PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions de mai 1998
 





TÉMOIN - passé outre - motivation de l'arrêt incident

Devant la cour d'assises le débat est oral. Une décision de passé outre à l'audition d'un témoin ne peut se fonder que sur les résultats du débat oral. La Cour ne peut se référer au contenu des pièces de la procédure écrite.

Chambre criminelle 6 mai 1998 (97 84 479 - à paraître au bulletin)
Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de l'AISNE du 5 juin 1997.
Renvoi devant la cour d'assises de la MARNE.
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°532.

Dès après l'interrogatoire de l'accusé et avant l'audition de tout témoin ou expert, l'avocat de l'accusé a déposé des conclusions dans lesquelles il demandait le renvoi de l'affaire en raison de l'absence d'un témoin.

La Cour a rejeté cette demande au motif que la déposition de ce témoin n'apparaissait pas strictement indispensable à la manifestation de la vérité, la cour d'assises disposant d'autres éléments d'appréciation susceptibles d'être développés à l'audience par les témoins et experts présents .

La Cour de Cassation estime qu'en se prononçant ainsi, la Cour, qui se référait nécessairement au contenu des pièces de la procédure écrite, dès lors qu'aucun témoin ou expert n'avait encore été entendu, a méconnu le principe de l'oralité des débats.

Elle ne pouvait préjuger de ce qui ressortirait du débat oral.

Que devait faire la Cour ?

Comme le mentionne M. Angevin dans son ouvrage (n 532), elle devait réserver sa décision jusqu'à la fin de l'instruction orale et rendre, dans l'immédiat, un arrêt de sursis à statuer.

Une fois les témoins et experts entendus, elle aurait alors pu statuer sur l'incident en se référant au résultat de l'instruction d'audience qui venait de se dérouler.

Quelques remarques complémentaires sur ce genre d'incident, assez fréquent devant la cour d'assises :

1 - renvoyer la décision sur l'incident à l'issue des auditions des témoins et experts.

2 - redonner la parole aux parties, et à la défense en dernier, avant de statuer.

3 - ne pas lire les dépositions écrites du témoin avant qu'il ait été statué définitivement.

4 - fonder la décision uniquement sur les résultats du débat oral et sans préjuger le fond : dire, par exemple qu'au vu du résultat de l'instruction d'audience, l'audition du témoin défaillant n'apparaît pas indispensable à la manifestation de la vérité . La Cour de Cassation ne contrôle pas la pertinence des motifs mais seulement leur régularité.


TÉMOIN - passé outre - audition ultérieure

La renonciation des parties à l'audition d'un témoin fait perdre à celui-ci sa qualité de témoin acquis aux débats. Si ce témoin se présente ultérieurement, le président peut l'entendre sans serment en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

Chambre criminelle 19 mai 1998 (97 83 814 - à paraître au bulletin)
Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-SAINT-DENIS du 6 juin 1997.
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°546.

Selon une jurisprudence ancienne, le fait que les parties aient accepté qu'il soit passé outre à l'audition d'un témoin absent n'enlevait pas à ce témoin sa qualité de témoin acquis aux débats. Aussi, la Cour de Cassation décidait que, si ce témoin venait ultérieurement à se présenter, il était valablement entendu sous serment, même s'il avait déjà été donné lecture de sa déposition écrite :

- Chambre criminelle 10-06-1948 B. 155
- Chambre criminelle 05-06-1956 B. 426
- Chambre criminelle 14-01-1958 B. 50.

Toutefois, dans deux arrêts de 1973 et 1976, la Cour de Cassation a modifié sa position en estimant que, dès lors que les parties avaient renoncé à son audition, le témoin avait perdu sa qualité de témoin acquis aux débats. Le président pouvait donc l'entendre sans serment en vertu de son pouvoir discrétionnaire :

- Chambre criminelle 04-05-1973 B. 202
- Chambre criminelle 27-04-1976 B. 125.

Ce dernier arrêt admettait, néanmoins, qu'en l'absence d'opposition des parties, l'audition de ce témoin sous la foi du serment ne pouvait être cause de nullité.

Dans la présente espèce, le président de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, avait entendu le témoin sans prestation de serment en vertu de l'article 310.

La Cour de Cassation approuve cette façon de faire et maintient donc sa jurisprudence de 1973 et 1976.

En conséquence, quand un témoin à l'audition duquel il a été passé outre en raison de son absence vient à se présenter ultérieurement, il est préférable de l'entendre sans serment en vertu du pouvoir discrétionnaire du président.


TÉMOIN - serment - cause d'incapacité alléguée - audition sans serment - absence d'opposition des parties - régularité

La défense s'étant opposée à l'audition sous serment d'un témoin au motif qu'il avait été condamné à 10 ans de réclusion criminelle en 1980 et les autres parties ayant estimé que cette opposition leur paraissait fondée, c'est à bon droit que le président a entendu ce témoin sans lui faire prêter serment.

