Table Ronde
JUSTICE ET POLICE : QUELS RAPPORTS ?




Pierre BARDELLI, Président de l'Université de Nancy 2


C'est à l'initiative du Professeur François Jacquot, Responsable de l'Axe Fédérateur de Recherche Cohérence Europe que cette manifestation est organisée. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est en prise directe avec l'actualité : mais c'est en prenant toutes les distances nécessaires avec l'événementiel qu'une telle réflexion s'imposait : en effet, durant cette table ronde, les rapports entre police et justice vont être analysés avec soin par les spécialistes du droit et des praticiens et chercheurs. Vous avez pu le constater, cette manifestation a été réalisée en partenariat avec l'Université de la Sarre, l'Ecole Nationale de la Magistrature, le CRFPA de Nancy et la Mairie de Nancy. Vous m'excuserez d'oublier sciemment les partenaires internes, mais je pense qu'ils vont être cités dans un instant. Ce type de partenariat externe est représentatif des efforts constants d'ouverture de notre Faculté et de sa capacité à répondre aux divers défis de notre temps. Je suis très heureux de constater par ailleurs le nombre impressionnant de colloques à Nancy 2 et c'est au rythme d'un ou deux par semaine que j'interviens dans cette période. Et pour moi Président d'Université, c'est un signe de bonne santé puisque c'est principalement par ce genre de manifestations que nous valorisons la recherche.





Etienne CRIQUI, Doyen de la Faculté de Droit,
Sciences Economiques et Gestion


Monsieur le Procureur Général, Mon Général, Monsieur le Président, Messieurs les Directeurs, mes Chers collègues, Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis aussi en tant que Doyen de la Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion de l'organisation de ce colloque sur Justice et Police, colloque qui est en prise directe avec l'actualité et d'ailleurs nous le verrons non seulement en France mais dans certains pays voisins qui seront évoqués tout au long de cette manifestation. Et je m'en réjouis d'autant plus que nous avions en mars dernier, également organisée par François Jacquot, une manifestation du même type qui avait eu un grand succès sur l'indépendance du parquet. Voilà une nouvelle réussite à mettre à l'actif de François Jacquot, que je voudrais remercier très chaleureusement pour tout ce qu'il a fait, notamment dans le cadre de l'Axe Fédérateur Cohérence Europe. Mais cela témoigne aussi de la vitalité de l'activité scientifique dont parlait le Président Bardelli à l'instant et notamment de la vitalité de la recherche à l'intérieur de la Faculté de Droit, puisque nous avons eu il y une dizaine de jours, également dans le cadre de la Fédération Cohérence Europe, un colloque international au Palais des Congrès avec le Conseil de l'Europe sur les mutations de l'Etat-nation à l'aube du XXIème siècle. D'autres manifestations sont également prévues dans les mois qui viennent.
Je voudrais très sincèrement remercier tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont accepté l'invitation à participer à cette manifestation, et je souhaite à tous les participants et à tous les intervenants un bon colloque.




François JACQUOT,
Directeur de la Fédération Cohérence Europe


Merci pour ces mots de bienvenue et d'accueil. La conférence de ce soir s'inscrit dans le prolongement de celle qui s'est déroulée en mars dernier et qui était consacrée à l'indépendance du parquet. Il était apparu dans le cours des débats de cette conférence que la justice et la police étaient indissociables. Un parquet indépendant sans moyens était un parquet inefficace. La justice peut être aveugle, mais elle ne peut être ni sourde ni paralytique. De la même manière, la justice sans la police, ce serait un peu, et je suis provocateur, la science sans la conscience, et la police sans la justice pourrait être vue comme un instrument de tyrannie. Il m'a paru nécessaire de réfléchir sur les rapports d'interdépendance de ces deux institutions et ceci dans une perspective de recherche européenne et donc transfrontalière, qui est l'axe de recherche sur lequel nous sommes spécialistes. Voila pourquoi nous avons la chance d'accueillir ce soir un ensemble d'intervenants qui, à la fois du point de vue français et du point de vue transfrontalier, représentent toute la qualité et l'autorité espérée pour une manifestation de ce type.

