z.., utilisatrice de la ligne téléphonique n° 0.. dont vous êtes titulaire, cohabite avec M. Y.., redevable envers mon administration d'une somme de 589,50 F et qui, par conséquent, utilise cette ligne.

Mme Z.. devait me régler cette somme le 3 février dernier mais n'a jamais plus donné suite à mes nombreux courriers.

Conformément à la réglementation en vigueur, je serais contraint, dès aujourd'hui, de suspendre provisoirement cette ligne téléphonique, jusqu'à apurement de la créance.

Veuillez agréer, Madame,..

Pour le chef de l'agence.

Madame.

13 Juillet 1983

J'ai l'honneur de vous faire savoir que l'abonnement téléphonique n°0.. dont vous étiez titulaire et Mme Z.. utilisatrice a été résilié d'office le 31 mai 1983 pour non paiement des taxes et redevances.

La dernière facture, s'élevant à 4336,25 F, reste impayée à ce jour.

L'article D. 318 du code des P. T. T. précise que " l'abonné est responsable de l'usage du ou des postes téléphoniques d'abonnement dont il est titulaire ".

D'autre part, l'article 2 264 de l'instruction générale sur le service des télécommunications précise: " l'abonnement étant souscrit par le propriétaire, celui-ci est seul responsable des versements exigibles ".

Restant à votre disposition pour d'éventuels renseignements complémentaires, je vous prie d'agréer, Madame,..

Le chef de l'agence.

Madame,

17 août 1983.

Par un courrier du 18 avril 1983, je vous informais que je devais procéder à la suspension provisoire de la ligne n° 0 dont vous êtes titulaire et dont Mme Z... était utilisatrice.

Cette dernière cohabite avec M. Y... qui est redevable envers mon administration d'une somme de 589,50 F.

Entre-temps, Mme Z... a été résiliée le 31 mai 1983 pour non-paiement de sa propre facture qui s'élève à 4336,25 F.

Un avis de mise en recouvrement lui a été adressé ainsi qu'à vous-même le 24 juin 1983.

En effet, l'article D. 318 du code des P. T. T. précise que " L'abonné est responsable du poste dont il est titulaire ".

En conséquence, vous restez personnellement redevable de la somme de 4 336,25 F pour la ligne n° O.. dont vous êtes titulaire et que vous avez mise à disposition de Mme Z...

Cette somme correspond aux factures impayées depuis août 1 982.

Restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, je vous prie d'agréer...

Pour le chef de l'agence.

Ce qui est important dans cette affaire, c'est de constater la première lettre que l'Agence commerciale des P. T. T. se permet d'indiquer à la propriétaire l'identité d'une personne qui cohabite avec sa locataire et de plus que ce " concubin ,> a des dettes envers les P. T. T. qui n'ont rien à voir avec la ligne dont elle est propriétaire et sa locataire utilisatrice...

Ces mêmes allusions sont reprises dans la dernière lettre.

La demande adressée au Médiateur par Mme A... concernait seulement sa responsabilité sur la dette de 4 336,25 F et le " laxisme " de l'Administration des P. T. T. qui a laissé s'accumuler une telle somme sur plus de deux ans avant de l'en informer; la première lettre ne la concernait visiblement pas.

L'Administration des P. T. T. qui a reconnu ne pas avoir pris les mesures qui s'imposaient a renoncé à poursuivre la propriétaire et lui a rétabli sa ligne téléphonique " personnelle " car entre temps, en responsable de la dette relative à la ligne dont elle n'est que propriétaire et non utilisatrice... la ligne de son domicile avait été coupée !

De l'interprétation trop restrictive des textes en matière médicale

(dossier 821524)



X.., affligée d'un fort diabète, habitait en province, et était suivie sur le plan médical dans un hôpital parisien par un professeur spécialisé.

Attendant un enfant en 1977, son gynécologue et le professeur décident de la faire accoucher à Paris. Elle y est soignée, ainsi que né prématuré, également diabétique et mis en couveuse.

Caisse primaire d'assurance maladie a estimé a priori ne devoir rembourser les frais d'hospitalisation que dans les limites suivantes:

- pour la mère par référence aux dispositions de l'article 12 du décret du 22 février 1973 qui stipule que " lorsqu'un assuré social choisit pour des raisons de convenances personnelles un établissement d'hospitalisation dont le tarif de responsabilité est supérieur à celui de l'établissement le plus proche ou le plus aisément accessible à partir de sa résidence et dans lequel il aurait, sous réserve de l'avis du médecin chargé du contrôle médical, pu recevoir les soins appropriés à son état, l'organisme d'assurance maladie auquel il est affilié ne participe aux frais de séjour que dans la limite du tarif de responsabilité applicable à ce dernier établissement " et a délivré en date du 9 juin 1977, une prise en charge à 100 p. 100 du tarif de responsabilité applicable au Centre hospitalier régional de N.., établissement le plus proche de son domicile;

- pour l'enfant, la prise en charge a été limitée à 80 p. 100 du tarif applicable à ce même hôpital; en effet la circulaire ministérielle n° 116 SS du 16 mai 1949 a précisé que doivent être qualifiés de prématurés les enfants nés avant la date présumée de leur naissance et dont le poids ne dépasse pas 2,500 kilogrammes.

Devant une situation pareille et compte tenu du fait que les enfants diabétiques naissent souvent prématurés, avec un assez fort poids et nécessitent des soins particuliers, Mme X... saisit le Médiateur qui a fait ressortir tout l'absurde de textes. l'application stricte des textes.

La D.R.A.S.S. a informé dans un premier temps le Médiateur que l'organisme d'assurance maladie concerné avait accepté de modifier sa décision mais seulement sur les frais relatifs soins de la mère.

Il a fallu saisir l'Administration centrale pour apprendre que:

De l'enquête à laquelle l'Inspection générale des Affaires sociales a fait procéder, il ressort que le seul élément de poids ainsi défini n'a qu'une valeur indicative. L'arrêté du 6 juin 1957 modifiant l'arrêté du 27 juin 1955 fixant les conditions dans lesquelles est supprimée la participation des assurés aux frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de cure dispose que les soins dispensés aux prématurés dans un service spécialisé ne donnent pas lieu à participation de l'assuré.

Ainsi un élément indicatif avait été transformé en norme impérative de façon parfaitement abusive.

Cette affaire s'est donc bien terminée mais que d'interventions auraient pu être évitées.

Lorsqu'une expertise médicale comporte des éléments
contradictoires, la Sécurité sociale choisit l'économie

(dossier 844257)



A ,la suite de diverses opérations à la colonne vertébrale dues à un accident du travail, la Caisse primaire d'assurance maladie refuse à M. X le bénéfice de la législation professionnelle au-delà du 26 mars 1984. Une expertise a été ordonnée et le médecin précise dans sa convocation au malade :

" La mission qui m'a été confiée a pour objet de préciser :

Si vous pouviez reprendre le travail le 26 mars 1984. "

Les conclusions de l'expertise paraissent totalement contradictoires; il suffit de lire la discussion et la conclusion:

Discussion: Il existe une discopathie évolutive très marquée en L.3-L.4, ainsi qu'en attestent les clichés standard du rachis lombaire comparatifs. Actuellement, le malade est indiscutablement handicapé du fait de cette discopathie mais on ne retrouve objectivement aucun trouble moteur, sensitif ou réflexe des membres inférieurs susceptible de le faire considérer comme un invalide incapable d'une activité professionnelle. Un scanner a été demandé et. il serait souhaitable de voir les résultats de cet examen avant de prononcer sa consolidation. Mais il est certain que la reprise de son activité professionnelle antérieure, telle qu'il l'a décrite tout au moins, paraît difficile compte tenu de sa situation actuelle et de la discopathie résiduelle que l'on voit très bien sur les radiographies.

Conclusion: Le malade a été opéré à deux reprises de hernie discale avec petits troubles neurologiques. Compte tenu de ces remarques, L'état du malade ne contre-indique pas une activité rémunérée quelle que soit la nature de celle-ci; la réponse à la question posée est donc Non.

Malgré cela, la Caisse primaire écrit: :

" Après expertise, la décision qui vous a été notifiée est main. tenue; votre arrêt n'est plus justifié au-delà du 25 mars 1984. "

L'intervention du Médiateur basée sur cet ensemble de jugements qui se contredisent a enfin pu être entendue puisqu'il a reçu la réponse suivante:

" J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'effectivement, à la suite d'une intervention personnelle de M. X, compte tenu du caractère ambigu des conclusions de l'expert mis en évidence par les certificats médicaux établis postérieurement, M. Ie Médecin conseil chef de service près la Caisse primaire d'assurance maladie a demandé au professeur ... Ie médecin expert, un complément d'information à l'expertise effectuée le 5 septembre 1984.