Le fait constitutif de l'exclusion ne peut être contesté pour la première fois devant la Cour de Cassation.

Chambre criminelle 19 mai 1998 (97 83 052 - à paraître au bulletin)
Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des ALPES-MARITIMES du 27 mars 1997.
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°560.

La défense s'était opposée à l'audition sous serment d'un témoin au motif qu'il avait été condamné à 10 ans de réclusion criminelle, pour vol qualifié, le 26 février 1980. Le ministère public et l'avocat des parties civiles avaient estimé que cette opposition leur paraissait fondée. Le président avait donc procédé à l'audition de ce témoin sans lui faire prêter serment.

Devant la Cour de Cassation, l'accusé présentait un moyen faisant reproche au président d'avoir ainsi procédé. Il faisait valoir que ce témoin ne se trouvait plus frappé d'une cause d'incapacité à la date de son audition en mars 1997 car, si, en 1980, une condamnation à une peine criminelle emportait de plein droit la dégradation civique en vertu de l'article 28 de l'ancien Code pénal, cette peine accessoire et perpétuelle avait cessé, également de plein droit, lors de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1er mars 1994. En effet le nouveau Code ne permet de prononcer, en matière criminelle, la perte des droits civiques, civils et de famille de l'article 131-26 que pour une durée maximale de 10 ans. Or, en vertu de l'article 15-1 du Pacte de New-York du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la France le 29 janvier 1981, si, postérieurement à une infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier . Le témoin en cause se trouvait donc à nouveau investi de tous ses droits depuis le 1er mars 1994. Aussi son témoignage sous serment ne pouvait être légalement écarté.

Le raisonnement présenté ne manquait pas de pertinence. Si le débat s'était ouvert en ces termes devant la cour d'assises (au cas où, par exemple, le ministère public ou l'avocat des parties civiles aurait développé une telle argumentation pour s'opposer aux prétentions de la défense), la Cour aurait alors dû, en présence d'une telle contestation, se prononcer sur l'impossibilité ou non d'entendre ce témoin sous serment. Sa décision aurait, en ce cas, pu être contestée devant la Cour de Cassation.

Mais comme tel n'avait pas été le cas, la cause d'exclusion, admise par l'ensemble des parties, ne pouvait être contestée pour la première fois devant la Cour de Cassation.

Voir, dans le même sens, mais sur une autre motivation (rubrique ci-dessus) :

- Chambre criminelle 04-05-1973 B. 202


DÉBATS - cour d'assises des mineurs - retrait de l'accusé mineur - article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 - conditions d'application

Le président de la cour d'assises des mineurs ne peut ordonner le retrait de l'auditoire de l'accusé mineur pendant tout ou partie des débats qu'après avoir procédé à l'interrogatoire des accusés.

Chambre criminelle 13 mai 1998 (97 82 431 - à paraître au bulletin)
Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de l'INDRE-ET-LOIRE du 4 mars 1997.
Renvoi devant la cour d'assises du MAINE-ET-LOIRE.
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°372.

C'est la première fois, à notre connaissance, que la Chambre criminelle se prononce sur ce problème.

L'article 20, alinéa 9, de l'ordonnance du 2 février 1945 dispose que après l'interrogatoire des accusés, le président de la cour d'assises des mineurs pourra, à tout moment, ordonner que l'accusé mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats .

Dans cette affaire, le président avait fait largement usage de ce droit puisqu il avait fait retirer les deux accusés mineurs dès après la lecture de l'arrêt de renvoi et l'audition d'un seul témoin. Par la suite, les deux accusés n'avaient pratiquement pas assisté aux débats sauf pour leurs interrogatoires et l'audition de quelques témoins.

Le moyen, divisé en deux branches, se fondait sur l'incompatibilité de cet article 20 avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et, subsidiairement, sur l'inobservation par le président des prescriptions dudit article dont il ne pouvait faire usage qu'après l'interrogatoire des accusés.

La Chambre criminelle casse sur la seconde branche du moyen.

Il faut donc procéder à l'interrogatoire des accusés avant de pouvoir ordonner le retrait du prétoire des accusés mineurs. c'est l'application littérale du texte. Mais il faut avouer que cette décision cadre mal avec la jurisprudence traditionnelle de la chambre, selon laquelle les dispositions de l'article 328 du Code de procédure pénale, qui prévoient l'interrogatoire de l'accusé, ne sont pas prescrites à peine de nullité (voir ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°480). On peut en conclure qu'en l'espèce, a été introduite une exception à ce principe : pour pouvoir ordonner le retrait des accusés mineurs il faut que l'interrogatoire des accusés ait eu lieu et donc que le procès-verbal le constate.