Je tiens à remercier personnellement et très sincèrement l'ensemble de ceux qui ont accepté de répondre à notre sollicitation, tout en remerciant également l'équipe qui a travaillé avec moi à la préparation de ce colloque ainsi que tous les étudiants qui ont apporté leur aide. Je ne veux pas monopoliser la parole plus longtemps car le temps presse pour parler de choses extrêmement importantes et extrêmement sérieuses : je vais confier ces responsabilités à Monsieur le Procureur Général Gilles Lucazeau en soulignant préalablement que sa présence dans cette faculté, les liens qu'il nous a permis de tisser avec le milieu judiciaire ont un caractère extrêmement précieux. Et je tiens à souligner son ouverture d'esprit et sa disponibilité qui nous ont permis d'organiser cette manifestation. Monsieur le Procureur Général, je vous cède la parole et les responsabilités





Gilles LUCAZEAU : Procureur Général près la Cour d'Appel de Nancy


"Rapports entre Justice et Police" : tel est donc le sujet qui nous réunit ce soir et présente un intérêt de brûlante actualité dans la perspective annoncée d'une vaste réforme de la Justice.

Pour les uns, l'alliance entre la Justice entendue comme organe de poursuites (Ministère Public et Juge d'Instruction) et la Police entendue comme organe d'investigations, cette alliance placée au service d'une seule cause, celle de la Vérité, s'impose d'elle-même.

On s'interroge alors sur les véritables justifications d'une séparation, organique entre l'une et l'autre puisque, subordonnée à la Justice dans ses actions, la Police Judiciaire, je devrais dire les Polices Judiciaires, n'en reste pas moins placée sous l'oeil vigilant de ses ministères d'appartenance respectifs, Intérieur ou Défense.

Pour d'autres, alliance entre Justice et Police serait un peu comme l'union forcée de l'eau et du feu, chacune exerçant sa compétence sans idée de subordination à l'autre.

Une telle vision qui a certes mérité de justifier la séparation organique, jette en revanche le trouble sur l'objectif poursuivi : Vérité ou opportunité du moment ? et donne au rôle prétendument directif du parquet ou de l'instruction sur la Police Judiciaire un visage quelque peu déformé.

De récents incidents opposant l'instruction d'un juge à un haut policier montre à quel point la question prête à controverses...

Napoléon le Grand, bien qu'il fût petit, avait lui-même ajouté à la confusion en affirmant à l'époque que "tout l'art de la police consiste à ne pas voir ce qu'il est inutile de voir."

L'art de la Justice consisterait alors à l'inverse : voir ce que l'on cache ! et s'inscrirait à ce compte en opposition à celui de la police...

A vrai dire, l'évolution de notre Société, au fur et à mesure qu'elle s'est dirigée vers un mode de fonctionnement plus démocratique, nous montre à quel point le souci constant de ses dirigeants, répondant sans doute au voeu populaire, a été marqué par la philosophie des "pouvoirs et contre-pouvoirs" chère à MONTESQUIEU ou ALAIN.

Cette philosophie serait-elle donc la suprême ou unique justification de la séparation organique entre Police Judiciaire et institution judiciaire ?

Et peut-elle survivre à l'heure oł l'on parle tant d'indépendance de la Justice ?

Le Parquet, demain peut-être indépendant et donc solitaire, ne risque-t-il pas, faute d'une autorité directe et sans intermédiaire sur la Police Judiciaire, d'être un peu à l'image d'un "Roi nu ?"

Telles sont, parmi d'autres, les questions que soulève le sujet de ce Colloque, questions auxquelles la Commission TRUCHE a tenté d'apporter une ébauche de réponse en soutenant l'idée d'un renforcement des moyens de contrôle sur la Police Judiciaire par les Magistrats, idée par ailleurs soutenue avec force par la Conférence des Procureurs Généraux, et reprise par Madame le Garde des Sceaux dans sa présentation en Conseil des Ministres du 29 octobre dernier du projet de réforme de la Justice.

Mais un tel souhait de contrôle renforcé de la Police Judiciaire sera-t-il adapté à l'exigence tout à la fois d'efficacité et d'impartialité de la Justice ?

Afin d'y voir un peu plus clair dans un sujet aussi complexe et sensible, je me réjouis d'avoir à mes côtés les intervenants qui ont bien voulu participer à ce Colloque.




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