Table Ronde

JUSTICE ET POLICE : QUELS RAPPORTS ?
Aspects Pratiques




Yves MARCHAND,
Directeur de l'Inspection Générale de la Police Nationale.


Je vous remercie Monsieur le Président. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Monsieur Claude Guéant, Directeur général de la Police Nationale qui tenait à assister lui-même à ce colloque et qui en a été empêché par des obligations intervenues dans son programme : il doit en effet aujourd'hui assurer une présence auprès du Ministre de l'Intérieur à l'occasion d'un déplacement de ce dernier dans certains services de police. Monsieur Guéant m'a demandé de la représenter ici, ce dont je m'acquitte bien volontiers, d'autant plus volontiers que le sujet qui nous réunit ici, les rapports entre la police et la justice, présente à mes yeux un intérêt des plus grands, que je situerai d'emblée non pas au niveau des seuls magistrats ou des seuls policiers, mais à celui de l'intérêt de nos concitoyens, dont nous avons conjointement à assurer la protection, grâce à la mise en oeuvre d'un dispositif législatif et réglementaire cohérent, tel qu'il est notamment prévu par le Code de procédure pénale et dans le cadre d'une sécurité des biens et des personnes qui doit s'exprimer partout et qui doit concerne tout le monde, c'est-à-dire une sécurité pour tous.

La présentation de la problématique générale de ce colloque évoque l'existence d'une ambiguïté dans les relations entre la justice et la ou les polices. le terme "ambiguïté" ne me paraît pas forcément approprié pour définir justement les relations concernées. Nous avons que tous que le Code de procédure pénale définit les rôle et les missions des différents partenaires dans l'exercice de l'action publique et de l'instruction. Nul ne conteste, au sein de services de la police nationale, dont je vois un certain nombre de représentants parmi nous ce soir, le rôle éminent de l'autorité judiciaire, et en particulier du Procureur de la République en ce qui concerne la direction de la Police Judiciaire, et qui s'exprime tout au long des enquêtes par des démarches très précisément énumérées par le Code de procédure pénale. Et je citerai en tout premier lieu le devoir d'information, qui est imposée aux officiers de Police Judiciaire par l'article 19 de ce code, en ce qui concerne les crimes, les délits et les contraventions dont ils ont à connaître. Cette obligation, qui s'exprime au quotidien, et qui est parfaitement bien respectée par les OPJ de la Police Nationale, concerne également les infractions qui sont prévues par l'article 75 du Code de procédure pénale et puis précisément de l'enquête préliminaire dite "d'office", qui dans la présentation du thème du colloque, est assimilée à un acte d'autonomie puisque non demandée par l'autorité judiciaire.

Il convient quand même de dire que même cette enquête que le législateur a prévue dans l'intérêt même des victimes, outre l'information préalable du Procureur de la République en ce qui concerne la découverte de l'infraction qui la motive, est assujettie à des interventions précises du parquet, notamment en ce qui concerne la garde à vue. Il convient également de constater, toujours dans le cadre de l'enquête préliminaire de l'article 75, demandée ou non par le parquet, que ce dernier intervient également au niveau de la désignation des personnes qualifiées pour procéder à des examens techniques ou scientifiques, au niveau des actions de contraintes pouvant être exercées au niveau des témoins récalcitrants, et qu'enfin les actes de procédure dressés par les OPJ doivent obligatoirement, dans le cadre de cette enquête comme dans les autres, être transmis au procureur de la république dès la clôture des opérations. Et pour répondre à une deuxième question qui apparaît dans la présentation du colloque, quel degré d'autonomie les services de police s'autorisent-ils, j'indiquerai tout simplement que les services de police ne s'autorisent pas d'autonomie en fonction des circonstances ou des faits : ils utilisent les moyens qui leur sont données par le législateur, en respectant les liens étroits qui unissent les OPJ à l'autorité judiciaire, quel que soit le mode d'enquête, et dans un but général précis : apporter une contribution à l'action publique, en constatant les infractions à la loi pénale, en rassemblant les preuves, et en recherchant les auteurs. Et si effectivement le législateur a donné dans certains cas aux OPJ une autonomie dans la mise en oeuvre de certains actes, comme la décision de placer certaines personnes en garde à vue, il convient de considérer ici que d'une part, l'autonomie n'est pas l'indépendance, et qu'il ne convient donc pas forcément de l'opposer, ou de la mettre en parallèle avec la dépendance. Celle qui est accordée aux OPJ, dans le cadre de nos institutions et dans le cadre du Code de procédure pénale, pour certains points précis, n'exclut pas la dépendance de ces mêmes OPJ vis-à-vis de l'autorité judiciaire.