Ensuite, la décision initiale a été infirmée et le médecin l expert a estimé que la consolidation était acquise au ler novembre 1984. Cette décision a été notifiée à M. X et le règlement des indemnités journalières a pu être poursuivi jusqu'au 1er novembre 1984. Par ailleurs, un dossier est instruit en vue de l'attribution éventuelle d'une rente. "

Au-delà de ce cas particulier, il est important de noter que le Médiateur est trop souvent saisi de contestations d'expertises médicales dont le déroulement même ne peut être justifié. Aussi parmi les réformes proposées, et actuellement étudiées, figure la législation des expertises médicales.

Des appréciations différentes d'une même situation
par deux administrations

(dossier n°835297)



Au 31 août 1983, le Médiateur est saisi d'un litige qui oppose V.. au Centre des impôts dont il dépend.

M. V. ., propriétaire d'un immeuble locatif en état de vétusté, sollicite, pour sa remise en état, l'aide de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (A.N.A.H.), qui lui est accordée sans réticence, à concurrence d'une somme de 35922 F. Une fois les travaux effectués, il remet l'ensemble des factures des différents entrepreneurs aux services fiscaux concernés, lesquels les lui rendent après visa.

En conséquence, il déduit naturellement de ses revenus fonciers le montant des dites réparations, après déduction de l'aide accordée par 1'A. N. A. H.

Sa déclaration est alors rejetée et l'Administration lui notifie des redressements au motif que:

S'il s'agit incontestablement de dépenses d'amélioration effectuées dans des locaux d'habitation, L'examen du permis de construire, consulté en mairie de C.., fait apparaître que les travaux entrepris ne peuvent ouvrir droit à déduction pour une large part.

En effet, conformément à la jurisprudence et à la doctrine administrative, " il convient d'écarter du champ d'application de la déduction le montant des travaux qui, en raison de leur importance, se traduisent par une transformation profonde de la disposition des lieux et aboutissent, en définitive, à la création d'un local neuf assimilable à une addition de construction ou à une reconstruction, ou qui. ont pour conséquence un changement de la destination des locaux.

Tel serait le cas, notamment, alors même que murs extérieurs et la charpente auraient été intégrale. ment conservés en l'état et qu'au regard de la contribution foncière, il n'y aurait pas lieu de modifier l'évaluation I de l'immeuble:

- de la rénovation d'un logement, comportant réfection, après démolition des cloisons et installation'' intérieures diverses suivant une disposition différente "

Il s'agit là d'une interprétation purement locale car au surplus la décision de 1'A.N.A.H. engage l'Administration, cet organisme i étant venu, préalablement à sa décision, se rendre compte de la . nature des travaux à effectuer et étant ensuite venu constater leur conformité, ce qui a déterminé l'octroi de la prime. Le rejet par l'Administration fiscale de la nature " AMELIORATION " des travaux effectués ne paraissait donc pas être retenu.

Il est important de préciser que ce dossier est présenté par un parlementaire comme c'est la règle, mais à qui il a été transmis par le " Conciliateur " de l'arrondissement qui n'avait pu réussir à obtenir une solution satisfaisante.

La seule réponse qu'il avait reçue de la part de l'inspecteur des impôts est pour le moins curieuse:

.. que sa décision était purement interprétative de l textes peu précis et qu'il attendait d'une intervention par le truchement du Médiateur la prise de position définitive de l'Administration..

La direction des services fiscaux saisie par le Médiateur a reconnu sans difficulté le bien-fondé de la demande le 1er février 1984.

Il résulte de l'examen des documents produits à l'appui de la demande que les travaux effectués par M. V.. ont effectivement eu pour objet la remise en l'état et la modernisation de l'immeuble à l'exclusion de toute reconstruction et n'ont pas entraîné un accroissement de la surface habitable.

Dans ces conditions, il m'a paru possible, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat, de considérer que les dépenses correspondantes constituent des charges déductibles...

Mais il faut reconnaître que les services fiscaux poussent l'analyse des dossiers vraiment à fond également dans le sens favorable au contribuable puisque le 26 juin 1984 sans avoir été saisie à nouveau elle indiquait:

En complément à ma lettre du ler février 1984, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir prendre acte d'une modification concernant le mode de détermination du déficit reportable à la suite du dégrèvement accordé à M. V...

En effet, la subvention allouée par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat a été déduite à tort du déficit constaté au titre de l'année 1975 alors qu'elle devait être ajoutée aux loyers de ladite année et supporter l'abattement forfaitaire de 20 p. 100 soit

35 922 F X 20 p. 100 = 7 184 F

d'où un dégrèvement complémentaire de 960 F pour l'année 1978 et 1090 F pour 1979.

Voilà un litige qui s'est très heureusement terminé, mais un tel décalage entre le service de base et sa direction peut surprendre.

Un courrier non réexpédié aurait pu avoir des conséquences très graves

(dossier 841337)



La question de la réexpédition du courrier vers la nouvelle adresse du destinataire doit être traitée en fonction des conséquences dramatiques que peut entraîner un mauvais fonctionnement de ce service et non comme un simple service facultatif.

A la suite de son changement de domicile, Mme X... donne un l ordre de réexpédition normalement enregistré aux P.T.T.

Malgré cela, une lettre recommandée est renvoyée à son expéditeur avec la mention " n'habite plus à l'adresse indiquée - retour à l'envoyeur ". Le grave est que cette lettre du 22 juin 1983 contenait une résiliation de police d'assurance automobile à compter du 1er août 1983.

La première réclamation vaut cette réponse du bureau de poste.

.. J'ai l'honneur de vous: faire connaître, après enquête, que cette erreur est le fait d'un préposé remplaçant n'ayant assuré que de façon occasionnelle la tournée de distribution et l'exécution des ordres de réexpédition. Un rappel de la réglementation en vigueur a été fait au personnel concerné, afin d'éviter le retour d'incidents analogues.

J'ai le regret de vous faire savoir qu'il ne m'est pas possible de donner suite à votre demande de dédommagement, l'Administration des postes, en effet, n'engage sa responsabilité qu'au cas de perte de l'objet recommandé.

L'intéressée a circulé sans assurance à son insu. Les conséquences auraient pu être catastrophiques. La résiliation de l'assurance étant devenue définitive.

Le Médiateur est intervenu auprès du Ministre des P. T. T. pour la prise en charge au moins des préjudices financiers qui en sont résultés, en particulier ceux dus au changement de compagnie d'assurance et aux nouveaux tarifs pratiqués.

La faute professionnelle n'est même pas contestée.. mais elle est couverte par les textes !

Un huissier qui se trompe d'appartement

(dossier 836880)



Une façon bien légère de procéder à une saisie de la part d'un huissier.

En effet, le 22 décembre 1983, un huissier accompagné d'un commissaire de police et d'un serrurier pénètre dans l'appartement de M. X.., au 6ème étage d'un immeuble.

En réalité, c'est la soeur de M. X.. qui était poursuivie pour non-paiement de contraventions, mais elle avait occupé l'appartement du 1er étage et déménagé depuis plusieurs années.

Il faut préciser que le même huissier avait appris qu'il y avait confusion de personne lors d'une précédente tentative de saisie. Il n'en avait pas moins procédé la deuxième fois, après l'ouverture de l'appartement en l'absence des propriétaires, à la saisie d'un certain nombre d'objets se trouvant dans l'appartement et laissé un très court délai avant leur enlèvement.

Il a fallu toute l'autorité du Médiateur pour stopper immédiatement cette procédure et obtenir mainlevée de la saisie. Sans aller jusqu'à penser qu'il pouvait s'agir d'une tentative d'intimidation pour avoir les coordonnées de la véritable débitrice, il s'agit là d'une méprise qu'il convient de dénoncer, car elle représente une véritable atteinte aux libertés.

Fort heureusement, de tels cas restent exceptionnels !

Un permis de construire erroné trouve une solution amiable proposée par le Médiateur

(dossier 801086)



Dans une commune du Midi la vue sur la mer est naturelle, un élément fondamental de la valeur d'une propriété.

M. A.. achète en 1955 un terrain pour construire une maison à M. X.., propriétaire également d'un terrain voisin, avec la " promesse verbale " qu'aucune construction sur ce dernier ne priverait M. A.. de la vue sur la mer.

Mais le temps passant, l'héritière de M. X... en a fait don à une fondation qui s'occupe de handicapés, dont M. A.. est d'ailleurs membre du conseil d'administration.

C'est en 1979 que M. A.. voit s'édifier sur le terrain de la, fondation une forte bâtisse qui ne paraît pas conforme aux coefficients d'occupation des sols (C. O. S.) en vigueur dans cette région.

En effet, de l'enquête effectuée par le préfet à la demande du Médiateur saisi en mars 1980, il ressort que:

" La propriété de M. X... est classée au regard du plan d'occupation des sols approuvé par arrêté préfectoral du 20 février 1978 en zone constructible U. D."

" Une première demande de permis de construire de, l'intéressée avait fait l'objet d'un refus en juin 1978 en raison du dépassement du coefficient d'occupation des sols prévu à l'article U. D. 14 du règlement du P. O. S.

