Année 1976


ANNEXE C


VIE DE L'INSTITUTION



I. - Le fonctionnement de l'institution.

Effectifs.

Si l'année 1976 n'a pas connu d'augmentation notable des effectifs des services du Médiateur, elle s'est cependant caractérisée par quelques aménagements et un changement plus profond dans les structures de ces services.

Notons tout d'abord, que le Médiateur dispose maintenant d'une équipe bien rodée et qu'en conséquence, l'instruction des dossiers a gagné en profondeur. Les réponses de l'administration sont passées au crible de la critique, ce qui conduit parfois à allonger les délais d'instruction, mais permettent d'améliorer la qualité du travail quotidien de l'institution.

La nomination, aux côtés du délégué général, d'un délégué du Médiateur plus spécialement chargé des propositions de réforme a répondu au souci de donner une impulsion nouvelle à ce secteur privilégié de l'institution qui tend à pallier les défectuosités de la règle de droit. Le délégué nommé au début de l'année 1976 anime et coordonne une action qui forme, avec le redressement des situations individuelles, l'autre pôle fondamental de la mission du Médiateur.

Le secrétaire général continue à assurer, en dehors de la gestion administrative des services de l'institution, la liaison entre la section qui instruit les réclamations et celle qui est chargée d'en exploiter les résultats. Confié à un conseiller technique spécialisé dans l'étude des questions juridiques, le poste de secrétaire général adjoint a été supprimé en tant que tel à la fin de l'année 1976.

Enfin, un changement d'importance a été apporté dans la structure générale des services du Médiateur sous la forme de la suppression du secrétariat de Grenoble. On sait que les deux médiateurs successifs avaient ressenti la nécessité de disposer, à leur adresse personnelle, d'un secrétariat apte à répondre au volumineux courrier qui leur parvient directement sans passer par l'intermédiaire des parlementaires. Ce secrétariat a désormais moins de raison d'être, M. Paquet tendant à être saisi davantage comme Médiateur que comme ancien parlementaire. Il devenait par là même inutile de conserver en province un secrétariat distinct des services parisiens de la médiation. On l'a supprimé à la fin de l'année 1976.

Crédits.

Les crédits du Médiateur pour 1976 ont été de 2 339 020 F dont environ 1 530 000 F (65 %) pour le personnel, 389 020 F (17 %) pour les frais de matériel et 420 000 F (18 %) pour les frais de logement.

Délais.

Comme il a été signalé dans le rapport précédent, les délais d'instruction nécessaires pour mener à bien une affaire sont variables et le Médiateur met tout en œuvre pour les abréger. Il faut noter toutefois que l'examen plus approfondi des réponses de l'administration auquel se livrent les collaborateurs du Médiateur conduit parfois, comme on l'a déjà noté, à un allongement

des délais d'instruction. Si l'affaire est recevable et la plainte fondée, le dossier n'est vraiment classé qu'après l'exploration de toutes les voies par lesquelles il semble possible de parvenir au redressement de la situation dénoncée. Ainsi, mainte affaire vedette a donné lieu à une instruction longue et complexe nécessitant plusieurs remises en cause de la réponse initiale de l'administration.

Mais si le Médiateur a pu se féliciter parfois de la rapidité mise à répondre à sa demande - dans l'affaire n° II-2240, le ministère de la défense n'a mis que six semaines pour reconnaître le bien-fondé d'une demande concernant le montant d'une indemnité de licenciement - il déplore en revanche certains retards inexplicables.

Ainsi, l'administration a mis seize mois pour répondre à une demande du Médiateur concernant le taux de T. V. A. applicable à une pension de famille, demande qui ne soulevait aucune difficulté (n° I-973).

Un réclamant, qui avait demandé en août 1974 une attestation au secrétariat d'Etat aux anciens combattants, a obtenu celle-ci en août 1975 ; dans la même affaire, le Médiateur, qui avait saisi, lui, le secrétariat d'Etat en avril 1975, n'a obtenu la réponse qu'en avril 1976 (n° II-1091).