D'autre part, il convient de considérer que les fonctionnaires, les gendarmes et officiers de Police Judiciaire, sont des fonctionnaires dont le niveau de recrutement, acquis la plupart du temps sur les bancs des facultés, la formation qu'ils reçoivent, en font des acteurs privilégiés de l'action publique, dont les actions méritent une considération particulière, parce qu'ils sont au quotidien au contact de la réalité de la délinquance. Quant au contrôle de l'activité judiciaire des fonctionnaires de la police nationale par l'autorité judiciaire, on ne saurait nier ni son existence, ni sa cohérence. Il s'exerce contrôle au niveau de l'octroi, dans un premier temps, du retrait ou de la suppression, de la suspension de l'habilitation à exercer effectivement les attributions attachées à la qualité d'officier de Police Judiciaire. Il s'exerce aussi et surtout à travers le fil des enquêtes, à travers les rapports constants, dont je tiens à souligner ici la qualité, qui existent sur l'ensemble du territoire, entre l'autorité judiciaire et les services de la police nationale oeuvrant dans le domaine de la Police Judiciaire. Et s'il peut arriver, d'une manière ponctuelle, que des incompréhensions ou des maladresses surviennent, il convient de ne pas les ériger en phénomènes d'ampleur nationale.

J'ajouterais que, outre les contingences prévues par le Code, les fonctionnaires de la police nationale, qu'ils oeuvrent dans le domaine judiciaire ou dans le domaine administratif, sont des fonctionnaires qui sont tenus au respect d'une éthique professionnelle, qui, vous me l'accorderez, est très grande et qui est d'autant plus grande que le métier de policier est difficile. Ils disposent également d'un code de déontologie dont l'existence est enviée par bon nombre de services étrangers, et notamment européens. Ces fonctionnaires sont parfaitement conscients du rôle essentiel qu'ils doivent jouer dans le cadre d'une politique d'action publique, qui réclame une très large dose de confiance, entre tous les partenaires concernés, dans le cadre des dispositions existantes.

Enfin je soulignerai que tant la police que la gendarmerie et la justice ont à faire face à un mal endémique qui nous concerne de la même manière, qui s'exprime bon an mal an à travers plusieurs millions de délits commis sur le territoire national : 3 559 617 en 1996, pour être plus précis, et qui entraînent la mise en cause par les services de police et de gendarmerie à travers les procédures plusieurs centaines de milliers de personnes : 804 655 en 1996, parmi lesquelles la part des mineurs va en grandissant. Là est le véritable problème : il ne faut pas l'ignorer ni se tromper d'adversaire. Et c'est dans le cadre d'une coopération étroite, certes toujours perfectible, qu'il convient de l'aborder, tant au niveau de la constatation des crimes et des délits qu'à celui de la recherche de leurs auteurs et à celui de leur traitement. La sécurité de nos concitoyens est devenue l'une des composantes essentielles de la qualité de leur vie : il convient que les services publics, de la justice, de la police, de la gendarmerie, travaillent mieux, ensemble, dans le cadre de nos institutions républicaines, dans ce domaine si important. Et il serait vain de chercher des querelles aux uns et aux autres, de diviser plutôt que d'unir, de rechercher des prés carrés plutôt que de recouvrir ensemble le territoire national dans l'intérêt général. Le récent colloque organisé par le ministre de l'Intérieur sur le thème "Des villes sûres pour des citoyens libres" qui s'est tenu les 24 et 25 octobre derniers à Villepinte, et qui a réuni l'ensemble des acteurs de la sécurité, dont notamment le Garde des Sceaux, a montré l'importance et l'intérêt d'une action conjointe, coordonnée, des administrations de l'Etat.

C'est dans ce sens que la Police Nationale, qui effectue un profond effort de modernisation de ses services et des ses corps, s'engage résolument. C'est en ce sens que la justice et la police doivent coordonner leurs efforts, à travers leurs rapports au quotidien, mais également à travers les dispositifs destinés à améliorer la lutte contre la délinquance, qu'il s'agisse des conseils communaux de prévention de la délinquance, des plans départementaux de sécurité et très prochainement des contrats locaux de sécurité, dont le but essentiel est de fédérer les actions de l'Etat, en vue d'améliorer la sécurité qui est l'un des domaines où l'écart entre les attentes légitimes des citoyens et l'action publique est le plus fort. Je vous remercie.
Gilles LUCAZEAU : Je vous remercie pour cette intervention qui sans doute, vous me pardonnerez de le dire, se présente sous un angle très consensuel, et en tout cas qui tend à apaiser, si querelle il y avait, ce qui peut opposer justice à police. Tout au moins et néanmoins, vous me permettrez, d'extraire de votre intervention quelques passages sur le fameux problème du devoir d'information qui résulte de l'article 19 et la question posée en annexe du plus ou moins grand degré d'autonomie de la police.





Général GILLOT, Chef du service des Opérations et de l'Emploi de la Gendarmerie Nationale


Je voudrais essayer de montrer concrètement les relations qui existent entre la gendarmerie et la justice.

La gendarmerie, ce sont essentiellement les 52 000 militaires de la gendarmerie départementale. Avant tout, ce sont 3600 brigades territoriales réparties sur tout le territoire national. Ces brigades territoriales ont une compétence générale, c'est-à-dire qu'elles font à la fois de la police administrative, de la police judiciaire et de la police militaire. Pratiquement, que fait un gendarme ? Il va aussi bien dans sa journée constater un accident de la route, faire une patrouille de surveillance générale que faire une enquête de Police Judiciaire. C'est le fondement du fonctionnement de la gendarmerie, 3600 unités qui ont une compétence générale.