En effet, cet article prévoit que le coefficient d'occupation des sols est fixé à 0,20 pour les constructions à édifier dans les lotissements approuvés avant le 23 juin 1975 dont les cahiers des charges ne définissent pas expressément la surface constructible par lot, et à 0,25 dans les autres cas.

La propriété de Mlle S.. étant située dans un lotissement approuvé le 28 avril 1934 et ne précisant pas la surface constructible pour chaque lot, elle ne pouvait édifier qu'une construction correspondant à un coefficient d'occupation des sols de 0,20, soit 171 mètres carrés. Une décision de refus a donc été opposée à sa demande de permis qui portait sur 213 mètres carrés.

Malgré ce refus, Mlle S.. a entrepris les travaux de construction d'une villa sur sa propriété. Un procès-verbal a donc été dressé à son encontre le 7 novembre 1979 par la brigade de gendarmerie.

Pour régulariser sa situation, l'intéressée a déposé une deuxième demande de permis portant toujours sur mètres carrés.

Au cours de la nouvelle instruction du dossier, une erreur a été commise dans l'application de l'article U.D. 14 du règlement du P. O. S. et c'est le coefficient d'occupation des sols de 0,25 qui a été pris en compte. Une enquête est d'ailleurs en cours dans les services de la direction départementale pour déterminer dans quelles conditions cette confusion a pu être commise.

Bien que cette autorisation de construire ait été délivrée à tort, il ne m'est plus possible de la retirer, les délais de recours contentieux étant écoulés.

Enfin, je vous précise qu'une vérification sur place a permis de constater que la construction en cours de réalisation est conforme à l'autorisation accordée. "

Devant cette perspective, et après de multiples études relatives à une modification de la construction en cours et du permis de construire devenu définitif et qui n'ont pu aboutir, Le Médiateur a provoqué une solution de règlement amiable de l'affaire en proposant le versement d'une indemnité à M. A.. représentant non le préjudice visuel mais la perte de valeur de sa propriété.

C'est cette solution de bon sens qui a prévalu sur une solution contentieuse et le ministère de l'urbanisme et du logement a accordé une réparation de 44 500 F à l'intéressé.

Parallèlement, à propos de cette affaire et de nombreux cas similaires, le Médiateur a par ailleurs fait une proposition de réforme tendant à rendre obligatoire l'harmonisation des règlements découlant du plan d'occupation des sols (P. O. S.) et d'un arrêté de lotissement.

Impossible de racheter des cotisations de retraite de
commerçant

(dossier 843183)



Un cas qui n'est pas unique mais très significatif quant l'information sur la réglementation, d'une part, et à sa rigidité, d'autre part.

Agé de soixante et un ans le 10 octobre 1984, M. X. . . avait, au 30 septembre 1984, 134 trimestres de cotisations à la Sécurité sociale, mais n'ayant pas cotisé à la retraite des commerçants durant la période du 7 février 1951 au 30 avril 1957, soit 24 trimestres, il ne peut prétendre au bénéfice d'une retraite à taux plein (150 trimestres).

Il a proposé le rachat des trimestres manquants (16) au moment de son départ à la retraite en 1984. Cette possibilité avait été offerte par les dispositions de la loi d'amnistie du 4 août 1981

Travaillant en 1981 hors du territoire métropolitain où il assurait la direction d'une compagnie chargée d'une partie de la reconstruction d'une ville, il n'a pas eu connaissance de ces mesures et n'a donc pas présenté de requête en ce sens.

Cette situation est d'autant plus pénible qu'il a effectué plus de trente-neuf années et demi d'activité salariale dans lesquelles sont inclus la période de Résistance aux armées d'occupation et son engagement volontaire pour la durée de la guerre au cours de laquelle il a été grièvement blessé.

Le Médiateur saisi de ce dossier a estimé qu'indépendamment de ce cas particulier, et compte tenu des nombreuses requêtes similaires qui lui sont soumises, il souhaiterait connaître les motifs pour lesquels les assurés du régime d'assurance vieillesse des non salariés de l'industrie et du commerce ne peuvent plus, contrairement à ceux du régime général de la Sécurité sociale, régulariser leur situation au regard de l'assurance vieillesse par le règlement des cotisations arriérées.

Cette discrimination lui paraissant quelque peu abusive, le Médiateur se demande s'il ne serait pas nécessaire de réouvrir un nouveau délai en faveur des industriels et commerçants afin de résoudre des situations qui conduisent le plus souvent, comme en l'espèce, à maintenir au chômage des assurés de plus de soixante ans et à les priver, en outre, de la retraite au taux plein à laquelle ils peuvent prétendre compte tenu de leurs années d'activité.

La Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce, principalement concernée, a fait connaître qu'elle partageait pleinement les souhaits du Médiateur, qui ne peut que s'en réjouir, et elle a reposé le problème de principe au Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale en ces termes équitable.

Le problème a pris une importance particulière depuis les mesures relatives à l'abaissement de l'âge de la retraite. Nous en avons été conscients dès les premières négociations avec l'Administration et en 1982 nous lui avions demandé si les années d'activité non cotisées et amnistiées pouvaient cependant être retenues pour apprécier la condition de 150 trimestres ouvrant droit à la retraite au taux plein dès soixante ans.

Notre demande à l'époque n'a pas été satisfaite. Mais nous avons l'intention d'intervenir à nouveau auprès du Ministère chargé de la Sécurité sociale pour lui demander soit d'envisager la réouverture du délai fixé par la loi du 4 août 1981 afin de permettre aux commerçants concernés de régler les cotisations antérieures à 1973 avec application d'un coefficient d'actualisation, soit de considérer que les périodes amnistiées doivent être retenues pour apprécier la condition de 150 trimestres...

Nous attendons une réponse rapide qui sera, espérons-le, équitable.

L'inaptitude au travail et l'indemnité de départ des
artisans

(dossier 840204)



Un cas qui paraît clair au départ est compliqué artificiellement

Un artisan âgé de soixante ans a cotisé à la Caisse vieillesse des travailleurs non salariés depuis 1952 soit depuis plus de trente ans au moment où il souhaite cesser définitivement son activité. Ce départ est motivé par une reconnaissance d'inaptitude au travail prononcée par le médecin conseil de la caisse le 7 juillet 1983.

Il avait fait une demande d'indemnité de départ en mai

Décision: refus en raison d'un arrêt d'activité de deux ans d 19 août 1972 à septembre 1974, donc dans les quinze ans qui précèdent le départ.

Cette interruption était due à un accident cardiaque grave

(infarctus du myocarde) et au souhait, dans ces conditions d'absence de recettes pour un artisan, de ne pas supporter des charge excessives.

Le Médiateur saisi est intervenu auprès de la DRASS qui a précisé que:

Le Ministère du Commerce et de l'Artisanat a fait savoir, par une directive, que la condition de durée d'affiliation doit s'apprécier comme une période continue. Une interruption peut être admise pour quelques mois si celle-ci résulte d'un cas de force majeure (maladie par exemple), chaque situation devant être examinée cas par cas. Je remarque à ce sujet qu'en ce qui concerne M. X

l'interruption fut de deux années.

En tout état de cause, le contrôle de l'application de ce type de prestations incombant au ministère susvisé et non au Ministère des Affaires sociales et de la Solidarité nationale, mes services ne disposent pas de toute documentation concernant cette réglementation. Sous cette réserve, il ne me semble pas qu'une modification soit inter venue sur le point soulevé.

Deux remarques:

- Comment apprécier la notion de quelques mois par rapport à deux ans même si le caractère de force majeure n'est pas mis en doute.

- La procédure est particulièrement compliquée. La demande d'indemnité de départ est faite à la Caisse vieillesse et suivie par la DRASS s'il n'y a pas de dérogation. Les décisions de dérogations sont prises par le Ministère du Commerce et de l'Artisanat qui n'est pas saisi directement par les Affaires sociales.

Pendant ce temps, l'artisan qui a cessé son activité attend.

Sur intervention du Médiateur, M. X... a obtenu entière satisfaction et perçu une indemnité de départ de 60 000 F. Ce dont on ne peut que se réjouir, mais il a fallu un an et demi.

Bon droit, vice de procédure et équité

(dossier 835716)



Une situation bizarre ressort d'un arrêt de la Cour d'appel qui reconnaît le bon droit, mais le rejette en raison d'un vice procédure

Les époux B... font suivre médicalement leur fille depuis l'âge de dix ans jusqu'au-delà de ses dix-huit ans pour des raisons qui ne sont pas contestées par les experts médicaux.

Ces divers traitements, tous liés entre eux et qui exigent continuité, comportent des interruptions également justifiées médicalement. .

Puis, brusquement, une demande de prise en charge nouvelle est rejetée par la Caisse primaire d'assurance maladie au motif " reprise de traitement, âge limite de prise en charge dépassé (dix-huitième anniversaire) ".