De même, le Médiateur a dû attendre plus d'un an après que, sur sa demande, satisfaction ait été accordée au réclamant, pour être informé par le même secrétariat d'Etat aux anciens combattants de l'heureux dénouement de son intervention (n° I-642). A la suite de cette " négligence ", des instructions très fermes ont été données par le secrétaire d'Etat à tous ses services pour qu'un caractère prioritaire soit réservé à l'examen des affaires du Médiateur.

Enfin, le Médiateur doit souligner que les retards qu'il est amené à dénoncer sont parfois également le fait des chefs des services décentralisés qu'il a saisis et qui - tels les préfets - sont conduits à faire eux-mêmes des enquêtes auprès de leurs services techniques (n° II-317).

Le Médiateur tient cependant à témoigner que l'administration collabore très étroitement avec lui dans la recherche d'une amélioration constante de ces délais : des instructions formelles ont été données en ce sens à tous les départements ministériels par le Premier Ministre lui-même (circulaire du 9 juin 1976). Les exemples cités ci-dessus ne sont donc pas le reflet des relations quotidiennes Médiateur-administration, mais ils constituent des cas extrêmes et fort peu nombreux.

Modes d'actions.

Le rapport de 1974 a relaté en détails selon quelles modalités s'est développé le circuit des réclamations entre le Médiateur et les services administratifs, par l'intermédiaire, dans chaque département, d'un correspondant du Médiateur.

Il y a peu à ajouter à ce qui a été dit si ce n'est que le Premier Ministre, à l'occasion de la publication du rapport du Médiateur de 1975, a confirmé aux ministres et secrétaires d'Etat, dans la circulaire citée plus haut, que les correspondants doivent être choisis parmi leurs proches collaborateurs, c'est-à-dire parmi les membres de leur cabinet et que doivent être associés à la solution des difficultés signalées par le Médiateur les corps d'inspection et de contrôle. C'est cependant aux ministres et secrétaires d'Etat qu'il incombe personnellement de répondre aux recommandations ou propositions que le Médiateur est amené à formuler.

La relation Médiateur-administration s'est cependant affinée avec le temps. Ainsi, comme c'est le cas dans d'autres départements ministériels, le ministre de l'agriculture a demandé aux directeurs généraux, directeurs et chefs de service de son département, de désigner, dans chaque service, " un proche collaborateur " qui sera le correspondant de l'inspecteur général chargé de suivre l'ensemble des problèmes émanant du Médiateur.

Il faut noter également que le processus de décentralisation de l'instruction des réclamations se poursuit. Le Médiateur avait suggéré au ministre de l'économie et des finances de mettre en place une procédure simplifiée qui lui permette de s'adresser directement aux directeurs des services fiscaux et aux trésoriers payeurs généraux. Le ministre a donné son accord pour que les réclamations ne posant aucun problème général de réglementation fassent l'objet d'une telle procédure, les services centraux gardant - comme c'est le cas dans d'autres départements - toute leur compétence pour répondre aux recommandations et propositions du Médiateur ainsi que pour examiner tout désaccord avec les services départementaux et toute demande pouvant mettre en cause une réglementation ou une politique générales de la direction concernée.

En ce qui concerne l'utilisation des pouvoirs que la loi du 3 janvier 1973 lui a conférés, il y a peu à ajouter aux développements des rapports précédents.

Il faut souligner cependant que le Médiateur a affirmé avec force ses pouvoirs de contrôle en recourant fréquemment aux communications de pièces et aux convocations d'agents publics.

Il se félicite, pour la quatrième année consécutive, de n'avoir pas eu l'occasion d'engager des procédures disciplinaires et pénales comme la loi le lui permet.

Insertion du Médiateur dans les institutions.

