LA PERIODE PRECONTRACTUELLE

Par Natacha HAUSER COSTA

ATER à la Faculté de Droit de NANCY



Aussi bien d'un point de vue juridique que dans la vie de tous les jours, lorsque l'on évoque la période antérieure à la conclusion du contrat de travail, très vite, on pense à l'entretien d'embauche. Les points qui y ont été discutés, le sentiment que les intéressés peuvent en avoir... plus rarement, est évoquée la période préliminaire qui a conduit à cet entretien.

Pourtant, cette période précontractuelle est particulièrement importante, car c'est finalement là que les attentes de chacun sont arrêtées. En effet, les contacts sont pris en fonction des intérêts et des envies des protagonistes ; des choix stratégiques sont élaborés dès ce moment. Or, ces choix concernent bien sûr le poste, le secteur d'activités, les possibilités d'évolution de carrière ... mais ils peuvent aussi avoir trait à la manière dont les parties entendent dès à présent être liées.

Expliquons-nous : certains employeurs préfèrent être en contact avec un nombre important de candidats afin de disposer d'un vaste échantillon de possibilités. D'autres, au contraire, par souci d'économie, de temps ou encore parce que le poste requiert des connaissances très spécifiques, vont vouloir cibler dès le moment du recrutement, un candidat correspondant à un profil fixé à l'avance.

Le choix de la technique juridique dans la phase précontractuelle est primordiale puisqu'elle va traduire la volonté de l'employeur. Au-delà de cet aspect, le moyen utilisé pour aboutir à la conclusion du contrat de travail n'est pas neutre dans la mesure ou il fait naître des enjeux d'importance. Il exprime en effet les objectifs et les contraintes du recruteur.

Selon le cheminement utilisé, l'employeur et le candidat peuvent être dès la phase précontractuelle, liés de façon plus ou moins contraignante.

A ce titre, l'employeur dispose d'une option : soit, il ne veut pas être trop lié dès ce moment, en ce sens qu'il ne veut pas pouvoir être contraint juridiquement à conclure le contrat. Il mènera alors des négociations dites informelles ; c'est ce que nous verrons dans une première partie. Soit, au contraire, son choix est déjà plus ou moins arrêté. Il est quasiment certain de vouloir travailler avec telle personne et il veut d'ores et déjà s'attacher ses services. Il va alors préférer des mécanismes qui se rapprochent dans la phase précontractuelle, du contrat principal. C'est ce que nous verrons dans une seconde partie.

Précisons, avant d'entrer dans le vif du sujet, que notre exposé est conçu à partir de la jurisprudence assez rare de la Cour de cassation et des Cours d'appel. disponible au CERIT. On se situe à une période ou le contrat de travail n'existe pas encore. On peut aisément comprendre alors qu'un candidat à l'embauche hésite à porter l'affaire devant les tribunaux.


I - LES NEGOCIATIONS INFORMELLES


Au cours de ces négociations, l'employeur et le candidat à l'embauche vont discuter pour trouver un terrain d'entente... Aucune structure juridique n'encadre ce moment.

Si la liberté caractérise ces discussions, nous allons voir que certaines limites doivent tout de même être respectées et ce, que l'on se situe au moment des pourparlers au sens strict (A) ou qu'il y ait déjà eu une offre de contrat (B).


A. Les pourparlers


Intéressons-nous tout d'abord aux pourparlers.

Selon le droit des obligations, les pourparlers désignent " la période exploratoire durant laquelle les futurs contractants échangent leurs points de vue, formulent et discutent les propositions qu'ils se font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat, sans être pour autant assurés de le conclure ".

Durant cette phase, la liberté reste le principe. Chacun est libre à la fin de la période de conclure ou non le contrat de travail ou d'entamer de nouvelles discussions avec un tiers. Les pourparlers permettent à l'employeur et au candidat à l'embauche une véritable réflexion. Les tâches aujourd'hui offertes sont de plus en plus précises, techniques ; on éloigne par ces discussions, l'embauche finale de la décision de recrutement, ce qui bien souvent limite le risque de se tromper .

