Année 1982


VIE ET EVOLUTION DE L'INSTITUTION


I. - LES CONTACTS AVEC LES PLUS HAUTES AUTORITES DE L'ETAT


1° Le Président de la République

A chaque printemps, les portes de l'Elysée s'ouvrent pour accueillir le Médiateur venant solennellement déposer son rapport annuel entre les mains du Président de la République. C'est le 12 mai 1982 que j'ai remis ce document à M. François Mitterrand. Au cours de l'entretien qu'il m'a accordé, je n'ai pas seulement évoqué le thème principal traité dans le rapport (l'information administrative et ses lacunes). J'ai également abordé le sujet de quelques propositions de réformes nouvelles telles que : " Livret de carrière ", recours contre les expertises médicales, quêtes sur la voie publique et mécénat, harmonisation des timbres fiscaux, allégement des formalités de révision des plans d'occupations des sols, révision du statut des syndics gratuité de la carte vermeille S.N.C.F., indemnisations des attentats, etc.

Propositions dont certaines, élaborées, étaient déjà soumises aux ministres concernés, dont d'autres étaient encore à l'étude. Il m'était précieux de connaître le sentiment du Président de la République, qui avait précédemment (lors de ma visite du 16 décembre 1981) pris en considération mes suggestions touchant à la loi sur la construction et les loyers, ainsi que sur la facturation détaillée des factures téléphoniques.

Son attention a été cette fois retenue par le " Livret de carrière " dont l'idée lui a paru simple et efficace (ce sujet est traité dans le chapitre " Réforme ") ainsi que par le problème du statut des syndics, que j'ai exposé par ailleurs à M. R. Badinter, et qui a été repris dans le cadre d'un projet de loi prochainement à débattre par le Parlement.

D'autres occasions se présentent, pour le Médiateur, de rencontres avec le chef de l'Etat, au cours des cérémonies nationales, des diverses réceptions auxquelles il est convié (et pour cette année, de sa visite en Aveyron le 28 septembre).

Mais l'entrevue particulière qui constitue la remise du rapport lui permet de faire connaître son action, et ses objectifs, à celui qui a en charge d'orienter la politique nationale. Elle témoigne également de la place importante (soulignée par ailleurs par le protocole qui le situe en huitième position dans les cérémonies officielles) tenue dans nos institutions démocratiques par un Médiateur qui est l'unique Médiateur de la République française.

Ceci doit être souligné car le mot Médiateur - qui est un nom commun est aussi utilisé pour désigner des conciliateurs lors de certains conflits sociaux, et parfois des conseillers municipaux chargés par le maire de missions de conciliation.

Le législateur a voulu par les lois de 1973 et 1976 instituer un seul Médiateur national, ce qui lui confère une autorité morale indiscutable ; alors que la multiplication des fonctions analogues, sans bases légales, ou la banalisation excessive du terme créeraient la confusion et amenuiserait son efficacité.

Le large écho donné par la presse et les médias à la réception du Médiateur à l'Elysée a prouvé l'intérêt que journalistes et public portent à son activité, La plupart des quotidiens y ont consacré des articles, ainsi que les radios et télévisions. J'ai à cette occasion été invité à m'exprimer sur FR3, France Inter et R.T.L.

2° Les présidents des assemblées

Le rapport du Médiateur s'adresse au Président de la République et au Parlement. Il est donc logique qu'après avoir été solennellement remis au chef de l'Etat, il le soit aux présidents des assemblées, MM. Poher pour le Sénat, Mermaz pour l'Assemblée nationale. J'ai donc rendu visite dès le lendemain 13 mai, à ces deux hautes personnalités.

Occasion de contacts sympathiques, mais aussi occasion de rappeler à mes interlocuteurs le rôle essentiel joué par les parlementaires dans le fonctionnement de l'institution, puisque, la loi l'exige, tout dossier pour pouvoir être étudié par le Médiateur, doit au préalable avoir été soumis à un député ou un sénateur. Celui-ci restant juge de l'opportunité de l'écarter, de le traiter lui-même ou de le transmettre à mes services.

Il existe d'ailleurs à l'Assemblée comme au Sénat, un service des études et documentation dont le rôle est d'apporter au parlementaire qui le sollicite un concours technique et juridique. Ce service peut également être consulté par les parlementaires sur la recevabilité d'un dossier à adresser au Médiateur. Cette consultation n'étant d'ailleurs que facultative.

Il est à noter que les trois quarts des dossiers qui parviennent aux parlementaires émanent de plaignants qui sollicitent eux-mêmes l'intervention du Médiateur.

Le parlementaire est donc enclin à donner satisfaction à son solliciteur, même si le litige lui semble à la limite des prérogatives du Médiateur ; même si l'avis du service des études et documentations sur la compétence de ce dernier est négatif ou dubitatif. Cet avis étant fondé sur l'aspect juridique du problème, alors que le Médiateur fait entrer en jeu son appréciation personnelle sur l'équité.

D'ailleurs je comprends parfaitement le désir du député ou du sénateur de répondre au voeu de l'administré qui souhaite mon intervention. Il m'appartient alors de juger moi-même de cette possibilité dans le cadre de la loi qui régit ma fonction, Et d'estimer, même lorsque le litige n'entre pas pleinement dans mes compétences, si son aspect social, humain, ne mérite pas considération. Il m'arrive parfois, sans ouvrir une véritable enquête - et ce pour respecter la loi - d'appeler l'attention du ministère ou de l'administration concernés sur un cas qui relève de sa décision, mais qui mérite, au nom de l'équité, autre chose qu'une réponse de routine.

Ces divers aspects de mes relations avec les parlementaires ont été évoqués avec les présidents des deux assemblées, afin que, sous leur autorité, ces rouages de transmission fonctionnent avec régularité et efficacité.

Bien que les membres du Conseil économique et social ne soient pas habilités, comme les parlementaires, à transmettre des dossiers à mes services, j'ai tenu à remettre moi-même mon rapport à M. Ventejol, président de cette assemblée consultative. Ce geste étant à la fois l'expression de ma sympathie personnelle à son égard, et le témoignage de ma considération pour une assemblée qui accomplit un travail remarquable, parfois méconnu, mais dont l'audience ne cesse de croître, et dont le Parlement et le Gouvernement commencent à s'inspirer davantage dans l'élaboration des projets législatifs.

Lors de ces trois visites, où l'utile et l'amical rejoignaient le protocolaire, j'étais accompagné de Pierre Bracque, directeur de mon cabinet, et de surcroît membre du Conseil économique et social et de la C.N.I.L. (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

3° Les ministres

C'est aux ministres directement concernés que le Médiateur fait parvenir ses propositions de réformes législatives ou réglementaires, en vue de leur étude, et, si le Gouvernement y souscrit, de leur présentation au Parlement pour discussion et approbation.

Deux ministres sont tenus au courant, par des contacts fréquents au niveau des cabinets respectifs, de l'ensemble des propositions de réforme : Le Premier ministre et le ministre chargé de la Fonction publique et des réformes administratives. Le Premier ministre parce que ses services assurent la coordination interministérielle et la liaison avec le Parlement pour la fixation prioritaire de l'ordre du jour des assemblées. Mais aussi parce que l'enveloppe budgétaire destinée au Médiateur se situe sur une " ligne " du budget du Premier ministre. Chaque année le Médiateur établit son budget prévisionnel, et le propose au secrétaire général du Gouvernement. Le montant du budget est fixé après discussions et en fonction des possibilités financières, et cette proposition est incluse dans le budget voté par le Parlement. Si le Médiateur gère son budget comme le ferait un chef d'entreprise, puisqu'il a la totale responsabilité de son utilisation, il est soumis à posteriori, ce qui est légal et légitime, au contrôle de la Cour des comptes.

Ce budget est très modeste et oblige d'ailleurs à un sévère autocontrôle, puisqu'il doit couvrir les salaires, les charges sociales de près de quarante collaborateurs, et le fonctionnement intégral des bureaux, depuis le chauffage et l'éclairage jusqu'à l'ordinateur.

Le montant en a été de 6 118 720 F en 1982.