Le Médiateur a constaté avec satisfaction que s'approfondit, au sein des institutions, la prise de conscience de ce que peut apporter son action dans le sens de l'amélioration de la relation administration-administrés et du redressement de certaines situations

On citera à cet égard quelques faits particulièrement significatifs :

- un jugement de tribunal administratif, rejetant une requête pour forclusion, a mentionné, dans son dernier " considérant " que le Médiateur a, dans une affaire similaire, émis une recommandation tendant à faire droit à la demande du réclamant. Le jugement a conclu qu'"il y a lieu d'en informer M. ..., afin qu'il saisisse le Médiateur dans les conditions prévues par l'article 6 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, s'il le juge utile à la défense de ses intérêts ".

- l'administration a considéré la réclamation adressée au Médiateur comme valant demande en remise gracieuse et a prononcé à ce titre le dégrèvement du solde des impositions du réclamant (n° II-1820).

- un préfet de région a fait savoir au Médiateur que, dans une affaire (n° II-2998) relative à une demande de majoration pour aide constante d'une tierce personne, il a été possible de considérer qu'un réclamant, infirme, n'ayant pas contesté une décision rendue à son encontre par la commission départementale d'aide sociale, a, en écrivant au Médiateur, implicitement manifesté sa volonté d'interjeter appel de cette décision.

Son dossier a ainsi été réexaminé par la commission centrale qui lui a accordé la majoration spéciale.

- des membres du Conseil d'Etat, chargés de procéder, à la demande du Médiateur et en vertu de l'article 12 de la loi du 3 janvier 1973, à l'étude de réclamations, ont apporté des précisions intéressantes sur le fondement et les limites des pouvoirs du Médiateur.

Ainsi, dans un cas (n° I-1137) où le ministre avait justifié la fin de non-recevoir opposée à la réclamation en faisant valoir que les dispositions critiquées doivent être tenues pour légales tant que la juridiction administrative n'a pas jugé le contraire, il a été précisé :

" Une telle réponse... paraît méconnaître la portée de l'institution du Médiateur. Une pratique légale, ou l'application d'un règlement non annulé, peut constituer un mauvais fonctionnement du service public, au sens de la loi du 3 janvier 1973, notamment si cette pratique ou ce règlement s'est révélé contraire à l'équité, ou à certains principes généraux.

" Il en va de même a fortiori si l'analyse juridique établit l'illégalité d'une pratique ou d'un règlement, sans que cette illégalité ait été sanctionnée par le juge.

" L'administration a toujours la possibilité de modifier pour avenir les dispositions réglementaires illégales, inéquitables, ou dont l'application se révèle défectueuse ; les réclamations recueillies par le Médiateur doivent être l'occasion de repérer ces malfaçons de la règle de droit et bien entendu d'y remédier ".

Dans une autre affaire déjà citée (n° 771), le rapporteur du Conseil d'Etat avait pu noter :

" Il apparaît que (l'administration) vit dans un contresens sur le rôle du Médiateur... Elle n'a nullement à faire la leçon en droit à quiconque. Elle n'a pas à apprécier de ce qui est jugé et de ce qui pourrait l'être. Elle n'a pas à se substituer non plus à la Cour des comptes et au comptable. Elle n'a pas à demander à voir le dossier du Médiateur et son contenu.

" Le Médiateur tranche en équité et (l'administration) doit s'incliner et aider... On voit mal la Cour des comptes, notamment (et après elle le ministre des finances s'il faut en venir à re. mettre un débat au comptable) ne pas comprendre la portée d'une recommandation du Médiateur. "

Dans cette même espèce, le Médiateur s'est félicité que les services comptables d'une caisse primaire d'assurance maladie et d'un hôpital psychiatrique, auxquels une recommandation avait été directement adressée, aient considéré celle-ci comme un document suffisant pour autoriser le paiement demandé en faveur du réclamant.

Jurisprudence du Médiateur.

L'appréciation, par le Médiateur, de sa compétence a fait l'objet de développements dans les rapports de 1974 et 1975, développements qui restent valables.

