Année 1980


DES EXEMPLES SIGNIFICATIFS


AFFAIRES ETRANGERES



Le Médiateur poursuit, avec ténacité, une affaire ancienne, relative à l'indemnisation des Français ayant dû abandonner leurs biens ou leurs fonctions dans les concessions de Chine. (75 2794)

Ces agents contractuels des concessions françaises en Chine sont les seuls Français ayant servi leur patrie Outre-Mer dont la situation n'est pas encore réglée après 35 ans d'attente.

Avant 1945, dans les concessions françaises, de Shangai, Tien-Tsin et Hankeou, des " municipalités ", personnes morales de droit privé, assuraient l'administration et la défense des intérêts des ressortissants français en Chine. Leurs agents étaient liés à elles par un contrat de travail.

Le traité de Tchong King survint, par lequel la France rétrocéda à la Chine ces trois concessions ; or, les gouvernements chinois ne tinrent pas leurs engagements, c'est-à-dire assurer la protection de tous les droits légitimes dans celles-ci, ce qui entraîna de lourdes conséquences pour nos ressortissants : perte d'emploi, difficultés de reclassement et de réinsertion en métropole.

Dès 1961, M. Frédéric Dupont, député, avait déposé une proposition de loi tendant à déterminer les mesures régularisant la situation des personnels des ex-concessions françaises en Chine, laquelle n'avait pu, malgré le rapport favorable de la Commission des lois constitutionnelles, être inscrite à l'ordre du jour du fait de la dissolution survenue à cette époque.

A la suite de multiples requêtes dont les intéressés l'avaient saisi, le Médiateur démontra dans un rapport, le 11 décembre 1979, la légitimité de leurs revendications : validation des services des fonctionnaires détachés dans les concessions, validation du rachat des cotisations sociales, rappel de solde pour perte d'emploi.

L'injustice envers les personnels des ex-concessions françaises en Chine est d'autant plus flagrante que ces derniers semblent être victimes d'une discrimination : en effet, ils sont exclus du champ d'application de la loi du 26 décembre 1961 concernant l'accueil et la réinstallation des Français d'Outre-Mer et de la loi du 15 juillet 1970 prévoyant une contribution nationale par l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France.

En 1980, le Médiateur a demandé à M. Frédéric Dupont de reprendre en l'actualisant la proposition de loi qu'il avait déjà faite.

Cependant le Ministre du Budget, malgré l'avis favorable du Ministre des Affaires Etrangères, s'est opposé à ce que vienne en discussion, en invoquant l'article 40 de la constitution, ledit projet de loi.

La solution réside dans un éventuel arbitrage du Premier Ministre...

Un problème que rencontre fréquemment l'administré : le défaut de paiement par l'étranger.

Non-indemnisation de la dépossession d'une propriété. (79 1659)

M. G... avait acquis une concession dans un état africain et édifié des bâtiments à usage industriel. Avant de quitter B..., étant gravement malade, il confie ses biens en location pour cinq ans à un gérant avec lequel il signe une promesse de vente devant prendre effet à la fin des cinq ans de location.

Mais entre-temps cet état a obtenu son indépendance et a changé de politique, les dossiers administratifs ont été quelque peu égarés. Le gérant doit quitter B..., en février 1971, le Gouvernement occupe sans titre la propriété de M. G... et y installe une société. Malgré de nombreuses et coûteuses démarches la famille de M. G… décédé depuis, n'a pas été indemnisée.

Non-paiement de l'indemnité de congés payés et d'une indemnité de rapatriement par un Ministère étranger de l'Education. (79 2063)

M. M... a été nommé en 1970, par le Ministère français des Affaires étrangères en accord avec un Ministère étranger de l'Education, pour assurer les fonctions de professeur de mathématiques au Collège de M...

La convention régissant les accords culturels à l'époque, lui donnait droit à un congé payé par le gouvernement du pays d'accueil durant les vacances scolaires, ce après 2 ans d'activité dans ce pays.

Or, en 1974, c'est-à-dire après quatre années, le Gouvernement refuse de lui rembourser le congé pris au titre de cette convention.

De même, ce Gouvernement étranger a refusé à l'intéressé, nommé en Côte d'Ivoire, l'indemnité de rapatriement prévue par un article de la Convention inter étatique.
Malgré les nombreuses interventions de l'Ambassade de France, le Gouvernement en cause a maintenu son refus.

Cette réclamation mettant en cause un Etat étranger souverain, le Médiateur ne peut malheureusement intervenir qu'auprès du ministère français des Affaires Etrangères.

Réparation d'un accident de la circulation survenu à l'étranger. (79 0193)

M. H... victime d'un accident de la circulation survenu le 25 octobre 1960 à C... n'était toujours pas indemnisé en 1979. Bien que conscient du problème posé, le Médiateur ne pouvait intervenir auprès des juridictions judiciaires ou du Fonds de garantie automobile de cet état étranger.

C'est grâce à la Direction des Français de l'Etranger, dont la création avait été demandée par le Médiateur dès 1977, que M. H... s'est vu indemniser.

Il arrive que les ambassades elles-mêmes n'honorent pas leurs dettes : ainsi certaines ambassades étrangères n'ont pas réglé les frais de séjour de leurs ressortissants alors qu'elles s'y étaient engagées (80 1480). Il en est de même pour certains Etats. (79 1942)

On peut espérer que les relations des Français avec les administrations étrangères s'amélioreront grâce aux interventions de la Direction des Français de l'Etranger.

AGRICULTURE



Les sujets de mécontentement ne varient guère.

Restent à signaler cette année :

- Un progrès en matière de procédure de remembrement,

- Une difficulté certaine à mettre en oeuvre la réglementation relative à l'octroi des indemnités viagères de départ.

1. La difficile exécution des jugements en matière de remembrement. Le problème aurait-il trouvé sa solution ?

Le problème est régulièrement dénoncé : les jugements rendus en matière de remembrement ne sont pas ou sont mal exécutés. Les commissions départementales de réorganisation foncière et de remembrement, compétentes en la matière, peuvent en toute impunité faire échec aux décisions juridictionnelles.

Non seulement elles ne respectent pas le délai d'un an qui leur est imparti pour remplacer les mesures annulées par les tribunaux, mais les nouvelles décisions qu'elles prennent sont, en général, irrégulières.

Si bien qu'il n'est pas rare qu'un agriculteur engage trois, voire quatre, procédures contentieuses, sans pour autant obtenir que ses droits soient reconnus.

La situation a été décrite à maintes reprises. Les réclamations ont continué d'affluer auprès du Médiateur. Quant à l'administration, elle a vu se multiplier les demandes de dédommagement.

Bien que les commissions départementales comprennent en leur sein autant de représentants des administrés que de représentants de l'Etat, l'idée s'accréditait que l'administration en prenait à son aise, notamment avec le respect de la chose jugée.

Le Médiateur avait suggéré une solution : le recours à une procédure accélérée devant les tribunaux, puisqu'il faut bien admettre que les commissions départementales ne sont pas mues par une obstination malsaine de faire échec à l'autorité juridictionnelle, mais qu'elles se heurtent à des difficultés matérielles réelles lorsqu'elles se voient dans l'obligation de modifier, après plusieurs années, leurs décisions initiales. Des situations se sont créées, qu'il peut être délicat de remettre en cause. Il semblait au Médiateur que ces obstacles ne seraient plus insurmontables si les délais d'annulation des décisions étaient abrégés.

La dernière loi d'orientation agricole (du 4 Juillet 1980) a opté pour une autre solution : elle prévoit le dessaisissement de la commission départementale, lorsque celle-ci se révèle incapable de remplir sa mission, et son remplacement par une commission spéciale, rattachée au ministre de l'Agriculture, et composée de personnalités d'origine juridictionnelle et administrative.

Ce n'est que dans quelques années que le bilan de l'expérience pourra être fait.

Une affaire mérite d'être signalée qui est révélatrice de l'état d'infériorité dans lequel peut se trouver l'administré dans ce domaine (n°78.3771).

En exécution d'un arrêt rendu par le tribunal administratif en avril 1973, la commission départementale de remembrement avait décidé, en mars 1976, d'allouer à l'intéressé une indemnité de 50.000 Frs.

Mais le trésorier payeur général s'opposait au versement par l'Etat de cette indemnité, au motif qu'elle devait incomber au propriétaire qui avait finalement bénéficié indûment de l'opération de remembrement.

Saisi du litige, le Médiateur a estimé que l'administration étant à l'origine responsable de cette affaire, qui durait depuis déjà 10 ans, la moindre des choses était qu'elle verse elle-même l'indemnité sans attendre, quitte à se retourner par la suite contre l'attributaire des parcelles contestées.

C'est ce qui a été fait.

2. La difficile mise en oeuvre de la réglementation relative à l'octroi des indemnités viagères de départ.

Les manifestations de cette difficulté sont diverses.

A signaler, d'abord, qu'il existe encore des lacunes dans les textes, des vides juridiques.

Par exemple, les entrepreneurs de travaux agricoles, considérés jusqu'ici davantage comme des prestataires de services que comme des chefs d'exploitation, sont dans l'état actuel de la réglementation exclus du bénéfice de l'indemnité viagère de départ (I.V.D.).

Une réforme est à l'étude au ministère de l'Agriculture sur ce point.

Dans certains cas, les textes paraissent clairs, mais les situations réelles sont difficiles à appréhender.

Comme dans cette affaire n°79.3170 :

La situation du réclamant est complexe.

Après être passé du régime agricole au régime général, et vice-versa, l'intéressé cotise aux deux régimes depuis le 1er janvier 1965 : il exerce une activité de magasinier dans une société industrielle ; il déclare, en outre, assurer l'exploitation de sa propriété.

Lorsqu'il cesse cette exploitation en 1976, il demande le bénéfice de l'I. V. D.

Ses terres sont situées dans une zone de montagne. A ce titre, l'examen de sa demande est soumis à un régime particulier. La commission départementale des structures agricoles doit se livrer à l'étude comparative de son activité agricole et de son activité non agricole.

La commission conclura que, bien que les revenus tirés de chacune des deux activités soient sensiblement équivalents, l'exploitation agricole ne constitue pas l'activité principale, compte tenu du temps que l'intéressé est censé pouvoir lui consacrer. L'I.V.D. ne sera donc pas accordée.

La position de la commission n'est pas critiquable. Mais l'examen du dossier montre que les différences étaient bien ténues, les possibilités d'interprétation difficiles.

La mission des services responsables n'est pas toujours aisée.

Dans certains cas, il est tout de même manifeste qu'ils agissent dans une grande confusion.

Deux exemples significatifs :

- Fin 1976, l'intéressée demande à bénéficier de l'indemnité viagère de départ à compter de son cinquante-cinquième anniversaire.

Cet avantage lui est refusé au motif qu'elle ne justifie que de 4 ans et 8 mois d'activités agricoles (au lieu des 5 années requises).

Par dérogation à cette exigence, l'I.V.D. lui est accordée à compter de son soixantième anniversaire.

Un réexamen de la situation de l'intéressée révèle qu'elle totalise en réalité plus de cinq années d'activités agricoles, qu'aucune dérogation n'était donc nécessaire à cet égard.

Considérant alors qu'il aurait été normal qu'elle obtienne cet avantage dès 55 ans, elle réitère sa demande initiale.

C'est pour s'entendre répondre : " l'octroi de l'I.V.D. dès l'âge de 55 ans n'est susceptible d'être accordé que dans le cas où le demandeur est reconnu inapte au travail à un taux supérieur à 50 % par un médecin-conseil de la Mutualité sociale agricole. L'examen de la demande se fait selon une procédure propre. Celle-ci doit être entamée avant la date de cessation d'activité ".

Or la réclamante avait bien, dès 1976, fait parvenir à la Mutualité sociale agricole un certificat médical attestant une invalidité de plus de 60 % mais ce service - comme il l'a d'ailleurs reconnu par la suite - n'avait pas alors estimé nécessaire de faire contrôler l'inaptitude puisqu'il pensait que de toute façon l'I.V.D. n'était pas due.

Jusqu'ici l'administration a refusé de revenir sur sa position, un jugement du tribunal administratif lui ayant donné raison.

Un tel refus qui, en droit, s'explique, dans les faits manque de régularité.

Le dossier est toujours à l'étude (affaire n° 80.1594).

- En Mai 1974, l'intéressée demande à bénéficier de l'I.V.D. Après une abondante correspondance, elle se voit, en Janvier 1977, opposer un refus, au motif qu'elle reste usufruitière d'une "parcelle de subsistance " supérieure aux 80 ares admis.

Elle régularise sa situation, transmet l'attestation du notaire dès le mois de Juillet 1977.

Sa demande restant sans réponse, elle adresse un rappel et l'administration l'invite alors à transmettre l'acte authentique d'usufruit, ce qu'elle fait.

C'est pour se voir informer, en septembre 1978, par la commission des structures agricoles, qu'il n'est pas possible de revenir sur la première décision de refus, un trop long délai séparant l'envoi des pièces justificatives de la demande initiale (formulée en mai 1974) !

Le refus étant indiscutablement abusif, le ministre de l'agriculture a accepté, dès l'intervention du Médiateur, d'accorder satisfaction à l'intéressée (n° 79.0892)

ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE.



Le thème des réclamations n'a pas varié par rapport à ce qui avait été dit par le Médiateur dans son rapport de 1979.

Les demandes d'obtention de la carte de combattant et de reconnaissance du titre de déporté ou de résistant continuent à parvenir, ces titres permettant en effet, depuis 1973, de bénéficier d'une pension (civile) de retraite par anticipation.

Les conditions exigées pour se voir reconnaître ces titres sont strictes et le Médiateur n'a pas toujours les moyens techniques de vérifier si ces conditions sont remplies ou non.

Un problème se pose à l'occasion de l'examen de certaines de ces réclamations : l'intervention nécessaire du ministère de la Défense pour la validation des services de résistant.

Il arrive que les deux départements ministériels concernés (Anciens Combattants et Défense) n'adoptent pas les mêmes critères d'appréciation, ce qui n'est pas toujours bien compris des administrés.

Ainsi dans une affaire où le ministère de la Défense a refusé l'homologation comme blessures de guerre, de blessures subies pendant la Résistance, alors que le secrétariat aux Anciens Combattants a pris en compte, pour la délivrance de la carte de combattant volontaire de la Résistance, la période au cours de laquelle l'intéressé avait été blessé (78 3009).

Les demandes relatives à l'attribution ou à la révision d'une pension d'invalidité constituent le second thème des réclamations transmises en cette matière. Elles posent pour beaucoup, et de manière particulièrement aiguë, le problème des preuves : preuves exigées, mais la plupart du temps impossibles à apporter.

A l'examen des requêtes, il semble que l'administration devrait faire preuve d'une plus grande souplesse en exigeant des preuves moins formelles, ce qui éviterait aux intéressés un sentiment d'amertume souvent bien compréhensible.

Un troisième problème demeure mal résolu, celui de l'appréciation de la situation des étrangers devenus Français après la dernière guerre mondiale.