C'est cette décision que contestent les parents B... et finalement;. l'arrêt de la Cour d'appel dit, parlant de la décision de rejet de la Caisse:

"que c'est donc par une interprétation manifestement erronée de ces textes que la Caisse a rejeté la demande d'entente préalable " Déclare irrecevable le recours contentieux exercé sans qualité par Mme B... contre la décision de la Commission de recours gracieux de la Caisse d'assurance maladie...

Voilà ! dans leur action c'est Mme B... qui avait signé les divers recours alors que le chef de famille assuré social est M. B...

Il a fallu l'intervention du Médiateur au nom de l'équité pour I que la Caisse accepte de prendre en considération les arguments de fond de la Cour d'appel et ne se retranche pas derrière un vice de procédure dû essentiellement au partage des démarches familiales entre deux époux.

Ne serait-il pas nécessaire d'envisager, pour éviter le renouvellement de pareilles complications, la "banalisation "; au niveau d'un couple, des démarches administratives ?

La veuve déshéritée par est considérée comme étrangère, si elle retrouve son héritage

(dossier n°835127)



Le Médiateur a été saisi le 17 août 1983, par Mme L..., d'une affaire qui a son origine au décès de M. L... le 27 janvier 1975, laissant un testament aux termes duquel instituait sa maîtresse pour légataire universelle. Indépendamment de ce testament qui rendait héritière sa maîtresse de la moitié d'une propriété (propriété qui dépendait de la communauté des époux), son mari avait reconnu devoir 300 000 F à la même personne (diverses reconnaissances de dette).

La procédure intentée par l'héritière du mari, en vue d'obtenir le remboursement des 300 000 F s'est terminée en 1982 seulement; le tribunal a débouté la demanderesse.

Pendant cette période, la légataire du mari ne s'est pas souciée du règlement de la succession et au début de 1983 les services fiscaux lui ont légitimement réclamé les droits de succession (60P.100) et les pénalités de retard. Cette personne a renoncé purement et simplement à la succession du mari au greffe du Tribunal de grande instance d'A... compte tenu certainement des sommes dues.

Les héritiers suivants, la mère et la soeur du mari, affolés par l'importance des droits et des pénalités, ont également renoncé à la succession (elles n'étaient d'autre part pas très intéressées par l'héritage d'une propriété qui constitue la résidence principale de la veuve).

Après ces renonciations diverses, Mme L... est devenue la seule héritière de son mari.

Le Centre des impôts de A... lui réclame alors les droits de succession au taux de 60 p. 100 et les pénalités de retard qui étaient dues, du fait de la négligence de la légataire universelle de son mari, soit une somme de 130 000 F.

La situation de Mme L... est la suivante: veuve, sans enfants, frappée d'une incapacité permanente, titulaire d'une carte d'invalidité, elle dispose pour vivre d'une ;reversion de retraite d'environ 3 000 F par mois. Il ne lui est donc pas possible de régler les sommes qui lui sont réclamées.

Elle doit envisager de vendre sa propriété, qui constitue sa résidence principale, afin de régler les droits qui, semble-t-il, incombent: cela ne se fait pas en huit jours.

L'application de la loi s'avère rigoureuse au cas particulier :' aussi le Médiateur a-t-il estimé nécessaire, dans le cadre des dispositions de l'article 9 de la loi instituant sa fonction, d'intervenir auprès du Secrétaire d'Etat chargé du budget pour demander une nouvelle instruction bienveillante de cette affaire au plan de l'équité, car on applique à la veuve des droits de succession aux taux qui auraient été appliqués à ceux qui ont renoncé à la succession.

Malgré cela, conformément à la loi, le Secrétaire d'Etat au budget n'a pas admis les arguments du Médiateur et répond en particulier:

Or, Sauf à enfreindre l'interdiction qui lui est faite de ne consentir aucune remise des droits d'enregistrement légalement dus, l'Administration ne peut accorder une quelconque dérogation quant au mode de liquidation fixé par les dispositions de l'article 785 déjà cité, lesquelles présentent un caractère général et impératif.

De plus, et en dehors de toute considération d'ordre moral, le défunt, a clairement exprimé sa volonté d'exhéréder son épouse, qui, en définitive, n'a été appelée à sa succession que par le jeu des renonciations successives. Ignorer ces renonciations irait à l'encontre de la volonté exprimée de M. L... dans son testament: L'Administration ne détient pas ce pouvoir.

Dans ces conditions, la requête de Mme L..., dont la bonne foi n'est nullement mise en cause, ne peut qu'être rejetée.

Le Médiateur regrette cette position tout en reconnaissant sa légalité et attire l'attention de l'Administration sur ce qu'une telle situation peut avoir de choquant.

Le dépassement du plafond légal de densité était en fait fatal

(dossier 83 1606)



L' hôtelier, demande un permis de construire en vue d'ajouter un troisième étage à son établissement, ce qui se situe dans la politique de développement de la capacité hôtelière d'accueil de la ville.

Le permis est délivré le 26 mars 1981, mais il est redevable alors d'une taxe de 63 000 F, justifiée par le dépassement du plafond légal. de densité (P. L. D.).

Il est indispensable, pour " apprécier " la suite du déroulement de cette affaire, de savoir que l'hôtel en question est construit sur une partie d'un terrain qui a été sensiblement amputé en 1961 à la suite d'une expropriation destinée à permettre l'aménagement d'un parking en surface.

Le P. L. D. n'aurait pas été dépassé si le terrain total avait été conservé par l'hôtelier. D'autre part alors que le terrain exproprié avait été évalué à 10 F le mètre carré, la base servant au calcul de la taxe pour dépassement du P. L. D. a été fixée en 1981 à 600 F le mètre carré.

Même s'il y a eu des raisons qui ont fait très fortement évoluer valeur vénale du terrain concerné, il n'en reste pas moins vrai qu'elle entraîne une très lourde charge pour le projet de M. X..., et qui risque de compromettre sa réalisation.

Le Médiateur, saisi en mars 1983, a estimé, compte tenu du fait qu'il n'existait aucune possibilité légale d'exonération de la taxe pour dépassement du P. L. D. qu'une solution économique devait être trouvée.

S'agissant d'une ville où la capacité d'accueil touristique avait été réduite par la disparition de deux hôtels au début de l'année 1982, et en raison de l'importance de cette activité, le Médiateur a estimé pouvoir demander au maire de la ville concernée de proposer à son conseil municipal de voter une subvention au profit de l'hôtelier.

Cette solution se situe d'ailleurs tout à fait dans le cadre de la loi sur la décentralisation qui permet aux communes une action économique plus large.

C'est ce qui a été retenu et la commune a voté au profit de M. X... une somme de 42 250 F, ce qui a paru équitable à toutes les parties.

Une télévision portable imposée deux fois

(dossier n°833249)



L'attention du Médiateur a été appelée sur la réclamation de Mme P... concernant un litige qui oppose son fils, Bernard, aux services de la redevance audiovisuelle.

L'intéressée expose que, rendant visite à son fils, elle a emporté un poste de télévision portatif pour lequel elle est soumise à la redevance télévision à son domicile propre.

Les services ayant été informés de la présence de ce téléviseur au domicile de M. P... l'ont assujetti à la redevance.

Il lui est ainsi réclamé une somme de 518 F correspondant à l'échéance du ler novembre 1982, soit 280 F, augmentée d'une taxe couvrant forfaitairement l'utilisation antérieure, soit 238 F.

La requérante s'étonne de cette situation qui aboutit à faire supporter deux redevances pour un même récepteur.

Elle déplore d'autant cette décision que le téléviseur dont il s'agit ne s'est trouvé que quelques jours chez son fils.

Certes, comme le soutient le service de la redevance, l'assujettissement de ce récepteur à la redevance télévision peut paraître conforme aux dispositions des articles 8 et 9 du décret n°60-1169 du 29 décembre 1960, qui précisent que seule la détention d'un poste justifie la perception de la taxe qui est un " droit d'usage ".

Toutefois, il est permis de relever que l'application de ces textes au cas présent revêt un caractère extrêmement sévère.

En effet, en l'espèce, la redevance se trouve justifiée par le seul fait que le récepteur se soit trouvé très provisoirement dans un lieu différent de sa situation habituelle.

Pour ce qui concerne Mme P..., il convient de rappeler que son téléviseur est un appareil portatif, aussi se pose la question de savoir qui en est le détenteur, à savoir le titulaire du lieu où il se trouve ou le propriétaire du poste.

Il est permis de se demander s'il n'y aurait pas lieu de considérer en pareil cas que la détention soit le fait du propriétaire de L'appareil, dans la mesure où celui-ci serait présent sur les lieux.

Si cela n'était pas, se poserait alors un problème plus général relatif à la nature même des postes portatifs qui, par définition, peuvent au cours d'une année civile être transportés dans plusieurs lieux différents.