Ces unités sont renforcées par un certain nombre d'unités spécialisées : des unités spécialisées en matière de circulation routière — ce sont celles qui vous contrôlent le long des routes —, des unités qui font de la surveillance — ce sont nos pelotons de surveillance et d'intervention — , et des unités spécialisées en matière de Police Judiciaire, qui sont nos brigades de recherche et nos sections de recherche. Mais ces unités spécialisées en matière de police judiciaire, ce sont uniquement 3000 militaires sur les 52000. L'activité judiciaire au sein de la gendarmerie représente 40% de son activité ; elle est faite par l'ensemble des unités, pas simplement les 3000 personnels spécialisés, mais l'ensemble des 52000 militaires.

Comment répartit-on les enquêtes au sein de la gendarmerie ? Evidemment, les enquêtes les plus complexes sont menées par les unités spécialisée. Mais la masse des enquêtes est exécutée par les unités à compétence générale, les brigades territoriales. Ces brigades territoriales, lorsque l'enquête apparaît difficile, sont renforcées par des brigades de recherche et par les sections de recherche. Il y une imbrication entre l'action des brigades territoriales et les unités de recherche, et cela forme un tout, aux ordres d'officiers qui commandent les compagnies de gendarmerie départementale ou les groupements de gendarmerie départementale.

Revenons au problème d'autonomie ou de subordination par rapport à la justice. La gendarmerie est subordonnée à la justice pour tout ce qui concerne la police judiciaire. Elle est placée sous le contrôle et la direction des magistrats. Alors dira-t-on, comment sont répartis les moyens au sein de la gendarmerie ? Rappelons que le budget de la gendarmerie est intégré au budget du ministère de la Défense. Les priorités de ce budget tiennent compte des orientations gouvernementales. Il est évident que si le directeur de la gendarmerie décidait par exemple du jour au lendemain de supprimer trente brigades de recherche pour créer un escadron de gendarmerie mobile, il faudrait qu'il ait l'autorisation du gouvernement et que ce soit accepté par le parlement.

La délinquance juvénile est un souci prioritaire du gouvernement. La gendarmerie a décidé de créer dix brigades de prévention de la délinquance juvénile, qui seront suivies par d'autres, parce que cela répond à une décision gouvernementale. Alors certes, organiquement, la gendarmerie n'est pas subordonnée au ministère de la justice. S'il fallait qu'il y ait cette subordination, quelles unités concernerait-elle ? Certainement pas les brigades territoriales, c'est-à-dire l'immense majorité des unités de gendarmerie, puisque ces unités font à la fois de la police administrative et de la police judiciaire. Elle ne pourrait donc concerner que les unités spécialisées en police judiciaire, c'est-à-dire les 3000 militaires des brigades et sections de recherche. Pour la gendarmerie je crois, ce serait dommageable et ce serait dommageable pour l'Etat en général, parce que la synergie qui existe entre les brigades territoriales et les unités spécialisées disparaîtrait. Il en résulterait une démotivation des unités à compétence générale et je crois que l'Etat, la société, y perdraient.

L'absence de subordination organique n'est pas contradictoire avec la nécessité d'une coordination mais je crois que cette coordination se réalise pratiquement. Actuellement, la gendarmerie inscrit son action dans le cadre des plans départementaux de sécurité : ces plans sont sous la co-direction du préfet et du procureur de la République. Il y a donc une double action, une synergie. Il y a progrès. Quand j'ai commencé ma carrière, les préfets organisaient ce qu'on appelle des "réunions-police", qui réunissaient les chefs de police du département, pour traiter de problèmes de police. On ne voyait pas l'équivalent avec les magistrats. Il était très rare que les procureurs réunissent les services de police. Maintenant, de plus en plus les magistrats se réunissent, donnent leurs directives et coordonnent l'action des services de police judiciaire. Je crois que c'est dans ce sens qu'il faut aller : un sens pratique, et pas une modification de textes qui reste toujours plus ou moins théorique.

Gilles LUCAZEAU : Merci mon Général de votre intervention, qui souligne d'ailleurs une part des interventions de tout à l'heure concernant le rôle éminemment ou l'action plus particulièrement préventive conduite en parallèle, ou en synergie comme vous disiez à l'instant, par les services de police, de gendarmerie, et le parquet. C'est une habitude de travail, qui s'est développée depuis quelques années.




Gilbert THIEL, Premier Juge d'Instruction au TGI de Paris


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Vous connaissez la chanson... Et peut-être me pardonnerez-vous le plagiat d'une oeuvre cinématographique récente : "Mes circuits sont niqués, je l'ai aimé si fort..." Je parle bien entendu de la Police, Monsieur le Directeur, mais aussi bien entendu, pas de jalousie prématurée, de la gendarmerie, Mon Général.