Les quelques notations ci-dessous complètent ce tableau en se fondant exclusivement sur le texte de la loi du 3 janvier 1973. La loi du 24 décembre 1976 visant à étendre la compétence du Médiateur a, dans une large mesure, légalisé la pratique antérieure de l'institution. En tout état de cause, son vote en fin d'année n'a pas encore permis au Médiateur de tirer les conséquences pratiques du nouveau texte.

Ce point étant précisé on peut noter que :

- les caisses de retraites complémentaires, bien que poursuivant un but d'intérêt général incontestable, ne rentrent pas dans le champ d'action du Médiateur.

Interrogé par le Médiateur, le Conseil d'Etat a en effet estimé que, malgré l'affiliation obligatoire de tous les salariés à ces caisses, on ne peut considérer que ces organismes sont investis d'une mission de service public : bien au contraire le législateur a manifesté son intention de leur conserver leur autonomie et leur caractère privé. Aucune tutelle n'est instituée ni sur la personne des dirigeants ni sur les actes qu'ils peuvent prendre ; or de tels contrôles sont précisément et la garantie et la contrepartie d'une mission de service public.

Seuls échappent à ce régime et doivent, compte tenu des textes qui les ont institués, de leur mode de gestion et des contrôles, auxquels ils sont assujettis, être considérés comme investis d'une mission de service publie, des organismes comme l'I. R. C. A. N. T. E. C. (institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques) ou la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile.

Le Médiateur est cependant parfois conduit à instruire des réclamations mettant en cause des caisses de retraite complémentaire : tel le cas où, en raison de la carence apparente de la caisse et des délais excessifs apportés à la liquidation des droits de l'intéressé, il a demandé à l'inspection générale des affaires sociales de procéder à une enquête sur place, ce qui a conduit au versement d'un rappel d'arrérages en faveur de l'intéressé (n° II-1469).

- le Médiateur a continué à se vouloir le contrôleur de la légalité de certaines procédures administratives même si aucun mauvais fonctionnement de l'administration ne pouvait être décelé, à la réception de la réclamation.

C'est ainsi qu'il s'est informé sur la régularité d'une procédure d'expropriation dont le caractère d'utilité publique était contesté par le réclamant. Il lui est apparu que les méthodes suivies étaient parfaitement adaptées aux objectifs visés et que les procédures administratives avaient été régulières. Dans ces conditions, il n'a pas poursuivi son intervention (n° II-1670).

C'est ainsi également qu'il a pu se rendre compte qu'une procédure de nomination d'un agent de bureau à la préfecture de police avait été viciée par la prise en considération d'une condamnation amnistiée. A la suite de l'intervention du Médiateur et malgré son incompétence de principe en raison de l'article 8 le réclamant a été recruté en définitive dans l'emploi qu'il sollicitait (n° III-1047).

Il n'en reste pas moins que le Médiateur considère qu'il ne peut pas, substituer son pouvoir d'appréciation à celui des autorités compétentes : telle cette affaire où une enquête de l'inspection générale des affaires sociales avait confirmé que c'était à juste titre qu'avait été refusée aux réclamants, en raison de mauvais renseignements recueillis sur leur moralité et leurs buts purement commerciaux, l'autorisation d'ouvrir un établissement pour handicapés adultes mentaux (n° II-1142).

Si le Médiateur a eu, bien souvent, l'occasion de déplorer les délais nécessaires à l'action administrative, il a pu aussi s'indigner de ce que l'administration fasse preuve, parfois, d'une diligence insolite pour prendre des décisions destinées à faire échec à son intervention. Les cas sont rares, il est vrai, mais se sont présentés : poursuites engagées contre un réclamant par une caisse primaire de sécurité sociale, menées à leur terme alors que l'instruction ouverte par le Médiateur avait déjà permis de conclure à une faute grave de l'organisme en cause (affaire n° 771 déjà citée) ; engagement à la hâte d'une procédure de classement d'un site sur lequel un administré souhaitait construire : cette décision donnait à l'administration de solides motifs pour refuser l'autorisation de construire mais elle était d'autant plus mal venue qu'une enquête sur place, effectuée un mois auparavant avec des représentants de l'administration et du Médiateur, avait conclu à la possibilité d'autoriser la construction en cause, sous réserve que les précautions nécessaires soient prises pour assurer la protection du site (n° I-685).