Nous sommes a priori bien loin de la conclusion du contrat de travail en elle-même.

Pourtant, l'étude de la jurisprudence montre que la distinction entre les pourparlers et le contrat de travail n'est pas chose aisée.

Ainsi, il a été jugé par la Cour d'appel de Nancy (1) qu'un exemplaire vierge de contrat de travail mentionnant la nature de l'emploi, l'échelon, la position et le coefficient du candidat ainsi que l'horaire hebdomadaire et son traitement mensuel ne constitue pas un contrat de travail mais seulement la concrétisation de pourparlers sérieux dès lors que c'est le candidat lui-même qui a écrit son nom, prénom, adresse et date de naissance.

En ce qui concerne maintenant le régime des pourparlers, on a dit que les intéressés avaient la faculté de les rompre à tout moment. Ils ne peuvent cependant le faire de façon abusive, c'est-à-dire avec une intention de nuire ou avec mauvaise foi. La sanction réside alors dans l'allocation de dommages-intérêts au profit de la personne lésée et ce sur un fondement délictuel.

La Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt du 17 mars 1979 (2) que le fait pour une association de prendre contact avec un metteur en scène parce qu'elle envisage de monter une pièce de théâtre, en mentionnant dès le début des négociations qu'elle ne pourra prendre de décision qu'après présentation et acceptation des prévisions budgétaires, ne dépasse pas le stade de simples pourparlers dont la rupture, en raison d'un devis trop élevé, n'entraîne aucune conséquence. En effet, on ne peut relever ici l'existence d'un quelconque acte traduisant la mauvaise foi de l'association.

Si tout se passe bien, la fin des pourparlers se traduit par une offre de contrat de travail : les négociations ont fait apparaître des possibilités de collaboration, l'employeur par cette offre démontre sa volonté ferme de travailler avec le candidat.


B. L'offre de contrat de travail


Cette manifestation unilatérale de volonté consiste, toujours selon les règles du droit des obligations, en une proposition ferme de conclure, à des conditions déterminées, un contrat de telle sorte que son acceptation suffise à la formation de celui-ci.

C'est le plus souvent l'employeur qui la formule.

Le candidat dispose alors d'une alternative. Soit il accepte l'offre et le contrat de travail est formé ipso facto ; soit il la refuse et les négociations peuvent recommencer ou au contraire, s'arrêter là sans qu'aucune convention ne soit conclue.

La situation du destinataire d'une pollicitation reste cependant assez fragile dans la mesure où l'offre peut être révoquée à tout moment tant qu'elle n'a pas été acceptée. Il n'y a en effet aucun engagement sur le fond du contrat lui-même.

Dans la réalité, les situations que l'on rencontre ne sont pas toujours très claires. L'offrant peut se voir opposer une contre-offre à laquelle il répondra par la proposition de nouvelles conditions ; il peut aussi faire une offre de promesse d'embauche ... On comprend dès lors que les juges ont parfois des difficultés pour qualifier l'acte qui leur est soumis. Toutefois, il faut noter que le contentieux en la matière est quasiment nul.

A titre d'exemple, on peut citer cet arrêt de la Cour d'appel de Paris (3) qui qualifie d'offre de contrat, la simple proposition de travail faite par l'employeur à une actrice. L'employeur avait indiqué les dates de début du tournage, sans aucune mention sur le montant de la rémunération. Notons qu'ici l'actrice, en l'occurrence Isabelle Adjani, avait fait une contre-proposition dans laquelle elle fixait le montant de son cachet et contestait les dates de tournage proposées par son correspondant.

Jusqu'à présent, nous nous sommes intéressés aux négociations informelles. Les parties peuvent choisir d'insérer la phase précontractuelle dans une structure juridique. Il s'agit alors des négociations dites encadrées.


II - LES NEGOCIATONS ENCADREES


Dès ce moment, des contrats vont être négociés.

L'avant-contrat peut marquer l'accord de l'employeur et du candidat sur le principe d'un contrat à conclure, c'est ce que nous allons voir tout de suite.