Encore qu'à bien y regarder, il ne s'agisse pas forcément d'une histoire d'amour sur le thème "Je t'aime, moi non plus", mais plutôt d'une histoire de couple. Chacun en conviendra, ce n'est pas forcément la même chose...

Les précédents intervenants vous ont dépeint le cadre juridique dans lequel les officiers de Police Judiciaire étaient amenés à intervenir en exécution des directives du Parquet, sous le double contrôle du Procureur Général et de la Chambre d'Accusation.

L'intervention des officiers de Police Judiciaire chargés d'exécuter les prescriptions des commissions rogatoires qui leur sont délivrées par les Juges d'instruction s'inscrivent dans le cadre d'une délégation de pouvoir. En d'autres termes, les officiers de Police Judiciaire mandatés rogatoirement exécutent en lieu et place du Juge d'Instruction certains actes de procédure que celui-ci a le pouvoir d'accomplir lui même.

C'est dire si le contrôle de l'activité des OPJ par le Magistrat Instructeur est d'une essence différente de celle exercée par les autres autorités judiciaires.

J'oserai une comparaison. Les relations Police-Justice sont en quelque sorte à l'image de l'évolution des relations entre l'Homme et la Femme au sein du couple. Pendant longtemps le machisme a été érigé en dogme, en norme. L'homme menait sa vie, exerçait son activité professionnelle et la femme l'attendait patiemment au domicile conjugal, vaquant à ses occupations domestiques. Elle ignorait ou voulait ignorer voire feindre d'ignorer les frasques de son époux. De la même façon, le policier menait sa vie, fréquentait pour des besoins exclusivement professionnels bien sûr quelques voyous et Dame Justice restait cantonnée dans les boudoirs judiciaires, préférant ignorer les frasques de son concubin.

Et puis les choses ont évolué, les femmes se sont petit à petit émancipées. Et la Justice aussi.

Deux exemples vous en convaincront :

- à la fin des années 70, le substitut du Procureur de la République ou le Juge d'instruction qui se risquait à aller contrôler une garde à vue était considéré dans le meilleur des cas par son Procureur ou son Président comme faisant preuve d'un enthousiasme juvénile ou dans le pire des cas comme un Magistrat faisant preuve d'une certaine immaturité professionnelle. Quant aux Officiers de Police Judiciaire, ils ne voyaient pas forcément avec les yeux de Chimène de telles initiatives qui présentaient effectivement la caractéristique d'être nouvelles bien que les textes de procédure pénale depuis des décennies aient expressément confié ces pouvoirs aux Magistrats de l'Ordre Judiciaire. Et puis petit à petit de tels contrôles sont entrés dans les moeurs policières et judiciaires et les enquêteurs se sont rendus compte que, loin d'être un signe de défiance, ces contrôles permettaient une meilleure association des deux protagonistes dans leur quête commune de recherche de la vérité.

- Il faut aussi rendre à César ce qui appartient à César. Dans le domaine des affaires économiques et financières, c'est l'institution policière qui a fait preuve d'initiative en spécialisant dès le début des années 70 (et là il s'agissait d'une spécialisation effective, je veux dire qu'il ne s'agissait pas comme ce fut trop souvent le cas dans le domaine judiciaire d'une spécialisation décrétée) des fonctionnaires des services régionaux de Police Judiciaire dans le domaine comptable et financier.

C'est ainsi que les champs d'investigation délibérément laissés en jachère perpétuelle par l'institution judiciaire ont été investis et c'est ainsi que des affaires économiques et financières de la fin des années 1970 et du début des années 1980, on est parvenu aux affaires politico-financières de la fin des années 1980 et des années 1990.

Je crois qu'il faut rendre hommage à ces policiers précurseurs qui ont parfois été épaulés par quelques Juges d'Instruction autodidactes.

Car à cette époque, c'est une vérité d'évidence, le pouvoir politique tentait encore d'étouffer ces velléités novatrices en utilisant deux armes qui étaient à sa disposition :

- le contrôle de l'activité de la police par la maîtrise des carrières des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur et le choix des moyens à mettre en oeuvre pour telle ou telle enquête.

- par son bras séculier au sein de l'institution judiciaire, j'ai nommé les parquets et Parquets Généraux qui recevaient contre la loi de procédure des instructions de classement du Garde des Sceaux et qui évoluaient, je ne voudrais être désagréable pour personne car il ne s'agit pas d'un problème d'homme, mais c'est quand même la vérité, dans une sorte de culture de soumission. D'ailleurs les Procureurs et Procureurs Généraux de l'époque auraient été bien avisés, il y a une dizaine d'années, de céder aux incantations de Michel BERGER, incantations popularisées par France GALL "Résiste; résiste, prouve que tu existes...". Il a fallu un certain temps avant que le chanteur ne soit entendu.