Pour 1983, les restrictions budgétaires globales ne l'ont pas épargné puisqu'il ne comporte qu'une augmentation de 6,09 %. Une stricte gestion sera donc de rigueur. L'insuffisance de moyens (particulièrement frappants si le budget du médiateur est comparé à celui des ombudsmans des pays étrangers) ne peut être compensée que par une organisation interne améliorée, par le recours accru au classement informatisé, mais aussi - car rien ne peut remplacer l'intervention humaine où s'équilibre technique et sensibilité - grâce au travail et au dévouement, que je tiens à souligner, d'une remarquable équipe de collaborateurs. Qu'ils soient contractuels ou issus de la fonction publique, ils sont motivés par le sentiment d'oeuvrer pour la justice, pour l'équité, et acceptent donc avec coeur les efforts importants qui leur sont demandés sans qu'ils puissent en être récompensés par des traitements à la hauteur de leur compétence.

Un stage de contractuel dans les services du Médiateur devrait pouvoir se traduire, au bout d'un certain nombre d'années, par une possibilité d'accès à la Fonction publique. Or, la loi prévoit - pour que le Médiateur puisse garder sa totale indépendance, que le contrat expire automatiquement avec la fin du mandat du Médiateur. Cette assez large insécurité pose un problème à cette catégorie du personnel, et fait l'objet d'études au niveau du Premier ministre et au ministère de la Fonction publique.

Ce dernier, chargé également des réformes administratives, est un, interlocuteur privilégié pour le Médiateur en ce qui concerne les réformes Mes collaborateurs directs, en particulier mon Directeur de cabinet sont en contact fréquent avec les membres du cabinet de M. Anicet Le Pors, en vue de coordonner et d'harmoniser nos actions respectives en matière de simplification administrative et de propositions de réformes.

J'ai moi-même rencontré M. Le Pors à plusieurs reprises. Nous avons notamment participé ensemble à deux émissions télévisées (Dossiers de l'écran et c'est à vous).

Il n'y a pas entre nos services concurrence mais complémentarité. Le meilleur témoignage en est donné par les " séquelles " de l'émission " Dossiers de l'écran " du 2 février 1982. M. Le Pors avait, selon sa propre expression, " commis l'imprudence " de communiquer son adresse en invitant les administrés mécontents à lui écrire, Il reçut alors un flot de courrier dont une large part exigeait recherches ou enquêtes. Ses services, non adaptés à ce travail, retransmirent à ceux du Médiateur les plaintes relevant de ses compétences et nécessitant une étude approfondie...

Dans ses rapports avec le ministre des Réformes, mais aussi avec tous les autres ministres, le Médiateur ne perd jamais de vue ce qui différencie fondamentalement leurs capacités et responsabilités respectives : les ministres, exerçant le pouvoir exécutif, prennent des décisions ; le Médiateur, même s'il les accompagne parfois de recommandations - voire d'injonctions - donne des avis. Le pouvoir politique tranche. Le Médiateur use de son influence morale pour tenter de résoudre les litiges à l'amiable.

La liberté dont il jouit, l'indépendance qu'il affirme, ne sont pas contradictoires avec des relations suivies, basées sur le respect et la loyauté réciproque, avec les ministres en exercice.

Je ne me suis donc pas contenté de prendre avec les ministres les plus concernés par mon activité des contacts protocolaires, soit à ma prise de fonctions, soit après la formation d'un nouveau gouvernement. Je les ai rencontrés, chaque fois que les circonstances me l'ont permis, ou chaque fois qu'un problème relevant de leur autorité m'était posé.

C'est ainsi qu'au fil des mois, j'ai pu prendre contact avec MM. Emmanuelli, Claude Cheysson, Quilliot, Henry, Mmes Cresson, Lalumière, Dufoix, Roudy, MM. Defferre, Franceschi, Fiterman, Badinter, Lang, Bérégovoy...

Ces rencontres ont pu se prolonger par les relations permanentes entretenues par mon Directeur de cabinet Pierre Bracque, avec les correspondants ministériels du Médiateur, Ceux-ci, désignés par le ministre sur demande du Médiateur, sont membres de son cabinet, directeurs dans ses services ou inspecteurs généraux. Leur responsabilité se situant toujours à un niveau hiérarchique élevé, ils apportent aux interventions du Médiateur appelant des décisions à ce niveau, une attention toute particulière, et veillent à la solution rapide des dossiers, souvent difficiles, qui leurs sont soumis.

Le 22 juin, j'ai réuni dans mes bureaux l'ensemble des correspondants ministériels, à la fois pour harmoniser nos méthodes et nos relations, et pour établir avec eux des rapports plus directs.

II. - LES CONTACTS AVEC LES ELUS


1° Les parlementaires

Les rapports entre parlementaires et Médiateur ne peuvent se limiter à l'envoi et à la réception de dossiers, suivis de courriers intermédiaires jusqu'à conclusion de l'étude. Députés et sénateurs sont toutefois trop nombreux pour que des contacts directs et personnels puissent être pris avec tous. Ceux qui rendent visite au Médiateur, soit pour lui exposer un cas difficile, soit pour accompagner un plaignant, sont toujours reçus cordialement au 96, avenue de Suffren. Notre système informatique de gestion des dossiers permet de leur donner aussitôt la liste des dossiers qu'ils nous ont soumis, et de faire le point sur l'état d'avancement de leurs études.

Il m'a paru nécessaire d'informer tout particulièrement les bureaux des commissions des lois des deux assemblées sur le fonctionnement de mes services. Je les ai donc invités à visiter nos locaux. Successivement, M. Forni et les membres du bureau de la commission des lois de l'Assemblée nationale et M. Jozeau-Marigné et les membres du bureau de la commission analogue du Sénat se sont rendus à notre invitation.

Ils se sont penchés avec beaucoup d'intérêt sur le cheminement des dossiers dans les divers services (dossiers qui me sont soumis personnellement à leur arrivée, dont je contrôle l'étude, et qui ne sont clos qu'avec mon aval). Leur attention a été particulièrement retenue par le service des urgences, par celui de la documentation, qui comporte des terminaux d'ordinateurs permettant de s'informer auprès d'une banque de données juridiques, le CEDIJ (Le CEDIJ (Centre d'informatique juridique) est la banque française de données, présidée par M. Mehl, conseiller d'Etat. Depuis janvier 1982 le Médiateur fait partie de son conseil d'administration, étant à la fois " client " et fournisseur de données sur ses propositions de réformes), par le système de gestion des dossiers par un ordinateur qui nous est propre, par le service des réformes qui prépare les propositions de réformes législatives et parlementaires. Ces propositions, soumises au Gouvernement, ayant intérêt à être connues des commissions parlementaires appelées à en débattre.

J'ai à cette occasion rappelé à nos visiteurs qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 complétée par la loi du 24 décembre 1976, les parlementaires peuvent saisir eux-mêmes le Médiateur sans avoir été sollicités par un administré. Disposition peu connue et peu utilisée.

L'intérêt de tels contacts est indéniable. Je souhaite qu'ils se poursuivent. C'est pourquoi j'ai adressé aux présidents de tous les groupes politiques du Sénat et de l'Assemblée une lettre proposant ma venue devant des parlementaires de ces groupes, afin de répondre aux questions qui me seraient posées sur le fonctionnement de l'institution ; afin de mettre au point les plus efficaces méthodes de transmission, permettant de raccourcir les délais d'études par une meilleure constitution des dossiers dès le départ.

Dans le même souci d'établir des relations personnalisées entre les correspondants départementaux du Médiateur et les parlementaires de son département, j'ai demandé à ces correspondants - partout où le nombre des parlementaires le permettait - de leur remettre en mains propres mon précédent rapport.

Par ailleurs, chaque fois que j'effectue un déplacement en province, à l'occasion d'une conférence, d'un débat, je m'efforce de rencontrer les parlementaires du secteur visité.

Je me rends parfois dans les couloirs ou dans les hémicycles des assemblées, à l'occasion d'un débat particulièrement intéressant, ce qui me permet de garder des contacts amicaux avec les parlementaires que j'ai connus au cours d'une carrière politique assez longue, en particulier à l'Assemblée nationale où j'ai siégé dix-huit ans.

Ce contact est établi de manière permanente par mon collaborateur Jean-Pierre Pouzoulet, qui fut mon attaché parlementaire avant de devenir chargé de mission dans mon cabinet.

Députés et sénateurs, ainsi que leurs collaborateurs, savent qu'ils ont en lui un agent de liaison qualifié avec les services du Médiateur.

2° Les élus locaux, départementaux et régionaux

La question a été parfois posée : faudrait-il étendre le pouvoir de saisine du Médiateur à d'autres élus ? Par exemple aux présidents de conseils généraux et aux présidents de conseils régionaux ?