L'intervention du Médiateur a permis que soient maintenant pris en compte les services accomplis dans les armées alliées pendant les campagnes de guerre 1939-1945 par les étrangers ayant par la suite acquis la nationalité française, sous réserve que les intéressés aient servi dans une unité combattante (article 16 de la loi n° 78.753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal).

Tous les problèmes sont cependant loin d'être résolus.

Par exemple :

- La modification susvisée concerne les droits à pension de retraite, mais non les pensions militaires d'invalidité, celles-ci ne pouvant être attribuées qu'aux étrangers qui ont servi dans l'armée française ou dans l'armée d'un pays allié ayant signé une convention de réciprocité avec la France (n° 79 2838).

- Pour pouvoir prétendre à une pension, il est indispensable que la victime civile directe et ses ayants cause aient la nationalité française à la date du fait dommageable et non pas seulement à la date de leur demande (80.2036).

- Il existe, aussi, des situations exceptionnelles qui ne peuvent être réglées qu'en équité. Un exemple : une réclamante qui avait été internée en France pendant la guerre de 1940 parce qu'elle était d'origine israélite, demande à être indemnisée.

De nationalité belge au moment de la guerre, elle est devenue française en 1946.

La Belgique lui refuse toute indemnité en invoquant son actuelle nationalité française. Les autorités françaises invoquent sa nationalité belge au moment des faits pour lui opposer un refus. Quant aux autorités allemandes, elles font valoir qu'elles se sont libérées de leur dette en versant aux Etats belge et français des sommes destinées à indemniser les victimes des persécutions nazies.

Le Médiateur a estimé que la France devait prendre à sa charge l'indemnisation en cause.

L'affaire est encore en cours (n° 78 1235).



RECOMMANDATION



L'affaire n° 75.1583, relative à une demande de réexamen de la pension d'une veuve, a, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet d'une recommandation.

Celle-ci, ainsi que la réponse de l'administration concernée, a été publiée au journal officiel, édition des documents administratifs n° 64, du 25 août 1980. Elle n'a pas encore reçu de solution définitive.

DEFENSE



Les Objecteurs de conscience " OP20 "



L'année 1980 a été marquée par un certain nombre d'évènements, manifestations, articles de presse, prises de position politiques et syndicales, dépôts de propositions de lois au Parlement mettant en lumière les conditions d'application de la loi du 21 juin 1971 sur l'objection de conscience.

Depuis plusieurs années déjà, des candidats au statut d'objecteur ont décidé d'utiliser une lettre type dite " OP20 " pour justifier leur opposition personnelle à l'usage des armes dans laquelle on peut lire : " Mes armes sont la pelle et la pioche pour l'élaboration d'un monde meilleur où tous les hommes pourront vivre en paix, libres et heureux. Je suis au service de l'humanité tout entière sans aucune distinction de race, de religion, d'éthique ".

La commission juridictionnelle chargée d'examiner la validité des demandes conformément à l'article 45 de la loi du 20 Juin 1971 refusa d'accorder à certains d'entre eux le statut d'objecteur considérant que le recours à un texte stéréotypé ne pouvait être le signe de leur sincérité et allait à l'encontre de la prise de position personnelle qui doit être la leur.

Face à ces refus, des candidats objecteurs déposèrent des recours devant le Conseil d'Etat, ces recours n'étant pas suspensifs, ceux qui les formèrent furent soit incorporés soit considérés comme insoumis au service militaire et incarcérés.

Saisi des cas de ces derniers en octobre 1979 et au cours du premier trimestre 1980, le Médiateur ne pouvait rester insensible à la situation de fait créée par la détention de onze jeunes gens contraints d'attendre en prison la décision de cassation du Conseil d'Etat. Ces incarcérations lui apparaissaient d'autant plus " inéquitables " et " abusives " que la Haute Assemblée ne manquerait pas de donner raison aux candidats objecteurs lorsqu'elle serait conduite à statuer.

En effet, selon une jurisprudence jusqu'alors constante, le Conseil d'Etat, dans le cas de demandes de statut formulées à l'aide de la lettre " OP20 ", cassait les décisions de refus de la Commission Juridictionnelle considérant que le caractère stéréotypé de cette lettre ne saurait lui retirer sa valeur de preuve (Arrêt Michalet - 26 décembre 1973) et que les termes utilisés permettaient de justifier les convictions philosophiques nécessaires à la demande de statut. Le Conseil d'Etat considérait également que la Commission devait être censurée lorsqu'il apparaissait qu'elle n'avait pas recherché si les documents du dossier qu'elle avait jugés insuffisants exprimaient, ou non des convictions sincères et personnelles (Arrêt Dollet du 27 juillet 1979) et suggérait (Arrêt Michalet précité) ou recommandait à la Commission Juridictionnelle d'utiliser toutes les mesures d'instruction en son pouvoir, notamment la comparution et l'audition du demandeur. Cette possibilité, facultative (article L 45 de la loi du 20 juin 1971), n'avait jusqu'alors jamais été utilisée.

Dans ce contexte, le Médiateur estimait " plus sage " que, dans l'attente des décisions du Conseil d'Etat, il soit sursis à l'incorporation des intéressés ou qu'à tout le moins, les Parquets militaires n'engagent pas de poursuite (notons sur ce point qu'au terme de l'article 113 du Code de Justice Militaire, le droit de mettre en mouvement l'action publique " appartient dans tous les cas au Ministre des Armées "). Une telle attitude lui paraissait de nature à dédramatiser une situation dont la dégradation pouvait devenir préjudiciable à l'armée.

Si l'article 11 de la loi instituant le Médiateur ne lui permet pas de remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, ce même article lui laisse néanmoins " la faculté de faire des recommandations auprès de l'organisme mis en cause ". Le Médiateur intervint donc auprès du ministère de la Défense afin d'obtenir :

- la libération des objecteurs emprisonnés ;

- la mise en place de mesures susceptibles de retarder l'incorporation dans le service armé jusqu'au prononcé de la décision finale, conformément à la résolution n° 337 (d) adoptée le 26 Janvier 1967 par l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe ;

- le renforcement des moyens de la commission juridictionnelle, afin de faciliter la comparution personnelle des candidats objecteurs.

L'arrêt Dollet du 25 Juillet 1980 allait mettre un terme à l'annulation systématique des décisions de refus du statut d'objecteur de la Commission Juridictionnelle par le Conseil d'Etat.

Pour la Haute Assemblée, la Commission en refusant en l'espèce, le statut d'objecteur au requérant n'a pas jugé que les convictions de ce dernier n'étaient pas de nature à le faire reconnaître objecteur ; elle a jugé que ces convictions n'étaient pas prouvées, leurs qualifications juridiques n'étant pas mise en cause. Dès lors, la Commission s'est livrée à une appréciation des faits qui échappe au contrôle du juge de cassation et n'a pas commis d'erreur de droit en considérant que la demande " OP20 " ne suffisait pas à justifier le caractère personnel des convictions affirmées.

Dans cet arrêt important, le Conseil d'Etat en n'incitant pas la Commission Juridictionnelle à convoquer individuellement les requérants semble prendre quelques distances avec la position constante qui était la sienne sur ce point.

L'arrêt Dollet et l'interprétation qui peut en être faite permet au Ministère de la Défense de répondre au Médiateur qu'il tirera de la décision du Conseil d'Etat " toutes les conséquences selon les règles de procédure normalement applicables dans une telle manière ", précisant que " la Commission n'avait ni violé la chose jugée par le Conseil d'Etat ni commis d'erreur de droit ", évitant par ce biais de répondre aux questions du Médiateur sur les mesures envisagées pour que de telles affaires ne se reproduisent plus.

S'il est incontestable que l'application de cette jurisprudence réduira le nombre des annulations et modifiera dans la pratique les données du problème, il n'en demeure pas moins que, d'une façon générale, celui-ci reste posé. Le Médiateur ne peut, en l'état actuel du problème soulevé par les objecteurs " OP20 ", se satisfaire de la réponse du Ministre, consécutive à l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 juillet 1980.

Une réponse doit être apportée aux questions du Médiateur concernant le développement des moyens d'instruction de la Commission.

Les deux décrets du Ministère de la Défense publiés au Journal Officiel du 30 octobre 1980 peuvent-ils être considérés comme les premières mesures attendues ?

Le premier, du 26 septembre 1980, concerne les indemnités allouées au président et aux membres de la Commission Juridictionnelle.

Il n'apporte qu'une seule modification par rapport aux précédentes dispositions (décret 76.585 du 24/06/1976) ; l'indemnité est désormais allouée " pour chaque rapport définitivement instruit " et non plus pour " chaque séance de jugement ".

L'incidence de ce texte sur l'amélioration du fonctionnement de la commission reste limitée.

Le second décret n° 80.776 peut, par contre, contribuer à cette amélioration souhaitée par le Médiateur.

Des indemnités de vacation sont désormais allouées à des personnes n'appartenant pas à la Commission Juridictionnelle, " pour chaque audition d'un candidat objecteur ".

Ces rapporteurs extérieurs ne pourront intervenir que sur la demande des membres de la Commission et n'auront qu'un pouvoir consultatif.

Cette mesure positive ne doit pas conduire à dessaisir de fait les membres de la Commission de leur possibilité de convoquer personnellement les candidats mais au contraire leur permettre de commencer à y recourir.

Si le problème des onze objecteurs " OP20 " incarcérés a pu trouver partiellement des solutions favorables, il reste néanmoins globalement posé tant que des mesures allant dans le sens de l'amélioration en profondeur du fonctionnement de la Commission Juridictionnelle n'auront pas été apportées, permettant à celle-ci de s'assurer des convictions réelles des candidats objecteurs.

Cette Commission doit, à l'heure actuelle, dans des conditions délicates et difficiles " sonder les reins et les coeurs " d'un nombre croissant de jeunes gens (600 en 1973 - 900 en 1970 - 1026 en 1979).

Le juge administratif, d'une part et le Médiateur, d'autre part, ne peuvent à eux seuls résoudre ce problème.

Tant que le problème de l'application de la loi sur l'objection de conscience n'aura pas fait l'objet d'une étude exhaustive comme le souhaite le Médiateur qui l'a demandée à M. Le Theule, alors Ministre de la Défense, il est souhaitable qu'une attitude de modération soit prise par les parties en présence.

L'objection de conscience ne doit pas être considérée comme un acte d'hostilité délibéré envers l'armée, mais comme l'expression d'une conviction respectable, comme un droit reconnu par le législateur.

Dossiers concernés :

F ... 79 3065
D ... 80 0355
D ... 80 0356
A ... 80 0646
D ... 80 2604


RECOMMANDATION



L'affaire n° 77 0244 relatée dans le rapport de 1979 (page 99) a, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet d'une recommandation.

Celle-ci, ainsi que la réponse de l'administration, a été publiée au Journal Officiel, édition des documents administratifs n°64 du 25 août 1980.

ECONOMIE, BUDGET



On l'a dit et redit, la tâche de l'Administration fiscale n'est pas aisée, qu'il s'agisse des services de l'établissement de l'impôt ou des services de recouvrement.

Dans un souci d'égalité des citoyens devant les charges publiques, la lutte contre la fraude est un élément de cette mission. Or les fraudeurs, les malins, n'hésitent pas à utiliser tous les recours possibles, Médiateur y compris.

C'est certainement ce devoir de lutter contre les risques d'abus - bien réels ! - qui peut expliquer que la réglementation soit souvent tatillonne et laisse peu de part à l'imagination et à la souplesse.

Mais les contribuables scrupuleux existent aussi, et il n'est pas sain de laisser se créer des situations inéquitables par simple peur de l'abus, cette crainte exagérée entraînant une suspicion a priori de l'administration vis-à-vis du contribuable.

Cette méfiance, qui incite souvent les services à interpréter la réglementation dans le sens le plus restrictif, aboutit alors à des résultats qui n'ont sûrement pas été voulus par le législateur, dans la mesure où si la lettre du texte est bien respectée, l'esprit en est certainement déformé.

Il serait inexact de dire que ce réflexe est systématique. Les cas sont cependant fréquents où le Médiateur a pu constater que la première réaction avait été celle de la rigidité.

Les inconvénients de ce réflexe sont d'autant plus grands qu'une certaine solidarité administrative ne permettra pas qu'une affaire à laquelle a d'abord été appliquée une solution contestable soit reconsidérée dans un sens plus équitable.

Il ne faut pas oublier non plus qu'une fois le redressement décidé et le rôle émis, toutes les procédures s'enclenchent. Les mesures simplement conservatoires prises par les services à titre de sûretés pourront se révéler lourdes de conséquences pour le contribuable, pouvant aller jusqu'à ruiner le crédit de son entreprise et, à la limite, entraîner sa perte. Plus grave encore, même s'il apparaît finalement qu'une erreur s'est glissée dans l'imposition, les effets économiques et sociaux des premières impositions ne seront pas réparables.

C'est très probablement ce durcissement inévitable qui est à l'origine de la plupart des " bavures " constatées à l'occasion des réclamations soumises au Médiateur. La gravité de ces bavures atteint des degrés très différents. Certaines sont réparées très facilement. Il se trouve, par contre, des cas où l'on se heurte à un refus acharné et difficilement explicable de la part des services.

Les rubriques dans lesquelles elles peuvent se classer restent celles qui ont déjà été décrites à maintes reprises. A titre d'exemples, on citera quelques cas.

La charge de la preuve incombe toujours à l'administré.

Sous peine de perdre le bénéfice des exonérations temporaires de taxe foncière, les propriétaires ont 90 jours pour informer l'administration de l'achèvement d'une construction nouvelle (réclamation n° 80.1929).

En l'espèce, un contribuable affirmait que la déclaration modèle H1 avait bien été transmise dans les temps au service du Cadastre. Celui-ci affirmait n'avoir rien reçu.

Comment prouver que ce n'était pas l'administration qui avait égaré le document en cause ?

Finalement, l'administration a admis qu'il y avait présomption favorable au réclamant, du fait que le promoteur de la construction avait fourni au tribunal administratif une correspondance dans laquelle il indiquait avoir envoyé ce document en même temps que trois autres déclarations qui, elles, étaient bien parvenues.

Cette affaire ici a pu être satisfaite. Il n'empêche qu'il n'est pas tout à fait normal que lorsqu'un dossier est perdu, l'administré soit d'emblée suspecté de ne pas l'avoir envoyé, et subisse les conséquences de cette perte s'il ne parvient pas à apporter la preuve de l'envoi.

Le problème n'est pas propre aux services fiscaux, mais il demeurera entier tant que l'Administration n'acceptera pas de reconnaître que, elle aussi, est faillible.

En l'espèce également, un pourvoi devant les tribunaux avait dû être engagé, et nous retrouvons là un abus déjà plusieurs fois dénoncé.

L'abus de procédure.

Dans le rapport de 1979, le Médiateur avait spécialement dénoncé le refus de l'administration fiscale de suivre l'avis de la Commission Départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans un litige qui l'opposait à une société d'éditions pour enfants. Ce refus, incompréhensible, obligeait la société à engager un recours contentieux (réclamation n° 78 0972 ; rapport 1979 p. 110).

