PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions d'octobre 1998
 





COMPOSITION - assesseurs - désignation et délégation - ordonnances - régularité

1 - Le premier président avait fixé la date d'ouverture de la session et désigné le président de la cour d'assises par une ordonnance du 11 février 1997. Il avait ensuite, par une ordonnance du 17 mars 1997, désigné les assesseurs. Le demandeur soutenait qu'en procédant ainsi, le premier président avait méconnu les dispositions des articles 245 et 250 du Code de procédure pénale qui imposent que les assesseurs soient désignés, comme le président, dans l'ordonnance fixant la date d'ouverture de la session. Le moyen est écarté au motif que rien n'interdit que l'ordonnance désignant les assesseurs soit distincte de celle fixant la date d'ouverture de la session.

2 - Dans son ordonnance du 17 mars 1997, le premier président avait désigné les magistrats A et B pour siéger à la cour d'assises du 25 au 29 avril puis du 2 au 17 mai et les magistrats C et D pour siéger le 30 avril. Le demandeur faisait grief à cette ordonnance d'avoir ainsi désigné plus de deux assesseurs pour la session, contrairement aux prescriptions de l'article 248 du Code de procédure pénale. Le moyen est écarté au motif que les magistrats C et D n'avaient été désignés que pour siéger le 30 avril.

3 - Par une ordonnance du 19 mars 1997, le premier président avait remplacé l'assesseur A par le magistrat E pour siéger à la cour d'assises pour la période du 2 au 17 mai (période prévue pour le jugement de l'affaire faisant l'objet du pourvoi). Le procès s'étant prolongé jusqu'au 25 mai 1997, le demandeur prétendait que l'assesseur E n'avait plus qualité pour siéger après le 17 mai et qu'ainsi, à compter du 18, la cour d'assises était irrégulièrement composée. Le moyen est écarté au motif que l'assesseur avait qualité pour siéger jusqu'au prononcé de la décision et qu'il n'importe que cette décision ne soit intervenue qu'à une date postérieure à celle initialement prévue par l'ordonnance de désignation.

4 - L'assesseur B, qui n'était pas juge au tribunal du siège de la cour d'assises, avait été délégué à ce tribunal par une ordonnance du premier président du 20 mars 1997 pour siéger en qualité d'assesseur à la cour d'assises du 2 au 17 mai (pour la période du 25 au 29 avril, qui n'est pas en cause dans cette affaire, ce magistrat avait dû également, soit faire l'objet d'une délégation, soit être remplacé). Cette délégation avait été renouvelée jusqu'au 24 mai, par une ordonnance du premier président du 5 mai 1997, puis jusqu'au 25, par une ordonnance du 24. Le demandeur invoquait plusieurs vices de forme de ces ordonnances et il soutenait, notamment, que l'ordonnance déléguant B au tribunal du siège des assises aurait dû précéder sa désignation en qualité d'assesseur à ladite cour d'assises. Or, en l'espèce, c'était l'inverse qui s'était produit puisque B avait été désigné comme assesseur à la cour d'assises de la Seine-Maritime dès le 17 mars 1997 et délégué au tribunal de Rouen seulement le 20.Ce moyen est écarté au motif qu'il suffit que l'ordonnance de délégation intervienne avant l'ouverture de la session.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 83 436 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 25 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 83 et suivants.

L'arrêt ci-dessus rapporté a été rendu dans une affaire très médiatisée (affaire dite de la Josacine empoisonnée). Le demandeur soulevait dix moyens dont sept d'entre eux sur la régularité de la composition de la Cour d'assises proprement dite. Il faut dire que la matière ne manquait pas puisque, pour désigner les trois magistrats chargés de juger cette affaire, le premier président avait pris pas moins de six ordonnances :

- une ordonnance du 11 février 1997 pour désigner le président.

- une ordonnance du 17 mars 1997 pour désigner les deux assesseurs.