Il ne m'appartient pas d'intervenir dans un débat qui relève du seul législateur, La loi devrait en effet être modifiée, puisqu'elle limite aux élus nationaux le pouvoir de saisine. Je note en passant que le cas des députés européens n'a pas été souvent évoqué, mais que, parfois saisi par certains d'entre eux, je n'ai pas cru devoir refuser l'étude de leur dossier.

Il convient également de relever que la plupart des présidents de comités régionaux ou départementaux sont députés ou sénateurs. Etendre à leur fonction le droit de saisine n'accroîtrait donc pas sensiblement le nombre des intervenants. Par contre, élargir à l'ensemble des conseillers généraux et régionaux le droit de saisine risquerait, en créant un nombre considérable de dossiers supplémentaires, de bouleverser le fonctionnement de l'institution du Médiateur, dont les moyens seraient insuffisants, et dont l'action ne serait plus à " l'échelle humaine ". A fortiori si les maires bénéficiaient à leur tour de ce pouvoir.

J'ai d'ailleurs le sentiment que les parlementaires sont attachés à leurs prérogatives en ce domaine, et qu'ils ne seraient pas favorables à une telle extension.

Certains suggèrent alors que, dans le cadre des mesures de décentralisation, puisse être envisagée la création d'échelons régionaux du Médiateur. Idée qui peut séduire de prime abord les partisans de la régionalisation la plus large. A l'avantage -apparent d'une plus grande facilité d'accès par le plaignant s'opposent des arguments qui me semblent décisifs.

D'une part, il ne peut être question d'implanter dans chaque région des bureaux du Médiateur comportant le personnel spécialisé de haut niveau nécessaire à traiter à fond les affaires les plus variées. Le coût de l'opération serait sans commune mesure avec le résultat obtenu. S'il s'agissait seulement d'installer un correspondant supplémentaire au niveau régional, à quoi bon ? puisque dans chaque préfecture siège déjà un correspondant départemental qui s'acquitte parfaitement de son rôle de conseiller, et qui oriente, si le problème est de la compétence du Médiateur, vers le parlementaire du choix du plaignant.

D'autre part, c'est en raison de son caractère national, que le Médiateur de la République, intervenant personnellement avec l'autorité morale que lui confère cette unicité, fait prendre en considération les dossiers si difficiles qui lui sont confiés. Il est le " dernier recours ", auquel on fait appel lorsque les démarches préalables ont échoué.

Créer autant de médiateurs que de régions, ce serait à la fois réduire son influence nationale, et condamner ces médiateurs régionaux sinon à l'impuissance, du moins au simple rôle d'intermédiaire.

La vraie décentralisation doit porter sur la mise à la disposition des correspondants départementaux des moyens en locaux et en aide de personnel dont ils ont besoin.

Et qui parfois leur font cruellement défaut à la suite des réorganisations et redistributions de bureaux consécutives au nouveau partage des responsabilités entre commissaires de la République et présidents de conseils généraux. Mon voeu est que chaque correspondant départemental - qu'il soit en activité ou à la retraite - bénéficie de la part des deux grands responsables départementaux d'une considération et d'un appui lui permettant d'exercer dans les meilleures conditions son éminent rôle social. L'un des premiers efforts à accomplir pour permettre aux plus modestes de nos concitoyens d'accéder à égalité avec les autres aux sources de l'information et à la défense contre les iniquités, n'est-il pas de faciliter la tâche de ceux qui les guident vers les parlementaires et vers le Médiateur ?

Effort logique, et, par ailleurs, le moins coûteux qu'il soit.

Pour témoigner l'intérêt que je porte à ces correspondants, j'ai tenu à les réunir pour une journée d'études, tenue le 3 mars à l'Assemblée nationale, afin d'écouter leurs suggestions et d'harmoniser leur action.

J'ai évoqué le rôle des maires. Il va considérablement se transformer en vertu des responsabilités nouvelles qu'ils vont assumer.

Pour le Médiateur, les maires sont des correspondants privilégiés. D'abord en considération de leur mandat électif, qui les rend particulièrement respectables. Dans toute affaire mettant en cause leur commune, ils sont les premiers consultés par mes soins. Leur avis est indispensable. Ce sont eux-mêmes qui, parfois, sont les plaignants, reprochant à l'Equipement une voie de rocade, à l'Etat la proximité d'une autoroute, bruyante...

Mais, de plus en plus, et cela ira croissant, ils se voient reprocher par leurs propres administrés des décisions concernant plans d'occupations des sols, refus de permis de construire, refus de branchement à un réseau, etc.

Je suis donc amené de plus en plus fréquemment à consulter les maires concernés, qui s'étonnent parfois de ce qu'ils considèrent comme une sorte d'immixtion dans les affaires propres à leur commune.

Il faut cependant qu'ils se pénètrent à la fois de l'importance de leurs nouvelles prérogatives, et des devoirs nouveaux qui en découlent. Il faut qu'ils sachent que la loi a conféré au Médiateur le pouvoir d'instruire les plaintes contre l'administration, mais aussi contre les collectivités publiques territoriales.

Et que, dans ce domaine comme dans le précédent, il conçoit son rôle comme celui d'un conciliateur, à la recherche des solutions amiables pouvant protéger l'administré et le maire contre les recours trop fréquents au tribunal administratif.

La collaboration Maires-Médiateur est précieuse, indispensable. Elle doit s'établir dans la compréhension réciproque.

III. - LES RAPPORTS AVEC ADMINISTRATIONS ET SERVICES PUBLICS


J'ai largement exposé, dans le rapport annuel pour 1981 la voie choisie pour établir avec les administrations et les services publics des rapports basés sur le dialogue, la concertation, la recherche de la conciliation, plutôt que l'agressivité, la méfiance et l'usage des moyens de pression légaux (recommandations, injonctions) auxquels je n'ai recours qu'en tout dernier ressort.

Cette attitude de compréhension envers les agents de la fonction publique et des services publics ne comportant aucune faiblesse en cas de mauvaise volonté évidente, de faute grave, appelant de ma part la plus grande fermeté dans l’intervention.

Les résultats de cette méthode seront analysés à la lumière d'un certain nombre d'exemples et en fonction des progrès accomplis dans les divers domaines : information et accueil du public, qualité du traitement des dossiers soumis par le Médiateur, rapidité de réponses aux interrogations, réouverture de dossiers déjà clos, efforts de simplifications internes aux administrations, proportion des résultats positifs, etc.

Des dossiers particulièrement significatifs seront présentés, illustrant, pour les uns, une notable amélioration, pour les autres la persistance de " poches de résistance ".

Dans l'ensemble, c'est un climat nouveau qui s'instaure, et l'amorce d'un sensible changement dans les comportements.

Chaque fois que l'occasion m'en a été donnée, j'ai participé à des réunions, journées d'études, séminaires organisés par diverses administrations. Après un débat organisé par le rectorat de Bordeaux, avec des directeurs et gestionnaires d'établissements scolaires et universitaires, portant sur la communication des documents, j'ai participé, en mars, dans la même région, à un séminaire national organisé par les ingénieurs de l'équipement.

Les 7, 8, 9 juin, accompagné de M. Sotero, responsable de notre section documentation et informatique, j'ai assisté, à Grenoble, aux journées d'études organisées par le Centre de formation du personnel communal.

Journées d'études de Grenoble.

Le thème en était cette année " la télématique et ses enjeux pour les communes ".

Elles ont réuni près de 300 congressistes, cadres des services administratifs, techniques, informatiques venus des différentes villes de France, accueillis par M. Dubedout, député-maire de Grenoble.

Les débats des deux premières journées portèrent sur les technologies nouvelles en matière de télématique et d'accès aux banques de données.

La troisième journée sous la présidence de M. Pierre Gervais, chargé de mission à la C.N.I.L. fut dans sa première partie consacrée aux expériences télématiques des villes de Grenoble, Nantes et Metz ainsi qu'à l'opération pilote " système de téléinformation droits et démarches " menée par le C.E.S.I.A. dans les Alpes de Haute Provence et dans le Lot-et-Garonne.

La deuxième partie de cette troisième journée fut consacrée à un débat-table ronde dont la présidence m'avait été confiée.

Y participaient :

MM. Michel Destaud, adjoint au maire de Grenoble ; J.-Jacques Baillet, adjoint au maire de Metz ; J-Pierre Nicoghossian, directeur adjoint du C.E.S.I.A. ; Philippe Chauvet, chargé de mission à l'I.N.A. ; Eric Rohde, journaliste au " Monde " ; Pierre Gervais, chargé de mission à la C.N.I.L. ; Jacques Vannier, délégué à la diffusion des applications à l'agence de l'informatique ; Michel Rouzier, directeur opérationnel des télécommunications à Grenoble.