Malgré de nouvelles interventions du Médiateur, l'administration n'a pas accepté d'infléchir sa position et l'affaire n'a pas avancé.

L'exemple d'une telle obstination n'est pas unique.

- Ainsi cette affaire (n° 77 1243) :

Le code général des impôts prévoit un abattement spécial de 10% pour le calcul de l'impôt sur les plus-values dégagées à l'occasion de la cession à titre onéreux de terrains non bâtis (article 150 ter ancien).

Le texte ne vise de manière expresse que les cessions intervenues au profit de l'Etat, d'une collectivité publique ou d'un établissement public administratif. Une interprétation littérale du texte permet donc d'en refuser le bénéfice aux contribuables expropriés par un établissement industriel et commercial.

C'est cette position que dénonçait en l'espèce le réclamant, exproprié par l'établissement (à caractère industriel et commercial) d'aménagement d'une ville.

Les services fiscaux, s'en tenant à une interprétation stricte, justifiaient leur position en affirmant que le législateur avait certainement voulu " écarter l'ensemble des organismes publics ou semi-publics dont la vocation principalement commerçante est étrangère à la poursuite de stricts objectifs d'intérêt général ".

On conçoit pourtant mal qu'une telle argumentation puisse prévaloir lorsque des organismes - même si leur nature juridique est différente - agissent au nom d'une même autorité expropriante et ont exactement les mêmes attributions.

Malgré cette apparente évidence, et en dépit de diverses relances du Médiateur auprès des services du Budget, ceux-ci n'ont accepté de rectifier leur position qu'après qu'une décision du Conseil d'Etat eût infirmé leur position.

- Autre exemple (n° 78 3025) :

Considérant qu'il y avait dissimulation d'actif dans la déclaration d'une succession dont avait bénéficié une redevable, les services fiscaux lui avaient, en application de l'article 752 du C.G.I., imposé des redressements importants.

Le Tribunal de Grande Instance, saisi du litige, avait rendu un jugement défavorable à l'Administration. Celle-ci avait estimé devoir former un pourvoi en Cassation contre cette décision.

C'est alors que la requérante s'est adressée au Médiateur : elle se plaignait des frais que ce procès allait lui imposer alors que sa situation financière était difficile et qu'elle avait un fils infirme.

Malgré l'intervention du Médiateur pour qu'elle accepte de se désister, les motifs qui avaient entraîné la décision du Tribunal semblant solidement fondés, l'Administration a tenu à aller jusqu'au bout de la procédure et la requérante a dû " suivre ". Le pourvoi a été rejeté par la Cour de Cassation.

A partir de ces affaires, le Médiateur doit, semble-t-il :

- poser la question de son insertion dans l'ensemble des institutions, principalement juridictionnelles, et du rôle précis qu'il doit y tenir.

- tirer un motif de satisfaction, car il est notoire qu'il n'est pas seulement là pour rétablir l'équité, mais aussi pour aider à définir le droit.

L'application littérale des textes engendre trop souvent des situations peu satisfaisantes.

- Un contribuable a déduit du montant de ses revenus imposables les intérêts de l'emprunt qu'il a souscrit pour la construction d'une maison.

Mais cette déduction lui est refusée, et les sommes correspondantes sont réintégrées dans son revenu imposable, parce qu'il a omis de prendre, par écrit, dans une lettre jointe à sa déclaration de revenus, l'engagement d'affecter cette construction à son habitation principale.

Il a pourtant habité effectivement cette maison en tant que résidence principale avant la fin des délais traditionnellement requis en la matière.

Le pénaliser pour le seul non-respect d'une simple formalité au demeurant non substantielle aurait relevé d'un formalisme excessif.

Les services fiscaux ont accepté de se ranger à la position du Médiateur (n° 80 1512).

- Un requérant a recueilli chez lui sa belle-soeur, invalide à 100%, et demande de ce fait le bénéfice d'une part supplémentaire de quotient familial pour le calcul de son impôt sur le revenu.

Les services fiscaux refusent, son cas n'entrant pas dans le cadre précis prévu par l'article 196 du Code Général des Impôts tel qu'il a été interprété par l'administration et la jurisprudence.

En réalité, il aurait droit au régime fiscal qu'il réclame si les parents de cette personne invalide étaient morts.

Or elle a été recueillie parce que ses parents âgés, respectivement de 70 et 80 ans, et titulaires d'une retraite mensuelle de 1.300 francs, n'étaient plus ni physiquement, ni financièrement, capables de s'en occuper.

Les services fiscaux craignent qu'en admettant le transfert du bénéfice de la part supplémentaire accordée aux parents de la personne handicapée à celui qui aura recueilli volontairement cette personne, mais sans avoir expressément droit au régime fiscal dérogatoire, on permette ainsi à un contribuable lourdement imposé d'alléger sa charge fiscale.

Le risque semble pourtant bien mince de voir un contribuable accepter dans ce seul but une charge qui serait autrement plus lourde !

- Un jugement du tribunal administratif a donné raison à l'administration. Mais le Médiateur a estimé que ni l'esprit de la loi, ni l'équité, n'étaient ici respectés.

Le dossier est toujours à l'étude (n° 79 1219).

Ce n'est pas au contribuable de supporter les conséquences des erreurs commises ou des décisions prises par des administrations autres que financières mais ayant des incidences sur sa situation fiscale.

- Un réclamant contestait le redressement qui lui était imposé au titre des droits de mutation d'un terrain à bâtir au motif qu'il n'avait pas construit dans le délai légal.

En réalité, l'achèvement des travaux était bien intervenu dans les délais ; le retard apporté par l'intéressé à produire le certificat de conformité exigible pour bénéficier définitivement de l'exonération des droits de mutation provenait d'un retard des services de l'Equipement.

La bonne foi de l'intéressé ne faisait aucun doute. Aussi le Médiateur a-t-il estimé qu'il serait inéquitable qu'une administration lui fasse subir les conséquences d'un retard dont était responsable une autre administration.

Se rangeant à cette considération, les services fiscaux ont accepté de revenir sur leur position. (n° 79 2771)

- Après avoir loti un terrain qu'elle a reçu par succession, une redevable vend les trois lots ainsi constitués.

Les modalités d'imposition des profits étaient, à l'époque (en 1974), différents selon que le lotisseur avait ou non bénéficié d'une procédure simplifiée existant alors en matière d'urbanisme.

L'arrêté préfectoral autorisant le lotissement n'ayant rien précisé, l'intéressée se voit du même coup appliquer le régime fiscal (moins favorable) prévu pour les lotissements réalisés suivant la procédure normale.

Elle se trouve de ce fait pénalisée pour une omission dont sont responsables les services de l'Equipement, qui eux-mêmes reconnaissent que " si en droit, il n'est pas possible d'assimiler le lotissement en cause aux opérations susceptibles de bénéficier de la procédure simplifiée, une telle assimilation, dans ce cas particulier, leur paraît équitable de fait ".

Saisie du refus des services départementaux de revoir la situation, l'administration centrale a accepté d'adopter une décision équitable (n° 78 1095).

Une autre anomalie se doit d'être dénoncée ; elle se situe en réalité à un autre niveau, mais procède d'un même principe : celui de l'irresponsabilité de l'administration prise dans son ensemble :

Une commission spéciale, chargée de statuer en dernier ressort sur les demandes d'exonération en matière de taxe d'apprentissage, a été prévue par la loi du 16 juillet 1971 ; elle n'a pas encore vu le jour, du fait d'un blocage de l'un des ministères chargés de la mettre en place ! En attendant, c'est le contribuable qui fait les frais de cette absence. (n° 78 2209 et 79 3336).

Une affaire, qui oppose une commune à l'administration centrale, mérite d'être citée.

Une société obtient le permis de construire d'un hypermarché. Mais elle renonce, en cours de chantier, à son projet, et demande le remboursement des 2/3 de la taxe locale d'équipement qu'elle a déjà versé, et l'exonération du 3ème tiers.

Informé de cette demande par les services de l'Equipement, et invité à donner son avis, le Maire de la commune où devait s'implanter l'hypermarché fait savoir que la totalité de la taxe a été utilisée pour financer des opérations d'ailleurs liées à cette implantation.

Deux mois et demi après qu'il eût fait cette réponse, le Maire est informé, téléphoniquement, par le receveur municipal, que la somme de 306.000 Frs correspondant à la taxe versée a été prélevée d'office sur le budget de la commune.

Cette manière de procéder, imputable tant aux services de l'Equipement qu'aux services fiscaux - car la décision a été prise conjointement -, était pour le moins cavalière, et mettait le budget de la commune en grave difficulté.

Le Médiateur a été saisi du litige par le Maire concerné.

Celui-ci ayant également engagé une procédure contentieuse, s'est vu donner gain de cause par le tribunal administratif : la décision du directeur des services fiscaux a, en effet, été annulée au motif que la société avait interrompu ses travaux sans donner de justifications.

L'affaire n'est cependant pas close, car la société a déposé une requête en tierce opposition tendant à rejeter le recours qui a permis d'annuler la décision du directeur des services fiscaux.

Le Médiateur est sans doute tout à fait impuissant dans cette affaire, car on voit mal comment il pourrait demander à la société de renoncer à ses prétentions.

On conçoit cependant difficilement les motifs qui ont pu conduire les services responsables à agir de la sorte (n° 79 2423).

RECOMMANDATION

Les deux affaires, n° 76.2198 relative à la situation des bénéficiaires de rentes d'accident du travail, et n° 79.0060 concernant l'indemnisation d'entreprises de travaux publics, ont, dans le cadre de l'article 9 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur, fait l'objet de recommandations.

Celles-ci, ainsi que les réponses des administrations concernées, ont été publiées au Journal Officiel, édition des documents administratifs n° 64, du 25 août 1980. Elles n'ont pas encore reçu de solution définitive.

EDUCATION, UNIVERSITES


Un refus de visa inéquitable par un contrôleur financier.

L'école J... avait bien fait toutes les démarches afin de bénéficier des allocations de scolarité attribuées par l'Etat aux établissements privés, sous certaines conditions.

Certes, le dossier n'avait-il pas été remis dans les délais au comité national de conciliation. Mais le préfet était le seul responsable de ce retard.

Le contrôleur financier du Ministère de l'Education avait usé de ses prérogatives en refusant de viser le virement du montant de l'allocation au motif que le département étant seul créancier de l'allocation scolaire -à l'exclusion de l'établissement concerné-, la prescription ne pouvait être interrompue que par une démarche écrite du préfet, représentant de cette collectivité.

Il avait raison en droit, mais non en équité.

Sur intervention du Médiateur l'Ecole J... s'est enfin vue allouer les allocations dues. (78 2142)

Les conséquences néfastes de la loi d'orientation du 12 septembre 1968.

Cette loi permet au président d'une université d'examiner chaque demande d'inscription en première année du premier cycle, lorsqu'elle est formulée par un étudiant titulaire d'un baccalauréat ou d'un titre admis en équivalence antérieure à l'année d'inscription, et quand le demandeur n'a pas validé l'année d'études qu'il termine.

C'est ainsi que Mlle S... n'a pu entreprendre des études à l'U.E.R. d'éducation physique et sportive de L... bien qu'elle ait réussi son examen d'entrée.

Le président de l'Université lui a, en effet, refusé le transfert de son dossier de l'U.E.R. de médecine à l'U.E.R. d'éducation physique et sportive.

Certes Mlle S.... qui avait suivi les cours de médecine dans le but de mieux se préparer pour la seconde fois à l'examen d'entrée à l'U.E.R. d'éducation physique, sans interrompre ses études, avait obtenu des notes très faibles dans certaines matières du P.C.E.M.

Elle avait, cependant, réussi le difficile examen d'entrée à l'U.E.R. d'éducation physique ; ainsi lui était ouverte la voie vers une activité conforme à ses aspirations et ses aptitudes.

L'affaire est en cours (n° 79 3052).

Le manque de coordination entre deux Universités 

Alors que la convention liant l'Université de M... II et l'Université de N... avait été suspendue par les autorités de tutelle le 11 février 1980, les responsables de l'Université de N... ont pris le risque d'organiser, le 29 mai, un concours de recrutement, laissant croire aux étudiants que la décision de ne pas autoriser des étudiants à s'inscrire en première année de la section sciences et techniques d'activités physiques et sportives de N... avait été rapportée. Or la suspension de la convention susmentionnée enlevait à l'Université de N... toute possibilité d'organiser un tel concours.

Ce n'est qu'une fois les épreuves passées et les résultats affichés qu'a été notifiée aux candidats la décision de suppression de la formation en cause à N...

L'affaire n'est pas encore réglée (n° 80 3193).

Une ambiguïté dont profite l'administration : la nature périodique des allocations de recherche.

M. M... a passé un contrat avec le Rectorat R... et a bénéficié sous forme de bourse d'une allocation de recherche d'un montant de 2 000 francs par mois. Cette allocation semblait, toutefois, présenter toutes les caractéristiques d'un salaire puisqu'elle devait être déclarée au titre de l'impôt sur le revenu et donner lieu à précompte des cotisations du régime général de sécurité sociale et de l'IRCANTEC, mises à la charge de l'intéressé.

Cependant le rectorat refuse de voir dans cette bourse un salaire quand M.M... lui demande une attestation d'emploi dont il a besoin pour constituer un dossier de demandeur d'emploi auprès de l'A.N.P.E.

Il n'est pas équitable que la nature de l'allocation diffère selon les intérêts en cause. C'est pourquoi le Médiateur a demandé au rectorat sur quelles bases juridiques il s'appuyait pour qualifier de " bourse " l'allocation d'étude versée aux étudiants, alors qu'elle réunit toutes les caractéristiques d'un salaire (n° 78 3321).

Une fois de plus le Médiateur intervient en matière d'organisation scolaire :

A l'avant-veille de la rentrée, le Maire de S... était informé par l'Inspecteur d'Académie de son intention de ne pas pourvoir le poste de l'Ecole à classe unique de M..., devenu vacant du fait de la mutation de l'institutrice.

Malgré toutes les interventions des organisations syndicales de la municipalité de S.... et surtout des parents et de la population de M.... le poste n'était toujours pas pourvu...

Or la procédure réglementaire n'avait pas été respectée puisqu'à aucun moment, ni au Comité technique paritaire départemental, ni au Conseil départemental des écoles primaires, la fermeture de l'école de M… n'avait été envisagée et aucune proposition de fermeture n'avait été adressée au Recteur de l'Académie.

Sur l'intervention du Médiateur l'école a été réouverte.

ENVIRONNEMENT ET CADRE DE VIE



Les fluctuations et l'incertitude des décisions de l'administration en matière d'urbanisme risquent de lui faire perdre de sa crédibilité.