Les temps ont maintenant changé. De nouvelles affaires sont désormais au centre des préoccupations judiciaires. De nouvelles difficultés, et c'est inévitable, sont nées. Mais avant de tout réformer une nouvelle fois, ne doit-on pas se dire qu'un problème tel que celui qui est posé à la Justice par l'affaire du Crédit Lyonnais est quelque part un problème de "riche" ? Car il y a une dizaine d'années, en tout cas une quinzaines d'années il n'y aurait pas eu de procédure judiciaire concernant le Crédit Lyonnais car en ces temps là, la Justice n'aurait pas été saisie de ce type de contentieux, et l'aurait-elle été qu'elle s'en serait probablement désintéressée.

Alors, à l'heure où il est question de bouleverser les schémas d'organisation du Ministère Public et de rattacher la Police Judiciaire à la Justice on ne saurait faire peu de cas du chemin parcouru grâce à l'évolution des mentalités. Le système demeure bien entendu perfectible. Des modifications législatives sont certes nécessaires. Mais faut-il pour autant croire une nouvelle fois, au terme d'une démarche spécifiquement française, que les améliorations dans le fonctionnement de la Justice pénale et de son corollaire la Police Judiciaire ne peuvent résulter que de changements de la loi de procédure ? C'est précisément ce que le législateur a cru depuis plus de vingt ans lorsqu'il a par une vingtaine de lois successives tenté de modifier l'instruction préparatoire et singulièrement les règles de la détention provisoire avec l'insuccès que tout le monde connaît et reconnaît.

Alors un peu hermétique aux modes, je dis à la Police Judiciaire : "J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main..."


Gilles LUCAZEAU : Merci Monsieur le Juge pour cette intervention où vous nous avez fait une description très combative du couple, que je n'oserais pas qualifier de couple infernal, police-justice.




Gérard WELZER, Avocat au Barreau d'Epinal.


En tant qu'avocat, dans les problèmes de couple qui ont été évoqués par Gilbert Thiel, on s'occupe souvent des enfants. Et voyez-vous, Mesdames Messieurs, vous êtes tous des citoyens. Or nous planchons ici sur les rapports Justice-Police, mais il ne faut pas oublier que les rapports Justice-Police sont là pour être au service des citoyens. Deux parties puisque nous sommes dans un amphithéâtre juridique : premièrement, la présence de l'avocat en garde à vue, et deuxièmement : Justice-Police oui, mais n'oublions pas le politique.

Présence de l'avocat en garde à vue : les nombreux officiers de gendarmerie qui sont présents ici et les excellents officiers de Police Judiciaire lorsqu'ils entendent "présence de l'avocat en garde à vue" lèvent les bras au ciel et je les comprends. Que se passe-t-il en France et que se passait-il jusqu'en 1993 ? La culture télévisuelle que nous avons tous reçue depuis que nous sommes enfants, en regardant les téléfilms américains, fait que chacun d'entre nous avant d'entrer à la Faculté de Droit, comme vous avez été tous, croit que lorsqu'il est arrêté dans la rue et emmené en garde à vue, il lui suffit de dire la phrase magique "Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat". En France, si vous faites cela, ce n'est pas toujours le résultat souhaité qui arrive.

Jusqu'il y a récemment, la France était l'un des rares pays où, lorsque vous étiez mis en garde à vue, vous n'aviez aucun droit. La loi récente a instauré la présence de l'avocat au bout de la vingtième heure de garde à vue sauf en matière de stupéfiants et en matière de terrorisme. Cette loi avait même prévu que l'avocat pourrait assister à la garde à vue dès la première heure. Il y a eu un changement législatif, cet amendement a été supprimé, le droit positif actuel pour l'instant prévoit la présence de l'avocat au bout de la vingtième heure de garde à vue. La profession d'avocat, surtout ceux qui font beaucoup de droit pénal, a demandé que l'avocat puisse assister à la garde à vue pour le bénéfice des citoyens dès la première heure.

Il y a bien évidement des arguments contre cette présence et qui sont développés, légitimement et de bonne foi, par ceux qui font les enquêtes ; c'est-à-dire les officiers de gendarmerie et de Police Judiciaire, qui disent : "Ecoutez, si dès le départ de notre enquête, un élément extérieur comme un avocat vient, il va donner des conseils à la personne qui est en garde à vue et notre enquête n'aboutira pas". Ils peuvent dire : "Dans certains cas, l'avocat (car dans notre profession comme dans d'autres, tout le monde n'est pas forcément honnête) peut avoir tendance à prévenir telle ou telle personne". Ces arguments contre la présence de l'avocat en garde à vue sont réels, mais à mon avis, négligent un vrai problème : c'est qu'en France les enquêteurs ont la religion de l'aveu, contrairement aux Etats-Unis, où l'avocat intervient tout de suite, et ce n'est pas pour cela que les enquêtes aboutissent moins. Mais en France, les enquêteurs ont la religion de l'aveu, c'est-à-dire qu'on pense que dès que quelqu'un avoue il est coupable, ce qui est à mon avis complètement aberrant puisque quelqu'un peut avouer et être innocent et quelqu'un peut nier et être coupable. Et cette présence de l'avocat dès la première heure obligerait les enquêteurs français à travailler autrement, c'est-à-dire à rechercher plus de preuves objectives scientifiques plutôt que d'essayer de faire dire absolument au cours d'une garde à vue à tel ou telle personne telle chose sur ce qu'elle a fait.