Les conclusions de ces débats rejoignent très largement celles exprimées dans le rapport 1981 du Médiateur consacré à l'amélioration de l'informatique administrative : sensibilisation des élus locaux à l'informatique, adaptation de l'information communale et générale aux grands mouvements télématiques, simplification de langage, humanisation de l'accueil, etc. Et déjà, il convient de penser que dans un avenir proche, nombreux seront les foyers détenteurs d'un terminal d'ordinateur, voire d'un micro-ordinateur...

Ce qui pose, dès à présent, le problème de la source des informations. Peut-elle, hors de très grandes agglomérations, être uniquement d'origine municipale ? Certes, les exemples de Nantes, Grenoble, sont là pour en témoigner, un important fichier peut être constitué, qui réponde aux questions d'ordre général et d'ordre local posées par les administrés en quête d'un renseignement. Mais l'information adaptée au cas de chacun exige le relais d'un personnel d'accueil apte à interroger, par terminal interposé, une banque de données lui fournissant les éléments administratifs et juridiques de réponse. Pendant longtemps encore la plupart de nos concitoyens ne seront pas en état d'interroger eux-mêmes les " serveurs ".

Se pose aussi le problème des banques de données et en particulier des banques de données juridiques, qui se développent sans coordination, dans une concurrence risquant d'être préjudiciable à la qualité de l'information. Les usagers de certaines de ces banques savent-ils que le " digest " de ces données juridiques, mis en mémoire aux Etats-Unis est enregistré en Corée ? Le Droit français vu de l'étranger... Alors qu'une banque bien française, comme le C.E.D.I.J. (Centre d'informatique juridique) patronnée par le ministère de la Justice, présidée par M. Mehl, conseiller d'Etat, et donnant le texte intégral des lois, décrets, arrêtés... n'a pas pour " clients " un certain nombre de ministères ou administrations ?

Le Médiateur ne peut pas se désintéresser d'une question si importante, étant lui-même au nombre des clients mais aussi de " fournisseur " du CEDIJ, et devant s'appuyer, dans l'étude de ses dossiers, sur des documents donnant toute garantie d'authenticité et de globalité.

J'ai été amené à exposer cette situation à MM. Mauroy et Badinter en souhaitant qu'une politique nationale soit déterminée dans ce domaine, où une certaine concurrence n'est pas incompatible avec une planification réservant les aides officielles aux organismes ayant mission de service public.

Dans le cadre des relations établies entre le Médiateur et le C.F.P.C., il est à noter que deux de mes collaborateurs, MM. Sotero et Offroy ont participé à la session de formation tenue les 18 et 19 janvier à Caen.

Ce stage, organisé à l'intention des secrétaires de mairie de la région de Basse-Normandie, avait pour but, à la veille de la mise en application de la loi pour la décentralisation, d'aborder les différentes possibilités de recours amiables et contentieux des actes administratifs pris par le maire.

Cette collaboration illustre bien mon souci d'instaurer avec les élus locaux et leurs secrétaires administratifs des relations confiantes et utiles.

Ronce-les-Bains.

L'Association amicale des élèves et anciens élèves de l'école nationale supérieure des PTT m'a invité à participer aux XXe journées d'études organisées du 30 septembre au 2 octobre à Ronce-les-Bains. Le thème des débats étant la recherche de l'amélioration des rapports usagers-PTT par la concertation, sujet particulièrement intéressant pour le Médiateur dont l'un des objectifs est d'instaurer de meilleurs rapports entre administrations et administrés, depuis le guichet jusqu'au contentieux.

Outre les organisateurs, collaboraient à cette " table ronde " des représentants du ministre de la Fonction publique et des réformes administratives, du ministre de la Consommation, des parlementaires, des responsables d'associations d'usagers, des journalistes, et, bien entendu, des représentants du ministre des PTT ; dont MM. Aron, conseiller technique, Dondoux, directeur général des télécommunications, Daucet, directeur général des postes, etc...

M. Mexandeau, accompagné de M. Crépeau, ministre de l'Environnement, devait présider la séance de clôture de ce séminaire.

Pendant trois jours, les participants, tous fonctionnaires des PTT situés à de hauts niveaux de responsabilité, se sont interrogés sur les meilleurs moyens d'accéder à une concertation en vue de rendre plus agréables et plus efficaces les relations entre leur administration et les usagers.

Comment définir la concertation ? Quelles techniques autres que sondages, études de marché, etc... utiliser pour appréhender les besoins des usagers ? Comment et avec qui établir le dialogue ? Quatre commissions se sont penchées avec le plus grand sérieux sur la circulation de l'information dans les deux sens, sur l'adaptation des techniques aux besoins locaux, régionaux, sur la différenciation des services, sur la formation du personnel.

Intervenant en commission, puis en séance plénière, j'ai mis l'accent sur la notion de service public (c'est-à-dire, aussi, " au service du public ") qui doit amener à la prise en considération des besoins d'abord, des désirs légitimes ensuite, des usagers. L'incompréhension ou l'antagonisme viennent souvent de l'insuffisance de considération. Le vrai dialogue à établir, c'est autre chose qu'un double monologue.

J'ai donc souhaité que la concertation, pour déboucher sur des résultats tangibles, soit précédée d'une meilleure information, qui elle-même doit être précédée d'une meilleure formation à la base, tant du personnel que de l'administré lui-même.

Il est réconfortant de constater l'heureuse évolution des responsables des PTT vers une prise de conscience interne de la nécessité de réformer non seulement les techniques, mais aussi les comportements.

Cet effort d'autocritique, d'analyse, de réflexion débouchant sur des perspectives de dialogue, de concertation avec l'usager, procède d'un état d'esprit nouveau, qui doit servir d'exemple à d'autres administrations, à d'autres services publics.

Institut régional d'administration de Nantes.

A l'initiative conjointe de M. Paul Bouju, directeur de l'IRA de Nantes, et de M. Malassigne, correspondant du Médiateur pour la Loire-Atlantique, huit élèves de l'institut régional d'administration de Nantes étaient venus à Paris effectuer une étude sur le fonctionnement des services du Médiateur. Ce travail collectif, réalisé avec beaucoup d'esprit d'observation, s'est matérialisé sous forme d'un rapport analysant avec un sympathique esprit critique le rôle, les moyens, l'impact du Médiateur et de son équipe, ainsi que ses relations avec l'administration, la justice, et son efficacité dans le domaine de la défense des libertés.

Le directeur de l'IRA m'avait invité à assister le 23 septembre à la présentation de ce rapport par ses auteurs et à participer au débat qui suivrait.

C'est devant un amphithéâtre comble où se pressaient non seulement les professeurs et les élèves de l'IRA, mais également la plupart des chefs de services régionaux et départementaux que s'est déroulé ce débat. Une conférence de presse devait le clore.

Ce type de rencontre me paraît particulièrement intéressant, parce que se situant dans le cadre de la découverte de l'institution par ceux qui seront appelés demain à des responsabilités élevées dans l'administration, et aussi dans le cadre de l'information réciproque ; le Médiateur peut ainsi tirer une leçon de l'image que se font de l'institution de jeunes étudiants lucides et objectifs. Et ces derniers s'imprègnent, au-delà des textes arides, de l'humanisme qui doit présider aux relations pouvoirs-administrations-citoyens.

J'ai profité de ce déplacement en Loire-Atlantique, effectué en compagnie de mon directeur de cabinet Pierre Bracque, pour organiser, en collaboration avec M. Baudequin, préfet, commissaire de la République, et mon correspondant départemental, diverses rencontres avec les personnalités de ce département.

Après une réunion de travail regroupant les correspondants des départements de la région, des contacts directs étaient pris, à la préfecture, avec les parlementaires du département, et les représentants du conseil régional et du conseil général. La journée devait se terminer par une réception à la mairie, où avaient été conviées de nombreuses personnalités.

Une telle journée, que je voudrais pouvoir renouveler plus souvent, présente les avantages conjugués d'une meilleure information, et de contacts personnalisés avec les élus, les responsables départementaux, la presse, créant, ce qui correspond à mes voeux, un réseau de meilleure compréhension et de sympathie. Le dialogue, la concertation sont la pierre angulaire de tout rapprochement et favorisent mieux que de longs échanges épistolaires, la solution des problèmes. Un grain d'" humanité " pèse souvent plus qu'une démonstration juridique ou mathématique.