- une ordonnance du 19 mars 1997 pour remplacer le premier assesseur par un autre magistrat.

- une ordonnance du 20 mars 1997 pour déléguer le second assesseur au tribunal du siège de la cour d'assises pendant la durée du procès, du 2 au 17 mai 1997.

- une ordonnance du 5 mai 1997 pour prolonger cette délégation jusqu'au 24 mai.

- une ordonnance du 24 mai 1997 pour la prolonger à nouveau jusqu'au 25.

Une telle avalanche d'ordonnances est loin d'être exceptionnelle. Elle met l'accent sur un des défauts de notre procédure criminelle qui tient à son fonctionnement par sessions. Lors de notre audition au Sénat, à l'occasion de la discussion du projet de réforme de la cour d'assises, nous avions indiqué que, dans sa forme actuelle, la procédure criminelle disposait d'atouts majeurs mais qu'elle présentait deux défauts auxquels il fallait remédier, à savoir, l'absence de double degré de juridiction et le fonctionnement par sessions qui fait de la cour d'assises une juridiction intermittente. Ces remarques, on le voit, restent d'actualité.

Pour en revenir aux problèmes techniques posés dans la présente affaire on peut noter :

1 - Sur le premier moyen évoqué ci-dessus :

La position adoptée par la Chambre assouplit les prescriptions du Code en s'écartant d'une stricte lecture des articles 245 et 250.

2 - Sur le deuxième moyen :

Cette décision est conforme à la jurisprudence récente de la Chambre qui a toléré cette pratique qui permet aux premiers présidents de rendre des ordonnances prévoyant un roulement des assesseurs pour répartir la charge d'une session sur plusieurs magistrats :

- Chambre criminelle 07-01-1998B. 5 (solution implicite).

Néanmoins, elle n'autorise pas les premiers présidents à désigner plus de deux assesseurs pour une même période. A cet égard la jurisprudence ancienne reste en vigueur :

- Chambre criminelle 25-06-1986 B. 224.

Cette jurisprudence assouplit les prescriptions de l'article 248, lequel ne prévoit que la nomination de deux assesseurs par sessions, sans possibilité, pour le premier président, de leur désigner des suppléants. Ledit article prévoit bien, en son alinéa 2, la désignation d'assesseurs supplémentaires "si la durée ou l'importance de la session rendent cette mesure nécessaire". Mais ces assesseurs supplémentaires doivent siéger à toutes les audiences de la session et ils ne sont là que pour remplacer éventuellement les assesseurs titulaires si l'un d'eux était empêché.

3 - Sur le troisième moyen :

La Chambre criminelle a déjà décidé qu'un assesseur, nommé pour une certaine période, pouvait continuer à siéger au delà de l'échéance de cette période jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'affaire en cours :

- Chambre criminelle 10-07-1996 (95 83 852)

- Chambre criminelle 03-09-1997 (96 84 921).

4 - Sur le quatrième moyen :

Désignation et délégation sont deux choses différentes.

Seuls peuvent être désignés comme assesseurs, en vertu de l'article 249 du Code de procédure pénale, des conseillers de la cour d'appel ou les juges du tribunal du lieu de la tenue de la cour d'assises.

De ce fait, lorsque le premier président entend désigner comme assesseur un magistrat d'un autre tribunal de son ressort, il doit le déléguer préalablement au tribunal du lieu de la tenue des assises.

La jurisprudence ancienne semblait exiger que cette délégation soit préalable à l'ordonnance de désignation :

- Chambre criminelle 30-05-1979 B. 188

- Chambre criminelle 26-05-1983 B. 157.

Mais en 1993, la Chambre criminelle a précisé que l'ordonnance de délégation pouvait être postérieure à la désignation et qu'il suffisait qu'elle soit antérieure à la date d'ouverture de la session :

- Chambre criminelle 08-11-1993 B. 328.

C'est cette solution qui est reprise dans la présente espèce.




