Année 1982


AVANT-PROPOS




Le rapport du médiateur pour l'année 1981 avait retenu pour thème principal la difficulté de faire parvenir au citoyen l'information sur les problèmes administratifs élaborés au sommet (Ministères et directions).

Le constat était établi d'une distorsion profonde entre la profusion de notices, guides et brochures porteuses d'informations précieuses mais d'ordre général, et le désir des administrés, confrontés à des difficultés particulières, d'être orientés, aidés, dans les démarches complexes à effectuer pour résoudre leur propre équation.

Je me réjouis de la prise de conscience par les plus hauts responsables de l'information administrative, au niveau du Premier ministre, du ministre de la Fonction publique et des réformes administratives, de la nécessité de coordonner les services d'informations, qu'ils émanent du gouvernement, des services publics ou faisant office de services publics, des sociétés nationales ou nationalisées.

Non seulement l'information générale s'articule mieux afin d'éviter l'inutile dispersion, mais d'intéressantes expériences sont tentées dans quelques départements (" A votre service ") pour rapprocher l'informateur, armé de l'informatique, du requérant isolé, délivré ainsi de son sentiment d'impuissance, voire d'abandon.

Cette heureuse évolution n'est pas le seul fait de l'action du Médiateur. Je n'ai pas l'outrecuidance de croire que le rapport 1981 a réussi par son propre et unique mérite à éveiller l'intérêt des Pouvoirs publics sur le problème de l'information administrative. Mais il a apporté une utile contribution aux études menées par ailleurs. Je dois à cette occasion souligner l'heureuse et efficace collaboration qui s'est instaurée entre mes services et ceux de M. Anicet Le Pors, ministre chargé des réformes administratives. Avec des missions et des moyens d'ordres différents, nous avons concouru au même objectif : la simplification, l'humanisation de l'administration et, dans une première étape l'amélioration de l'information administrative.

Avant de demander aux autres un effort, il convient de faire d'abord la critique de sa propre action. Et de se demander quelle est la réelle efficacité des moyens d'information sur sa propre activité qu'utilise le Médiateur.

Dès ma prise de fonction, j'ai pu constater combien le Médiateur, institution encore jeune, était méconnu de l'opinion. Mais j'ai découvert par la suite qu'il était également mal connu des élus, et même des élus nationaux, dont la loi ayant créé l'institution exige pourtant qu'ils soient d'abord saisis par les plaignants, avant de transmettre, s'ils l'estiment opportun, le dossier au Médiateur.

J'ai pu également relever que la mission du Médiateur n'avait pas toujours été comprise par les responsables des diverses administrations, à tous les niveaux. Certains voyant dans ses interventions une immixtion désagréable dans leurs affaires, qu'ils avaient pris l'habitude de traiter sans contrôle extérieur, dans le douillet confort des vieilles habitudes de " secret " administratif. Tout changement dérange, même s'il doit être bénéfique, et les forces d'inertie, parfois même de résistance, sont difficiles à ébranler. Il m'a donc fallu multiplier les contacts et les explications, tant au niveau des élus, que des administrations et des citoyens eux-mêmes, pour que l'image du Médiateur devienne plus favorable. Pour qu'il soit bien perçu que ses interventions ne sont ni des demandes de faveur, ni le reflet de groupes de pression défendant des intérêts particuliers, mais qu'elles sont guidées par le seul souci de la justice et de l'équité. Et par le désir de rapprocher l'administration du citoyen.

Cette permanente mise au point, accompagnée d'une permanente adaptation interne aux circonstances nouvelles, à la législation nouvelle, aux droits nouveaux qui en découlent, a fait l'objet d'un considérable travail, à la fois personnel et d'équipe, dont ce rapport veut se faire l'écho.

Car l'une des premières questions que j'ai été amené à me poser a été celle de l'intérêt, de l'impact du rapport annuel. Certes il est exigé par la loi : rien de plus normal que de faire connaître quelle a été l'activité d'une Institution nationale pendant l'exercice des douze mois écoulés. Ce rapport est dû au Président de la République et au Parlement. Il a pour premier avantage de permettre au Médiateur, par la remise solennelle de ce document au chef de l'Etat et aux présidents des trois assemblées, de rencontrer les plus hautes autorités du pays, de leur faire connaître l'orientation de sa " politique ", de leur soumettre ses projets les plus importants en matière de propositions de réformes. Ces contacts ont aussi pour conséquence de rappeler à l'opinion l'importance du rôle du Médiateur, dans les rouages démocratiques de la nation.