La mise en oeuvre de la politique de l'urbanisme par l'administration cause parfois préjudice ; que le mal soit dû au flou du cadre juridique ou au comportement arbitraire de l'Administration, les remèdes semblent résider dans l'information des intéressés et dans une motivation plus précise des décisions administratives ; peut-être aussi dans un accroissement des responsabilités des Maires en la matière.

Du flou à l'arbitraire.

1. Le flou des textes.

Bien souvent, les textes sont à l'origine du flou des décisions de l'Administration. Certaines réglementations sont si vagues qu'elles peuvent donner lieu à des interprétations assez divergentes.

L'article R 111. 14. 1. (Décret n° 77 755 du 7 juillet 1977) en est un exemple : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature, par leur localisation ou leur destination :

a) A favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ;

b) A remettre en cause l'aménagement des périmètres d'action forestière et des zones dégradées visées aux 2° et 3° de l'article 52.1 du Code rural ;

c) A compromettre les activités agricoles ou forestières notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains produisant des denrées de qualité supérieure, ou comportant des équipements spéciaux importants ;

C'est sur cet article que le préfet s'appuie pour refuser d'accorder à M. L... un certificat d'urbanisme. Le préfet considère en effet que bien que le terrain en cause ne soit pas actuellement cultivé, toute construction à cet endroit " serait de nature à compromettre les activités agricoles " (n° 80 0639).

C'est toujours selon ce même article et au motif que " son terrain étant situé à l'écart de l'agglomération et dans une zone à vocation agricole, la construction prévue serait de nature à favoriser une urbanisation excessivement dispersée ", qu'un préfet estime que M. C... ne peut construire, ceci malgré l'avis favorable du maire qui, pour sa part, avait fait une application moins restrictive de l'article R 111. 14.1. (80.0293).

Parfois la loi n'est pas assez précise : l'arrivée d'un second enfant dans un foyer constitue-t-elle un motif social suffisant pour donner droit à l'agrandissement du pavillon des intéressés nonobstant un dépassement du COS ? Si le maire et les services de l'Equipement ont donné leur accord, le préfet refuse quant à lui d'octroyer le permis de construire à la famille C.... Il semble pourtant bien s'agir d'un cas d'amélioration de l'hygiène des locaux par leur agrandissement, susceptible d'entrer dans le cadre de l'article R 112.2 du Code de l'Urbanisme. (80.0104)

Enfin, il n'est pas rare de rencontrer des contradictions entre différentes législations. C'est ainsi que la réglementation relative au classement des sites ne tient pas forcément compte des dispositions d'urbanisme : M. R... s'est vu accorder, le 21 juillet 1976, un permis de construire approuvé tant par le ministère de l'Equipement que par la Commission des sites.

Il est fort surpris lorsqu'il apprend, le 1er août 1977, que le Ministère de la Culture a ouvert, par décision du 21 juillet de la même année, une instance de classement sur son terrain. De ce fait, il est obligé d'interrompre immédiatement les travaux commencés quelques mois plus tôt, car l'article 9 de la loi modifiée du 2 mai 1930 relative au classement des sites stipule :

" A compter du jour où l'Administration des Affaires Culturelles notifie au propriétaire d'un monument naturel ou d'un site son intention d'en poursuivre le classement, aucune modification ne peut être apportée à l'état des lieux ou à leur aspect pendant un délai de deux à douze mois, sans autorisation spéciale du Ministre des Affaires Culturelles "...

Cette autorisation lui est refusée ce qui est tout à fait légal, mais l'administration, loin d'adoucir la rigueur et l'incohérence des textes, les a aggravé par un comportement des plus critiquables : en effet, le préfet ainsi que le Ministre des Affaires Culturelles ont négligé de répondre aux premières lettres de l'intéressé ainsi que de motiver la décision de rejet de la demande d'autorisation spéciale.

Ces négligences étaient d'autant plus regrettables qu'une erreur matérielle avait été commise par les services de la Direction Départementale de l'Equipement lors de l'élaboration des documents graphiques du projet de plan d'occupation des sols de ladite commune : ces documents ne respectaient pas les conclusions auxquelles était parvenu le groupe de travail, lequel avait décidé le classement en zone N.D. de l'ensemble des terrains inclus dans le périmètre du site à protéger.

Le décret du 2 novembre 1978 classant le site autorise finalement M. R... à poursuivre ses travaux sous réserve du respect de certaines conditions conciliant la sauvegarde du site et la prise en considération de droits définitivement acquis.

Néanmoins ce dernier demande à l'Administration la réparation du préjudice subi du fait de l'interruption des travaux. Devant le refus d'accord amiable de celle-ci, il dépose un recours contentieux devant le tribunal administratif en juillet 1979. Il devra déposer à nouveau un recours devant le juge de l'expropriation car c'est la juridiction judiciaire qui est, ici, compétente. (n° 77.2813)

C'est souvent la volonté du législateur que de voter des textes imprécis de façon à laisser une marge de manoeuvre à l'administration qui, malheureusement, ne l'utilise pas toujours dans l'intérêt de l'administré.

Il faudrait, aussi, que les services adaptent leur action aux textes lorsque ceux-ci posent certaines prescriptions précises.

Ainsi dans cette affaire où le réclamant, obtempérant aux injonctions qui lui ont été signifiées par le préfet de Police, a fait commencer, dans le délai qui lui était imparti, les travaux de ravalement de son immeuble. C'est pour se voir par la suite refuser la subvention d'investissements qu'il avait sollicité, au motif que les travaux étaient déjà commencés, un décret du 10 mars 1972 posant en effet le principe de l'antériorité de la décision attributive de subvention au commencement de réalisation des travaux (n° 76 2013).

2. Le comportement arbitraire de l'administration.

Parfois, les décisions des services sont empreintes d'arbitraire.

Cela peut être dû aux hésitations de l'administration dans ses options, à des contradictions, imprévisibles, bien sûr, pour l'administré mais qui lui porteront préjudice.

Ainsi M. B... s'était bien préoccupé, avant d'acquérir son immeuble, de savoir si l'établissement public chargé de l'aménagement d'une région entendait exercer son droit de préemption : ce dernier lui avait confirmé par lettre qu'il y renonçait ; les services de l'Equipement avaient eux aussi certifié que l'immeuble n'était frappé d'aucune servitude administrative.

C'est donc avec la certitude d'une renonciation au droit de préemption, laquelle donnait légitimement à penser qu'il ne pouvait y avoir d'expropriation ultérieure, que Monsieur B... achetait sa propriété.

Mais aussitôt après, l'établissement public décide d'exproprier une partie de cet immeuble pour l'aménagement d'une ville nouvelle située dans la région en cause.

Notons qu'en juin 1980, après l'intervention du Médiateur, le préfet a annoncé que l'établissement public ne procéderait finalement pas à l'expropriation des parcelles de M. B... moyennant l'engagement de ce dernier de maintenir en l'état d'espace vert l'une des parcelles (79 3202).

Il arrive que l'administration se lance dans des opérations sans s'assurer qu'elle en a bien les moyens, ou change de politique et doive abandonner son projet, au détriment de l'administré :

Une société d'économie mixte n'a pu indemniser Mme T... après l'avoir exproprié en 1973, car elle n'a pas poursuivi le projet d'aménagement de la zone d'habitation faute de crédits.

Lorsque l'intéressée demande à être payée, elle reçoit une lettre de la société dont voici un extrait : " J'ai le regret de vous faire savoir que la situation n'a pas évolué et que nous sommes toujours dans l'impossibilité de vous faire connaître la date à laquelle nous pensons vous indemniser pour cette expropriation ".

En janvier 1980 la requérante adresse une mise en demeure à la société d'économie mixte de notifier ses offres, selon l'article R. 13.20 du code de l'expropriation.

La société ne répond pas et lorsque la justice est saisie, elle propose, dans son mémoire d'offres, le même prix que celui proposé 7 ans auparavant ! (n° 78 2699).

Enfin il arrive malheureusement que l'arbitraire soit pur et simple. Dans les deux affaires suivantes, l'administration use délibérément d'un pouvoir discrétionnaire pour refuser ou attribuer un permis de construire, pouvoir qui ne lui est pas reconnu par les textes.

- Dans le premier cas, un maire se fonde sur trois motifs différents pour faire échec aux annulations successives par le tribunal administratif des refus de permis de construire opposés à Monsieur M... : sont ainsi invoqués d'abord l'atteinte au site, puis la vocation hôtelière de la région, enfin le dépassement de COS, celui-ci venant d'être modifié par le maire. Le permis est enfin accordé par le préfet après plusieurs jugements du tribunal en faveur de l'intéressé et l'intervention du Médiateur (n° 75 1516).

- Pour M. P…, par contre, le permis de construire a été accordé un peu facilement par l'administration. M. B..., son voisin, qui souffre d'un trouble de jouissance occasionné par la construction de l'immeuble en question, ne peut obtenir la démolition de celui-ci alors même que les cinq permis de construire octroyés successivement à M. P... ont fait l'objet d'un sursis à exécution ou ont été annulés par le tribunal administratif.

Enfin le préfet prend un arrêté faisant sommation à M. P... d'interrompre immédiatement les travaux or ceux-ci sont terminés, l'immeuble habité... (80 1598).

Cette maladministration pourrait souvent être évitée, encore plus en matière d'Environnement que dans d'autres secteurs :

- par une meilleure information des administrés,

- par une motivation plus précise des décisions.

- par davantage de considération envers les avis du Maire dont, aux yeux de l'administré, la responsabilité est engagée.

On peut aussi se demander si la responsabilité de l'administration ne pourrait être plus largement engagée. Le nombre des négligences et des iniquités en serait certainement affecté.

De la transparence à la responsabilité.

1. Le manque d'information et de motivation.

L'administration n'accomplira jamais un suffisant effort d'information ; la complexité des procédures permet, malheureusement, de l'affirmer. Cette constatation ne saurait, cependant, conduire à décourager les initiatives ni à ignorer les progrès constants réalisés dans ce domaine. Les directions départementales de l'Equipement, notamment, diffusent des brochures de vulgarisation dont l'utilité est incontestable mais dont, néanmoins, l'adaptation aux besoins reste imparfaite. On peut attendre de l'installation récente des modérateurs placés auprès des directeurs de l'Equipement dans certains départements une amélioration de la diffusion de l'information.

En effet, l'administration doit s'efforcer de donner une information précise et complète pour éviter les litiges inutiles : M. L... se plaint de ce que les services de l'Equipement ont omis de lui indiquer de n'entreprendre aucuns travaux avant l'obtention de la prime à l'amélioration de l'habitat, bien qu'il ait demandé les conditions d'attribution de cette aide de l'Etat aux dits services (80 2493).

Par ailleurs, si l'Administration était obligée de motiver de façon rigoureuse ses décisions, pourrait-elle changer si aisément de politique comme dans le cas suivant ?

M. R... a passé sa vie à attendre une décision définitive des services administratifs ; il a d'abord renoncé, en 1949, à exploiter lui-même sa propriété menacée d'emprise pour l'extension d'une base aéronavale.

Ce projet est laissé en suspens et ce, jusqu'en 1977, date à laquelle son terrain est classé en zone N.A. dans le P.O.S. en cours d'élaboration.

M. R... songe alors à une reconversion vers le tourisme, mais il apprend en 1980 que les terrains en cause seront affectés à la réalisation d'une nouvelle piste de l'aérodrome local. L'opération n'est cependant pas encore sûre, car la procédure de révision du P.O.S. est en cours ; M. R... doit encore attendre, sans information précise, donc sans pouvoir exploiter son terrain. (80 2998)

Il semble d'ailleurs que l'administration laisse souvent l'administré dans l'incertitude quant au sort de ses biens : M. T... attend depuis 1976 la vente de son terrain à l'Etat : des incertitudes subsistant quant au tracé définitif de la voie rapide urbaine en vue de laquelle est faite l'expropriation, l'intéressé attend toujours la décision... (802445).

Malgré la récente loi sur le droit d'accès des administrés aux documents administratifs, il arrive encore aux services de l'Environnement de ne pas fournir des documents, et ce malgré l'avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs (C.A.D.A.).

De fait, l'administration n'éviterait-elle pas souvent des erreurs si elle motivait mieux ses décisions ? Si une meilleure coordination existait entre services de l'Equipement et services Municipaux concernés ?

Ceci semble ressortir d'une affaire dans laquelle l'administration, après avoir incité le propriétaire d'un terrain à des dépenses de viabilité, lui refuse ensuite l'autorisation de construire lorsque les travaux ont été réalisés, et ce en s'appuyant sur les études en cours d'un P.O.S. :

Le 29 juillet 1974 un certificat d'urbanisme considère comme constructible le terrain de M. L..., à condition, toutefois, que ce dernier fasse des travaux d'alimentation en eau et électricité (n° 77 0056).

L'intéressé fait donc procéder à d'importants travaux, lesquels s'élèveront à 80.000 Frs, en vue d'obtenir un permis de construire, qui lui est cependant refusé, en toute légalité certes mais au mépris de l'équité !

En effet, le certificat d'urbanisme favorable de 1974 ne peut être pris en considération dans la mesure où il a été établi avant la prescription du POS, sur la base du règlement national d'urbanisme. Toutefois le commissaire enquêteur fait lui-même remarquer l'absurdité de la situation :

" il est en effet déconcertant d'avoir à constater qu'à quelques mois d'intervalle, ce terrain ait pu être classé administrativement constructible alors qu'il ne comportait pas les éléments de viabilité indispensables, tandis que dès que ceux-ci ont été réalisés malgré de sérieuses difficultés matérielles et au prix de sacrifices pécuniaires importants, des décisions à contresens soit intervenue pour le déclarer inconstructible du fait de son classement en zone N.A ".

Cette réclamation n'est pas isolée (voir aussi le n° 80 0440)

Une motivation plus sérieuse n'éviterait-elle pas ce genre de situation ?

Le respect des principes posés par la circulaire du Premier Ministre, en date du 31 août 1979 (Journal Officiel du 4 septembre 1979) prise pour l'application de la loi du 11 juillet 1979, devrait permettre de lever bien des ambiguïtés.

2. L'engagement de la responsabilité de l'administration.

Lorsqu'un préjudice est causé à un administré et qu'étant le fait de l'administration qui s'est trompée, il est cause d'une injustice flagrante, cette responsabilité ne devrait-elle pas être engagée ?

A toute manifestation de pouvoir devrait correspondre un responsable. Ce dernier n'apparaît pas toujours clairement à l'administré :

L'administration par exemple accorde, en application des dispositions de l'article R 315.11 du code de l'urbanisme, un certificat de vente de lotissement à un promoteur, bien que les travaux de voirie et de viabilité n'aient pas été achevés. Lorsqu'une réclamante, qui a acheté une parcelle dans ce lotissement, vient se plaindre, l'administration dégage sa responsabilité et l'invite à intenter une action judiciaire à l'encontre du promoteur (n° 78 1123).

Il est anormal que l'intérêt particulier soit bien souvent nié au nom de l'intérêt général : en matière d'urbanisme, on en arrive ainsi à une véritable spoliation par le biais de la non-indemnisation des servitudes administratives.