Les services locaux saisis par le Médiateur ont maintenu cette position stricte et absurde mais, heureusement, l'Administration centrale a fait une lecture des textes plus conforme à la réalité de la situation examinée en répondant:

Mais, compte tenu du fait que Mme P..., propriétaire du téléviseur, s'acquitte régulièrement de sa redevance auprès du centre de R... et que l'appareil n'était au domicile de son fils que parce qu'elle s'y trouvait elle-même en vacances, il a été décidé de résilier le compte créé au nom de M. P... et d'annuler la créance y afférente. Ainsi, la situation de M. P... se trouve régularisée.

Il est regrettable, au moment où l'on parle de plus en plus de déconcentration, que, dans des affaires purement locales comme celle-ci, une solution qui paraissait évidente n'ait pu être prise qu'à l'échelon central.

L'amnésique profond apatride aurait dû se souvenir
au moins de son identité

(dossier 830857)



Le coût est trop souvent absent de la décision administrative] appliquée avec rigueur.

Le 21 février 1983, le Médiateur est prié d'intervenir afin d faire rendre son identité à un amnésique profond sur la demande du médecin et de l'assistante sociale d'un centre hospitalier spécialisé.

M. X... est hospitalisé depuis de longues années dans une situation qui paraît tout à fait inextricable et kafkaienne. M. X... souffre d'une amnésie totale et profonde l'empêchant de donner tout renseignement fiable sur sa biographie. Il est de plus arrivé dans le service hospitalier en 1976 dépourvu de tout document officiel qui aurait pu aider à le situer dans son histoire.

En 1983, M. X..., apparemment âgé de plus de soixante ans, peut prétendre à une pension vieillesse (il est alors dépourvu de toute ressource) et être orienté vers une maison de retraite. Ce qui serait vraiment mieux adapté à son cas (nous n'insisterons pas sur l'économie dune telle mesure puisque le prix de journée dans cet établissement spécialisé était de 800 F).

Malheureusement, on se heurte à des difficultés insurmontables | pour mettre en place ces solutions pourtant bénéfiques pour l'intéressé et économiques pour le service public.

M. X.., membre de la communauté arménienne, serait né à Istanbul le..., mais l'hôpital ne possède pas d'extrait de naissance et n'a jamais pu s'en procurer malgré ses demandes réitérées auprès du service de l'état civil de cette ville.

De la même façon, il a été impossible d'obtenir auprès des services préfectoraux des éléments fiables sur la légalité pourtant évidente du séjour de M. X... dans notre pays.

De ce fait, la demande de pension vieillesse pourtant justifiée par un relevé de carrière sans ambiguïté établissant la réalité des cotisations versées par ce malade ne saurait être validée car aucun document d'état civil ne peut venir prouver que l'homme qui se trouve dans le pavillon hospitalier est bien celui que l'on dit qu'il se nomme. D'autre part, la demande d'admission à l'Aide sociale départementale, prémices incontournables d'un placement en maison de retraite, ne peut être déposée car on ne peut introduire un dossier pour quelqu'un dont l'identité ne saurait être prouvée.

Nos velléités d'initiatives positives pour ce patient sont donc systématiquement réduites à néant par une logique qui, pour être rationnelle, n'en paraît pas moins absurde compte tenu du contexte. De plus, rien ne paraît augurer de modifications significatives et la boucle semble donc bouclée.

Faut-il garder à l'hôpital un " malade " dont l'état ne justifie pas une telle indication ?

Cependant, à la faveur d'une remémorisation, le malade s'est soudain resouvenu en 1980 de l'adresse de sa soeur qui, contactée immédiatement, a été très surprise d'avoir des nouvelles de son frère disparu depuis trente ans. Elle l'a reconnu, mais n'était pas en mesure d'apporter des papiers officiels confirmant 1'identité. Sa soeur est décédée en 1982 et il ne reste plus qu'une nièce, qui ne peut rien.

Il est inutile d'évoquer les différentes démarches sans résultats positifs dont certaines absurdes comme, par exemple, le rejet par la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (C.N.A.V.T.S.) de la demande au motif que le rapport transmis par le préfet de police était une photocopie non certifiée conforme.

Pendant ce temps, l'intéressé reste inutilement hospitalisé, pris en charge par la direction départementale de l'action sanitaire et sociale (D.D.A.S.S.) alors qu'il devrait être en maison de retraite à un tarif inférieur sans commune mesure, cinq fois moins coûteux, et dans des conditions humaines infiniment plus favorables.

C'est enfin 1e 23 octobre 1984 que l'Office français de protection des réfugiés apatrides délivre le certificat, véritable " Sésame " qui permet de ne pas prolonger davantage ces dépenses d'hospitalisation tout à fait injustifiées.

Une maladie mentale qui n'entre pas dans les normes
prévues par les textes.

(dossier 834940)



Le propre même de l'anorexie mentale est que le malade en est atteint ne se considère pas comme malade et peut s'acheminer progressivement vers une issue fatale.

Ainsi Mme R... atteinte de cette grave maladie est décédé l'âge de trente cinq ans. Son médecin résume sa situation d manière suivante

Je soussigné Dr X..., certifie que Mme R... est décédée à l'hôpital de M..., le..., dans un tableau d'anorexie mentale arrivée à la phase terminale de la maladie.

Il est important de préciser qu'une anorexique mentale est une patiente qui ne se considère pas comme malade et dont la dégradation progressive de l'état somatique, non reconnue par cette dernière, l'a contrainte interrompre son travail, à demander une mise en disponibilité plutôt que de se mettre en arrêt maladie comme il aurait fallu le faire.

Mme R... n'aurait jamais accepté un congé de longue durée pour maladie mentale étant donné qu'elle ne se considérait pas comme malade mentale; elle ne se serait certainement pas présentée aux contrôles administratifs.

Par ailleurs, c'était peut-être un comportement pouvait lui laisser une chance de s'en sortir et de continuer à dialoguer avec son époux hors de toutes contraintes.

Personnellement je suis tout à- fait prêt à faire arrêt maladie rétroactif puisque j'ai régulièrement suivis cette patiente depuis son arrivée en septembre 1979.

Je sollicite donc la réouverture du dossier de Mme A l'époque, il m'était extrêmement difficile de divulguer le diagnostic de maladie mentale chez cette jeune femme actuellement j'ai l'accord de son mari pour le faire.

Mme R... était en disponibilité pour élever ses enfants a qu'elle aurait très probablement pu prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée du fait de son état de santé.

Sa maladie remonte en fait aux années 1974-1975. L'intéressée se refusant à toute expertise médical, le Comité médical Départemental, faute de disposer de tous les éléments d'information nécessaires, avait émis en sa séance du ... un avis défavorable à 1'octroi d'un congé de longue durée à l'intéressée, et un avis favorable à la prolongation d'un congé de maladie ordinaire au-delà de six mois.

A la suite de ce congé, Mme R... s'est trouvée placée en disponibilité d'office, puis en congé de maternité, puis à nouveau en disponibilité d'office. Sur la demande de son mari, sa situation était régularisée par une mise en disponibilité pour élever ses enfants.

Elle fut ensuite réintégrée à mi-temps pendant quatre ans, puis fut à nouveau placée en disponibilité pour élever ses enfants jusqu'à son décès le 24 décembre 1982.

A l'époque considérée, M. R... n'avait pas sollicité de mise en congé de longue durée afin de préserver son épouse des démarches médicales et administratives qu'elle aurait été contrainte d'effectuer dans le cadre de cette procédure.

C'est dans ces conditions que M. R... aurait souhaité une régularisation rétroactive pour faire bénéficier ses enfants des avantages liés au capital décès, pension d'invalidité, etc.

L'intervention du Médiateur s'est heurtée à un refus du ministère de l'Education Nationale:

Il n'est malheureusement pas possible, compte tenu de la réglementation régissant la procédure d'octroi des congés de longue durée, telle qu'elle est définie par le décret n°59-310 du 14 février 1959, de réviser a posteriori la situation administrative de Mme R...

Il y a là un cercle infernal d'où on ne peut sortir. Tout le monde s'accorde à reconnaître que si Mme R... s'était présentée devant le Comité Médical, elle aurait sans aucun doute été mise en congé de longue durée, et même en invalidité. Mais sa maladie ne permettait pas qu'elle se conforme à cette procédure.

Les circonstances dramatiques de cette affaire justifiaient que le Médiateur ne se contente pas de ce refus et plaide à nouveau pour demander une dérogation à l'application aussi tranchante des textes.

Démarche vaine, le Comité Médical ayant refusé un avis favorable et ne pouvant statuer après le décès.

Le ministère de l'Education Nationale s'est retranché derrière le fait qu'il n'y avait aucune faute de procédure, ni de mauvais fonctionnement de l'Administration.

Sans doute n'a-t-il pas tort si l'on s'en tient aux textes. Mai le facteur " humain " ne peut-il être parfois pris en compte ?