L'avant-contrat peut aussi préparer le contrat de travail à venir, il s'agit alors d'une promesse d'embauche.


A. L'accord de principe


Au cours des pourparlers qui précèdent la conclusion du contrat de travail, les négociateurs peuvent choisir de donner un peu plus de force à leurs discussions et négocier un accord de principe. Loin de s'obliger à conclure le contrat de travail, les intéressés formalisent, par cette convention, leur accord sur la conclusion d'un contrat à venir. Aucun d'entre eux ne s'engage à être lié conventionnellement par celui-ci. Il y a en réalité accord sur le principe d'un contrat à conclure, mais non sur son contenu.

Afin de cerner précisément l'objet et le but des engagements souscrits par les parties, les juges s'attachent à déterminer leur intention. Alors que lors de la conclusion du contrat de travail en lui-même, l'employeur s'engage à fournir un emploi au candidat qui est libre de l'accepter ou non, dans l'accord de principe, aucune obligation d'embauche ne pèse sur l'employeur.

La Cour d'appel de Douai (4) a ainsi jugé que l'accord sur la nature des fonctions du salarié, un professeur de sciences économiques, histoire et géographie, et la remise par l'école au candidat de livres pour lui permettre de préparer ses cours constituent davantage qu'un accord de principe. Il y a ici un véritable contrat de travail parce que, selon les juges, il est impensable qu'aucun accord ne soit intervenu sur la rémunération.

Dès lors que l'accord de principe ne sert qu'à constater la volonté des intéressés sur la conclusion d'un contrat à venir, seule la mauvaise foi d'un des négociateurs pourra être sanctionnée par le biais de dommages-intérêts. C'est le cas, par exemple, de celui qui ne respecte pas loyalement son engagement de mener à bien les discussions pour aboutir à la conclusion du contrat principal.

Force est de constater que l'accord de principe ne connaît pas un grand succès en droit du travail, tout au moins dans le cadre de la conclusion du contrat de travail.

En effet, on peut comprendre que les intéressés veuillent discuter le maximum de détails de la collaboration à venir, afin de minimiser le risque de désaccords. Toutefois, la conclusion d'un contrat ne portant que sur le principe du contrat de travail ne présente que peu d'attrait. A partir du moment où les détails de l'exécution de la prestation sont réglés, les parties ont au contraire tout intérêt à ne pas trop différer le début de l'exécution de la prestation car des éléments nouveaux peuvent modifier la situation, mettant ainsi en danger l'accord déjà obtenu.

L'employeur et le candidat à l'embauche peuvent choisir de s'engager plus fortement encore. Ils conclueront alors une promesse d'embauche. Il s'agit là de l'avant- contrat le plus proche, aussi bien du point de vue chronologique que de celui de son contenu, du contrat de travail proprement dit.

Nous allons y consacrer une attention toute particulière parce qu'elle révèle un mécanisme beaucoup plus sophistiqué que ceux que nous venons de voir. D'ailleurs, il existe en la matière une jurisprudence importante et pertinente. Nous n'aborderons dans le cadre de cet exposé que les points tout à fait spécifiques. L'ensemble de la question est traitée dans mon article paru à la RJS n° 5/97, p. 331.


B. La promesse d'embauche


Lorsque l'on parle de promesse d'embauche, il faut entendre promesse unilatérale d'embauche. En effet, comme toute promesse synallagmatique se confond avec le contrat principal, la promesse synallagmatique de contrat de travail se confond avec le contrat de travail lui-même. Elle ne présente donc guère d'intérêt.

En droit des obligations, la promesse unilatérale de contrat est la convention par laquelle un individu, le promettant, s'engage envers un autre qui l'accepte, le bénéficiaire, à conclure un contrat dont les conditions sont dès à présent déterminées, si le bénéficiaire lève l'option dont il dispose.

Les problèmes soulevés par la promesse d'embauche sont assez délicats. En effet, elle entretient des rapports plus proches avec le contrat de travail que les mécanismes que nous venons d'évoquer, et en tout état de cause, plus étroits que n'importe quel autre avant-contrat avec le contrat principal.