Ce rapport est largement diffusé auprès des ministères, administrations, corps constitués, préfectures, ambassades, ombudsmans, etc ; il participe ainsi, dans la mesure où les médias lui donnent une certaine résonance, à une meilleure information sur l'institution et sur l'originalité, la spécificité de son action.

Dans les sphères administratives concernées, il est tu avec attention et les critiques constructives qu'il comporte ne sont pas négligées. J’ai évoqué précédemment l'incidence heureuse qu'a eu sa dernière parution au regard de l'amélioration de l'information administrative.

On est cependant en droit de s'interroger sur l'impact qu'il peut avoir au niveau de la plupart des élus, et, au-delà, sur l'ensemble d'une opinion qu'il n'atteint guère. Il faut avoir la lucidité de constater (J'en ai fait l'expérience pendant les dix-huit années de ma vie parlementaire) que le courrier quotidien d'un député ou d'un sénateur, voire d'un conseiller général ou d'un maire, comporte un nombre si impressionnant de journaux, bulletins, " lettres confidentielles " mêlés au courrier officiel, personnel, commercial, politique, qu'un rapport glissé dans cette masse passe presque inaperçu. Hormis quelques brochures dont l'agréable présentation retient un moment l'attention, et mérite un coup d'oeil " en diagonale " ou un rapide feuilletage, hormis quelques rares rapports du type " Cour des comptes " qui fixent l'intérêt par crainte d'y voir figurer son nom, sa commune, son service, cette somme de bonnes intentions risque de faire l'objet d'un classement provisoire devenant bientôt définitif.

Les moyens d'information quotidiens (presse, audiovisuel), pour leur part, braquent volontiers leurs projecteurs sur le fait divers du j'Our, relèvent la " petite phrase " assassine lancée au cours du meeting politique du week-end, mais ne s'étendent guère sur les études de fond, économiques, sociales ou politiques ne comportant pas d'élément " révolutionnaire " susceptible d'avoir une répercussion sur l'actualité. Un rapport, même s'il révèle des aberrations, des négligences, des injustices capables d'émouvoir un chroniqueur spécialisé, ce n'est pas le " scoop " rêvé par un journaliste désireux, certes d'informer l'opinion, mais tenu de ne pas faire fléchir le taux d'écoute ou le tirage du quotidien.

Il y a toujours un côté ingrat dans un rapport officiel : présentation sévère, style impersonnel, accumulation de statistiques, absence d'illustrations... On est toujours tenté de feuilleter un catalogue de la manufacture d'armes et cycles de Saint-Étienne. Un rapport, on le lit si l'on a une motivation : sinon, au mieux, on le range sur l'étagère d'une bibliothèque, en remettant à plus tard... -ou à jamais, l'intention de le parcourir.

Ce qui pourrait passer pour un constat négatif, entraînant le découragement, m'a tout au contraire, inspiré le désir de rédiger un rapport présentant quelques chances supplémentaires de retenir l'attention du lecteur potentiel.

Tant au niveau de la forme que du fond.

La forme : en personnalisant l'institution, le législateur a voulu responsabiliser un homme, le Médiateur. Même - et c'est le cas - s'il travaille en équipe, c'est lui, et lui seul, qu'il engage dans son action quotidienne.

C'est cette " Magistrature d'influence " basée sur son indépendance, son unicité qui lui donne une place à part, ne le situe pas dans le cadre traditionnel des pouvoirs et des administrations.

Le rapport doit porter témoignage, jusque dans son style, de cette originalité.

C'est pourquoi, j'ai tenu à le rédiger à la première personne. Si le " moi " reste haïssable, il ne peut être question ici ni du " nous " de majesté, ni du " on " impersonnel. Le " je ", seul, est responsable.

Sa présentation doit également tenir compte de cette spécificité. C'est pourquoi quelques photographies mettent de la vie mais aussi, dans le souci de souligner la cohérence d'un travail collectif, mettent un visage sur les noms et les fonctions de certains de mes collaborateurs. Et les dessins du talentueux Piem y introduisent une note d'humour qui n'est pas incompatible avec le sérieux des sujets traités.

Le fond : L'action menée, les contacts pris, les démarches effectuées, les rencontres, les séminaires, les débats, les articles de presse, les interventions radio-diffusées ou télévisées, tout cela est inséparable du traitement des dossiers, des propositions de réforme, de l'évolution globale de l'Institution, des résultats obtenus.