Par contre le Médiateur n'a pas cru devoir critiquer ce procédé lorsque la position de l'administration était solidement fondée. Préconiser le contraire, c'est-à-dire la suspension des poursuites dès qu'il y a saisine du Médiateur reviendrait à favoriser les réclamations dilatoires.

Dans l'affaire n° II-2917, par exemple, le réclamant qui se plaignait du montant élevé de ses relevés de téléphone s'était indigné de voir sa ligne coupée, pour non-paiement, nonobstant sa réclamation auprès du Médiateur. Celui-ci n'a vu dans ce fait rien de répréhensible dans la mesure où les contrôles qui avaient été effectués par les P. T. T. avaient prouvé que la plainte n'était pas fondée.

- enfin, comme par le passé, le Médiateur s'est autorisé à porter à la connaissance des services concernés certaines réclamations qui, bien que n'entrant pas dans le champ de compétence délimité par la loi, heurtaient le sens de l'équité, et dans bien des cas, l'administration a accepté de porter remède à la situation dénoncée.

Un réclamant se plaignait de ne pouvoir obtenir ni réparation au titre de victime civile, ni pension militaire bien qu'il ait été déporté pendant la guerre du fait de ses activités de résistant : le refus qui lui avait été opposé, motivé par le fait que l'intéressé, d'origine tunisienne, n'avait acquis la nationalité française qu'en 1945, avait été confirmé par les tribunaux. Sur intervention du Médiateur, l'administration a accepté de renoncer à se prévaloir des décisions de justice rendues à son profit et a délivré à l'intéressé une carte de déporté résistant qui lui a permis de bénéficier d'une pension militaire (n° II-2441).

Un autre réclamant, condamné en 1971 par la cour d'assises de Paris à trois ans de prison avec sursis pour complicité dans l'attaque à main armée d'une banque, avait été radié de la profession de chauffeur de taxi. Cette condamnation devait être levée si, dans un délai de cinq ans, l'intéressé n'avait pas encouru d'autre condamnation. Le Médiateur a accepté de transmettre cette réclamation, ce qui a conduit à un réexamen de la situation du réclamant, et le bénéfice de sa réintégration dans la profession a été accordé à titre exceptionnel avant la date prévue (n° II-1835).

Une jeune femme, qui attendait un enfant, sollicitait la libération anticipée de son mari incorporé qui, par ailleurs, s'était vu proposer un emploi dès avant la date de sa libération. Aucun mauvais fonctionnement des services n'était à déplorer, maïs, compte tenu des faits invoqués, l'autorité militaire a estimé qu'une décision de libération anticipée était justifiée (n° III-1404).

Enquêtes locales.

Comme par le passé, le Médiateur considère que l'instruction de certaines affaires particulièrement complexes ne peut être menée que par la voie d'enquêtes sur place. Celles-ci tendent à prendre une place de choix parmi les " armes " mises par la loi à sa disposition.

Notons au passage que les enquêtes effectuées par le Médiateur ou l'un de ses collaborateurs ne forment qu'une partie des enquêtes menées à sa demande : on en compte un grand nombre effectuées par les membres des corps de contrôle et quelques-unes, également, par les membres du Conseil d'Etat chargés de l'étude de certaines affaires (n° II-1652).

On ne donnera ici que deux exemples :

N° III-986 : sa propriété devant être coupée par une future autoroute, le réclamant, pépiniériste, mit l'administration en demeure de procéder à l'acquisition de cette propriété dont il fut fait un inventaire. Mais l'intéressé fut hospitalisé en 1968 et, de ce f ait, il ne fut pas donné suite à cette acquisition.