Des informations sur un changement d'adresse non prises en compte

(dossier n°842594)



Le Médiateur a déjà, à plusieurs reprises, signalé les inconvénients qui peuvent résulter pour un contribuable, à la suite d'un changement d'adresse, lorsque les avis et correspondances divers continuent à tort d'être adressés à l'ancien domicile.

Un exemple particulièrement éloquent est celui de ce haut fonctionnaire nommé en poste aux Etats-Unis en août 1982 et qui, avant de partir, en avise de façon précise et écrite le Centre des Impôts de son ancienne résidence, la perception correspondante et le Centre des Impôts des non-résidents.

Malgré cela, toutes les correspondances, avis et avertissements ont continué d'être transmis à l'ancienne adresse, jusqu'en mai 1984, bien que la mention de la nouvelle adresse ait été portée sur :

- une lettre de rappel du 7 décembre 1981;

- la déclaration des revenus de 1982;

- une lettre du 15 juin 1983;

- la déclaration des revenus de 1983.

Le percepteur de l'ancien domicile a procédé au remboursement des tiers provisionnels au lieu de les transférer vers la perception du Centre des Impôts, des non-résidents.

Les démarches entreprises ont confirmé au Médiateur que toutes les rectifications ont été faites depuis (les ordinateurs n restituent que les indications qu'on leur donne !).

Il reste à attendre les prochains avertissements pour en avoir un confirmation réelle.

Vingt et un mois pour percevoir le montant d'une lettre - chèque volée
et payée au vu d'une fausse pièce d'identité

(dossier n°822974)



Le 19 juillet 1982, un chèque destiné à Mme X et volé est payé par un bureau de poste à une personne qui se présente avec une fausse pièce d'identité.

Ce chèque représente des allocations prénatales. Ne le recevant pas Mme X..., après réclamation, apprend le 2 septembre le paiement du chèque et conteste ce paiement. Elle saisit le Médiateur le 18 octobre 1982.

Le 28 octobre 1982, le service local des P. T. T. estime " qu'aucune anomalie n'ayant été décelée par le guichetier, ... elle ne peut donner une suite favorable à la requête ". Après la saisine de l'administration centrale des P. T. T. par le Médiateur le 14 décembre 1982, une enquête est ordonnée. Le résultat connu le 12 juillet 1983... soit après six mois, confirme le rejet de la réclamation estimant que l'examen de la pièce d'identité présentée n'avait donné aucun motif de suspicion de fraude à l'agent payeur.

Cette solution paraissait particulièrement inadmissible car la pièce d'identité présentée au guichet avait un caractère falsifié évident.

Au vu des informations portées au verso de la lettre - chèque optique, le Médiateur ne pouvait souscrire à une analyse aussi affirmative que celle des P. T. T. En effet, l'adresse portée " 17 bis, rue des ..., 7607 Houlin - Lyon " aurait pu alerter l'agent payeur. Car si l'on peut admettre qu'un agent des postes en fonctions à Paris ignore l'existence dans le Rhône de la commune d'Oullias (et non " Houlin "), il est très difficile d'admettre qu'il ignore

- qu'il n'existe pas, au sens postal, de lieudit à l'intérieur de la ville de Lyon, laquelle est divisée en arrondissements;

- que le code postal français repose sur une codification à 5 chiffres et non pas à 4;

- que le numéro de code postal du département du est 69 et non pas 76.

Aussi le Médiateur a-t-il estimé que l'agent payeur était en mesure de se rendre compte qu'une pièce d'identité réputée avoir. été délivrée par la préfecture de Police de Lyon et comportant une adresse ainsi libellée donnait plusieurs motifs sérieux de suspicion et qu'il aurait dû, en conséquence, refuser le paiement.

Si en effet, l'administration des postes ne saurait être tenue pour responsable dans le cas où elle opère un règlement sur présentation d'une pièce fausse, normalement indiscernable comme telle, sa responsabilité est engagée dès lors qu'il s'agit d'un document falsifié de manière grossière et maladroite comme dans le cas d'espèce.

Nouveau refus du ministère des P. T. T. estimant: " ... Je tiens à vous préciser que la lettre- chèque étant payable dans n'importe quel bureau de poste, le signataire peut indiquer au verso du titre, au moment du paiement, L'adresse de son choix, que ce soit celle de son domicile habituel, ou celle d'un lieu de passage. L'agent payeur n'est pas tenu de vérifier cette adresse, qui n'est pas forcément celle figurant sur la pièce d'identité, d'autant plus qu'aucune adresse n'est portée dans l'intitulé d'une lettre chèque. Les règlements prévoient seulement qu'il doit s'assurer de la concordance des nom et prénom portés sur la lettre - chèque, avec ceux marqués sur la pièce d'identité.

" J'ajoute que l'adresse portée sur les pièces d'identité n'est pas considérée comme un élément déterminant par le Ministère de l'intérieur et de la Décentralisation qui ne reconnaît pas aux tiers le droit de récuser une carte dont la rubrique " domicile " ne correspond pas à celle du titre, puisque la déclaration de changement d'adresse n'est pas obligatoire.

" ... En tout état de cause, en l'absence de la pièce d'identité produite, il n'est pas possible d'affirmer qu'il s'agissait d'un document falsifié de manière grossière et maladroite, ni de mettre en doute la validité de l'opération de paiement. "

Autrement dit: " Retrouvez le fraudeur, priez-le de vous communiquer la pièce falsifiée pour vérifier si cette falsification est grossière et maladroite ! "

Le Médiateur s'est indigné de telles réponses en estimant que l'équité ne saurait se satisfaire d'un système contentieux en vertu duquel les présomptions et les probabilités ne peuvent être retenues que lorsqu'elles jouent en faveur de l'Administration. Cette conception régalienne n'est pas celle de la loi de 1973 qui a instauré la ,fonction du Médiateur.

Enfin, le 17 juillet 1984, le Ministre des P. T. T., toujours sans admettre la moindre responsabilité de ses services dans cette affaire, de réserver une suite favorable à la requête.

Vingt et un mois pour une solution équitable qui aurait dû être prise bien plus tôt.

De tels cas étant malheureusement fréquents, le Médiateur a fait une proposition de réforme tendant à obtenir une fiabilité plus grande des cartes d'identité (cf. p. 111 du présent rapport).

Deux ans pour percevoir des prestations sociales

(dossier 841007)



Le 5 mars 1984, Mme X..., agent de service à l'Education nationale, demande au Médiateur d'intervenir, car elle n'arrive pas à se faire payer par son administration les diverses allocations qui lui reviennent au titre de sa situation de femme seule avec deux enfants (quinze ans et dix ans) après un divorce.

Compte tenu des faibles ressources de l'intéressée et de l'appel désespéré qu'elle adresse, le Médiateur attire l'attention du ministère concerné et le saisi le 26 mars 1984.

Après avoir été assuré que cette affaire ferait l'objet d'un examen rapide, le directeur adjoint du cabinet du ministre adressait le 9 juillet la réponse suivante:

Vous avez bien voulu me signaler que l'attention du Médiateur était appelée sur la réclamation faite auprès de vos services par Mme X..., qui souhaite que sa situation soit régularisée au regard des différentes allocations auxquelles elle pouvait prétendre pour la période

de septembre 1982 à novembre 1983.

J'ai l'honneur de vous faire connaître que, lorsqu'elle a été installée au collège Y... en septembre 1982, Mme X... n'a pas été informée, comme elle aurait dû l'être normalement par son établissement, des démarches à accomplir pour percevoir ces diverses allocations auxquelles sa situation familiale lui donnait droit.

Ce n'est que le 18 avril 1983, et sur plainte de l'intéressée elle-même, que les services...l lui ont adressé un dossier de prise en charge. Dès le 4 mai 1983, ceux-ci ont émis l'ordre de mandatement auprès de la Trésorerie générale des sommes qui lui étaient dues au titre de l'allocation orphelin d'une part, et du supplément familial de traitement d'autre part.

Or, le 31 août 1983, la Trésorerie générale a rejeté le mandatement concernant l'allocation orphelin, arguant du fait que la somme correspondante avait déjà été mandatée.

Il s'agissait d'une erreur et Mme X... s'étant plainte par la suite de ne l'avoir par reçue, comme en faisait foi sa fiche de paie, les services rectoraux ont assuré à nouveau le mandatement de cette somme le 21 mars 1984 auprès de la Trésorerie générale; Mme X... a perçu, en définitive, ce qui lui revenait en avril dernier.

Il est certes regrettable qu'un tel retard ait pu se produire dans le recouvrement des allocations dues à Mme X... Toutefois, il semble que, si elle n'a pas été informée en temps utile des démarches à accomplir, l'intéressée n'ait réagi elle-même que tardivement.

S'est d'autre part ajouté à ce retard celui résultant pour une partie de la dette, d'une erreur d'appréciation des services de paierie, circonstance fort rare d'ailleurs, mais qui a apporté un désagrément supplémentaire à votre correspondante.

Veuillez agréer, etc.