Tant que le salarié n'est pas entré en fonction, il est souvent bien difficile dans les faits de distinguer la promesse acceptée par le candidat du contrat principal.

Il existe par ailleurs un risque de confusion avec un autre mécanisme permettant cette fois de concrétiser la conclusion du contrat de travail : la lettre d'engagement. Tout comme la promesse d'embauche, elle constitue un processus unilatéral qui permet à l'employeur de s'assurer les services d'une personne qu'il a d'ores et déjà choisie. Or cette lettre d'engagement constitue selon la Cour de cassation " un véritable contrat de travail " (5).

Les Cours d'appel contribuent à entretenir une confusion entre l'avant-contrat et le contrat principal dans la mesure où certains arrêts rapprochent sensiblement la promesse d'embauche et le contrat de travail. Il est alors très difficile de cerner la nature particulière du mécanisme en cause.

Ainsi, la Cour d'appel de Bourges a jugé par un arrêt du 13 septembre 1996 (6), que faute d'établir le pouvoir de direction, de surveillance, d'instruction et de commandement de la société à l'égard d'une candidate à l'embauche, la réalité d'un contrat de travail et d'une promesse d'embauche n'est pas établie.

Ceci étant, la promesse d'embauche pose des difficultés spécifiques de deux ordres tenant à sa qualification d'une part, et à son régime d'autre part.

Parce qu'elle constitue un avant-contrat qui existe indépendamment du contrat de travail, des critères permettant d'établir l'existence de la promesse d'embauche ont du être élaborés. Ces critères ont pour but ici de permettre la qualification de la promesse en elle-même.

A ce titre, deux pistes de recherche semblent se dessiner en jurisprudence.

Dès lors que la promesse d'embauche prépare le contrat de travail, c'est à travers les éléments constitutifs de ce dernier qu'on peut tracer les limites de la promesse. L'employeur et le candidat doivent être, en principe, d'accord au moins sur la nature des tâches à accomplir, le lieu et le moment de la réalisation de la prestation.

Ainsi, la Cour d'appel de Rennes a jugé dans un arrêt du 16 mai 1995 (7) que la lettre par laquelle l'employeur " accueille " le candidat au sein de son entreprise caractérise bien une promesse d'embauche dès lors qu'elle lui précise son rôle, sa date d'embauche, la nature et la durée du contrat, sa position de cadre, l'attribution d'un véhicule de fonction, le nom du collaborateur le plus proche avec qui il devra travailler, sa rémunération et enfin la prise en charge financière du stage qu'il doit effectuer.

Les juges retiennent encore l'existence d'une promesse d'embauche, sans qu'il y ait eu discussion sur les éléments essentiels du contrat, en tenant compte cette fois des relations antérieures des intéressés. C'est le cas lorsqu'un salarié connaît les conditions de travail dans l'entreprise parce qu'il avait bénéficié de deux contrats à durée déterminée. Ainsi, pour les juges de Nancy, dans un arrêt du 13 octobre 1993 (8), il était manifestement sous entendu dans ce cas que la promesse reprenait sur ces points, les conditions antérieures usuelles.

Pour reconnaître une promesse d'embauche, un autre cheminement semble se dessiner en jurisprudence. Les arrêts étudiés montrent que l'élément principal qui va guider les juges réside dans l'existence -ou non- d'une volonté d'ores et déjà arrêtée de l'employeur de travailler avec le bénéficiaire de la promesse.

Ainsi, la Cour de cassation dans un arrêt du 12 décembre 1983 (9) a qualifié de promesse d'embauche la lettre par laquelle une société avait démarché une personne, lui avait proposé un poste de directeur commercial avec mention des conditions d'exécution du contrat, en lui précisant que le contrat serait conclu à une date ultérieure, sauf avis contraire de l'intéressé. Selon la Cour d'appel de Nancy (10), est également tenu par une promesse d'embauche, l'employeur qui fixe dans un document les conditions de rémunération et la date de prise de fonction du salarié.