HUIS CLOS - arrêt l'ordonnant - audience publique

L'arrêt ordonnant le huis clos doit être rendu en audience publique.

Si le procès-verbal comporte des contradictions à ce sujet, la cassation est encourue.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 85 959 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises des YVELINES du 17 septembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 447.

En l'espèce, le procès-verbal relatait qu'à la suite de l'appel des témoins, ceux-ci, sur ordre du président, s'étaient retirés dans la chambre qui leur était destinée et qu'à cet instant, l'avocat de la partie civile avait sollicité le huis clos, sur quoi, après avoir donné la parole à toutes les parties, la Cour avait ordonné cette mesure et qu'aussitôt le prononcé de cet arrêt, le public s'était retiré. Mais, il rendait compte ultérieurement que le président avait donné acte à l'avocat de l'accusé que "les forces de l'ordre avaient fait évacuer la salle au moment où les témoins, à la demande du président, s'étaient retirés, avant même que le huis clos ne soit prononcé".

La Cour de Cassation estime que ces mentions contradictoires du procès-verbal ne lui permettent pas de s'assurer que l'arrêt ordonnant le huis clos a été rendu publiquement comme l'exige l'article 306 du Code de procédure pénale (Chambre criminelle 12-12-1823 B. 162).

En présence de telles mentions contradictoires du procès-verbal quant à la publicité de l'audience, la cassation est toujours encourue :

- Chambre criminelle 21-06-1995 B. 228

- Chambre criminelle 18-12-1996 (96 83 420 -non publié)

- Chambre criminelle 03-09-1997 B. 293.




HUIS CLOS - exécution incomplète

Un accusé ne peut se plaindre de l'exécution incomplète d'une décision ordonnant le huis clos.

Chambre criminelle 28 octobre 1998 (98 82 297 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du DOUBS du 28 novembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 450.

Jurisprudence constante.




PARTIE CIVILE - contestation de sa constitution - moment où il peut être statué

La Cour peut attendre l'audience civile pour statuer sur la recevabilité d'une constitution de partie civile contestée. Elle n'est pas tenue de se prononcer dès le dépôt des conclusion et peut donc surseoir à statuer.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 83 436 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 25 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 433




TÉMOIN - serment

Dès lors que le témoin a prêté le serment prévu par l'article 331 du Code de procédure pénale, peu importe s'il déclare, au cours de sa déposition, qu'il a de la haine pour l'accusé.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 83 436 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 25 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 575.

Le serment que les témoins doivent prêter devant la cour d'assises les oblige à "parler sans haine et sans crainte". Ceci est passablement absurde car ces sentiments sont difficilement maîtrisables et il est impossible, dans certaines circonstances, malgré toute sa bonne volonté, de parler sans avoir la haine au coeur ou la trouille au ventre. Néanmoins, ces sentiments ne vous empêchent pas de dire "toute la vérité, rien que la vérité".

D'ailleurs, dans la présente affaire, au cours de sa déposition, le témoin avait objectivement reconnu "qu'il avait de la haine pour l'accusé mais que, pour autant, il disait la vérité". Il avait parfaitement résumé la situation. On peut jurer de dire la vérité. Il est impossible de s'engager à se départir de la haine ou de la crainte qui vous habitent.

En l'espèce, il n'y avait pas de problème car, avant de déposer, le témoin avait prêter le serment dans les termes de la loi mais je me souviens d'un procès où un témoin m'avait dit, avant de prêter serment, qu'il dirait la vérité et parlerait sans crainte mais sûrement pas sans haine. A défaut de pourvoi, la Cour de Cassation n'avait pas eu à se prononcer sur ce problème.

C'est pourquoi, devant la cour d'assises, il serait préférable de faire prêter aux témoins le serment en vigueur devant le tribunal correctionnel qui les oblige simplement et plus modestement à "dire toute la vérité, rien que la vérité" (article 446 du Code de procédure pénale).