La réunion tenue sur place à la demande du Médiateur, en présence de ses représentants, et sous la présidence du préfet permit de dégager les solutions appropriées :

1° Il n'était pas possible de procéder à l'indemnisation sur la base de la valeur fixée en 1968-1969, la propriété s'étant dégradée depuis cette date ;

2° Il n'était pas possible, pour que l'indemnisation soit satisfaisante, de relever le prix du mètre carré de terrain au-delà de la valeur vénale car cela aurait constitué un précédent pour les expropriations futures ;

3° Il fut décidé d'acquérir l'ensemble des terrains de l'intéressé, qu'ils soient ou non inclus dans l'assiette de la future autoroute et de verser au réclamant une indemnité de remploi substantielle.

C'est sur ces bases que, sur demande du Médiateur, se sont engagées les négociations.

N° II-1797 : un réclamant, ancien inscrit maritime, se plaignait que l'administration de la marine marchande ait refusé de lui reconnaître la qualité d'accidenté du travail pour un accident dont il aurait été victime en 1966 mais dont il n'a fait état qu'en 1972.

Une étude minutieuse a été effectuée par l'administration de la marine marchande et par les services de la santé des gens de mer. De plus, le délégué général du Médiateur s'est rendu sur place accompagné d'un inspecteur général des transports et des travaux publics pour examiner au cours d'une réunion contradictoire les arguments présentés par les diverses parties intéressées.

Il s'est avéré que le réclamant ne pouvait invoquer son ignorance de la réglementation sociale, dont il avait bénéficié à diverses reprises ; qu'aucun certificat médical ne faisait état d'un accident du travail ; que le médecin des gens de mer avait très régulièrement suivi l'intéressé ; et, qu'en définitive le service médical et l'administration, loin de se désintéresser de son sort, s'étaient efforcés de sauvegarder son avenir professionnel. Aucune faute de l'administration n'a donc pu être décelée qui puisse conduire à la poursuite de l'intervention du Médiateur. Les intéressés eux-mêmes en ont convenu.

II. - Le Médiateur et le Parlement.

Les relations entre le Médiateur et le Parlement restent étroites et suivies. Deux temps forts ont marqué l'année 1976. Au mois de juin d'abord l'audition du Médiateur par la commission spéciale chargée d'examiner les propositions de loi sur la défense des libertés. En décembre ensuite, l'adoption définitive par l'Assemblée Nationale de la proposition de loi du sénateur Schiélé tendant à augmenter les pouvoirs du Médiateur.

Entendu le 2 juin 1976 par la commission spéciale sur les libertés, le Médiateur a rappelé l'esprit de la loi qui, en 1973, a institué sa fonction. Notant que sa compétence est définie en termes assez larges pour qu'il puisse jouer le rôle de défenseur des libertés fondamentales, il a dressé la liste - en fait très restrictive - des atteintes à la liberté dont il a eu à connaître et en particulier de cette liberté essentielle à laquelle on ne songe guère, celle de posséder un état civil. Qu'on se souvienne de " l'affaire des prénoms bretons ".

Mais la garantie des libertés implique le respect de la règle de droit. Aussi le Médiateur n'a-t-il pas hésité à stigmatiser la désinvolture de l'administration à l'égard de la loi et de la justice. Il a donné des exemples précis d'inégalités de traitement en matière de prescriptions et de forclusion et critiqué l'absence de coordination des règles appliquées dans ces domaines. Il a aussi regretté la tendance qu'a l'administration à se placer au-dessus de la justice, en n'exécutant pas certains jugements qui la condamnent, et au-dessus de la loi en mettant du retard à prendre des textes réglementaires indispensables à l'application d'une loi.

A cet égard, il s'est montré favorable à différentes propositions de loi qui tendraient à accroître la responsabilité de l'Etat.