Au-delà du fait que l'intéressée ait effectivement pu régulariser sa situation, le style clair et honnête de la réponse ministérielle est à souligner, car elle n'hésite pas à reconnaître les erreurs de l'Administration et à les assumer.

De tels errements ne se reproduiront plus si l'information, dont le défaut est à l'origine des difficultés évoquées, est mieux faite à l'avenir.

Toujours la lenteur de la Justice

(dossier 835901)



De multiples requérants ont demandé au Médiateur de se saisir des délais excessifs imposés par certains tribunaux.

Certes, le Médiateur n'a pas vocation à intervenir dans le fonctionnement des tribunaux, mais il a cru devoir à plusieurs reprises, dans des cas de lenteurs excessives, attirer tout particulièrement l'attention des instances responsables.

Ainsi, devant le même tribunal, deux affaires éloquentes.

1. M. A... introduit une instance nécessitant la désignation d'un expert le 31 juillet 1974. Diverses étapes de la procédure nous l amènent à une audience de mise en état du 21 juin 1984 et l'affaire ne sera appelée utilement à l'audience pour y être plaidée qu'en 1986.

2. M. B..., déjà âgé de soixante-seize ans, obtient du tribunal le 16 novembre 1983 l'autorisation d'effectuer une saisie-arrêt du montant auquel est évaluée provisoirement sa créance.

La fixation à plaider est obtenue le 24 octobre 1984 pour le 27 mai 1986.

Deux cas parmi beaucoup d'autres...

Les plus hauts responsables de la Justice ont eux-mêmes dénoncé les conséquences fâcheuses de tels retards, pouvant être véritable source d'injustice. Le Médiateur n'ignore pas les difficultés auxquelles se heurtent les magistrats devant l'affluence croissante des dossiers et connaît le souhait de la Chancellerie d'y remédier. Mais il doit se faire l'écho de l'insatisfaction des justiciables que ces lenteurs excessives mettent parfois dans une situation dramatique.

Près de quarante ans pour obtenir un secours-viager

(dossier 812840)

M. H... avait été victime à B... le 13 août 1945 d'un accident travail dans les circonstances suivantes:

M. H... avait été requis depuis le mois de mars 1945 pour participer aux opérations de rapatriement des réfugiés, déportés et prisonniers. Alors qu'il sciait du bois pour le gazogène de son véhicule, il fut accidenté et il a fallu l'amputer de l'avant-bras droit.

Il s'était adressé au Ministère des anciens combattants et victimes de guerre pour demander une pension. Le Ministère rejeta sa demande soutenant que l'imputabilité à un fait de guerre n'était pas établie dans le cadre des articles L. 197 et suivants du code des Pensions militaires d'invalidité et des victimes civiles de la guerre.

L'affaire fut évoquée devant le tribunal départemental des pensions de... qui considéra que le sieur H... avait droit à une pension définitive d'invalidité à compter du 8 juillet 1966 au taux de 85 p. 100 pour amputation de l'avant-bras droit; le tribunal des Pensions avait fondé son jugement sur la base de l'article 204 du code des Pensions militaires d'invalidité et des victimes civiles de la guerre, qui permet d'admettre au bénéfice de la pension demandée le personnel requis nécessaire aux opérations de rapatriement et d'accueil des prisonniers et déportés.

Sur appel du Ministère des anciens combattants et victimes de guerre, l'affaire fut évoquée devant la Cour régionale des pensions de M...; le Ministère des anciens combattants et victimes de guerre, tout en soutenant que l'infirmité n'était pas imputable au service au motif que l'accident n'était pas intervenu alors que l'intéressé participait directement aux opérations de rapatriement, reconnaissait que l'indemnisation relevait du régime des accidents du travail par l'intermédiaire du Ministère de la Défense nationale.

La Cour d'appel infirma le jugement du tribunal département al des pensions en précisant que l'infirmité ne saurait être considérée comme étant survenue par le fait ou à l'occasion de la p participation directe aux opérations de rapatriement, comme l'exigent les dispositions impératives de l'article L. 204 du code des pensions.

L'arrêt de la cour d'appel de M... est devenu définitif et il a, donc été réclamé au Ministère de la Défense nationale d'indemnisation Mme H... (M. H... étant décédé en cours de procédure).

Celui-ci a refusé de prendre en charge la réclamation te ' Mme H... en considérant que la réparation due à M. H... de son vivant incombait, à l'administration préfectorale.

Une véritable partie de ping-pong administratif. Nous sommes alors en septembre 1974.

Malgré plusieurs relances, le préfet concerné répond en qu'il a saisi le service juridique de l'agent judiciaire au Trésor.

La veuve a déjà quatre-vingts ans !

C'est en avril 1981 que le Médiateur a été sollicité pour intervenir dans cette affaire.

Le Ministère de l'Intérieur (tuteur de l'administration préfectorale) est interrogé et répond en juin 1982:

" Certes, M. H..., requis en application du décret-loi ,. du 11 juillet 1938, aurait pu, conformément à l'article 15 de ce texte, se prévaloir de la législation sur les accidents du travail. Cependant, les dispositions de la loi du 9 avril 1898 (art. 18, § 1), qui sont applicables pour un accident survenu en 1945, prévoyaient pour la demande d'indemnisation une prescription d'une année suivant soit l'accident, soit la décision de rejet en cas d'affaire litigieuse.

" La Cour régionale des pensions ayant rendu son arrêt le 13 juin 1973, Mme H... aurait dû présenter sa demande au plus tard le 13 juin 1974, ce qu'elle n'a pas fait.

" En conséquence, il n'est malheureusement plus possible actuellement d'envisager de donner satisfaction à la requérante. "

Alors que le préfet a mis six ans pour dire qu'il saisissait l'agent judiciaire du Trésor ! Le Médiateur n'a pu admettre cette réponse, car l'information de l'intéressé avait été visiblement nulle.

Le 25 février 1983, le Ministère de l'Intérieur transmet le résultat de l'étude des services du Trésor, qui conclut à la non responsabilité du Ministère de l'Intérieur, mais ce dernier ajoute en réponse à l'intervention du Médiateur par une dernière décision du 14 décembre 1983:

J'ai cependant fait poursuivre l'examen du dossier au plan social et il m'est très agréable de vous faire connaître qu'un secours viager de 18 000 F par an vient d'être accordé à Mme H...

Une aumône, et de plus bien tardive !

Une indemnisation de dommages de guerre remontant à 1944 réglée en 1984 après une a recommandation " du Médiateur

(dossier 814677)



De nationalité polonaise, Mlle S... a acheté en 1936 une maison dans la commune de F...

Cette maison a été détruite lors des bombardements de 1944.

A la suite de ce sinistre, Mlle S... demanda au Ministère de l'Urbanisme et du Logement de bénéficier des dispositions prévues par la législation sur l'indemnisation des dommages de guerre affirmant qu'elle avait, dans les mois précédant la guerre, déposé une demande de naturalisation.

Le Ministère de l'Urbanisme et du Logement a refusé de faire droit à cette demande en faisant valoir que l'intéressée n'avait pas I effectué sa demande de naturalisation avant la date du sinistre et faisant au Médiateur la réponse suivante:

" Il convient de remarquer que, lors de sa première intervention en 1976, Mlle S..., répondant à une demande de renseignements relative à son dossier indiquait avoir réclamé son acte de naissance en Pologne, en vue de faire naturaliser en 1948, en précisant " donc avant dates limites pour les remboursements de .sinistre ".

" C'est ultérieurement, après que les conditions expresses imposées par la loi lui aient été exposées qu'elle a affirmé avoir présenté cette demande en 1938. Sa thèse relative à cette hypothétique demande a d'ailleurs varié, puisqu'elle a parfois affirmé avoir présenté " en 1938 et 1939 des demandes qui ont toutes été rejetées ", pour s'en tenir, en définitive à la perte par les services préfectoraux' d'une demande présentée en 1938.

" Les témoignages produits sur ce point par l'intéressée ont paru sujets à caution et il n'a pas été possible de les prendre en considération. En effet, outre qu'aucun d'eux ne s'appuie sur ce qui pourrait apparaître comme un début de preuve (récépissé, trace d'enregistrement, correspondance), ces témoignages attestent en 1970 et 1980, d'une démarche accomplie en 1938 par un particulier soit trente et même quarante ans auparavant, alors qu'aucun des témoins en cause ne remplissait alors vraisemblablement aucune fonction officielle lui permettant d'en connaître ".

Or, il ressort de l'examen du dossier que la date de 1948 citée par le Ministère de l'Urbanisme et du Logement correspondait à une nouvelle demande de l'intéressée comme le prouvent les différents témoignages dignes de foi figurant au dossier et émanant de personnes qui n'ont aucun intérêt à l'affaire. Il faut citer en particulier celui d'un secrétaire de mairie complété par une lettre adressée au Médiateur qui dit en particulier:

" Je déclare avoir exercé les fonctions de secrétaire de mairie à L... du 15 septembre 1938 au le' octobre 1970.