Dans le projet de loi présenté par Madame le Garde des Sceaux, cette présence est prévue : je crois sincèrement qu'il ne faut que pas que les enquêteurs s'en inquiètent. Cela se fera, on est à trois ans du XXIème siècle, les enquêteurs changeront de pratique, et tout se passera à mon avis très bien. Quant à l'argument de dire "Ah mais si jamais l'avocat rentre en garde à vue dès la première, rendez-vous compte, vous les avocats vous aurez trop de travail", je vous dis "Mesdames et Messieurs les enquêteurs, ne vous inquiétez pas pour nous, on se chargera de ce travail."

Deuxième partie et fin de mon exposé : Justice-Police, et politique, à quoi ramènent les affaires que vient de nous rappeler l'excellent magistrat Monsieur Gilbert Thiel, les maladresses qui ont été qualifiées par mon voisin de gauche [Yves Marchand] et que je qualifierais pour ma part de dysfonctionnements.

Que s'est-il passé ? Nous avons assisté en France au fait qu'un magistrat instructeur qui avait demandé à un officier de Police Judiciaire de l'accompagner au cours d'une perquisition a vu cet officier de Police Judiciaire refuser. Je ne suis pas d'accord sur l'interprétation de l'arrêt de la cour de Cassation : à mon avis, ce policier devait obéir au magistrat. Nous avons assisté encore en France, et il y a ici l'un des intervenants, au fait qu'on a loué un hélicoptère pour aller un chercher un procureur ici présent d'ailleurs [Laurent Davenas] qu'on n'a pas trouvé, pour essayer d'empêcher qu'un de ses substituts prenne une réquisition.

On pourrait citer d'autres dysfonctionnements. Le politique, qu'il soit de droite ou de gauche, le pouvoir, doit toujours avoir des barrages. Nous arrivons au XXIème siècle : il faut absolument que ces barrages soient institutionnalisés. C'est vrai pour la politique et la justice, mais c'est vrai également pour la presse : jusque dans les années 70-75, la télévision avait une voix officielle. Nous avons évolué : et si des politiques ne comprennent pas, quelle que soit leur couleur, que la société a évolué et que les citoyens veulent aujourd'hui des institutions libres, ces politiques perdront les élections. En conséquence, et je conclus : les rapports Justice-Police doivent être au service des citoyens, ce qui signifie qu'à partir du moment où les policiers sont soumis au gouvernement, et c'est légitime, à partir du moment où le parquet est soumis au gouvernement, il faut développer de plus en plus les moyens pour que les magistrats puissent agir librement en conscience. Et liberté souvent veut dire également moyens financiers, car faire des textes, c'est bien, mais encore faut-il donner le budget nécessaire pour quel la liberté puisse s'appliquer.

Gilles LUCAZEAU : Merci, Maître, d'être à travers votre intervention l'aiguillon, et peut-être la mouche du coche dans ce débat. Référence à la liberté : pour paraphraser l'intervention d'un journaliste célèbre, je dirais qu'en effet liberté c'est tout à la fois la fleur et les épines. Il faut l'accepter d'un bloc ou la rejeter.



Laurent le MESLE, Magistrat, Sous-Directeur
des Affaires Criminelles et des Grâces.



L'exposé précédent a placé mon intervention "en situation" car le poste que j'occupe est précisément au coeur de la plupart des débats que nous connaissons et qui, pour certains, nous réunissent aujourd'hui.

Le fait que j'intervienne à la fin de cette table ronde va néanmoins m'amener à limiter mes explications à quelques rapides indications sur les questions qui m'apparaissent essentielles dans ce débat.

Tout part de cette question : pourquoi la question des rapports police -justice se pose-t-elle avec une telle force aujourd'hui alors que la matière est réglée, à peu de chose près, par les mêmes dispositions qu'il y a vingt, trente ou quarante ans ? (époques auxquelles peu de facultés de droit organisaient des débats comme celui-ci.).

Poser cette question, c'est y répondre : il me semble que nous sommes en présence d'une remise en cause de l'équilibre du procès pénal tel que nous le connaissons en France depuis deux siècles. Il ne faut pas craindre cette remise en cause car à l'équilibre traditionnel succédera, en effet, un nouvel équilibre ; mais il faut tâcher d'en dégager les tendances lourdes. Celles qui nous intéressent aujourd'hui ont trait aux relations qu'entretiennent entre eux trois des principaux acteurs de ce procès : le policier, le procureur et le juge. Le policier qui enquête, le procureur qui poursuit, et le juge qui instruit, juge, et éventuellement sanctionne.