En voici deux exemples à travers lesquels on verra une habile utilisation de sa Puissance par l'administration qui procède à la dépréciation de ce qu'elle veut acquérir.

- Devant le refus de vendre de M. M... l'administration n'accorde pas le permis de construire. Elle essaie de s'approprier le domaine, mais ne veut pas en payer le prix évalué par les juges.

L'interprétation de la réglementation sur la sauvegarde des espaces verts aboutit ici à une stérilisation complète d'un magnifique domaine, en périmètre urbanisé, devenu tout aussi inutile pour son propriétaire que pour la collectivité (75 2009).

- Dans la seconde affaire, c'est par une double procédure que l'administration cause un lourd préjudice à M. B..., victime d'une double servitude : 11.600 m2 sur lesquels la SAFER a exercé son droit de préemption ; premier dommage subi par l'intéressé, la perte de son terrain ; 11.600 m2 classés en zone N.C. par le POS : voilà le deuxième dommage, à savoir la dévaluation de ce même terrain par son classement en zone non constructible. Les deux servitudes, POS et remembrement, auxquels sont assujettis les terrains de M. B... dévaluent considérablement ses biens (80 2488).

Enfin le préjudice devrait d'autant plus être réparé qu'il résulte d'une erreur de l'administration !

Hélas cette solution n'est guère retenue.

Victimes d'une procédure d'expropriation ultérieurement annulée tant par la Cour de Cassation que par la juridiction administrative, M. et Mme D... ayant déjà subi un préjudice, continuent d'être lésés :

En effet, en raison des transcriptions des ordonnances rendues par le juge de l'expropriation faites à la Conservation des hypothèques, et qui subsistent sur les fiches des immeubles visés par la procédure, les intéressés ne peuvent plus à l'égard des tiers, justifier de leurs droits exclusifs de propriété sur les parcelles en cause, celles-ci étant considérées comme " sorties " de leur patrimoine.

Après intervention du Médiateur, l'affaire a été réglée (78 0070).

On peut se réjouir que les juges portent atteinte au sacro-saint principe d'irresponsabilité des pouvoirs publics en cas de modification des servitudes d'urbanisme, lorsque les décisions prises en raison d'une nouvelle politique causent un préjudice anormal aux intéressés :

Ainsi le promoteur du centre de commerce international des Halles de Paris a été indemnisé de 70 millions pour l'abandon du projet et l'Etat a été condamné, en octobre dernier, à verser une forte indemnité aux promoteurs de la tour " Apogée " dont la réalisation dut être abandonnée sur son initiative.

Il faut signaler aussi que des procédures d'indemnisation à l'amiable commencent à se mettre en place.

Ainsi, dans une affaire où le réclamant se plaignait de ce que le permis de construire qu'il avait obtenu ait été annulé par le Conseil d'Etat : l'administration ayant commis une erreur en délivrant l'autorisation de construire, l'intéressé a pu obtenir l'indemnisation des frais que lui avait occasionnés cette erreur (n° 76 3007).

Il faut espérer que ces procédures se généraliseront.

Dans une récente circulaire, le Ministre de l'Environnement et du Cadre de Vie précisait :

" La qualité de l'information et du conseil apportés aux usagers est un élément essentiel au bon fonctionnement d'un service public. C'est pourquoi je lui ai attribué une importance spécifique dans ce programme d'ensemble pour un meilleur service à l'usager que j'ai présenté au Gouvernement en avril 1980...

Le Médiateur reste d'autant plus volontiers sur cette note d'espoir que si les dossiers dont il doit débattre avec ce Département sont le plus souvent aussi difficiles à résoudre que lourds d'importance pour les administrés, la qualité des échanges d'information entre les deux " parties " ne souffre jamais de l'ardeur des discussions.

RECOMMANDATIONS

Les trois affaires n°s 76 0858, 78 0128 et 78 2626 qui avaient, dans le cadre de l'article 9 de la loi sur le Médiateur, fait l'objet de recommandations (cf. rapport de 1979) ont été publiées, ainsi que les réponses des administrations concernées, au Journal Officiel, édition des documents administratifs n° 64 du 25 août 1980.

FONCTION PUBLIQUE



Plus de 16 % des réclamations reçues en 1980 (1030 dossiers) : une importance qui ne se dément pas dans un secteur pourtant en grande partie hors des attributions du Médiateur.

Dès la mise en place de l'Institution, le nombre de dossiers soumis au Médiateur par des agents de l'administration ou des services publics a été tel que l'article 8 n'a pu s'appliquer de manière très stricte. Sous la pression des faits, le Médiateur avait considéré qu'il pouvait examiner les réclamations transmises par des agents publics lorsque n'était pas remise en cause l'autorité du pouvoir hiérarchique.

La loi du 24 décembre 1976 précise que l'irrecevabilité ne s'applique pas lorsque l'agent a cessé ses fonctions.

Même interprété largement, l'article 8 tel qu'il est libellé actuellement, oblige à écarter bon nombre de réclamations transmises en ce domaine (notamment demandes de reconstitution de carrières, de mutation etc ...).

Celles-ci continuent cependant à affluer.

Est-ce parce que le Médiateur est souvent perçu comme le dernier recours ?

Est-ce parce que les systèmes de protection mis en place ne fonctionnent pas toujours de manière idéale ou ne sont pas perçus par les intéressés comme leur assurant toutes les chances de convaincre leur administration ?

Il y a sans doute un peu de vrai dans chacune de ces explications.

De nombreux problèmes apparaissent à l'examen des réclamations ; on se bornera à l'évocation succincte de quelques-uns d'entre eux.

Le dualisme de compétence.

L'intervention de deux administrations - le service employeur et le Ministère du Budget - nécessaire dans la plupart de ces litiges n'en facilite pas le règlement. Ainsi dans cette affaire où la réclamante, employée dans un centre hospitalier universitaire, se voyait réclamer le remboursement d'un trop-perçu parce que le Ministère de l'Education l'avait rétribuée par erreur sur un indice supérieur à celui qui lui était applicable (n° 77 3023).

L'intéressée ne contestait pas qu'un arrêté soit venu rectifier sa situation administrative pour l'avenir ; mais elle s'élevait contre l'obligation de rembourser.

Le recteur a émis un avis favorable à ce que cet agent puisse bénéficier d'une remise intégrale de sa dette. Les services du Budget n'ont accepté qu'une remise partielle.

On trouverait en sens contraire, mais toujours au désavantage de l'individu, des cas où les services comptables exécutent, comme ils y sont contraints par les règlements, des décisions de l'ordonnateur rectoral.

Les mêmes divergences se constatent fréquemment dans le domaine des pensions.

C'est, la plupart du temps, l'administration du Budget qui a le dernier mot.

Les solutions finalement adoptées ne sont pas toujours absolument satisfaisantes.

Les difficultés liées au dualisme des compétences apparaissent dans d'autres cas.

Par exemple, le cas de certains fonctionnaires en arrêt de travail pour raisons de santé lorsque leur situation dépend en même temps d'une décision des médecins du comité médical et de ceux du régime général.

En effet, lorsqu'ils ont épuisé leurs droits statutaires, ces agents peuvent, en tant qu'assuré social, bénéficier de prestations en espèces. Celles-ci sont versées par l'administration, mais le contrôle médical de leur validité incombe au médecin-conseil du régime général.

Il y a problème lorsque ce praticien estime que l'intéressé est apte à reprendre le travail alors que le comité médical ne partage pas cet avis.

Ces divergences ne résultent bien évidemment pas d'un arbitraire pur et simple, mais s'expliquent par le fait des conditions plus sévères généralement exigées par le comité médical, celui-ci estimant que la nature de l'emploi requiert certaines conditions physiques particulières (la plupart des dossiers reçus par le Médiateur sur cette question avaient été transmis par des agents des P et T).

Quoi qu'il en soit, l'inconvénient pour " l'administré " demeure : le versement des indemnités journalières est interrompu.

Le cas a été à plusieurs reprises soumis au Médiateur. Celui-ci a estimé devoir s'en saisir dans la mesure où était en cause un défaut de coordination entre services.

Il ne se trouvait d'ailleurs pas seul à être sensibilisé au problème : au début de l'année 1980, une instruction de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés est venue établir une structure de concertation entre les deux autorités médicales, pour les affaires dont la responsabilité lui incombe.

Il est encore trop tôt pour juger de l'efficacité de cette coordination ; il semble, cependant, que nombre de difficultés devraient être aplanies.

Les demandes de validation de services d'auxiliaire (formulées au titre de l'article L.5 du Code des pensions civiles et militaires de retraite) ont continué d'être un sujet fréquent de litiges.

Une des principales lacunes du système devrait cependant être comblée : celle qui mettait en cause une mauvaise information des intéressés, souvent ignorants de la nécessité de formuler expressément les demandes de validation et, bien entendu, sans attendre leur radiation des cadres.

Devant l'afflux des réclamations, les Ministres de l'Economie et du Budget ont pris les devants en rappelant systématiquement à leurs agents, un an avant l'âge de la retraite, cette possibilité de validation.

Le décret du 2 octobre 1980 " tendant à accélérer le règlement des droits à pension de retraite de l'Etat " généralise cette procédure (le décret oblige chaque administration à communiquer à chacun de ses agents, deux ans au moins avant la date de la retraite, un état détaillé des services effectués ainsi que des périodes d'activité pouvant ouvrir droit à pension au titre de l'article L.5). Ses dispositions vont tout à fait dans le sens souhaité par le Médiateur.

Par contre, en ce qui concerne la nature même des services validables, on constate encore des cas d'illogismes. (cf. à cet égard le rapport de 1978 pages 163 et suivantes).

Les dossiers semblent refléter en réalité une certaine volonté de limiter au maximum les validations possibles, par une interprétation très littérale de la loi.

Quelques exemples :

- Les professeurs délégués d'éducation physique de la ville de Paris s'étaient vus, dans un premier temps, refuser la validation de leurs services, parce qu'ils n'effectuaient pas le minimum requis de 18 heures de cours par semaine : ils n'étaient, en effet, tenus par leur statut qu'à un enseignement de 12 à 16 heures ! Après réexamen, leur cas a pu être satisfait (n° 79 2458).

- Les services accomplis en tant qu'interne dans un centre hospitalier privé ne sont pas validables alors qu'ils le sont dans un centre public (n° 80 1764).

- Un décret du 17 mars 1978 permet la prise en compte, pour le déroulement de la carrière d'enseignants publics, des services effectués dans des établissements d'enseignement privé sous contrat. Selon le Ministère du Budget, ces mêmes services ne peuvent, par contre, être validés pour le calcul de la pension.

- Il a fallu l'intervention du Médiateur pour qu'un agent obtienne la validation pour la retraite de services accomplis sur deux emplois à mi-temps au sein d'un même département ministériel : la réglementation de l'époque à laquelle avaient été accomplis ces services ne prévoyait pas la validation d'activités à mi-temps. Seule une fiction juridique assimilant ces deux " mi-temps " à un " plein temps " en a permis finalement la prise en compte (n° 79 2453).

Souci de limiter au maximum les validations de services, c'est ce qui apparaît aussi lorsque l'activité a été accomplie par des étrangers devenus Français par la suite (n° 80 0672) ( cf. également ce qui est dit au titre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre).

L'intéressé a enseigné dans une école municipale française de Droit en qualité d'auxiliaire en 1945. Il avait alors la nationalité belge. Il devient Français en 1963 et prend sa retraite en 1974.

Il ne parvient pas à obtenir la validation de ses services d'auxiliaire, ceux-ci ayant été effectués alors qu'il était étranger.

Il en avait demandé la validation le 10 novembre 1974. Un arrêt du Conseil d'Etat (arrêt Aaron) intervenu le 22 novembre, et rompant avec une jurisprudence antérieure, reconnaît la légalité d'une telle prise en compte.

Les services du Budget n'acceptent pas de revenir sur leur refus, qu'ils légitiment par le fait que l'intéressé a été mis à la retraite avant l'intervention de la décision précitée.

Le Conseil d'Etat, consulté sur cette affaire, considérant que la jurisprudence ne faisait que préciser ou interpréter la loi, mais qu'elle ne la créait pas, a estimé que le refus de l'administration ne se justifiait pas.

L'affaire est encore en cours.

Un troisième problème mérite d'être signalé au titre de ce chapitre, c'est la difficulté d'établir une distinction, qui ne soit pas arbitraire, entre l'erreur de droit ou l'erreur matérielle qui a pu entacher l'opération de liquidation d'une pension.

La qualification de l'erreur est en effet d'importance puisqu'en cas de contestation, l'erreur de droit ne pourra plus être réparée au-delà d'un délai d'un an, tandis que l'erreur matérielle peut être rectifiée à tout moment (article L.55 du code des pensions civiles et militaires de retraite).

La distinction n'est pourtant pas aisée à faire.

Un exemple : une réclamante demande à bénéficier de la bonification spéciale accordée aux fonctionnaires qui, durant la guerre de 1914 -1918, sont demeurés dans les zones bombardées ou les régions envahies. Le Ministre du Budget lui oppose un refus car, en 1947, au moment de la liquidation de la pension de l'intéressée, il n'était pas encore admis d'accorder cette bonification aux agents qui, comme elle, avaient la qualité d'auxiliaire et non de titulaire lors de l'accomplissement de leurs services.

En 1949, le Ministre revient sur cette interprétation qu'il donnait des textes et donne satisfaction aux demandes similaires qui lui parviennent ultérieurement.

Considérant que le Ministre avait eu en main tous les éléments utiles à l'appréciation de la situation de la requérante au moment de la liquidation de sa pension, l'erreur a été qualifiée " erreur de droit " par l'administration et n'a donc pas pu être réparée parce qu'atteinte par la forclusion (78 2500).

Dans une autre affaire, le réclamant contestait la valeur des bénéfices de campagne retenue dans le calcul de sa retraite, mais il s'était vu opposer la prescription (76 0394).

Il faut d'ailleurs préciser qu'avant l'intervention de la loi (n°77.574) du 7 juin 1977, le délai pour contester une pension n'était que de six mois en cas d'erreur de droit.

Saisi de plusieurs affaires où il apparaissait nettement qu'un tel délai aboutissait à des résultats iniques, le Médiateur avait demandé que le délai de révision soit porté à deux ans. Il n'avait obtenu que partiellement satisfaction puisque le délai ne fut porté qu'à un an, les réclamations qui avaient permis la mise en place de la modification ne pouvant elles-mêmes être satisfaites, en vertu du principe de non-rétroactivité des lois.

Dans la seconde réclamation signalée ci-dessus, le sénateur intervenant, mécontent de la solution initiale donnée par le Médiateur à ce problème et estimant qu'une erreur, quelle que soit sa qualification, devrait, en équité, trouver réparation à partir du moment où c'était l'administration qui l'avait commise, a été à l'origine d'une pétition transmise au Médiateur (l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 sur le Médiateur modifiée par celle du 24 décembre 1976 dispose en effet que " sur la demande d'une des six commissions permanentes de son Assemblée, le Président du Sénat ou le Président de l'Assemblée Nationale peut également transmettre au Médiateur toute pétition dont son Assemblée a été saisie ").