TÉMOINS - présence dans la salle d'audience avant leur audition

Les dispositions de l'article 325 du Code de procédure pénale, interdisant aux témoins d'assister aux débats avant leur audition, ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 84 551 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAL-DE-MARNE du 20 juin 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 526.

Confirmation d'une jurisprudence constante.




QUESTIONS - complicité

La question demandait si l'accusé était coupable de s'être rendu complice de la tentative d'homicide volontaire commise par son coaccusé en l'aidant et l'assistant dans les faits qui en ont facilité la préparation.

Le moyen reprochait à cette question de n'avoir pas précisé que le complice avait agi sciemment.

Le reproche était fondé mais la Cour de Cassation se refuse à examiner le moyen car la peine prononcée contre le demandeur était justifiée du fait de sa condamnation pour un autre crime pour lequel les questions avaient été régulièrement posées.

Chambre criminelle 14 octobre 1998 (97 85 326- non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-SAVOIE du 20 juin 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" mise à jour n° Q 5, page 84.

Dans la présente espèce la cassation aurait été encourue si la Cour de Cassation n'avait pu avoir recours à la théorie dite du support légal ou de la peine justifiée.

En effet, la Chambre criminelle a estimé que le mot "sciemment" devait figurer dans la question relative à la complicité par aide ou assistance (Chambre criminelle 28 juin 1995 B. 241).

Or, en l'espèce, il n'y figurait pas.

Remarquons également que, telle qu'elle était posée, la question en cause préjugeait de la culpabilité de l'auteur principal, ce qui, si le moyen avait été soulevé, aurait été aussi de nature à entraîner la cassation.

Il faut éviter de poser la question de complicité sous cette forme. Le complice n'est pas complice de l'auteur principal mais complice d'une infraction (voir la rédaction des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal).

Pour la complicité par aide ou assistance, il convient donc de poser la question de la façon suivante :

"L'accusé... est-il coupable d'avoir, à..., le..., sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation de...etc...?"

A ce propos, nous rappelons qu'il convient de modifier la rédaction conseillée par M. Angevin dans la mise à jour de son ouvrage (page 84, formule Q 5).




QUESTIONS - préméditation

Il résultait de l'arrêt de renvoi que l'accusé avait formé le dessein de tuer son ex-concubine mais qu'il avait (par erreur ?) tué une autre personne.

Il avait été renvoyé pour l'assassinat de cette personne.

Le moyen reprochait au président d'avoir posé les questions dans les termes de l'arrêt de renvoi alors qu'aux termes de l'article 132-72 du Code pénal, " la préméditation est le dessein formé avant l'action de commettre un crime déterminé".

Le moyen est écarté au motif que les deux questions posées établissent "sans ambiguïté que l'accusé avait formé à l'avance le dessein d'attenter à la vie de la victime et qu'en tout état de cause, l'article 132-72 n'exige pas que la victime d'un crime prémédité soit, par avance, déterminée".

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (98 81 238 - à paraître au bulletin)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAR du 2 décembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 801.

Belle question d'école !

Fallait-il renvoyer pour tentative d'assassinat de l'ex-concubine et homicide involontaire de l'autre personne ?

Pour la réponse à cette question, voir : - Chambre criminelle 21-11-1984B. 362.

Mais, en toute occurrence, dans la présente espèce, le moyen ne pouvait critiquer les réponses irrévocables que la Cour et le jury avaient apportées aux questions régulièrement posées, conformément au dispositif de l'arrêt de renvoi.




QUESTIONS - lecture - conformité à l'arrêt de renvoi

Lorsque les questions sont conformes au dispositif de l'arrêt de renvoi, leur lecture n'est pas obligatoire. Il n'est pas nécessaire qu'elles en soient la reproduction littérale. Il suffit qu'elles en restituent la substance.

Il en est ainsi, pour un meurtre, des questions décomposées en trois interrogeant la Cour et le jury sur l'existence de violences volontaires, sur la mort qui en est résultée et sur l'intention homicide de l'accusé.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 84 551 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAL-DE-MARNE du 20 juin 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n°797 et 833.