1. RELATIONS ENTRE L'AUTORITE DE POURSUITE ET L'AUTORITE DE JUGEMENT

Cette question paraît être en dehors de notre sujet, mais ce n'est qu'une apparence. Il ressort des réflexions de la commission Truche, et, plus encore, de la communication que Madame le Garde des Sceaux a faite le 29 octobre dernier au conseil des Ministres que l'évolution des parquets vers une plus grande indépendance allait sans doute s'accompagner d'un contrôle par les juges du siège de certaines de leurs décisions et essentiellement bien sûr les classements sans suite d'opportunité.

Si l'on fait de la politique judiciaire fiction, on peut également se demander si l'instauration d'un juge des libertés, d'abord compétent pour prendre les décisions juridictionnelles qui relèvent actuellement du juge d'instruction, n'aboutira pas également à une forme de contrôle par un magistrat du siège des enquêtes dirigées par le parquet, et notamment des enquêtes préliminaires.

Si l'on va encore plus loin dans la politique judiciaire fiction, on peut également se demander si cette évolution ne porte pas en germe la scission du corps des magistrats. Les seuls vrais magistrats demeurant les magistrats du siège, et le parquet évoluant vers une forme de fonctionnement particulier, teinté d'indépendance.

Allons jusqu'au bout de la fiction que je développe devant vous. Nous serions alors, si vous me suivez, en présence de deux corps de fonctionnaires, l'un faisant des enquêtes, l'autre les dirigeant. La question de leur unification se poserait alors nécessairement.

Mais je l'ai dit, c'est de la fiction. Arrêtons là, ce n'est pas ce qui est actuellement souhaité. Le raisonnement par l'absurde permet néanmoins d'éclairer certaines situations. C'est aussi la question de la séparation de l'autorité de police et de l'autorité de poursuite qui se profile derrière celle des relations entre juges du siège et magistrats du parquet.

2. RELATIONS ENTRE L'AUTORITE DE JUGEMENT ET L'AUTORITE DE POLICE

C'est, pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, d'abord la question du juge d'instruction qui est posée. Aucun des rapports, communications, projets actuellement connus ne stipule la suppression du juge d'instruction. Notre ami Gilbert Thiel aurait d'ailleurs fortement réagi si cela avait été le cas. L'instauration d'un juge des libertés va dans un premier temps aboutir à dessaisir le juge d'instruction de l'essentiel des décisions juridictionnelles qui relèvent actuellement de sa compétence. Cela c'est la réalité. Mais faisons, là aussi, de la fiction. La tendance lourde, historique, et dont les racines sont bien antérieures aux débats actuels, n'est-elle pas une évolution vers la suppression du juge d'instruction, un parquet autonome reprenant l'essentiel des pouvoirs d'enquête sous le contrôle du juge des libertés.

Là encore, c'est du long terme. La perspective mérite néanmoins d'être soulevée dans ce débat car là encore, les relations police justice s'en trouveraient modifiées.

3. RELATIONS ENTRE L'AUTORITE DE POLICE ET L'AUTORITE DE POURSUITE

J'en arrive au point le plus important, pour nos débats, de ces modifications entre les acteurs du procès pénal. Il n'y a pas, à proprement parler, actuellement de principe de séparation entre autorité de police et autorité de poursuite, mais un principe de collaboration qui se traduit par la direction de l'exercice de la police judiciaire qui ressort de la compétence de l'autorité de poursuite. La crainte que manifestent un certain nombre de parquetiers, crainte que j'ai entendue s'exprimer au cours de nos débats, est que l'indépendance des magistrats du parquet, indépendance relative dans les projets actuellement en cours, ne soit en réalité pour ceux qui la réclament qu'une victoire à la Pyrrhus parce que l'indépendance sans moyens, qu'est-ce que c'est ?

Plus généralement la séparation de l'autorité de poursuite et de l'autorité de police alimente deux inquiétudes chez les magistrats : la première, c'est qu'il y a une opposition entre deux logiques, l'une hiérarchique, l'autre fonctionnelle. Cette dualité des hiérarchies entraîne des difficultés d'une part en terme de définition des moyens, ensuite en terme d'ordre de priorité des enquêtes. La seconde difficulté résulte de ce que le parquet a considérablement évolué. Au procureur qui attendait dans son bureau pour gérer des affaires particulières dont d'autres avaient décidé de le saisir, a succédé un procureur qui définit des politiques d'ensemble, ce que l'on appelle maintenant des politiques pénales. Or, ce procureur d'un genre nouveau a besoin, pour définir ces politiques d'ensemble de pouvoir peser en amont sur les orientations que vont donner à leur action les services de police et de gendarmerie. On a évoqué tout à l'heure les plans départementaux de sécurité et les contrats locaux de sécurité qui sont, parmi d'autres, les moyens de ces directives générales. Ces instruments s'appuient sur l'article 41 du code de procédure pénale qui confère au procureur de la République sa légitimité pour intervenir en amont de l'infraction dès lors qu'il dispose que le procureur est compétent non seulement pour la poursuite mais également pour la "recherche" des infractions pénales, ce qui à l'évidence ne s'entend pas seulement de la recherche d'une infraction déterminée mais également de la recherche des infractions susceptibles d'être commises. Donner des instructions pour rechercher les infractions pénales, c'est orienter les services de police vers tel ou tel type de contentieux, c'est, en réalité, hiérarchiser ceux-ci.