Fin 1980, le Médiateur a réouvert le dossier. Après son réexamen, l'administration a accepté d'accorder satisfaction à l'intéressé en permettant la révision de sa pension.

Le Ministre du Budget a, en même temps, accepté le principe d'une extension du délai d'un an à deux ans.

Outre l'aboutissement de cette réforme, le Médiateur souhaite que soit précisé chaque type d'erreur, et que la notion d'erreur de droit soit strictement délimitée.

Il reste très attentif à l'évolution de cette question.

INDUSTRIE, COMMERCE ET ARTISANAT



Ces secteurs n'ont jamais fait l'objet d'un nombre important de réclamations auprès du Médiateur.

Le phénomène ne peut s'expliquer avec certitude.

Sans doute cependant l'administré, considéré par l'administration sous l'angle de son activité professionnelle, éprouve-t-il moins le réflexe de saisir le Médiateur, parce qu'il dispose de relais qu'il croit plus efficaces, à savoir les chambres consulaires et les organisations de défense des intérêts catégoriels.

Peut-être un problème d'information se pose-t-il en ce domaine ?

En tout cas, le faible nombre de réclamations ne signifie certainement pas que le fonctionnement de ces administrations ne pose aucun problème aux administrés. Il est plus réaliste de penser que les difficultés ne sont pas de même nature et que ceux qui les rencontrent ne sont pas condamnés à les surmonter par leurs seuls moyens personnels, la plupart du temps dérisoires.

Il y a sûrement là une demande potentielle qui gagnerait à être mieux connue.

Ces remarques liminaires étant faites, quatre affaires, relevant de la compétence du Ministère de l'Industrie, méritent d'être signalées.

- L'une est relative au problème de l'avance remboursable, déjà signalé par le Médiateur dans son rapport de 1979 (p. 146).

L'avance remboursable a été instituée en 1977 pour répondre à la nécessité de modérer la consommation d'électricité. Le délai de 10 mois laissé aux intéressés pour modifier éventuellement leur mode de chauffage a paru suffisant lorsqu'il s'agissait de maisons individuelles ; ce même délai s'est, par contre, avéré trop court dans le cas de lotissements, ceux-ci étant conçus plusieurs mois avant d'être réalisés (n° 79 0463 et 79 0789). Le Médiateur estimait équitable, dans ce second cas, de dispenser les réclamants du paiement de l'avance.

Plusieurs rappels auprès du Ministère de l'Industrie ont été nécessaires pour obtenir une réponse. Lorsque celle-ci est enfin arrivée, elle reprenait exactement les mêmes termes et les mêmes motifs de refus que les premières réponses faites aux administrés.

Considérant qu'il était de son devoir de poursuivre son intervention, le Médiateur a demandé aux dirigeants d'Electricité de France d'étudier la possibilité de dégager une solution satisfaisante à ce problème.

D'une manière générale, les modalités de remboursement de l'avance - la moitié après 5 ans, le reste après 10 ans - sont inadaptées surtout lorsque sont concernés des usagers âgés ou impécunieux. Rien n'empêcherait de prévoir, au moins dans certains cas, un remboursement échelonné qui pourrait, par exemple, intervenir par compensation sur les factures d'électricité.

Le Médiateur a demandé que soit étudiée cette possibilité.

- Deux autres affaires concernaient des demandes de communication de documents administratifs.

Dans un cas, l'intéressé demandait la communication d'une étude d'impact effectuée par Electricité de France à l'appui d'une demande d'autorisation d'exploitation d'une carrière. Sa première demande est datée du 18 mars 1979. Malgré plusieurs relances, il n'obtient pas satisfaction.

Le silence des Ministères concernés, de l'Industrie mais aussi de l'Environnement et du Cadre de Vie, ayant dépassé deux mois et étant, par conséquent, considéré comme un refus, le 5 juillet suivant, il saisit la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA).

L'avis de cet organisme doit normalement être émis au plus tard dans le mois qui suit sa saisine. Mais le retard apporté par le Ministère de l'Environnement à transmettre à la commission certains documents l'empêche de se réunir.

Enfin, en décembre, la commission se trouve en mesure de statuer et donne un avis favorable à la communication.

Il faudra néanmoins encore trois mois de procédure pour que l'intéressé soit enfin en possession du document demandé (n° 79 2763).

Dans cette affaire, le Ministère de l'Environnement semble avoir été à l'origine du blocage. Dans la seconde réclamation, le Ministère de l'Industrie est, par contre, seul concerné (n° 80 3183).

Devant le refus du Ministère de l'Industrie de lui communiquer un avis du service central de sûreté des installations nucléaires concernant la construction d'une centrale nucléaire, l'intéressé saisit, le 5 septembre 1979, la CADA.

Celle-ci aurait dû donner son avis dans le délai d'un mois. En septembre 1980, lorsque le Médiateur a connaissance du dossier, elle n'a toujours pas statué.

L'instruction révèle que, sur la demande des services du ministère de l'Industrie, la Commission a dû repousser à trois reprises la date de sa réunion. Toutes ces tergiversations pour s'entendre dire, en juin 1980 : " la demande est sans objet, le document n'existe pas ".

La décision du Ministre aurait donc été prise d'installer la centrale à l'issue d'une réunion qui n'aurait donné lieu à aucun document écrit !

La demande d'éclaircissements du Médiateur sur cette affaire, pour le moins surprenante, n'a pas encore reçu de suite satisfaisante.

Ne révèlera-t-elle pas un moyen commode de tourner la loi du 17 juillet 1978 sur " la liberté d'accès aux documents administratifs " ? S'agit-il plus simplement, et le Médiateur veut le croire, de l'inadaptation des services à cette nouvelle législation qui perturbe des habitudes et ne manque pas de poser des problèmes pratiques, à la solution desquels les services ne sont que rarement préparés.

Tout n'est pas négatif cependant et le Médiateur se félicite notamment du résultat positif de conversations qu'il a pu entretenir avec des représentants d'Electricité et du Gaz de France.

C'est ainsi que, saisi de réclamations d'usagers ayant fait l'objet de coupures de courant, le Médiateur avait pu craindre que la décision des services soit parfois prise trop rapidement et sans que soit suffisamment considérée la situation des intéressés.

A la suite de l'intervention du Médiateur, les responsables de ces deux entreprises publiques ont rappelé aux différentes unités de distribution la prudence avec laquelle devait être décidée une coupure de courant.

Celle-ci ne peut s'effectuer qu'après l'envoi d'une lettre de rappel de la facture, puis le dépôt d'un avis de passage indiquant la menace de coupure. Dans des cas exceptionnels, des délais de paiement supplémentaires peuvent être accordés. Enfin, lorsque leur situation pose des problèmes d'ordre social, les usagers sont orientés vers des organismes capables d'aider à un règlement satisfaisant du différend.

Toutes ces précautions ne pourront qu'améliorer les relations de ces deux grands organismes avec leurs usagers.

INTERIEUR.



Affaire Madame C... (n° 80 0512) ou " la difficile application de la loi du 17 juillet 1978 ".

Les faits :

21 Octobre 1977 : H... C... réfugié politique fait l'objet d'un arrêté d'expulsion assorti d'une assignation à résidence dans les Alpes de Haute Provence.

15 Décembre 1977 : La Commission des recours des réfugiés et apatrides émet un avis favorable à l'annulation de l'arrêté d'expulsion.

11 Janvier 1978 : Le Ministre de l'Intérieur annule l'arrêté d'expulsion visant H... C...

4 Mai 1978 : H... C... est assassiné à Paris. Voulant mettre un terme à une série d'articles sur son mari, qu'elle juge diffamatoires, Madame C... décide de demander à la Commission des recours des réfugiés et apatrides, la communication de l'avis favorable à l'annulation de l'arrêté d'expulsion frappant son mari.

18 Juillet 1978 : Publication au Journal Officiel de la loi n° 78 753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'Administration et le Public et notamment la possibilité d'accès aux documents administratifs.

14 Novembre 1978 : Le Ministre de l'Intérieur refuse la communication de l'avis de la Commission des recours en se fondant sur le décret 53.377 du 2 Mai 1953 relatif à l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

7 Décembre 1978 : Publication au Journal Officiel du décret portant création de la Commission d'accès aux documents administratifs prévue à l'article 5 de la loi du 17 juillet 1978.

27 Décembre 1978 : Madame C... intente un recours gracieux contre la décision de refus du Ministre.

19 Mars 1979 : Le Ministre de l'Intérieur renouvelle son refus ajoutant que la loi du 17 Juillet 1978 n'est pas applicable en l'espèce ; " l'avis formulé par la Commission de Recours des réfugiés et rapatriés est purement consultatif et réservé à la seule information du Ministre ".

10 Mai 1979 : Madame C... saisit la Commission d'accès aux documents administratifs.

13 Mai 1979 : Madame C... forme un recours devant le Tribunal Administratif de Paris afin d'obtenir l'annulation de la décision de refus du Ministre.

12 Juillet 1979 : La C.A.D.A. transmet au Ministre de l'Intérieur " un avis favorable à ce que l'avis de la Commission des Recours des réfugiés et rapatriés n° 9530 du 15 décembre 1977 soit communiqué ".

25 Septembre 1979 : Selon l'article de la loi du 17 juillet 1978 " l'autorité compétente est tenue d'informer la Commission de la suite qu'elle donne à l'affaire, dans les deux mois de la réception de cet avis ". Ce délai étant écoulé, Madame C... saisit une nouvelle fois le Ministère de l'Intérieur pour qu'une suite soit donnée à l'avis de la C.A.D.A.

19 Novembre 1979 : Devant le silence du Ministre, Madame C... écrit au Président de la C.A.D.A. afin qu'il lui fasse connaître la réponse qu'a pu lui faire le Ministre.

17 Décembre 1979 : Réponse de la C.A.D.A. Un avis favorable à la communication du document demandé a été transmis au Ministre, il appartient désormais à Madame C... de saisir le juge compétent si elle s'estime fondée à le faire, déclare en substance la Commission.

Février 1980 : Madame C... saisit le Médiateur.

Avril 1980 : Réponse du Ministère de l'Intérieur à l'intervention du Médiateur :

- le réexamen du refus opposé par le Ministre à la demande de Madame C... n'est pas possible.

- L'affaire étant soumise à la juridiction administrative la demande du Médiateur risque de se voir opposer les dispositions de l'article II de la loi du 3 janvier 1973 stipulant que le Médiateur ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction.

Cette affaire appelle de la part du Médiateur les observations suivantes :

En ce qui concerne sa propre compétence : sans intervenir dans une procédure engagée, le Médiateur a toujours considéré qu'il lui était possible de demander un réexamen de la décision contestée.

La compétence du Médiateur dans cette affaire ne saurait donc être contestée.

Sur le fond, le Médiateur s'interroge sur le fait que le Ministre de l'Intérieur n'ait pas cru devoir se référer dans sa première réponse du 14 novembre 1978 à la loi du 17 juillet nouvellement adoptée.

En se fondant sur le décret du 2 mai 1953 relatif à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et en écartant de fait la loi du 17 juillet 1978, la décision du Ministre contribue à compromettre l'avenir d'une loi fondamentale, dont l'application se heurte, plusieurs exemples en ont été donnés dans le présent rapport, à des refus intervenant au plus haut niveau, malgré les avis favorables de la Commission d'accès aux documents administratifs.

Dans sa lettre à l'intéressé du 19 mars 1979, le Ministre de l'Intérieur reconnaît que la décision d'abrogation d'une mesure d'expulsion est opposable aux tiers, comment pourrait-il en être autrement pour l'avis au vu duquel une telle mesure a été prise et qui constitue un des éléments du dossier sur lequel le Ministre a fondé sa décision ?

De plus :

- L'article 1 de la loi du 17 juillet 1978 stipule que les avis, à l'exception de ceux du Conseil d'Etat et des Tribunaux Administratifs, sont considérés comme des documents administratifs communicables aux intéressés.

- L'article 9 de la loi du 11 juillet 1979 complétant l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, permet la communication " aux personnes qui le demandent, de documents nominatifs sans que des motifs tirés du secret de la vie privée, du secret médical et du secret en matière commerciale et industrielle portant exclusivement sur des faits qui leur sont personnels puissent leur être opposés".

C'est pourquoi, le Médiateur considère que, dans cette affaire la loi du 17 juillet 1978 devrait être applicable et qu'une suite favorable devrait être réservée à la demande de Madame C...

Le Médiateur au cas où l'avis de la Commission des recours ne serait toujours pas communiqué à la requérante, se réserve la possibilité d'utiliser les dispositions de l'article 13 de la loi du 3 janvier 1973 instituant sa fonction qui précise : " Le Médiateur peut demander au Ministre responsable ou à l'autorité compétente de lui donner communication de tout document ou dossier concernant l'affaire à propos de laquelle il fait son enquête. Le caractère secret ou confidentiel des pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé sauf en matière de secret concernant la Défense Nationale, de Sûreté de l'Etat ou de politique extérieure ".

Affaire en cours.

Affaire M... (n° 80 2023).

Monsieur M... économiste, de nationalité belge a été refoulé de France à deux reprises :

- en mai 1979 pendant la campagne électorale européenne alors qu'il était en tête de liste pour le parti Neerlandophone,

- en mars 1980 alors qu'il comptait se rendre à Paris pour s'entretenir avec des éditeurs de la capitale.

Le Médiateur est intervenu auprès du Ministre de l'Intérieur pour qu'il lui fournisse certains éléments complémentaires nécessaires à l'étude du dossier.

En attendant ces précisions et sans pouvoir intervenir sur le fond, le Médiateur constate que la loi du 11 juillet 1979 n'a pas été appliquée par le Ministère de l'Intérieur.

La loi et les textes d'application, circulaires du Premier Ministre et du Ministère de l'Intérieur sont clairs et précis en la matière : les décisions de refoulement doivent être motivées. (Circulaire Premier Ministre du 31 août 1979 III 2b et Circulaire du 10 janvier 1980 établissant par Ministères la liste des décisions à motiver).

La loi est applicable à compter du 11 janvier 1980 (Circulaire du 31 août précitée).

Rien ici ne semble s'opposer à son exécution.

Affaire en cours.

Collectivités locales : Affaire D... (n° 79 2568)

En novembre 1977 le terrain de Madame D... situé à 0..., devenait à la suite d'une ordonnance d'expropriation pour cause d'utilité publique, la propriété de la Commune.

Après avoir convenu du prix de cession du terrain avec la commune expropriante, Madame D... signait avec le Maire d'O..., un traité d'adhésion en vertu duquel des intérêts moratoires lui seront versés si l'indemnité d'expropriation n'était pas réglée à l'expiration d'un délai de trois mois à compter du jour de l'enregistrement de ce traité. Cette clause faisait état des dispositions de l'article 17 du décret du 13 février 1964 (article R 13 78 du code de l'expropriation.).