Plus généralement, on ne peut que conseiller aux présidents de faire un usage prudent de ce texte car il ne paraît pas très conforme, comme le soutenait la première branche du moyen, aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Il est, en effet, anormal qu'un individu, fût-il mineur, ne puisse assister à son procès à la suite d'une décision discrétionnaire du président et sans être informé de ce qui s'est dit et fait pendant son absence.

L'application de la mesure prévue par ce texte ne paraît compatible avec l'exigence d'un procès équitable que si, d'une part, elle est justifié par l'intérêt supérieur du mineur, ce qui implique que le président doive motiver sa décision d'en faire usage, et si, d'autre part, l'accusé est informé, dès son retour dans la salle d'audience, de ce qui s'est fait en son absence (comme le prévoit le texte général de l'article 339), ce qui implique que le procès-verbal fasse état de cette information.


QUESTIONS - répétition de l'infraction - complexité (non)

Lorsque des faits de même nature, commis par le même accusé, sur une même victime, dans le mêmes conditions et entraînant les mêmes conséquences pénales se sont succédé pendant une certaine période ont peut les réunir en une question unique sans encourir le grief de complexité.

Chambre criminelle 19 mai 1998 ( 97 84 081 - non publié)
Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du CANTAL du 26 juin 1997
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°787.

Cette jurisprudence est constante. Elle trouve à s'appliquer notamment en matière de viols par ascendant qui se poursuivent pendant une certaine période. Il faut néanmoins scinder les questions lorsque les circonstances changent, notamment pour les faits commis sur une victime avant et après qu'elle ait atteint l'âge de 15 ans.


FEUILLE DE QUESTIONS - mention prérédigée introductive au délibéré sur la peine

Le moyen se fondait sur la présentation de la feuille de questions qui comportait, après les questions sur la culpabilité, la mention suivante dactylographiée : En conséquence de la déclaration qui précède, la Cour et le jury réunis, après en avoir délibéré dans les conditions prévues par l'article 362 du Code de procédure pénale et voté à la majorité requise par ce texte, condamnent l'accusé X à la peine de... , le reste étant manuscrit.
Le moyen soutenait que cette mention dactylographiée, antérieure à toute délibération de la Cour et du jury, présumait nécessairement la culpabilité de l'accusé et constituait, de la part du président, une manifestation d'opinion prohibée sur la culpabilité de l'accusé.
La Chambre criminelle n'est pas de cet avis et elle refuse de casser pour ce motif.

Chambre criminelle 6 mai 1998 ( 97 83 566 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la LOIRE du 6 juin 1997.
Note : Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises n°76 et suivants et 883.

Il est très fréquent que les feuilles de questions comportent cette mention prérédigée, introductive au délibéré sur la peine, afin d'éviter au président d'avoir, au cours du délibéré, à écrire lui-même la formule, au risque d'oublier une mention essentielle.

Il est certain que l'apposition de cette formule sur la feuille de questions, avant le délibéré, anticipe sur la délibération de la Cour et du jury car elle semble considérer comme établie la culpabilité de l'accusé et elle porte atteinte à la présomption d'innocence.

Si cette pratique paraît donc, sur le principe, discutable, est-ce pour autant qu'elle constitue une manifestation d'opinion du président ?

Certainement pas car cette formule n'est pas lue publiquement et elle n'est pas portée à la connaissance des jurés avant le délibéré sur la peine. Elle n'est effectivement utilisée que s'il est répondu affirmativement aux questions préalables de culpabilité. Elle devient sans objet s'il est répondu négativement à ces questions.

La Chambre criminelle a déjà écarté des moyens fondés sur ce grief, notamment dans l'affaire Omar Raddad :

- Chambre criminelle 09-03-1995 B. 97.

En revanche, la cassation est encourue si une feuille de questions ainsi rédigée est remise aux jurés pendant les débats :

- Chambre criminelle 09-01-1991 B. 16


PEINES - application de la loi dans le temps

Un accusé, reconnu coupable d'un assassinat, commis avant le 1er mars 1994, ne peut être condamné à 30 ans de réclusion criminelle.

Chambre criminelle 26 mai 1998 (97 86 150 - non publié)
Cassation, dans l'intérêt de la loi, sur pourvoi formé d'ordre du Garde des Sceaux, d'un arrêt de la cour d'assises de la MANCHE du 18 mars 1994.
Pas de renvoi : peine ramenée à 20 ans.
Note : Le moyen présenté par la Chancellerie se fondait sur la jurisprudence de la chambre criminelle en matière d'assassinat ou de meurtre aggravé (plus généralement, cette jurisprudence concerne tous les crimes qui, avant le 1er mars 1994, étaient passibles de la réclusion criminelle à perpétuité et qui demeurent punis de cette peine depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal).