" Je certifie sur l'honneur qu'il est parfaitement exact que Mlle S..., employée à l'hôtel ..., soit venue à la mairie fin 1938 (il m'est impossible de préciser la date exacte) pour obtenir les renseignements nécessaires en vue de sa naturalisation.

" Ce souvenir est d'autant plus précis que, nouveau secrétaire de mairie, j'avais à m'occuper pour la première fois d'une affaire semblable.

" La marche à suivre et les papiers nécessaires ont été demandés à la préfecture de ... Dès réception, ces papiers ont été remis à Mlle S... (je me souviens l'avoir aidée à remplir le principal formulaire qu'elle a signé devant moi).

" J'ai remis son dossier au maire qui devait indiquer son avis personnel et confidentiel pour transmission à la préfecture (nous étions vraisemblablement fin janvier ou début février 39).

" Mlle S... est venue beaucoup plus tard à la mairie demander au maire ce que sa demande devenait. Il lui fut répondu que les délais étaient longs (enquête, transmission à Paris), qu'elle devait patienter. "

Devant cette situation, le Médiateur a estimé pouvoir user de la procédure exceptionnelle de la recommandation et a adressé celle-ci au ministre concerné le 14 juin 1984:

Considérant que l'Administration n'apporte aucun élément de fait de nature à faire écarter les témoignages ainsi rendus en faveur de Mlle S....

Considérant que la lettre complémentaire en date du 24 mars 1984 de l'ancien secrétaire de mairie de L... est, tant par ses précisions que sur ses conclusions, de nature à emporter la conviction sur la réalité des formalités effectuées par Mlle S... en 1938-1939;

Considérant que si l'Administration soutient qu'aucun des témoins en cause ne remplissait de fonction officielle pour attester des démarches accomplies dès 1938 par Mlle S..., cet argument manque gravement en ce concerne l'ancien secrétaire de mairie de L... en foncé a l' époque des faits.

Je vous recommande, en conséquence, conformément -à l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 instituant ma fonction, de bien vouloir donner les instructions nécessaires à vos services pour que l'intéressée soit indemnisée en application de la législation sur les dommages guerre.

Je vous saurais gré de bien vouloir m'informer ,_ le délai d'un mois de la suite qui sera réservée à la présente recommandation, laquelle sera rendue publique à défaut de réponse satisfaisante.

Cette recommandation a été heureusement entendue et le ministre indiquait le 27 juillet 1984:

" J'ai été sensible à l'argumentation développée dans votre correspondance et je demande à mes services d'admettre Mlle S... à déposer un dossier d'indemnisation dans le cadre de la loi du 26 octobre 1946"

Il a confirmé le 4 décembre 1984 que le dossier était admis et actuellement en cours de règlement.

Une procédure exceptionnelle: L'injonction du Médiateur nécessitée par le refus d'un office public d'H. L. M. d'exécuter une décision du Conseil d'Etat.

(dossier 812527)



Le 26 mars 1981, le Médiateur a été saisi d'une difficulté qui existait entre M. F... et l'Office public départemental de H L. M. de S... pour l'exécution d'un arrêt du Conseil d'Etat.

Il importe de retracer l'historique de l'affaire qui remonte à … 1969 !

M. F..., locataire, a demandé à l'Office public de H. L. M. propriétaire, à acquérir un logement, par lettre du 27 janvier 1969, suivant les conditions prévues par la loi n°65-556 du 10 juillet 1965.

Par délibération du 21 mars 1969, le conseil d'administration de l'Office a opposé un refus à la demande d'acquisition de son logement présentée par M. F...

Selon la procédure établie par le décret d'application n°66-840 du 14 novembre 1966, l'Office a notifié à l'intéressé et au Préfet de la Manche, par lettres du 22 avril 1969, son opposition à cette cession, au motif que " de nombreuses demandes de logements dans les villes où l'Office construit et en particulier à... étant encore insatisfaites, la vente de ces logements à usage locatif aurait pour effet d'aggraver la crise du logement encore aiguë ".

Le comité départemental d'H. L. M. a émis de son côté un avis défavorable à cette demande lors de sa séance du 12 mars.

Par lettre du 27 août 1969, le Préfet de la Manche a fait savoir à l'Office que le motif invoqué ne présentait pas le " caractère sérieux et légitime " exigé par la loi et ne lui apparaissait pas devoir faire obstacle à l'acquisition sollicitée.

Par requête datée du 23 octobre 1969, l'Office a déféré à là censure du tribunal administratif de C... cette décision, laquelle d'après l'Office procédait " d'une analyse erronée de la situation locale". L'Office faisait savoir qu'"il existait en effet à S... des besoins persistants en logements sociaux, donc des circonstances économiques locales impérieuses (cf. art. 5 du décret du 14 novembre 1966) s'opposant à la vente litigieuse " et que, par conséquent, la décision préfectorale était par suite " entachée d'une erreur manifeste ".

Le tribunal administratif de C..., dans un jugement en date du 12 mai 1970, a rejeté la requête de l'Office aux fins d'annulation de la décision préfectorale, celle-ci n'étant pas entachée d'une erreur manifeste.

Suite à cette décision, M. X..., président de l'Office, a saisi le Conseil d'Etat à l'encontre du jugement rendu par le tribunal administratif de C...

Le Commissaire du Gouvernement s'était alors prononcé pour le rejet de la requête, estimant que l'opposition manifestée par l'Office à la cession du logement en cause n'était assortie d'aucun motif valable; qu'en conséquence, le Préfet était fondé à passer outre à cette opposition et que le tribunal administratif de C... avait à bon droit rejeté la demande de l'Office tendant à l'annulation de la décision préfectorale.

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt en date du 1er octobre 1971, a confirmé la décision du tribunal administratif de C...

Le 27 mars 1973, le préfet de ... a communiqué au président de l'Office, après avoir consulté l'Administration des Domaines sur la requête de M. F..., l'estimation de ce logement. La valeur vénale s'établissait à cette époque à 67 500 F.

On remarque à ce niveau qu'à aucun moment la position de l'Office n'a pu paraître légalement fondée et que seule une volonté délibérée de refus a compté pour lui.

De 1971 à 1981, M. F... n'a cessé d'intervenir pour obtenir que sa demande soit satisfaite par diverses démarches écrites ou téléphonées ou par l'intervention de Parlementaires.

()n ne peut mieux situer l'obstination de l'Office de ne pas appliquer la décision du Conseil d'Etat qu'en citant la réponse faite ;; le 30 novembre 1973 à un député et à un sénateur intervenus:

Monsieur le député,

Vous avez bien voulu appeler mon attention sur le litige opposant l'Office à M. et Mme F..., candidats acquéreurs, en application des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, du logement H. L. M. qu'ils occupent.

J'ai le regret de vous confirmer que l'Office maintient son opposition à toute vente de ses logements et plus spécialement à ..., où la crise en logements sociaux demeure particulièrement aiguë.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Député, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Ce qui est plus grave c'est qu'après la première intervention Médiateur en 1981,1'0ffice avait écrit à M. F... le 22 octobre 1981:

J'observe que depuis l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 1er octobre 1971 vous n'aviez pas réitéré votre demande et l'Office a considéré ce silence comme une renonciation à l'acquisition du logement.

Suivent les conditions d'acquisition également confirmées au Médiateur en février 1982 mais qui paraissent tout à fait irrégulières, s'agissant de la " cession du logement avec concession immobilière de trente ans en vertu des dispositions de la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 "

Les dispositions de l'article 14 modifié de la loi d'orientation foncière n° 67-1253 du 30 décembre 1967 devenu l'article L. 222-1 du Code de l'urbanisme ne sont pas applicables, les conditions prévues à l'article 60 de la loi d'orientation foncière n'étant pas satisfaites.

Devant cet ensemble de blocages le Médiateur a utilisé la procédure tout à fait exceptionnelle qui est celle de l'injonction notifiée le 12 septembre 1983 et qui après avoir rappelé les principaux arguments qui ne permettent d'accepter plus longtemps la position de l'Office, dit enfin :

Compte tenu des éléments de fait et de droit ressortant de ce dossier, J'estime que la décision du conseil d'Etat en date du 1er octobre 1971 trop longtemps inobservée, doit être exécutée dans les délais les plus rapide

Je vous demande de bien vouloir donner à vos servi ces les instructions les plus fermes dans ce sens. Faute d'exécution, je serais au regret d'avoir recours aux dispositions des articles 10 et 11 de la loi instituant le Médiateur, dont vous trouverez ci-joint copie (1).

L'Office a finalement accepté de donner satisfaction à M. F... et le Médiateur a suspendu la procédure d'injonction, mais la procédure d'évaluation et la passation des actes est encore en cours et doit intervenir incessamment !

Voilà bien du gaspillage d'énergie dû à un blocage injustifié et inadmissible de la part d'un Office public.

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