Après les critères, voyons le régime de la promesse d'embauche

Une fois la promesse conclue, elle commence à vivre. C'est à partir de ce moment que se pose la difficile question de sa distinction avec le contrat de travail proprement dit.

Nous n'envisagerons ici que les difficultés propres à la promesse d'embauche. Pour le surplus, le droit commun des contrats est apte à régler les éventuelles questions.

Constituant une convention à part entière, la promesse d'embauche peut être assortie de modalités spécifiques auxquelles nous allons nous intéresser tout d'abord.

La rupture de la promesse marque toute la spécificité de ce procédé, et nous nous y arrêterons pour finir notre exposé.

Voyons tout d'abord, les modalités d'exécution de la promesse d'embauche. Elle peut être émise sous condition ou être affectée d'un terme. Sa durée devra également retenir notre attention.

L'intérêt de stipuler la promesse sous condition est de différer l'effet de la promesse à la réalisation d'un événement futur mais incertain : l'acquisition définitive d'un fonds de commerce, l'obtention d'un prêt pour ne citer que quelques exemples.

Rappelons que les juges ne peuvent ajouter à la volonté des parties, telle qu'elle a été exprimée lors de la conclusion de la promesse d'embauche. Ainsi, il a été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 septembre 1989 (11) que le joueur de football professionnel qui se voit imposer une condition selon laquelle son contrat ne sera renouvelé qu'en cas d'accession du club en division supérieure, ne peut se voir démis au motif que la promesse de réengagement dépendait aussi de la qualité des services rendus par le joueur.

On a dit que la promesse pouvait aussi être affectée d'un terme.

Les parties peuvent en effet choisir de régler dans la phase précontractuelle le moment où la prestation de travail commencera effectivement. Cela n'affecte en rien la validité de la promesse ou celle du contrat de travail ; la promesse d'embauche à terme n'est qu'une modalité choisie par les parties qui veulent différer le début de la prestation à une date précise (on parle de terme certain) ou non (il s'agit d'un terme incertain).

Ainsi, une promesse d'embauche acceptée par la candidate mais prenant effet à la date de réouverture de la discothèque , si elle est affectée d'un terme certain, existe dès le jour de sa conclusion. L'employeur est donc tenu, selon la Cour d'appel de Nancy (12) de la respecter quand bien même sa situation juridique aurait été modifiée ultérieurement.

Le principal problème que pose une promesse d'embauche affectée d'un terme est celui de l'imprévision. Pour s'assurer les services d'une personne, l'employeur s'engage à collaborer avec elle, mais les besoins de l'entreprise lui imposent de différer le début de la prestation de travail ; entre temps, des événements extérieurs peuvent survenir et lui imposer de revoir ses prévisions. Pourtant, on le sait, notre droit privé ne prend pas en compte l'imprévision. La promesse conserve toute son efficacité, l'employeur doit respecter ses engagements initiaux, en dépit de toute modification ultérieure.

L'employeur pourrait songer à insérer une clause de révision dans la promesse. Elle permettrait de pallier l'absence de reconnaissance de l'imprévision. Toutefois, on imagine assez mal ce système fonctionner dans le cadre d'une promesse d'embauche. Le bénéficiaire donnerait son accord pour une future collaboration en fonction d'éléments précis. A compter de ce moment, il serait engagé mais l'employeur pourrait, en vertu d'une clause de révision, modifier les éléments de leur collaboration. On peut donc légitimement penser et ce, en l'absence - à notre connaissance - de jurisprudence sur cette question, que les juges excluraient sans doute l'insertion de toute clause de révision dans la promesse d'embauche.

Enfin, indépendamment du terme, la promesse peut être émise pour un temps plus ou moins long.

Généralement, l'employeur ne veut pas être tenu trop longtemps par sa promesse. Imaginons simplement que la personne à remplacer soit partie depuis un certain temps déjà, la bonne marche de l'entreprise suppose la réalisation effective par chacun de son travail. L'employeur peut alors, et c'est la majorité des cas, promettre à durée déterminée.

Deux hypothèses sont alors envisageables.


Après les modalités d'exécution de la promesse, voyons le régime gouvernant sa rupture.