En ce cas, pour des faits commis avant le 1er mars 1994, si la réclusion criminelle à perpétuité n'a pas obtenu la majorité de 8 voix au moins, la Cour et le jury ne peuvent prononcer, à la majorité absolue, qu'une peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle :

- Chambre criminelle 14-12-1994 B. 414
- Chambre criminelle 25-10-1995 (95 81 441 - non publié)
- Chambre criminelle 16-10-1996 (95 85 622 - non publié)
- Chambre criminelle 08-01-1997 B. 4.

Dans la présente espèce, en accueillant le moyen, la Chambre criminelle confirme, une nouvelle fois, sa position.

La solution retenue nous apparaît tout à fait justifiée car, si les juges peuvent toujours prononcer la réclusion criminelle à perpétuité à la majorité de 8 voix au moins, ils ne peuvent, à la majorité absolue, prononcer plus de 20 ans de réclusion criminelle, maximum autrefois applicable dans ces conditions. En effet, en vertu de l'article 112-1 du Code pénal, peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle les faits ont été commis, sauf si les dispositions nouvelles sont moins sévères (ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu actuellement, à la majorité absolue, on peut aller jusqu'à 30 ans).

La chambre criminelle, dans une précédente espèce, a poussé plus loin son raisonnement en décidant que la cour d'assises ne peut, même à la majorité de 8 voix au moins, prononcer, pour un meurtre aggravé commis avant le 1er mars 1994, une peine de 30 ans de réclusion criminelle car seule la peine de la réclusion criminelle à perpétuité est prononçable, dans ces conditions, contre l'accusé, celui-ci ne pouvant se voir infliger, si cette peine perpétuelle n'a pas recueilli la majorité qualifiée, qu'une peine maximale de réclusion à temps de 20 ans:

- Chambre criminelle 13-03-1996 (95 83 845 - non publié).

Résultat paradoxal puisque, si la circonstance aggravante n'avait pas été retenue, le prononcé d'une telle peine de 30 ans de réclusion criminelle, à la majorité de 8 voix au moins, eût été possible en application de la jurisprudence en matière de meurtre simple !

En effet, en matière de meurtre (dont la peine maximale a été ramenée de perpétuité à 30 ans depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal), si les juges, à la majorité de 8 voix au moins, ne peuvent plus infliger la réclusion criminelle à perpétuité, ils peuvent, à cette majorité, prononcer la peine, plus douce, de 30 ans de réclusion criminelle, leur pouvoir restant identique s'ils se prononcent à la majorité absolue, le maximum étant, dans ces conditions, avant comme après le 1er mars 1994, de 20 ans de réclusion criminelle :

- Chambre criminelle 09-03-1994 B. 93
- Chambre criminelle 07-08-1995 (95 81 007 - non publié)
- Chambre criminelle 20-03-1996 (95 83 557- non publié)
- Chambre criminelle 10-07-1996 B. 290
- Chambre criminelle 23-07-1996 B. 300
- Chambre criminelle 02-10-1996 (95 85 218 - non publié).
- Chambre criminelle 13-11-1996 B. 400.

En résumé, pour un assassinat commis avant le 1er mars 1994, c'est perpétuité à la majorité qualifiée ou 20 ans maximum à la majorité absolue, alors que, s'il s'agit d'un meurtre, c'est 30 ans à la majorité qualifiée ou 20 ans maximum à la majorité absolue.

De ce fait, si les jurés veulent infliger 30 ans de réclusion criminelle à un individu accusé d'assassinat, commis avant le 1er mars 1994, il leur faut répondre négativement à la question de préméditation de façon à se rabattre sur la qualification de meurtre qui leur permet de prononcer cette peine à la majorité de huit voix au moins.

Au demeurant, ce n'est pas le seul paradoxe auquel nous aboutissions en cette matière puisque la confrontation brutale de deux arrêts de la Chambre criminelle, rendus au sujet de deux condamnations prononcées par la cour d'assises du FINISTÈRE, révèle que, pour des viols en récidive, commis avant le 1er mars 1994, il serait possible d'infliger à l'accusé, à la majorité absolue, jusqu'à 30 ans, voire 39 ans, de réclusion criminelle, alors qu'on ne pourrait, à la même majorité, dépasser 20 ans s'il s'agissait de meurtres en récidive :

- Chambre criminelle 03-04-1996 (95 81 415 - non publié) :25 ans pour viols en récidive. Rejet du pourvoi.
- Chambre criminelle 20-11-1996 (96 81 168 - non publié) :30 ans pour meurtre en récidive. Cassation.
On comprend que le praticien s'égare un peu.





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