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Alors, quel remède à ces difficultés ? Quelles réponses à ces craintes relatives à l'évolution des relations justice-police ? Beaucoup évoquent un hypothétique rattachement de la police judiciaire. Dès que l'on en évoque les modalités, les choses sont beaucoup moins claires. Quelle police judiciaire et à qui la rattacher ? C'est une solution qui apparaît peu praticable, au point que la commission Truche l'a écartée au terme d'une argumentation qui m'apparaît convaincante. Je n'ai d'ailleurs pas entendu qui que ce soit, autour de cette table, revendiquer aujourd'hui cet attachement. C'est une vieille lune qui pendant des années a inopportunément dissimulé les dispositions, bien réelles celles-là, qui existent dans le code de procédure pénale et qui précisément font du procureur de la République le directeur de l'exercice de la police judiciaire. Ce sont, en réalité, ces dispositions là qu'il faut faire vivre.

En conclusion, si vous le voulez bien, cinq ou six points qui ne sont que des éléments de réflexion mais qui peuvent permettre d'imaginer comment on pourrait faire mieux vivre ces dispositions du code de procédure pénale.

Premièrement, je crois qu'il est essentiel que les parquets accentuent encore leur investissement en amont de leur saisine. Dès lors qu'il y a une délinquance de masse, dès lors que la délinquance constatée est beaucoup plus importante que ce que les juridictions ont les moyens de juger, il y a des choix à faire pour déterminer ce qui doit être prioritairement traité. Si ce n'est pas l'institution judiciaire qui fait ces choix, d'autres les feront à sa place. Ce n'est pas sain.

L'une des évolutions les plus positives des parquets au cours de ces vingt dernières années réside dans l'investissement qu'ils ont fait en amont de leur saisine. Comme les préfets dont les responsabilités sont essentielles, mais différentes, les procureurs n'hésitent pas à donner des directives générales aux autorités de police et de la gendarmerie de leur ressort.

Deuxièmement, certains parquets ont développé, et la Chancellerie a concouru au développement, au cours de ces dernières années, du traitement en temps réel des infractions pénales. Il s'agit, en réalité, d'appliquer scrupuleusement les dispositions du code de procédure pénale qui impliquent que les services de police et de gendarmerie informent immédiatement le parquet de toutes les infractions qui sont commises dans leur ressort, de façon à ce que le parquet puisse prendre des dispositions immédiates. Ces règles n'étaient pas appliquées d'une façon générale, elles le sont de plus en plus et la première conséquence est que le parquet intervient non plus après l'enquête mais dans l'enquête et dirige effectivement l'action de la police et de la gendarmerie puisqu'il est saisi immédiatement et qu'il n'est donc plus appelé à travailler sur une forme de "produit fini".

Troisièmement, il convient bien sûr de renforcer le poids de la notation judiciaire dans le déroulement de la carrière des officiers de police judiciaire. La Chancellerie continue à y travailler.

Quatrièmement, vous l'avez lu dans la communication de Madame le Garde des Sceaux, il y a sans doute lieu d'élargir la compétence de l'inspection générale des services judiciaires aux problèmes liés à l'activité de police judiciaire alors que cette inspection générale n'a actuellement compétence que pour connaître ce qui relève du fonctionnement des juridictions et du comportement des magistrats. C'est un élément essentiel et qui pourrait être complété par un renforcement du poids de la chambre d'accusation dans le domaine sinon disciplinaire stricto sensu, du moins "judiciaro-disciplinaire", si la faculté m'autorise ce néologisme.

Et puis enfin, cinquièmement, je crois ce qui est l'essentiel, et dont on a peu parlé ce soir, c'est la maîtrise de l'information.

Le parquet ne peut diriger l'action de la police judiciaire que s'il a le même niveau d'information que la police judiciaire. L'une des grandes difficultés actuelles tient au fait que la délinquance s'est organisée au plan national et international et, bien évidemment, dans un cadre qui n'a rien à voir avec le ressort des tribunaux de grande instance ou des cours d'appel, si bien qu'un procureur de la République, ou même un procureur général sont, dès lors qu'ils sont isolés, assez largement désarmés. Cette nécessaire coordination de l'action publique au plan national et international sera sans doute une mission de plus en plus importante de la Chancellerie. Je voudrais juste en prendre deux exemples.

Le premier porte sur l'aspect international. Je crois qu'il est important que l'institution judiciaire prenne un poids beaucoup plus fort qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent, par exemple dans les outils nationaux d'Interpol, Europol ou Schengen. C'est le seul moyen pour développer une réelle politique pénale en matière de criminalité organisée, de corruption internationale, de terrorisme.

Le second porte sur l'aspect national. Je crois qu'il faudrait développer davantage la collaboration entre la Chancellerie et les offices centraux dépendant du ministère de l'Intérieur.




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