La promesse peut se terminer par la levée de l'option par le bénéficiaire, ce qui entraîne ipso facto la conclusion du contrat définitif. L'issue peut être moins heureuse et traduire la fin de la négociation. Concrètement, c'est en général l'employeur qui prend l'initiative de rompre la promesse.

Cette rupture met à sa charge une obligation d'indemnisation.

La question qui se pose est alors la suivante : le fait générateur consiste-t-il dans la rupture de l'avant-contrat de promesse ou, au contraire, s'agit-il d'un licenciement, dans le cadre d'un contrat de travail définitivement formé ?

La Haute Juridiction n'a pas arrêté de position ferme sur ce point. Elle utilise des formulations fluctuantes.

Ainsi, dans un arrêt du 12 décembre 1983 (13), la Cour de cassation octroyait au candidat à un poste de directeur commercial une indemnité pour " licenciement abusif ". En 1995 (14), elle fait également état de " licenciement sans cause réelle et sérieuse ". Mais elle utilise parfois des formules moins évocatrices. Ainsi a-t-elle jugé en 1985 (15) que le retrait d'une promesse acceptée a causé au bénéficiaire " un préjudice qui doit être réparé " ou encore que le cadre, titulaire d'une promesse d'emploi, a droit à une indemnisation en cas de non-respect, " dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond " (16).

La Cour de cassation oscille donc entre la rupture d'une promesse et un véritable licenciement. On ne peut que s'étonner devant cette hésitation. Mais, peut-être, finalement n'est-ce dû qu'à ce que d'un point de vue pratique, on aboutit à des solutions sensiblement identiques.

En effet, qu'il s'agisse de la rupture d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail qui n'a pas encore reçu de commencement d'exécution, les conséquences seront les mêmes.

Si l'on se place dans le cadre de la rupture de l'avant-contrat, les juges du fond sont souverains dans l'appréciation de l'étendue du préjudice ; si l'on retient l'existence d'un licenciement, le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. En effet, on applique l'article L.122-14- 5 al. 2 du Code du travail puisque nécessairement le salarié a une ancienneté de moins de deux ans.

Peut-être le point commun de ces deux situations réside-t-il dans le fait que dans chacune de ces hypothèses, l'emploi n'a pas commencé, l'intéressé ne se trouve donc pas réellement en état de subordination.

Se plaçant toujours dans cette logique de licenciement, quelques arrêts de la Cour de cassation accordent au bénéficiaire de la promesse d'embauche, en plus des dommages-intérêts, une indemnité de préavis.

Ainsi, les juges ont octroyé en 1989 (17) une indemnité de préavis a un candidat bénéficiaire d'une promesse d'embauche, bien que la prise de fonction du salarié ne fût pas encore intervenue.

A notre connaissance, les arrêts d'appel adoptent majoritairement une solution différente : ils ne se placent pas sur le terrain du contrat déjà formé et par conséquent du licenciement.

Ainsi, la Cour d'appel de Toulouse en 1995 (18) a pu décider que la salariée ne pouvait prétendre qu'à des dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le non-respect par l'employeur d'une promesse d'embauche.

Sur le problème particulier de l'indemnité de préavis, les juges du fond résistent encore. Dans la logique d'une rupture du contrat de promesse et non du contrat de travail, les arrêts d'appel refusent d'accorder au bénéficiaire une quelconque indemnité de préavis dès lors que le travail n'a pas commencé à être exécuté.

Ainsi, dans un arrêt du 6 mai 1993, la Cour d'appel de Paris (19), a jugé que la prise de fonction n'ayant jamais eu lieu, le salarié ne saurait revendiquer une indemnité compensatrice de préavis, ni les congés payés incidents.

Nous clôturerons notre exposé en rappelant rapidement que tout litige relatif à la promesse d'embauche relève de la compétence du Conseil de prud'hommes, comme vient de le rappeler récemment la Cour de cassation dans un arrêt du 27 février 1997 (20).





RETOUR AU SOMMAIRE DU COLLOQUE
RETOUR AU SOMMAIRE DU JURIPOLE