Par ailleurs, le Médiateur a insisté sur la nécessité de modifier certaines règles juridiques trop strictes. Ainsi en matière de législation sociale, il a dénoncé l'application rigide du principe de non-rétroactivité qui a pour effet de priver d'avantages nouveaux les sujets les plus âgés. Il a souligné l'absence d'harmonisation des divers régimes de sécurité sociale et demandé une information systématique et complète des futurs retraités sur leurs droits.

C'est précisément ce droit pour l'administré à être mieux informé que le Médiateur estime fondamental. Des dispositions nouvelles s'imposent pour que ce droit soit effectivement reconnu et garanti. Cela lui semble en effet essentiel pour favoriser des rapports harmonieux entre une administration toute-puissante et des citoyens qui ne sont pas toujours au courant des possibilités qu'ils ont pour faire reconnaître leur bon droit.

En conclusion, le Médiateur a estimé qu'il pouvait remplir un rôle utile auprès de l'administration et a souligné que son efficacité serait renforcée par une participation accrue des intéressés à l'élaboration des décisions administratives.

La deuxième date importante de l'année a été l'adoption définitive par le Parlement le 17 décembre 1976 de la proposition de loi du sénateur Schiélé tendant à compléter la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur. On en trouvera le texte intégral dans l'annexe D.

L'essentiel de ses dispositions ayant été indiqué dans le rapport de synthèse, il ne sera pas procédé ici à son analyse. Rappelons seulement que ce texte donne au Médiateur la possibilité d'exercer son action avec plus de rigueur qu'auparavant puisqu'il pourra, en s'appuyant sur des cas concrets, proposer des réformes destinées à modifier les textes législatifs ou réglementaires dont l'application, en certains cas, est une source d'iniquités répétées.

C'est là l'action prioritaire à laquelle le Médiateur s'attachera au cours de l'année 1977. Mais la procédure qui permettra de faire aboutir ses propositions de réforme sera nécessairement longue et difficile. Elle suppose la collaboration active et continue des parlementaires.

III. - Le Médiateur et le public.

Déplacements du Médiateur.

Au cours de l'année 1976, le Médiateur a poursuivi ses visites dans les capitales régionales. Il s'est rendu successivement à Besançon, Orléans, Châlons-sur-Marne, Amiens et Rouen après avoir participé, au début de l'année, à une réunion de travail avec les élus et les principales personnalités économiques et sociales de la région parisienne.

Les contacts directs pris au cours de ces réunions, que le Médiateur compte non seulement poursuivre mais développer, lui ont permis de mieux se faire connaître et d'exposer la portée de sa mission et la façon dont il entend l'assumer.

Ces visites l'amènent à rencontrer sur place les principaux fonctionnaires qui ont à connaître et à traiter les dossiers transmis par les parlementaires. Elles facilitent le dialogue nécessaire et souvent difficile entre le citoyen et l'administration.

C'est dans le cadre de ces réunions, enfin, que le Médiateur peut nouer des contacts fructueux avec les autorités administratives locales, qui ont souvent montré qu'elles étaient plus à même de résoudre certains problèmes que les services centraux.

Presse parlée et écrite.

Maintenir, entretenir, développer les contacts déjà existants avec la presse écrite et parlée a été l'objectif constant recherché par le Médiateur depuis sa nomination afin que son action soit mieux connue du public qui la perçoit encore mal.

Le Médiateur n'est cependant ni un leader politique ni un bateleur. Il se situe à la charnière du politique et de l'administration. C'est ainsi qu'il doit être ressentit au travers des articles qui lui sont consacrés par les journalistes qui le rencontrent.

Il convient en effet de souligner qu'une action trop intensive dans le domaine des relations publiques, qui s'apparenterait alors à un matraquage publicitaire, ne saurait conférer au rôle de Médiateur un relief ou une importance qu'il ne peut acquérir qu'avec le temps, dans le calme, la pondération et la mesure.

Son action, qui permet la résolution de problèmes à l'apparence souvent mineure ou secondaire au regard des informations qui monopolisent journellement l'attention du grand public, n'est certes pas spectaculaire, mais elle est déterminante dans la vie quotidienne souvent difficile des administrés qui s'adressent à lui.