Confirmation d'une jurisprudence constante.




FEUILLE DE QUESTIONS - utilisation d'un timbre humide - possibilité (oui)

Le président n'est pas tenu, après le dépouillement du scrutin, de transcrire de sa propre main le résultat des votes de la Cour et du jury. Il suffit que mention en soit faite d'une manière qui ne laisse place à aucune incertitude sur la nature et l'importance des peines prononcées, le caractère d'authenticité des décisions intervenues étant garanti par les signatures conjointes du président et du premier juré sur la feuille de questions.

Chambre criminelle 28 octobre 1998 (98 82 137 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SAVOIE du 25 novembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 883 et 884.

Le moyen de cassation se fondait sur le fait que, sur la feuille de questions, la mention du prononcé de la peine de 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille avait été apposée à l'aide d'un timbre humide. Il estimait que ce procédé présumait du contenu de la délibération de la Cour et du jury, la sanction prononcée étant ainsi déterminée à l'avance.

La Cour de Cassation n'a jamais censuré l'usage de timbres humides, notamment pour les réponses aux questions de culpabilité pour lesquelles toutes les cours d'assises utilisent ce moyen technique qui évite au président d'écrire, à chaque fois, "oui, à la majorité de huit voix au moins" :- Chambre criminelle 01-03-1994 (93 83 962)

- Chambre criminelle 10-04-1991 (90 84 145)

- Chambre criminelle 09-05-1990 (89 86 306)

- Chambre criminelle 26-07-1976 B. 268

- Chambre criminelle 16-06-1971 B. 190.

De nombreuses cours d'assises utilisent également, comme en l'espèce, ce procédé pour les mentions sur la peine. Il n'y a là aucune irrégularité, le caractère d'authenticité des décisions intervenues étant garanti par les signatures conjointes du président et du premier juré sur la feuille de questions.




RÉCIDIVE - mentions nécessaires

Si l'accusé n'a pas, au cours des débats, contesté l'état de récidive retenu par l'arrêt de renvoi, il ne peut le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation.

Chambre criminelle 14 octobre 1998 (97 85 519 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des VOSGES du 24 septembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 870.

La Cour de Cassation se montre peu exigeante sur la constatation de l'état de récidive. Il n'est pas nécessaire qu'une question soit posée à ce sujet (mais peu importe si une question est posée : - Chambre criminelle18-06-1997 - 96 85 071). Il suffit que l'état de récidive soit constaté sur la partie de la feuille de questions relative à l'application de la peine (mais, même en l'absence d'une telle mention, l'arrêt de condamnation peut viser la récidive si celle-ci était retenue par l'arrêt de renvoi et qu'elle n'a pas été contestée). Il faut, normalement, donner les références de la condamnation constituant le premier terme de la récidive et constater son caractère définitif (mais peu importe si cela n'est pas précisé dans la mesure où l'état de récidive résulte de l'arrêt de renvoi et n'a pas été contesté).

La seule fois, à ma connaissance, où une cassation est intervenue à ce sujet concerne un cas où la Cour et le jury avaient été interrogés par une question unique sur le fait principal reproché et l'état de récidive dans lequel il avait été commis. La Cour de Cassation avait estimé qu'il s'agissait là d'une question complexe : - Chambre criminelle 27-03-1996 (95 82 022).

Mais, un mois plus tard, elle a refusé de casser pour ce même motif car la peine prononcée (contrairement au cas précédent où le maximum normal avait été dépassé) restait dans la limite du maximum légal applicable sans tenir compte de la récidive : - Chambre criminelle 30-04-1996 (95 85 468).




PROCÈS-VERBAL - contenu

Sauf ordre du président, les déclarations de l'accusé ne peuvent être consignées au procès-verbal.