Le 17 mai 1978, Madame D... recevait l'indemnité correspondant au prix de cession du terrain.

Madame D... constata que cette somme ne comprenait pas les intérêts moratoires correspondant à un mois de retard, le traité ayant été enregistré le 17 janvier 1978.

Elle ne s'en inquiéta pas outre mesure pensant que ces intérêts feraient l'objet d'un virement séparé et ultérieur.

Au bout de quelques semaines, n'ayant toujours rien reçu, Madame D... écrivait au Maire d'O... pour réclamer le paiement des intérêts qui lui étaient dus. Celui-ci lui répondait, qu'effectivement, conformément aux dispositions prévues dans le traité d'adhésion, Madame D... pouvait prétendre au paiement d'intérêts de retard. Le traité ayant été enregistré le 17 janvier 1978, le retard est de 1 mois, et le montant des intérêts de retard s'élève à 1.598.85 Francs.

" Tout est bien qui finit bien ", serait-on tenté de penser, mais l'affaire n'était pas close pour autant ;

Le 1er mars 1979 soit dix mois plus tard, Madame D... recevait une nouvelle lettre, lettre du Maire qui, cette fois, lui demandait de bien vouloir lui rembourser la somme de 1.598.85 Frs représentant les intérêts de retard, ces intérêts lui ayant été versés par erreur.

Selon la Municipalité, l'article 17 du décret 61-164 du 13 février 1961 subordonne le paiement des intérêts moratoires à " une demande adressée par pli recommandé à l'expropriant ".



Madame D... saisit le Médiateur. Après une enquête approfondie de ses services, il ressortit que l'origine de ce litige résidait dans une erreur de rédaction dans le contrat d'adhésion de juin 1977.

Ce contrat stipulant que l'indemnité d'expropriation serait productive d'intérêts au taux légal à compter du jour de l'enregistrement du contrat, se référait aux dispositions de l'article 17 du décret de 13 février 1961. Or cet article 17 édicte une règle quelque peu différente, il dispose en effet :

- d'une part, l'exproprié ne peut réclamer le paiement de l'indemnité due qu'au moment de l'expiration du délai de 3 mois précité décompté, par conséquent à partir de la date de la signification de la décision définitive fixant le montant de la dite indemnité si celle-ci n'a pas encore été intégralement versée.

-d'autre part, les intérêts moratoires cessent à compter du jour de la demande faite par l'exproprié.

Indépendamment du fait que la clause litigieuse de contrat comportait deux règles différentes, les dispositions de l'article 17 du décret précité auxquelles se réfère la commune d'O... pour fonder sa demande de remboursement des intérêts moratoires ne pouvaient s'appliquer à la situation de Madame D..., ces dispositions ne concernant que les demandes d'intérêts moratoires dus sur des indemnités fixées par la juridiction de l'expropriation et non à l'amiable.

Or, en matière d'acquisition amiable dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique, aucun texte législatif ou réglementaire n'exige qu'en cas de retard dans le règlement d'une somme fixée à l'amiable, la demande d'intérêts moratoires soit faite sous pli recommandé à l'expropriant.

A partir de ces arguments, le Médiateur proposait au Maire d'O..., dans un souci d'équité, qu'il renonce à exiger de Madame D... le remboursement des intérêts moratoires qui lui ont été versés par sa ville et qui lui sont à présent réclamés.

Le 6 octobre 1980 le Maire d'O... répondait au Médiateur, qu'il se rangeait " dans un esprit de conciliation " à ses arguments.

L'intervention du Médiateur et son arbitrage amiable auprès de la Municipalité, évitait ainsi que l'interprétation de la clause litigieuse du contrat fasse l'objet d'un recours devant la juridiction compétente.

JUSTICE



L'administré est encore trop souvent victime de la procédure :

La souplesse des règles, en matière de recevabilité des recours par exemple en est, parfois, elle-même la cause :

M. et Mme C... se voient opposer un refus implicite par le Gouverneur de la Polynésie française lorsqu'ils lui adressent, en 1974, une demande de modification du calcul de la majoration de leur traitement de fonctionnaire et de paiement des sommes en moins perçues. Les époux se pourvoient alors dans des conditions identiques auprès du Conseil d'Etat.

La haute juridiction accueille le recours formé par Mme C... le 10 juillet 1975, et lui donne gain de cause (par décision du 28 octobre 1977). Quelle n'est donc pas la surprise de M.. C... lorsque le Conseil d'Etat rejette, pour forclusion, le recours qu'il a lui-même formé le 28 février 1975.

Que s'est-t-il passé ?

Les juges, et ils ont fait par là même preuve d'équité, se sont abstenus dans le premier cas de soulever d'office l'exception d'irrecevabilité qui n'avait pas été invoquée par l'administration. Celle-ci ayant, au contraire, opposé la forclusion à la requête du mari, le Conseil d'Etat était alors obligé de statuer sur la question du délai et n'a pu conclure qu'à l'irrecevabilité.

Si les deux recours pour excès de pouvoir étaient irrecevables pour forclusion, il n'en demeure pas moins qu'ils étaient l'un et l'autre dirigés contre une décision irrégulière sur le fond. Le bon sens commandait donc que les intéressés soient traités de la même manière.

L'affaire est toujours en cours (n° 79 0541).

Les erreurs matérielles, peuvent, très exceptionnellement, être commises par les juridictions. Par exemple lorsque le mauvais fonctionnement d'un ordinateur a pour conséquence qu'un justiciable ne soit pas convoqué et soit, par conséquent, condamné par défaut (n° 75 2509).

L'Etat Civil fait l'objet de surprenantes péripéties :

En 1979, alors qu'il demandait un extrait d'acte de naissance en vue de son mariage, M. G... est fort surpris d'apprendre qu'il ne devait plus porter - comme il pensait pouvoir toujours être en droit de le faire - le nom de sa mère mais celui de son père M. X... qui l'avait reconnu en 1975.

C'est en toute légalité que le nom de l'intéressé a pu être changé sans même que celui-ci en soit informé.

Pour récupérer son nom initial, M. X... doit engager une procédure lente et coûteuse puisqu'il aura dû acquitter la somme de 1 000 francs, montant des droits de Sceau ! (80 1946)

Quant à MM. H... (80 0735) et F... (78 0281), ils s'étaient vus refuser la nationalité française au motif que la nationalité de leur père était inconnue. Le premier a dû faire la preuve que son grand-père maternel était bien français ; le second a dû prouver que son père, décédé au Vietnam en 1972, n'avait jamais décliné la nationalité française.

On peut aussi déplorer la lenteur de certaines inscriptions sur les registres de l'Etat Civil : Un divorce prononcé en 1977 (n° 79 3181), une naissance déclarée en 1972 (n° 80 2018) n'étaient toujours pas enregistrés en 1979.

Enfin, l'affaire suivante montre que les administrations peuvent adopter des points de vue divergents lorsqu'un intérêt financier est en jeu : Mme C... s'est vue refuser par les services fiscaux la possibilité de faire une déclaration de revenus commune avec M. H.... tandis que le Tribunal de Grande Instance lui refusait l'aide judiciaire au motif que les ressources mensuelles de son concubin dépassaient le plafond fixé par la loi (n° 79 0243).

D'une manière générale, les administrés se plaignent de la lenteur des procédures. Cette lenteur, dénoncée par les plus hautes instances judiciaires elles-mêmes, est souvent à l'origine d'injustices.

Il n'appartient pas au Médiateur de suggérer des solutions propres à éviter le " blocage " de la machine judiciaire, mais de souhaiter une accélération des procédures à tous les niveaux des instances judiciaires ; l'actuelle lenteur ayant également pour conséquence de plus fréquents appels au Médiateur, considéré comme pouvant apporter une réponse plus rapide.

POSTES ET TELECOMMUNICATIONS



Chaque année, depuis 1977, le Médiateur aborde dans son rapport le problème de la contestation des factures téléphoniques.

Pour l'année 1980, il ne faillira pas à ce qui est désormais devenu une tradition, ce " Point noir " de l'Administration des P.T.T. n'ayant pas disparu .

En effet, depuis 1975, le nombre des réclamations n'a pas cessé de croître passant de 120.484 à 191.167 en 1977 et 351.239 en 1979. Certes ces chiffres doivent être appréciés en tenant compte du doublement des lignes téléphoniques réalisées durant ces périodes (7,1 millions en 1975 - 14 millions fin 1979). Il n'en demeure pas moins que depuis 5 ans plus de 1. 100.000 réclamations concernant des erreurs de taxation ont été transmises à l'Administration des P.T.T.

De 1977 à 1979, 140.457 réclamations sur un total de 835.061 (16,8 %) ont été admises et suivies d'un remboursement, 83,2 % d'entre elles, soit près de 700.000 plaintes, ont été rejetées.

Si l'on s'en tient aux explications fournies par les P.T.T., ces 700.000 réclamations entrent dans la catégorie de celles pour qui, selon les formules consacrées, " une enquête très approfondie a été effectuée tant sur le plan technique que comptable .... (elle) n'a pas permis de déceler la moindre anomalie dans l'établissement de votre relevé .... en outre la ligne et les équipements desservant votre installation ont fait l'objet de vérifications techniques qui ont démontré leur bon état de fonctionnement ".

Dès lors l'usager devient le responsable de l'augmentation souvent vertigineuse (de 2 à 10 fois le montant bimestriel moyen) de ses factures, les P.T.T. considérant qu'il y a eu une utilisation à l'insu de l'abonné du poste téléphonique par des personnes n'y ayant pas normalement accès.

Sans nier l'existence de telles situations, ni sous-estimer le nombre d'abonnés indélicats ou négligents, de telles réponses sont difficilement acceptables à plus d'un titre :

- d'une part, les vérifications techniques aussi précises soient-elles ne sont effectuées qu'a posteriori ;

- d'autre part, elles sont de nature à mettre en doute la bonne foi présumée de l'usager ;

- enfin, elles ne peuvent que créer un climat de suspicion à l'intérieur du cadre familial ou de travail. Laisser entendre, comme c'est souvent le cas, que certaines personnes et notamment des employés originaires de départements lointains ou de pays étrangers utilisent le téléphone pour contacter leurs familles ou leurs proches et sont ainsi la cause de l'augmentation du nombre des taxes, est maladroit et déplacé lorsque les P.T.T. ne sont pas en mesure d'en apporter la preuve.

Peut-on sérieusement et sincèrement penser que la grande majorité des réclamations non satisfaites depuis 5 ans (83,2 %) soit le fait d'usagers malveillants ou d'abonnés dont les postes téléphoniques ont été utilisés pendant leurs absences ?

Il paraît dans la situation actuelle très difficile de concevoir quel intérêt pourrait avoir un usager pour contester le montant d'une facture sachant très bien qu'il aura peu de chances de voir sa réclamation admise. Seules sa bonne foi et la conviction profonde d'être victime d'une erreur peuvent le conduire à agir.

Les réclamations devront être traitées d'une manière réellement plus approfondie et faire l'objet de réponses qui ne soient pas aussi uniformes, voire stéréotypées, comme c'est trop souvent le cas des dossiers portés à la connaissance du Médiateur.

Cette situation, en se dégradant, porte préjudice à la notion de service public du téléphone et permet à certains requérants de douter du bien fondé de la situation de monopole des P.T.T., elle en conduit d'autres à considérer que les " piratages " de lignes par des branchements précaires et improvisés sont à l'origine des erreurs.

La virulence de telles critiques, la gravité d'accusations difficiles à prouver témoignent d'une dégradation des rapports " administration usagers " proche pour ces derniers de l'exaspération.

A maintes reprises, le Médiateur a eu l'occasion de mettre en garde le Secrétariat d'Etat contre les dangers que pourrait entraîner l'accumulation de réclamations non satisfaites et d'insister sur la nécessité de fournir aux abonnés du téléphone une facture claire et détaillée.

Il est, en effet, de plus en plus difficile de concevoir que ce service public dont le rôle commercial se développe chaque jour davantage, par les nouvelles applications du téléphone et de l'informatique, ne soit pas en mesure de fournir à ses clients un type de facturation à la mesure des services rendus et des biens vendus qui s'accroissent et se diversifient. A l'heure de la télématique, le système actuel de facturation des taxes téléphoniques se marie mal avec l'essor et la sophistication des nouveaux moyens de télécommunication.

Le service de la facturation détaillée annoncé depuis 1976 par l'administration des P.T.T. devait être offert aux abonnés fin 1979 pour ceux reliés à un central électronique et à la fin de l'année 1980 pour ceux reliés à un central électromécanique. Il n'a toujours pas été mis en place.

Seule, une expérience limitée auprès de 100 abonnés du central téléphonique de Lille Bleuets vient d'être entreprise depuis le 15 novembre 1980. D'autres expériences du même genre seront lancées à Nantes sur une autre catégorie d'équipements avant qu'une extension ne soit envisagée " grandeur nature" dans les départements du Nord et du Pas de Calais auprès de 3000 abonnés.

Les modalités pratiques de ces expériences se déroulent sous le contrôle de la Commission Nationale Informatique et Libertés (C.N.I.L.).

Le souci de l'Administration des P.T.T. de préserver les abonnés et les tiers appelés des conséquences que pourraient avoir pour eux l'inscription des numéros d'appel sur un document envoyé au titulaire de l'abonnement est fort louable mais ne doit pas remettre en cause le principe même de la facturation détaillée ni en retarder la généralisation.

La facturation détaillée doit permettre d'obtenir la justification des communications facturées c'est-à-dire le numéro de l'abonné demandé, le jour, l'heure, et la durée de la conversation afin de pouvoir être en mesure de fournir à l'administration une preuve en cas d'erreurs ou de fonctionnement défectueux. La solution adoptée à l'heure actuelle par la C.N.I.L. limitant à la zone géographique de l'abonné les informations relatives au numéro d'appel, permet de concilier ces deux objectifs :

- sauvegarde du secret des communications

- localisation comptable des taxes.

Au-delà de ces expériences dont les durées peuvent paraître bien longues par rapport à l'urgence du problème à résoudre, deux principes ont d'ores et déjà été fixés par l'administration des P.T.T : la facturation détaillée sera facultative, elle sera payante.

Sur ces deux points, le Médiateur émet plusieurs critiques :

- le système de facturation détaillée n'est ni un luxe ni une faveur à accorder à certains abonnés mais un droit légitime que tout client d'un service commercial est en droit d'attendre.

- la facturation payante, - son montant n'a pas encore été fixé -, est de nature à créer deux catégories d'abonnés ; ceux qui seront en mesure de justifier l'augmentation soudaine de leurs factures bimestrielles et ceux qui seront dépourvus de tout moyen de justification et de contrôle.

Sur ce dernier point, on peut s'interroger sur l'effet juridique de la facturation détaillée dans un système de droit où le principe de l'irresponsabilité des P.T.T est consacré par plusieurs articles du Code des Postes et Télécommunications. A ce niveau, des réformes doivent être envisagées pour permettre une adaptation du service public du téléphone à ses missions commerciales.