C'est sans doute pourquoi la presse régionale plus ouverte aux problèmes immédiats et personnels de ses lecteurs semble faire une place plus importante aux interventions du Médiateur que la presse parisienne orientée davantage vers le commentaire politique et l'actualité nationale et internationale.

Conférences et séminaires.

A deux reprises, le Médiateur s'est fait représenter par son délégué général dans des colloques organisés en province au profit des fonctionnaires appartenant aux différents services extérieurs de l'Etat.

Le premier s'est tenu au centre de formation continue de Basse-Normandie rattaché à l'université de Caen. Il avait pour thème :

" Le fonctionnaire dans la société contemporaine ".

Le second a eu lieu au Cap-d'Ail dans le cadre du centre de formation des attachés de préfecture en poste dans les régions de Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes. Il avait pour sujet :

" L'administration face aux groupes de pression ".

Ces contacts leur ont permis de situer exactement le domaine d'action du Médiateur à la lumière des débats auxquels ont participé les préfets, les présidents de tribunal administratif, des élus locaux et les présidents des compagnies consulaires.

Dans le même ordre d'idée, un collaborateur du Médiateur s'est rendu à Metz pour diriger un séminaire devant les élèves de dernière année de l'institut régional d'administration.

De telles rencontres doivent être encouragées car elles informent utilement l'administration et les administrés de ce qu'ils sont en droit d'attendre du Médiateur.

Le délégué général du Médiateur continue à participer aux travaux du comité central d'enquêtes sur le coût et le rendement des services publics, mais aucune affaire soulevant l'un des problèmes soumis au comité n'a fait l'objet d'une réclamation auprès du Médiateur.

A l'occasion de la parution du troisième rapport annuel, le délégué général du Médiateur a réuni autour de lui, pour une table ronde, des universitaires et chercheurs. La réunion a eu pour objet d'informer les participants d'aspects inédits de l'action du Médiateur comme de répondre à leurs questions et à leurs critiques. Venant de personnalités aussi informées des expériences étrangères et des possibilités ouvertes en France par la création d'une institution de type ombudsman, ces questions et ces critiques ne pouvaient qu'êtres enrichissants et elles l'ont été. Notons au passage l'étonnement renouvelé de la part des personnes conviées que l'action du Médiateur dans le domaine des libertés publiques reste aussi mince : à cet étonnement fait écho celui du Médiateur qui ne peut que constater le fait et le regretter : en 1976, comme les années précédentes, les réclamations faisant état d'un problème de libertés publiques ont été fort peu nombreuses.

Les 3 et 4 décembre 1976 s'est tenu à la société de législation comparée à Paris un colloque franco-britannique portant sur le thème : " Le Médiateur et le commissaire parlementaire britannique ". Ce colloque a revêtu une importance particulière en raison de la participation de nombre de membres éminents du Conseil d'Etat, de la magistrature et de l'Université. Les rapports et les débats ont été orientés autour de trois thèmes principaux :

- compétence, pouvoirs et techniques du Médiateur et du commissaire parlementaire ;

- relations Parlement-Médiateur ou commissaire parlementaire ;

- Médiateur ou commissaire parlementaire et juridictions administratives.

Le vote par l'Assemblée nationale, le 2 décembre, de la proposition de loi précédemment adoptée par le Sénat et tendant à augmenter les pouvoirs du Médiateur a eu pour effet de conférer un intérêt particulier aux discussions qui se sont tenues. Le Médiateur et ses collaborateurs ont eu à répondre à de nombreuses questions - et critiques - formulées à cette occasion.

Le problème de l'insertion du Médiateur dans les institutions et celui de sa coexistence avec le pouvoir juridictionnel ont donné lieu à un débat aussi fécond qu'animé.

 

Retour au sommaire de l'année 1976
Retour au sommaire des rapports