Chambre criminelle 21 octobre 1998 (97 86 663 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-MARNE du 29 octobre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 960.

L'avocat n'avait dû découvrir aucun moyen sérieux car il s'est borné à reprocher au greffier de ne pas avoir relaté au procès-verbal, "fût-ce en substance", les déclarations de l'accusé. La Chambre criminelle lui répond que la cassation aurait été encourue si le greffier l'avait fait.




ARRÊT PÉNAL - erreur de date - cassation - non - erreur matérielle

Une simple erreur matérielle contenue dans l'arrêt quant à la date à laquelle il a été rendu n'est pas cause de cassation.

Chambre criminelle 14 octobre 1998 (97 85 519 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des VOSGES du 24 septembre 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 896.

La mention terminale de l'arrêt portait qu'il avait été rendu le 23 septembre 1997 alors que tous les autres documents et notamment le procès-verbal révélaient que l'audience s'était tenue le 24.




ARRÊT - précision du nom des jurés - nécessité (non)

Aucun texte de loi ne prescrit, à peine de nullité, que les noms des jurés figurent dans l'arrêt, le procès-verbal du tirage au sort du jury contenant, à cet égard, toutes indications nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle.

Chambre criminelle 28 octobre 1998 ( 98 80 893 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de PARIS du 28 janvier 1998.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 893.

Les jugements ou arrêts doivent mentionner les noms des juges qui les ont rendus pour permettre à la Cour de Cassation de s'assurer que les prescriptions de l'article 592 du Code de procédure pénale ont été observées. Ceci vaut pour les arrêts rendus par les cours d'assises.

Néanmoins, en ce qui concerne les jurés, la Chambre criminelle n'exige pas que leurs noms figurent dans l'arrêt lui-même car le procès-verbal du tirage au sort du jury contient toutes indications nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle :

- Chambre criminelle 23-06-1993 B. 223

- Chambre criminelle 03-11-1994 B. 346.

Mais, si les noms des jurés figurent dans l'arrêt, ceux-ci, sous peine de cassation, doivent être en concordance avec ceux indiqués dans le procès-verbal :

- Chambre criminelle 15-01-1964 B. 13

- Chambre criminelle 29-01-1992 B. 38.

Il y a donc un risque à reproduire dans l'arrêt les noms des jurés car on n'est pas à l'abri d'erreurs qui peuvent se glisser lors de cette opération de recopiage.

Il suffit donc d'indiquer dans l'arrêt, en ce qui concerne la composition de la juridiction, les noms des magistrats composant la Cour proprement dite et de mentionner ensuite "et les jurés de jugement".

Il est inutile d'ajouter, comme on le constate assez souvent, la mention "tels qu'ils sont mentionnés au procès-verbal des opérations de formation du jury de jugement" car cette mention pourrait entraîner la cassation si un des jurés de jugement tiré au sort en début d'audience avait été remplacé au cours des débats.

De nombreuses cours d'assises utilisent encore un vieux formulaire d'arrêt qui ne mentionne pas du tout l'existence des jurés dans la composition de la juridiction. En réalité, il s'agit d'un formulaire qui était en usage avant la loi du 5 mars 1932, à une époque où la Cour prononçait seule le verdict à la suite des réponses apportées par les jurés aux questions posées sur la culpabilité et les circonstances atténuantes. A cette époque l'arrêt était rendu par la Cour seule.

La Chambre criminelle s'est refusée à sanctionner cette omission qui est souvent invoquée comme moyen de cassation. Elle estime, pour sauver ces arrêts, que la mention de l'arrêt attaqué indiquant que la Cour et le jury réunis ont délibéré sur la culpabilité de l'accusé et sur l'application de la peine, conformément aux dispositions des articles 355 à 366 du Code de procédure pénale, implique nécessairement la présence et la participation des jurés.

Néanmoins, il n'est pas conseillé d'utiliser cette formule car les jurés font partie de la juridiction qui rend l'arrêt pénal.





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