En attendant ces " jours meilleurs ", l'abonné du téléphone reste particulièrement dépourvu de moyens de contrôle. Dans la situation actuelle, seul le compteur individuel, lorsque l'équipement du central en dispositifs de retransmissions de taxes le rend possible, permet à l'abonné de contrôler et de vérifier sa consommation téléphonique.

Ce dispositif, installé aux frais de ce dernier, s'il n'a pas force probante auprès des tribunaux, facilite - l'expérience le prouve - la conciliation et peut avoir également des vertus dissuasives envers les abonnés réellement négligents. Il permet aussi par une surveillance de la consommation téléphonique de déceler des erreurs minimes de taxation imperceptibles avec le système actuel de facturation.

Pour ces raisons, et parce que le compteur ne saurait exclure a posteriori la fourniture d'une facture détaillée, le Médiateur considère que le recours à ce dispositif doit être facilité. C'est un élément permettant de clarifier les relations " administration – usagers " en cas de conflit, d'éviter aux parties en présence une suspicion réciproque ou de recourir, d'une part, à des condamnations définitives et brutales du service public et, d'autre part, à des arguments souvent spécieux.

Dans ses réponses aux questions écrites posées par les Parlementaires, le Secrétariat d'Etat ne manque pas de mettre l'accent sur ce moyen de contrôle actuellement à la disposition des abonnés. Le Médiateur voudrait être assuré qu'au niveau de la pratique quotidienne tout est mis en oeuvre pour faciliter l'installation de ce dispositif chez les abonnés qui en font la demande. Les quelques difficultés rencontrées par certains d'entre eux, le manque de coopération ou de diligence de certaines agences commerciales ne sont, il en est persuadé, que des phénomènes marginaux et exceptionnels.

Reste le problème important de la communication de la bande de contrôle. Son principe avait été retenu par la Commission d'Accès aux Documents Administratifs chargée conformément à la loi du 17 juillet 1978 de veiller à son application (article 5). Cet avis ne fut pas suivi d'effet ; le Secrétaire d'Etat aux P.T.T. s'est opposé à ce qu'un abonné puisse recevoir copie de la bande de contrôle, l'administration ne pouvant prendre, selon lui, le risque de voir ce document utilisé contre des tiers, usagers de la ligne ou destinataires, sa communication pouvant porter atteinte au secret de la correspondance.

Le Médiateur eut l'occasion dans une lettre adressée récemment au Secrétaire d'Etat aux P.T.T. d'avouer sa perplexité devant ce problème. La bande de contrôle ne livre pas plus de secrets que les tickets d'antan ni moins qu'un billet S.N.C.F. contenant une indication de date et de destination...

Dès lors, les usagers comprennent mal pourquoi, au moment où une loi aussi importante que celle du 17 juillet 1978 est entrée en vigueur, la communication d'un tel document ait pu leur être refusée. Ils comprennent d'autant moins que la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des administratifs, dans son article 9, rend communicable à tout intéressé les documents à caractère nominatif qui le concerne sans " qu'aucun des motifs tirés du secret en matière commerciale et industrielle portant exclusivement sur les faits qui leur sont personnels puissent leur être opposés "

Le fait que l'avis favorable de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs (C.A.D.A) n'ait pas été suivi par l'Administration des P.T.T. provoqua chez les abonnés diverses réactions d'interrogation sur la portée pratique de la loi précitée et sur le poids des avis de la Commission. Celle-ci était en la matière particulièrement compétente pour évaluer les conséquences éventuellement négatives que pourrait entraîner la communication de ce document vis-à-vis des tiers, usagers de la ligne ou destinataires.

La solution adoptée - possibilité d'aller voir sur place cette bande de contrôle - apparaît comme un pis-aller malcommode qui nécessite de surcroît de la part des usagers, du temps et une disponibilité souvent incompatibles avec leurs responsabilités professionnelles ou familiales : les heures de consultation correspondant toujours aux heures ouvrables.

La conjugaison de tous ces éléments fait qu'un profond malaise existe entre l'administration du téléphone et les abonnés de nature à d'une part, discréditer la notion même de service public et d'autre part, à donner autant d'arguments à ceux qui ne voient dans l'administré qu'un sujet sans défense continuellement harcelé, contraint de se soumettre, face à une administration indifférente, consciente de ses prérogatives et toute puissante...

Le Médiateur particulièrement attaché à la notion de service public et soucieux des intérêts des usagers, continuera d'intervenir auprès des parties en présence afin que la dégradation des rapports administration - usagers du téléphone ne soit pas un phénomène inéluctable et irréversible.

SANTE ET SECURITE SOCIALE



Cette année encore le nombre de réclamations relevant directement ou indirectement du Ministère de la Santé arrive largement en tête avec un total de 1 452 soit 22,65 % des dossiers reçus (cf. : annexes, statistiques par ministères).

Deux points ont particulièrement soulevé l'attention du Médiateur par leur persistance et le nombre d'administrés concernés :

1°) La validation pour la détermination du montant des pensions de vieillesse, des années de salariat antérieures à 1946.

2°) La participation des débiteurs d'aliments (résultant de dispositions des articles 203 et 208 du Code Civil), aux dépenses d'aide sociale des allocataires.

D'autre part, le dossier B... (n° 80 2742) met une nouvelle fois en lumière le juridisme excessif de certains responsables de services administratifs dont l'interprétation trop stricte des textes conduit bien souvent à l'absurde mais aussi, hélas !, et c'est le cas ici, à des positions d'une froideur et d'une rigueur redoutables.

1. Calcul du montant des pensions et validation de périodes antérieures à 1945.

Le Médiateur continue d'être fréquemment saisi des difficultés qu'éprouvent bon nombre de salariés âgés pour faire retenir dans le calcul de leur pension les années de salariat effectuées avant 1945, lorsque les Caisses Régionales de Vieillesse ne sont pas en mesure de retrouver la preuve du versement des cotisations et que les salariés eux-mêmes sont dans l'impossibilité de fournir les documents nécessaires.

Ces lacunes peuvent s'expliquer pour les raisons suivantes :

- La loi du 30 avril 1930 sur les assurances sociales avait prévu un plafond d'assujettissement et non un plafond de cotisation. Ce plafond était fixé à un chiffre relativement bas, correspondant approximativement au double d'un salaire de manoeuvre. Ce n'est qu'à partir de 1946 que l'ensemble des salariés a été affilié à la Sécurité Sociale.

- L'ordonnance du 19 octobre 1945 donnait aux salariés la possibilité de racheter toutes les années antérieures en versant un capital correspondant au montant des cotisations non revalorisées. Malheureusement par suite d'une mauvaise information et de négligences partagées, le nombre des bénéficiaires de ce rachat a été relativement faible.

- Le mode de versement des cotisations.

A l'origine, celles-ci étaient versées sous forme de timbres à appliquer sur des cartes qui devaient être déposées au guichet des bureaux de poste. Ces derniers donnaient un reçu des documents déposés. Or pour éviter les queues souvent longues et de multiples déplacements, un certain nombre d'employeurs ont négligé de les déposer dans les bureaux de postes ; d'autres ont remis ces cartes aux assurés en leur laissant le soin d'effectuer les démarches précitées, ce qui ne fut pas toujours fait…

De surcroît, les documents étaient manuscrits, les reports sur les fiches comptables des intéressés se faisaient à la main ; il en est résulté de fréquentes erreurs de lecture et de retranscription dans les noms et les chiffres des numéros de matricules, qui eurent pour conséquences d'obérer certains comptes et d'en augmenter d'autres.

Il appartient à la Commission de recours gracieux de la Caisse du salarié et aux juridictions du contentieux général de la Sécurité Sociale d'apprécier, au vu de tous les éléments du dossier, si les "présomptions graves, précises et concordantes" reconnues par la jurisprudence peuvent suppléer au manque de preuve, la commission adoptant le plus souvent en la matière une attitude particulièrement restrictive.

Le Médiateur aimerait être convaincu que chaque cas est bien examiné en détail et qu'aucune décision n'est prise a priori, par exemple à partir d'un classement préalable des dossiers par les services de la Caisse soucieux de veiller à la stricte application des instructions des services de tutelle, ce dont ils ne peuvent qu'être félicités.

Les Commissions de recours gracieux ont été précisément instituées pour humaniser l'application de la réglementation au plan individuel, dans le respect de l'esprit plus que de la lettre. Or aux lendemains de la guerre, les conditions de transfert des archives vers les caisses régionales nouvellement créées, le report manuel des cotisations sur les fiches individuelles sont autant de facteurs qui permettent de penser qu'un certain nombre de documents ont pu être égarés ou mal classés.

Dans ces conditions, le Médiateur considère comme inadmissible le transfert de la charge de la preuve aux salariés en leur demandant de pallier la carence du service public, à moins d'en atténuer les effets par le jeu d'une procédure gracieuse largement souveraine dans son pouvoir d'appréciation des faits. Les salariés ne sauraient être pénalisés parce qu'ils ne sont pas en mesure de présenter au bout de 40 ans des documents administratifs qu'ils ont pu détenir lorsqu'ils avaient 20 ans, à une époque et dans des situations qui imposaient d'autres priorités...

Entre 1939 et 1945, un certain nombre de salariés durent se déclarer sous une fausse identité pour échapper aux persécutions dont ils étaient l'objet. La paix retrouvée, ceux qui purent en échapper, n'eurent pas comme préoccupation première de régulariser leurs situations auprès de la Sécurité Sociale.

Il n'est pas question pour autant de prôner des procédures laxistes. Mais à tout prendre ne serait-il pas préférable que soient prises en compte à tort des périodes qui n'ont pas donné lieu à retenues de cotisations que de constater que des périodes de salariat pour lesquelles des cotisations auraient pu être versées si le service public avait pu normalement fonctionner, ne sont pas retenues dans le calcul d'une pension, créant ainsi chez le salarié pénalisé un sentiment d'injustice ?

Le Médiateur souhaite donc que ce problème touchant un nombre important d'administrés trouve une solution équitable, le temps ne faisant en la matière qu'aggraver le sentiment de profonde iniquité ressenti par les citoyens concernés.



2. Les débiteurs d'aliments et la répartition des dépenses d'aide sociale.

Plusieurs dossiers soumis au Médiateur mettent en lumière certaines difficultés qui résultent de l'application de la législation de l'Aide sociale lorsque les débiteurs d'aliments ne s'accordent pas entre eux. Ces dossiers posent par là même le problème du rôle des Commissions d'admission de l'Aide Sociale et de leurs prérogatives.

Ces commissions -prévues par le décret 59 143 du 7 janvier 1959- dont les compétences territoriales et la périodicité des réunions sont fixées par chaque Conseil Général ont le pouvoir de décider ou de refuser l'admission partielle ou totale des dépenses médicales ou hospitalières de l'Aide Sociale, mais n'ont pas la possibilité d'imposer une répartition de la dépense entre les débiteurs d'aliments. Or, pour des raisons pratiques la plupart des Commissions sont conduites à proposer une répartition afin d'éviter un recours systématique aux tribunaux d'Instance. Cette extension de fait de leurs prérogatives va souvent plus loin, puisqu'il arrive que certaines d'entre elles, décident de la prise en charge d'une partie de la contribution d'un débiteur d'aliments, alors qu'elles ne devraient se prononcer que sur la prise en charge de la dépense, les tribunaux de l'ordre judiciaire étant seuls habilités à déterminer la part respective de chaque débiteur d'aliments.

Ainsi, à la suite d'une décision d'une Commission d'admission, une seule affaire peut suivant les procédures de recours applicables (art. 128 Code de la famille et de l'Action Sociale) entraîner l'intervention de la Commission Départementale de l'Aide Sociale, de la Commission Centrale, du Tribunal d'Instance et de la Cour d'Appel. Cette situation, outre les problèmes liés aux délais de recours et à la lenteur des décisions de justice, conduit à une accumulation de la dette des débiteurs d'aliments, accumulation qui n'est pas toujours prise en compte par les juridictions judiciaires lorsqu'elles doivent évaluer les possibilités de paiement des intéressés.

Le Médiateur souhaiterait que les Commissions d'admission ou au moins la Commission Centrale puissent être dotées d'un pouvoir de répartition des dépenses entre les débiteurs d'aliments et que leurs décisions aient à l'encontre de ceux-ci force exécutoire, ce qui permettrait de respecter le caractère nécessairement urgent de l'aide sociale.

Affaire B ... (n° 80.2742)

Le 3 décembre 1979, la fille de Madame B... est hospitalisée dans un état grave au service pédiatrie de l'hôpital de B... Devant l'état alarmant de l'enfant, le Docteur B... fait appel au service d'assistance médicale d'urgence de M... La petite C... B... décèdera quelques temps avant l'arrivée du S.A.M.U.

Deux mois plus tard, Madame B... reçoit du S.A.M.U. de M... une facture à payer de 3 930 francs représentant le montant des frais de déplacement du service spécialisé.

Madame B... fait une demande de prise en charge auprès de la Section de la Sécurité Sociale des Hospitaliers de N... pour le remboursement des frais.

Par lettre recommandée du 17 avril 1980, Madame B... est informée que sa demande de prise en charge a été refusée, pour les motifs suivants : "Compte tenu que votre fille C... est décédée avant l'arrivée du S.A.M.U. il n'y a pas eu transport de malade (sic), vu les dispositions des articles L 293 et L 295 du Code de la Sécurité Sociale, ces frais ne relèvent pas de l'assurance maladie. Le montant de notre refus s'élève à la somme de 3930 francs".

Devant ce chef d'oeuvre de froideur administrative, Madame B... saisit le Médiateur. Celui-ci intervient auprès du Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales.

Pour le Médiateur, la décision prise par les services de la Sécurité Sociale de N... " est inadmissible sur les plans humains et du bon sens ". De plus, conformément aux dispositions de l'article L 283 du Code de la Sécurité Sociale et de l'arrêté du 2 septembre 1955, les conditions de remboursement sont remplies dès lors que le transport a été demandé. Tel est le cas, en l'espèce.

Madame B... doit obtenir satisfaction.

La Direction Régionale des affaires Sanitaires et sociales demande à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de procéder à un nouvel examen du dossier.

Le 13 janvier 1981, le Médiateur était informé par le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales que Madame B... avait obtenu satisfaction et que l'affaire pouvait être considérée comme définitivement réglée.

Il s'est avéré que la facture concernant le transport a été adressée à tort à l'assurée, les frais devant être supportés par l'hôpital de B... sur son prix de journée.

Suite à l'action du Médiateur, la Caisse Primaire est intervenue d'une part auprès du S.A.M.U. pour qu'il règle cette affaire avec l'hôpital de B... qui donna son accord pour supporter cette charge et d'autre part auprès de la trésorerie principale du Centre Hospitalier et Universitaire de M... afin que des poursuites ne soient pas engagées contre Madame B... la facture n'ayant pas été acquittée.

Ainsi, le bon sens et l'équité l'ont-ils finalement emporté dans le règlement de ce problème humain qui, en réalité, n'aurait jamais dû être posé.

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