IV. - LES ASSOCIATIONS


Le Médiateur ne vit pas dans un monde fermé. Il ne limite pas, aussi intéressants soient ils, ses contacts aux seules administrations et services publics. A l'heure où la vie associative est encouragée, et où se développent dans ce domaine de nouvelles et heureuses initiatives, il est nécessaire de répondre favorablement à toutes les demandes de rencontre, de participation émanant de sociétés, associations, syndicats, désireux, tantôt d'informer leurs adhérents des possibilités offertes par cette institution nouvelle, tantôt d'exposer au Médiateur des problèmes susceptibles de relever de sa compétence.

Le législateur a prévu la montée légitime de ce besoin en autorisant, par la loi complémentaire de 1976 un responsable ou un adhérent de tels groupements à saisir le Médiateur, à titre individuel certes, mais en réalité au nom de l'ensemble des sociétaires ou syndicalistes.

Je m'efforce donc de répondre, dans la mesure de ma disponibilité, aux invitations qui me sont adressées en vue de conférence, débat ou rencontre.

De même que j'avais, en 1981, participé à des réunions organisées par de jeunes chambres économiques (de Cholet à Marseille), des clubs de Rotary, Lion's, de même en 1982 je me suis successivement rendu à Rodez (Cobaty international), Villefranche (Rotary), Paris (Institut des hautes études en droit rural et agricole), Graulhet (Jeune chambre économique), Paris (Institut de formation en droits de l'homme), Saumur (Jeune chambre économique), Marseille (Groupe d'action économique et sociale), Paris (Journées pharmaceutiques), Saint-Girons (Club soroptimist), etc...

Les manifestations de Saumur et Marseille méritent une mention particulière en raison de leur caractère spécifique.

La première était à l'initiative de la Jeune chambre économique de Saumur. La formule sortait des sentiers battus : pendant deux journées se déroulait, dans le péristyle du théâtre, un carrefour citoyens-services publics (vendredi 4 et samedi 5 juin). Y participait l'ensemble des services publics du Saumurois, sous forme audiovisuelle à l'intérieur d'un stand ; de la gendarmerie à l'EDF, de la préfecture à la mairie, tout le monde était présent. Chaque organisation avait délégué un responsable expliquant au public, à l'aide de graphiques, photographies, guides, le fonctionnement et les moyens de son service. Cette remarquable expérience de relations publiques a connu un vif succès et a dû contribuer à améliorer la qualité des relations usagers-services publics.

A l'issue de ces journées, un " Forum " animé par la Jeune chambre économique, rassemblait face aux responsables des administrations et Services publiques, des associations locales, du public, M. Barbe, président du Centre d'information civique, M. Sapin, député, chargé de mission auprès du ministre de la Consommation pour les relations administrés-administrations, et moi-même.

Les thèmes retenus pour le débat étaient :
- Le citoyen usager des services publics.
- Le citoyen partenaire économique.
- Le citoyen responsable de sa cité.

L'échange de vue dura plus de deux heures et passionna public et participants. Une telle formule me paraît exemplaire car elle allie la pédagogie, l'information, la critique, les propositions constructives ; elle dessine le contour des responsabilités, lève l'anonymat, engage l'individu autant que l'association, C'est un excellent exercice appliqué d'instruction civique...

Le sujet débordait le cadre de l'activité du Médiateur. Il m'a permis d'en préciser à la fois l'amplitude et les limites. Et d'avoir verbalement un reflet supplémentaire des griefs et mécontentements des administrés aux prises avec les pièges quotidiens de la bureaucratie.

La réunion de Marseille (25 octobre) poursuivait le même objectif, mais était davantage centrée sur le rôle du Médiateur. L'organisation en incombait au G.A.E.S. (Groupe d'action économique et sociale) présidé par M. Jacques Rocassera, par ailleurs conseiller municipal délégué de Marseille.

La formule retenue était toute différente : devant un public composé d'adhérents au G.A.E.S. ou de sympathisants (trois cents personnes), le Médiateur était interrogé par deux journalistes, un représentant des usagers et deux professeurs de la faculté de droit d'Aix. Tous les aspects de l'activité de l'institution étaient évoqués, avec une prédilection pour ses rapports avec la justice et sa capacité à défendre les libertés essentielles du citoyen.

Après cet échange de vues, le public put largement s'exprimer, chaque intervenant ayant la tendance - bien naturelle - de prendre comme exemple ses propres déboires. Les lenteurs administratives et judiciaires étaient souvent mises en cause, l'intervention du Médiateur étant attendue comme un moyen d'accélération de l'étude des dossiers et des procédures. J'ai tenté, sans pour autant l'excuser, d'expliquer le complexe cheminement des dossiers, la pesanteur du circuit du courrier, l'inertie de certains responsables peu enclins à revenir sur leur décision contentieuse, la consultation, dans certains cas (par exemple permis de construire) de plusieurs directions départementales, parfois de plusieurs ministères, ces divers échanges épistolaires ou téléphoniques se traduisant par des délais de réponse exigeant plusieurs mois...

Au niveau de mes propres bureaux, j'ai moi-même cherché à raccourcir les délais de réception, d'enregistrement, de répartition des dossiers, sans parvenir à les réduire au minimum souhaitable. L'utilisation d'un ordinateur, devenue indispensable pour le classement et la gestion des dossiers (nous en avons plus de 30 000 !) constitue même, au départ, un handicap au point de vue de la rapidité de distribution du courrier, par la nécessité d'un méticuleux enregistrement préalable.

Il est très difficile de faire admettre au public, qui ignore ces contraintes, que le drame qu'ils vivent personnellement, et qui appelle des solutions toujours considérées comme urgentes, fasse l'objet, avant son étude au fond, d'une série de manipulations matérielles nécessaires mais retardatrices. Conscient de la priorité qui doit être donnée à certains dossiers, je les oriente vers notre service des urgences - dont j'ai déjà mentionné l'activité, principalement axée sur l'intervention téléphonique.

Mais, si la compression de certains délais s'avère impossible au-dessous d'un certain seuil, il faut avouer que la durée de certaines transmissions ou réflexions est inacceptable. Je n'aurai pas la cruauté de faire un palmarès à rebours des chiffres relevés, ministère par ministère de la durée moyenne des traitements des dossiers, du jour de leur saisine par mes soins jusqu'à la réponse définitive permettant de clore l'enquête. Que l'on sache seulement que cette durée va de 5 mois dans les meilleurs cas, à 11 mois dans le pire. Il ne s'agit que de moyennes, ce qui signifie que certains dossiers, sont traités en quelques jours ou quelques semaines, mais que d'autres traînent, malgré les appels de mes collaborateurs, malgré les rappels des parlementaires, errant de services en services, à la recherche du responsable qui sera en état de trancher définitivement. A la décharge de l'administration, il faut souligner que plusieurs ministères sont souvent concernés par la même affaire, et que les navettes appellent des délais supplémentaires.

Il n'empêche : ces retards sont mal perçus, mal acceptés. Quelle qu'en soit la justification, on ne peut apaiser un plaignant qui s'insurge contre une expertise durant plusieurs années, une indemnisation non versée, des rebondissements infinis en appel... et qui espère qu'enfin le Médiateur, d'un coup de baguette magique, pourra mettre fin à leur torture morale ou à la gêne matérielle.

Cet espoir, je le trouve dans les lettres accompagnant les dossiers qui me sont soumis et qui débutent souvent par la formule " vous êtes mon dernier recours ".

Je le retrouve, directement perceptible, lors de réunions ouvertes au public, comme celle de Marseille, à l'issue de laquelle de nombreux participants sont venus m'exposer leur cas particulier, toujours douloureux, parfois insupportable après de longues années de lutte. Comme j'aimerais pouvoir répondre favorablement à cette espérance. Hélas, la plupart des cas sont " désespérés " en ayant en vain appelé à toutes les instances de décision... C'est là que, malgré la dureté apparente du système français, le " filtre parlementaire " s'avère utile. Sans lui, le Médiateur se transformerait en une sorte de bureau de bienfaisance national, débordé par les requêtes de toutes sortes, et perdrait vite, avec sa capacité d'intervention justifiée, la crédibilité de sa fonction.

V. - RAPPORTS AVEC LA JUSTICE


J'ai eu maintes fois l'occasion de rappeler que les missions de la Justice et du Médiateur sont essentiellement différentes, et qu'elles ne peuvent être concurrentielles mais complémentaires.

Mes relations personnelles avec les responsables de la Justice à tous les niveaux sont excellentes, qu'il s'agisse du ministre et ses collaborateurs, ou des présidents des grands corps que sont le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, la Cour des comptes, les cours d'appel etc...