La " vie de la Médiation " ne peut plus être un chapitre à part, traité à la troisième personne.

J'ai donc pensé l'intégrer dans un développement général, dont le thème essentiel est l'évolution des rapports entre le Médiateur et les pouvoirs administratifs, en fonction de ma conception personnelle du rôle du Médiateur, que j'ai précédemment exposée.

Evolution faisant apparaître qu'à côté de quelques pôles de résistance, se révèlent des résultats de plus en plus positifs, témoignant d'une plus grande attention portée aux plaintes reçues par les responsables politiques et administratifs. D'où découlent d'heureuses initiatives administratives telles que concertation avec les usagers, prise en compte des suggestions des associations et du public, tentatives d'auto-réformes succédant à une auto-critique...

Sans excès de prétention ni fausse modestie, le Médiateur, par les nouvelles méthodes de contact, relations personnelles, de collaboration confiante qu'il a établies et s'efforce de développer, estime avoir contribué à cette souhaitable évolution, Qui va à la fois dans le sens des nouvelles responsabilités à assumer par un citoyen naguère passif et devenu actif, et dans le sens de la nécessaire réconciliation administrés-administration, citoyens-Etat qui est l'objectif idéal et lointain du Médiateur.

J'ai donc cru utile d'évoquer tour à tour, non pas chronologiquement, mais par catégorie de démarches, les actions successives menées au cours de l'année 1982, afin de mieux faire percevoir ce qu'est l'activité quotidienne du Médiateur et de ses services, et d'en souligner les prolongements et les conséquences.

Seront donc relatés les événements significatifs et importants, tels que rencontres avec le chef de l'Etat, les présidents des assemblées, les ministres, les parlementaires, les hauts responsables de l'administration, divers élus, responsables économiques, professionnels, syndicaux ; les conférences, les débats, les séminaires ; les participations à des émissions dans l'audiovisuel, les articles de presse, les relations internationales...

Chacun de ces contacts débouchant sur une action, une intervention, une proposition de réforleure information sur l'institution et sur l'originalité, la spécificité de son action.

Dans les sphères administratives concernées, il est tu avec attention et les critiques constructives qu'il comporte ne sont pas négligées. J’ai évoqué précédemment l'incidence heureuse qu'a eu sa dernière parution au regard de l'amélioration de l'information administrative.

On est ortements.

Les moeurs ne se changeant pas seulement par les lois, Montaigne et François Mitterrand l'ont tous deux affirmé.

Ainsi apparaîtra également la souplesse d'adaptation de l'institution à l'évolution politique économique et sociale, qui influe sur les sujets de mécontentements, réglant certains problèmes, faisant apparaître des contraintes nouvelles, exaltant de nouvelles libeulletins, " lettres confidentielles " mêlés au courrier officiel, personnel, commercial, politique, qu'un rapport glissé dans cette masse passe presque inaperçu. Hormis quelques brochures dont l'agréable présentation retient un moment l'attention, et mérite un coup d'oeil " en diagonale " ou un rapide feuilletage, hormis quelques rares rapports du type " Cour des comptes " qui fixent l'intérêt par crainte d'y voir figurer son nom, sa commune, i subsistent ne seront pas occultés.

Ce rapport se veut, sinon exhaustif, du moins loyal et complet.

L'institution du Médiateur a dix années d'existence depuis le 3 janvier 1983, c'est peu dans le cadre institutionnel qui remonte parfois à Napoléon Premier, ou même au-delà. C'est pourquoi elle a besoin d'être explicitée.

Le troisième Médiateur que je suis a le devoir de se pencher sur ce passé récent. Parvenant à l'automne de l'année en cours à la moitié de mon mandat de six ans, je dois au Président de la République, au Parlement et à l'Opinion, non seulement d'exposer le bilan de mon activité, mais encore de tracer le proche avenir d'une institution qui dépend très largement de la personnalité à qui en a été confiée la charge.

Ce rapport comprendra quatre parties

Vie et évolution de l'institution.

Présentation de quelques exemples significatifs où se décèlent tantôt l'obstination administrative persistante, tantôt une conception plus compréhensive et plus humaine.

Bilan des propositions de réformes présentées en 1982 et méthodes nouvelles amorcées.

Statistiques et annexes.

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