Je veille à ce qu'il ne puisse se produire aucune interférence entre l'utilisation d'un dossier confié au Médiateur et une procédure judiciaire engagée par ailleurs. Mon rôle est de permettre, dans certains cas, la recherche d'une solution amiable, pouvant avoir pour heureuse conséquence l'abandon d'une procédure, ce qui allège d'autant les rôles des tribunaux et raccourcit les délais d'attente d'une solution.

Il m'arrive cependant - et c'est l'aspect humain de ma fonction - de signaler tel cas particulièrement urgent en raison de l'âge ou de la situation économique d'une victime...

Il arrive également que je sois saisi de cas de non-exécution de jugements prononcés, en particulier en matière -si délicate - de logements et d'expulsions... toute intervention dans ce domaine nécessite une approche prudente et une étude approfondie.

J'ai parfois recours aux experts du Conseil d'Etat dont je sollicite l'avis dans les cas juridiques les plus délicats, en application de l'article 12 de la loi du 3 janvier 1973.

De son côté, le Conseil d'Etat a été amené à effectuer des études poussées sur les institutions nouvelles, dont celle du Médiateur, pour tenter d'en définir les caractéristiques précises. Pour tenter aussi ce qui est difficile en raison de sa spécificité, de la " classifier ". Ne relevant ni de l'Administration de type classique, ni de l'Exécutif, ni du Législatif, l'institution du Médiateur ne peut être qu'une " Magistrature d'influence " fondée sur son indépendance et son autorité morale.

VI. - LES RELATIONS INTERNATIONALES


L'Institution du Médiateur a un caractère essentiellement national. Dans le cadre de son action, le Médiateur est cependant amené à avoir des relations internationales. Bien entendu, leur nature n'est en rien comparable à celle du ministre des Relations extérieures et de ses services, dont, par ailleurs l'intervention est demandée lorsqu'un dossier implique un recours auprès d'un gouvernement étranger. La loi de 1973 prévoit en effet dans son article 6 que le Médiateur Peut être saisi par toute personne physique, sans que sa nationalité soit précisée. Un ressortissant étranger résidant en France - ou ailleurs - peut donc demander l'intervention du Médiateur s'il estime qu'un organisme français n'a pas fonctionné conformément à sa mission de service public. De même, un Français résidant à l'étranger peut soumettre un cas impliquant à la fois la responsabilité de l'Administration française et celle de son pays de résidence. C'est par le truchement du ministère des Relations extérieures que de telles affaires - toujours délicates - peuvent être traitées. Elles le sont aussi, parfois, par l'intermédiaire du Médiateur du pays concerné. Deux problèmes ont été résolus, en 1982, par les ombudsmans d'Angleterre et du Portugal.

Mais ce n'est pas ce type de " relations internationales " que je veux évoquer ici.

Il s'agit des relations qui se sont établies entre les ombudsmans des diverses nations où existe cette institution, et auxquelles participe tout naturellement le Médiateur français.

Ces relations sont de trois types :

- celles instaurées dans le cadre des conférences internationales réunissant les ombudsmans ;

- celles qui relèvent de l'Institut international de l'ombudsman qui siège à Edmonton (Canada) ;

- celles qui s'établissent bilatéralement entre ombudsmans à l'occasion de voyages ou de visites d'études.

Enfin, plus récemment - et cela pourrait créer un type de relations nouveau - celles favorisées par le Conseil de l'Europe, par exemple dans le cadre du séminaire organisé à Sienne sur le thème des moyens non judiciaires de Protection et de promotion des droits de l'Homme. Je reviendrai plus longuement sur cette réunion particulièrement intéressante pour le rôle que peuvent jouer ombudsmans et médiateurs.

Conférence internationale des ombudsmans.

Le dernier congrès a eu lieu à Jérusalem en octobre 1980. J'y ai participé et en ai donné un bref compte rendu dans le rapport pour l'année 1980.

Je signalais alors que le Médiateur français avait été élu membre du Conseil consultatif des ombudsmans, qui constitue l'élément de liaison permanent entre les congrès qui ne se réunissent que tous les quatre ans.

Une réunion annuelle de ce comité permet de garder le contact, de préparer le congrès suivant et d'établir son ordre du jour.

Cette réunion a eu lieu, pour 1982, à Suva, capitale des Iles Fidji, à l'invitation de Sir Moti Tikaram, ombudsman de cet ancien territoire du Commonwealth britannique, devenu Etat indépendant.

Elle a permis aux seize membres du Comité consultatif de se retrouver, du 19 au 23 janvier, dans cette lointaine terre du Pacifique. Conjointement avec MM. Aalto (Finlande) et Nilsson (Suède), j'y représentais les ombudsmans de l'Europe.

Les débats du comité ont porté sur les thèmes à débattre au prochain congrès (défense des droits de l'Homme, rapports avec la justice... etc.) et sur la définition exacte de l'ombudsman, en raison des différences existant entre les différents pays au niveau des compétences, du mode de désignation, des moyens ... ( Les caractéristiques retenues pour la définition de l'ombudsman étant essentiellement l'origine institutionnelle ou législative de sa fonction et la garantie absolue de son indépendance).

A leur issue, M. Per Erik Nilsson, ombudsman de Suède, a été élu président du comité, et a été chargé d'organiser, avec le concours du gouvernement suédois, la prochaine conférence internationale des ombudsmans qui siégera à Stockholm, en juin 1984.

Une réunion préparatoire aura lieu dans cette même capitale en avril 1983.

Je tiens à souligner l'accueil particulièrement chaleureux qui a été réservé aux membres du comité par le gouvernement de Fidji, accueil auquel s'est associé, de façon remarquée, M. Robert Puissant, ambassadeur de France, qui a organisé plusieurs rencontres et réceptions. La qualité de cet accueil témoigne de l'intérêt porté, partout dans le monde, à l'institution de l'ombudsman, qui a pris une place importante dans le fonctionnement des systèmes démocratiques.

Ce déplacement ne m'a pas permis seulement d'approfondir ma connaissance des institutions étrangères, analogues à celle du Médiateur, et de conforter les relations personnelles amicales déjà nouées. Il m'a également permis, effectuant diverses escales soit dans des pays étrangers, soit dans des territoires français, de mieux faire connaître l'Institution aux Français résidant aux antipodes. Grâce au concours de MM. Cheysson et Emmanuelli, j'ai partout été accueilli par les ambassadeurs de France (à Singapour, à Djakarta, à Suva) ou par les hauts-commissaires (à Tahïti, à Nouméa). Ces hauts responsables m'ont permis de rencontrer diverses autorités locales, ainsi que les représentants des associations de résidents français. Ainsi que j'en avais exprimé le souhait, un correspondant du Médiateur à été nommé pour la Polynésie française.

Institut international de l'ombudsman

L'International ombudsman institute a été fondé en 1977. Son siège est à Edmonton, état d'Alberta, Canada. C'est au cours d'une réunion du comité directeur international réuni en mai 1977 à Paris, sous la présidence de M. Paquet, que fut décidée cette création, concrétisée dès 1978.

Ses objectifs : rassembler la documentation existante concernant les ombudsmans:
- organiser des séminaires sur l'institution,
- proposer et suivre des programmes de recherche.

L'université d'Alberta a accordé à cet institut les moyens matériels et une subvention lui permettant de démarrer. Son financement est actuellement assuré par les cotisations internationales et par l'appui de certaines fondations philanthropiques.

Une réunion du bureau des " directeurs " de l'institut a eu lieu le 15 octobre 1982 à Zurich.

Elle a été précédée, du 7 au 9 octobre d'une réunion préparatoire qui a eu lieu à Paris. Les neuf ombudsmen participants ont été reçus par le Médiateur français, une réception ayant été également organisée au ministère des Affaires étrangères. Au cours de la réunion de Zurich, le Médiateur de la République française a été nommé pour trois ans membre du Comité directeur de l'institut.

Le séminaire de Sienne.

C'est à l'initiative du Conseil de l'Europe, et en collaboration avec l'université de Sienne (Italie) que fut organisé du 28 au 30 octobre un séminaire sur les moyens non judiciaires de protection et de promotion des droits de l'Homme.

Chaque pays y était représenté par une délégation gouvernementale et par un ombudsman ; diverses organisations non gouvernementales, telle Amnesty international, étaient également présentes.

Ouvert par le recteur de l'université de Sienne, le colloque devait être clôturé par M. Willibald Pahr, ministre des Affaires étrangères de l'Autriche, président du Comité des ministres et ancien président du Comité d'experts en matière de droits de l'Homme du Conseil de l'Europe.

A l'issue de débats enrichissants, les conclusions ont été tirées par M. Louis Edmond Pettiti, ancien bâtonnier de Paris, juge à la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Dans le cadre du séminaire s'est tenue une réunion des ombudsmans, qui a permis un échange de vues sur les rapports entre les institutions du type ombudsman ou médiateur et la Cour européenne des droits de l'homme. Une partie des discussions en réunion plénière a porté sur ce thème.

Un certain nombre de sujets de réflexion ont été retenus, qu'il est bon d'exposer dans ce rapport, afin que soit connue l'évolution de la fonction d'ombudsman dans les pays européens, et le rôle que cette institution tend à jouer plus largement dans la défense et la promotion des droits de l'homme. Une adaptation de l'institution française pouvant plus tard apparaître indispensable dans le cadre de l'harmonisation des législations européennes en ce domaine.

L'idée d'un ombudsman européen a même été avancée, pour être d'ailleurs écartée en raison des profondes divergences existant encore - et sans doute pour longtemps... - dans l'arsenal législatif de chaque pays.

Ont été cependant évoqués et mis à l'étude :

- L'éventuel recours à l'ombudsman avant que la Cour européenne ne soit saisie d'une plainte pour atteinte aux droits de l'homme. Ce recours doit-il être exigé ? Chaque médiateur ou ombudsman pourrait, dans l'affirmative, s'assurer que le dossier soumis peut ou non relever des prérogatives de la commission. A l'inverse, la saisine de la Commission européenne pourrait être communiquée à l'ombudsman national, qui pourrait, dans un premier temps, rechercher une solution de conciliation dans le cadre des lois de son pays. En effet, 95% des plaintes soumises à la commission sont actuellement refoulées parce que juridiquement irrecevables.

- L'harmonisation progressive souhaitable des droits et moyens des ombudsmen au niveau de la défense des individus et de la défense des libertés.

- L'encouragement à la création d'ombudsmans ou médiateurs dans les pays européens ou l'institution n'existe pas encore (il en reste quelques-uns ... ) (Il convient de signaler qu'au cours de l'année 1982, deux pays européens ont créé de semblables institutions : un Médiateur national aux Pays-Bas, un Défenseur du Peuple en Espagne).

- L'étude de certains droits internationaux nouveaux, pour lesquels existe une sorte de " vide juridique ", du moins dans certains pays. Par exemple dans le domaine génétique ou informatique. Ce qui permet à certains pays refuge de laisser se créer, sans véritable contrôle, des banques de sperme, banques d'organes, etc... Dans le domaine informatique, toutes les nations n'ont pas, comme la France, de C.N.I.L. (Commission nationale d'informatique et des libertés).

Des commissions d'études mixtes, auxquelles les ombudsmans prêteraient leur concours, pourraient contribuer à établir ce Droit international nouveau.

J'ai moi-même proposé, et fait adopter par les participants, l'idée d'une campagne européenne en faveur d'une meilleure connaissance par chacun des citoyens, non seulement des droits mais aussi des devoirs de l'homme. Ce qui implique un développement, dans les programmes scolaires et universitaires de l'instruction civique et de notions élémentaires de droit.

C'est là une des idées que je ne cesse d'exposer chaque fois que l'occasion m'en est donnée, tant au niveau national qu'international.

En ce qui concerne notre pays, je souhaite que les larges consultations engagées pour renouveler et adapter à notre temps notre système éducatif, prennent en compte cet élément essentiel.

Il n'y aura pas de véritable " égalité des chances " pour les jeunes affrontant la vie active, s'ils n'ont pas tous reçu de suffisantes notions d'instruction civique leur permettant d'exercer en toute connaissance de cause leurs responsabilités de citoyen ; s'ils n'ont pas également été formés à la gestion des affaires privées et publiques, afin de leur permettre d'accéder à toutes les responsabilités professionnelles au lieu d'être condamnés à n'exercer à jamais que des activités subalternes.

Et pour cela - c'est mon point de vue personnel - il faudrait que ces matières, enseignées depuis le plus jeune âge, soient érigées en matières d'examen, qu'il s'agisse de C.A.P., de brevet, de baccalauréat...

On exige un permis pour chasser, un permis pour conduire un véhicule, et on laisse un citoyen, un chef d'entreprise se lancer dans la vie syndicale, politique, professionnelle sans le minimum des connaissances indispensables à exercer correctement ces diverses responsabilités.

Revenant au séminaire de Sienne et à ses conclusions, j'en tire moi-même la leçon de l'importance grandissante, dans les pays européens, de la fonction de l'ombudsman, de plus en plus considéré comme l'un des défenseurs les plus efficaces des droits et des libertés. C'est ce qu'explicite cette phrase du rapport présenté par M. Eilschou Holm, ombudsman du Danemark, mais aussi ancien président du Comité directeur pour les droits de l'homme au Conseil de l'Europe : " La protection et la promotion des droits de la vie, des droits de l'individu face aux pouvoirs publics, constituent l'un des principaux objectifs des charges d'ombudsman ou autres équivalentes ".

Il est évident que le Médiateur français, dont la capacité d'intervention est limitée aux litiges citoyens-administrations, ne peut rester en arrière de ce courant international faisant, dans les pays européens - et au-delà - de son équivalent l'ombudsman le " Défenseur du peuple et de ses libertés ".

VII. - LE MEDIATEUR ET LES MEDIAS


Le dialogue direct entre l'administré et l'administration, tel est bien l'idéal. Ce qui suppose un administré parfaitement formé et informé, et une administration accueillante et compréhensive. Cette perspective souhaitable restant encore du domaine des voeux pieux, les intermédiaires demeurent indispensables. Parmi eux le Médiateur. Mais aussi les médias (dont le nom évoque bien le rôle possible).

Et, bien entendu, la conjonction des efforts du Médiateur et des moyens de diffusion des médias ne peut être que bénéfique,

Même si germe parfois la tentation, du côté de la presse écrite et parlée, de vouloir traiter le côté spectaculaire de litiges administrés-administration particulièrement scandaleux ; même si certaines émissions cherchent, parfois avec quelque bonheur, à pallier l'insuffisance des connaissances administratives de la plus large partie de l'opinion, la collaboration avec le Médiateur s'impose.

De son côté, le Médiateur, dont la capacité à instruire les dossiers et à introduire des réformes est trop méconnue, a besoin de mieux se faire connaître du grand public.

Nombreux sont les responsables de presse, de radio, de télévision qui ont compris l'intérêt de cette conjonction.

C'est le cas de France Inter qui, à plusieurs reprises a organisé des journées d'information consacrées au Médiateur, permettant aux auditeurs de s'informer téléphoniquement auprès de mes collaborateurs, sur les conditions de saisine.

J'ai été également invité à participer personnellement à diverses émissions de radio à France Inter, Radio Télé-Luxembourg, Radio Monte-Carlo, Radio Bleue.... Radio France Internationale.

TFI, Antenne 2 et FR3 m'ont permis d'intervenir à plusieurs reprises, en particulier dans les journaux parlés, les Dossiers de l'écran, C'est à vous, Un temps pour tout, et dans diverses émissions régionales... jusqu'à Taïhiti !

J'ai été interviewé par la radio et la télévision espagnole dans le cadre des débats ouverts en Espagne au sujet de l'instauration d'un ombudsman (Défenseur du Peuple).

Divers journaux (quotidiens ou périodiques) m'ont ouvert leurs colonnes, non seulement pour les interviews, ou des questions d'actualité, mais aussi pour des articles de fond.

Tels le Matin, le Monde, France-soir, le Parisien, le Nouvel économiste, le Moniteur, le Pèlerin, 3e âge, Sélection du Reader's Digest, la Gazette du parlement, Parlement et corps constitués, le Journal du parlement, etc...

Malgré la variété et la multiplicité de ces interventions, le rôle du Médiateur reste encore mal défini aux yeux d'une large fraction de l'opinion, et je mesure l'effort constant à accomplir dans ce domaine pour participer à une meilleure information du grand public.

VIII. - D'AUTRES CONTACTS


Parallèlement à cette action d'information auprès du publie, a été menée tout au long de l'année une activité, moins visible, d'accueil des personnes s'intéressant, à différents titres, à l'institution du Médiateur :

Etudiants en droits ou en sciences politiques désireux de s'informer ou élaborant des thèses, ont été fréquemment reçus et instruits de nos méthodes.

Une délégation d'élèves de l'E.N.A. a également rendu visite à mes bureaux.

Divers " Stagiaires " ont été reçus et en particulier des magistrats désireux de s'initier à nos méthodes.

Le Conseil de l'Europe nous a envoyé, en stage de quinze jours, M. Amato juge au tribunal de Salerne (Italie) effectuant une étude sur médiateurs et ombudsmans dans leurs rapports avec les organismes européens.

M. Rowatt, professeur de droit à l'université d'Ottawa a effectué un séjour de deux semaines dans mes services. M. Suarez, professeur de droit à l'université de Bogota est venu s'informer en vue de l'institution d'un médiateur en Colombie.

D'autres contacts, portant sur des sujets moins théoriques, plus concrets, ont eu lieu avec de nombreuses organisations, associations, syndicats professionnels, souhaitant que le Parlement et le Gouvernement soient saisis par l'intermédiaire du Médiateur de propositions de réformes concernant leurs activités.

C'est ainsi que j'ai été amené à recevoir, entre autres, les représentants de l'U.N.A.F. (Union nationale des associations familiales), d'associations d'usagers et consommateurs, de délégations de rapatriés, de professions libérales, du Troisième âge, de représentants des syndics, de laboratoires pharmaceutiques, des récupérateurs d'huiles usagées, etc.... pour n'en citer que quelques-uns...

S'il est totalement impossible au Médiateur de recevoir toutes les personnes qui, lui soumettant un dossier par l'intermédiaire d'un parlementaire souhaiteraient venir en personne plaider leur cause auprès de lui, il est de son devoir d'accueillir les représentants de groupes sociaux ou professionnels souhaitant une intercession sur un problème d'ordre plus général. Ces opérations " relations publiques " exigent du temps, car elles sont suivies d'études et d'interventions, mais elles permettent de garder le contact avec les réalités quotidiennes et entrent dans le cadre d'une mission visant à alléger le fardeau de la chape bureaucratique.

IX. - QUELQUES REMARQUES...


Les deux chapitres suivant cette modeste " fresque " de l'activité du Médiateur et de l'évolution de son institution au cours de l'année écoulée (truffée de façon peu orthodoxe de commentaires personnels) apporteront quelque éclairage sur les résultats obtenus.

D'une part par l'évocation d'un échantillon des dossiers, très réduits en nombre, mais exemplaires des réticences, des blocages, ainsi que des ouvertures nouvelles et des espoirs d'améliorations qu'ils suscitent.

D'autre part par l'exposé, plus exhaustif, des propositions de réformes (législatives, réglementaires, de comportement) et des résultats positifs acquis dans ce domaine.

Les conclusions générales que je tire moi-même de cette évolution, l'espérance raisonnable que je peux, malgré tant de " conservatisme " persistant, nourrir pour l'avenir, constitueront l'ultime chapitre de ce rapport, qui s'achèvera sur des annexes comportant des statistiques intéressantes et une bibliographie.

Il m'a semblé préférable de faire, dès à présent, in fine de l'exposé consacré à la " vie de l'institution ", quelques commentaires sur certaines de ces statistiques.

Le lecteur ne manquera pas en effet de relever l'apparent fléchissement du nombre des dossiers adressés au Médiateur, ce qui pourrait faire tirer de ce fait des conclusions erronées. Les uns en estimant que les choses allant beaucoup mieux du côté de l'administration, et les réformes déjà amorcées étant efficaces, le nombre de plaignants a tendance à se réduire.

Les autres, plus pessimistes, pensant que les citoyens se découragent, devant la complexité croissante de la bureaucratie, et baissent les bras : ou bien ont davantage recours, malgré son " embouteillage " à la justice traditionnelle, préférant parfois au Médiateur et à son esprit de conciliation des solutions plus tranchées.

Il y a certes un peu de vrai dans chacune de ces thèses.

Mais tout d'abord, pour que le débat soit objectif, il convient d'établir des comparaisons valables. De se rapporter au nombre de dossiers reçus dans les années 1977, 1978 et 1979, et non à celui de l'année 1980 qui marque, avec mon accession au poste de Médiateur, une passagère montée en flèche explicable par le changement de titulaire. Tout " recours " nouveau attire ceux qui ont bataillé en vain, durant des années, sans pouvoir obtenir satisfaction, et qui espèrent de cet " homme providentiel " la " solution miracle " à leur problème.

Voici ces statistiques :
Dossiers reçus en 1977 : 3539
Dossiers reçus en 1978 : 4012
Dossiers reçus en 1979 : 4136
Dossiers reçus en 1980 : 6410
Dossiers reçus en 1981 : 5677
Dossiers reçus en 1982 : 4275

1982 nous ramène donc à un chiffre plus normal, plus compatible avec les moyens dont dispose l'institution et avec la nécessité de garder à son action l'échelle humaine.

Grâce à ce retour à un afflux modéré par le filtre parlementaire, les affaires non réglées encore au moment de mon arrivée ont été menées à leur terme.

Les délais d'attente, d'étude, de solution, n'ont guère été réduits, malgré nos efforts, en raison de lenteurs persistantes dans certains secteurs administratifs.

Mais, par contre, les dossiers sont mieux " fouillés ", faisant l'objet d'une véritable " instruction ", et l'intervention du Médiateur auprès des administrations concernées est mieux étayée par une argumentation plus solide encore. D'où découlent de meilleurs résultats, et une satisfaction accrue des parlementaires et des plaignants, ainsi qu'en témoigne un courrier quotidien exprimant remerciements et gratitude, et soulignant l'efficacité de l'action du Médiateur.

L'objectivité implique cependant que soient soulignées des évolutions favorables allant dans le sens d'une réduction des litiges potentiels.

D'une part, les parlementaires, mieux armés grâce aux collaborateurs personnels dont ils disposent, ont une possibilité accrue de régler eux-mêmes les conflits mineurs, n'entraînant pas de longs échanges de correspondance avec l'administration.

D'autre part, des sources importantes de contentieux ont été taries, grâce à des mesures gouvernementales récentes, dont certaines ont donné suite aux propositions du Médiateur.

C'est ainsi qu'ont très fortement diminué les dossiers relatifs à l'indemnisation des rapatriés, à l'agrément des techniciens en architecture, aux objecteurs de conscience. A un degré moindre, aux erreurs de facturations de téléphone. Diverses réformes sont en cours, touchant à la redevance télévision pour personnes âgées à revenus modestes, au statut des syndics, aux conditions de transport des permissionnaires du contingent, etc.... qui découlent de propositions du Médiateur et mettront un frein à certains litiges.

A noter un début de satisfaction donné à ma demande concernant les sourds et les malentendants, qui voient s'accroître les émissions télévisées à leur intention. Ils sont près de trois millions !

Cependant une " relève " ne manquera pas de s'opérer par la création de nouveaux types de conflits : par exemple dans le domaine de l'urbanisme en vertu des pouvoirs accrus des maires, qui se verront davantage contestés au niveau des certificats d'urbanisme, des permis de construire...

Ce qui apparaît déjà...

Un autre facteur positif à souligner est l'activité des correspondants départementaux du Médiateur, dont l'existence est mieux connue, et qui sont plus souvent consultés. L'évolution générale vers la décentralisation jouera en leur faveur. Il convient donc qu'ils puissent avoir dans chaque préfecture des moyens matériels dignes de leur mission. Et ce n'est malheureusement pas toujours le cas.

Ce serait une excellente occasion pour les commissaires de la République et le, présidents de conseils généraux, de conjuguer leurs efforts dans ce sens.

Il convient aussi que leur activité soit plus égale, certains faisant preuve d'un grand dynamisme, et d'autres restant encore trop discrets, donc moins sollicités.

Ces divers éléments positifs ne doivent pas faire crier trop fort à la victoire.

Il reste encore beaucoup de Bastille à prendre ! Il n'est que d'entendre les plaintes de certains chefs d'entreprises qui semblent accuser la bureaucratie de tous leurs maux, pour comprendre le chemin qu'il reste à parcourir pour que l'Administration française acquière dans l'opinion un visage plus avenant.

Un premier succès, et il est important, est déjà acquis : l'administration accepte de se regarder dans la glace, et d'y découvrir ses imperfections, qui s'appellent lenteur, complexité, tantôt inertie, tantôt acharnement. Nous avons tous à lutter pour la convaincre de ne pas se satisfaire d'un simple maquillage, mais de s'imposer une véritablement cure de rajeunissement. L'autocritique à laquelle elle commence à se soumettre est le gage de son acceptation du changement.

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