PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions d'avril 1998
 






COMPOSITION - assesseurs - remplacement

Le président de la cour d'assises ne peut désigner des assesseurs en remplacement de ceux nommés par le premier président qu'après avoir constaté l'empêchement de ces derniers.

Chambre criminelle 29 avril 1998 (97 82 546 - non publié)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de la GUADELOUPE du 17 mars 1997.

Renvoi devant la cour d'assises de la MARTINIQUE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 95.

Par ordonnance du 17 janvier 1997, le premier président avait désigné comme assesseurs, pour la session supplémentaire devant s'ouvrir le 10 mars 1997, Mme Lebrun et Mme Gabrielle.

Pour l'affaire devant être jugée le 17 mars 1997, le président de la cour d'assises avait désigné, par deux ordonnances du même jour :

  1. Mme Thelliez, en remplacement de Mme Moncassin, indiquée comme ayant été "désignée par ordonnance du président de la cour d'assises du 17 janvier 1997".
  2. Mme Gabrielle, en remplacement de M. Jouanguy (dans les motifs) ou de M. Thelliez (dans le dispositif), indiqué comme ayant été "désigné par ordonnance du président de la cour d'assises du 17 janvier 1997".

On peut supposer que le président de la cour d'assises avait dû prendre, entre le 10 et le 17 mars, une ou plusieurs ordonnances de remplacement d'assesseurs et que, de ce fait, les assesseurs empêchés de siéger le 17 mars n'étaient plus les titulaires désignés par le premier président.

Si l'ensemble des ordonnances avaient été transmises à la Cour de Cassation, il aurait peut-être été possible de reconstituer la chaîne des remplacements successifs et de vérifier la régularité de la composition de la cour d'assises.

Néanmoins, en l'espèce, la Cour de Cassation n'a pas jugé utile de réclamer ces documents car les deux ordonnances du 17 mars 1997 contenaient, en elles-mêmes, des erreurs évidentes. En effet, d'une part, les assesseurs empêchés n'avaient pu être désignés par le président de la cour d'assises le 17 janvier 1997 car, à cette date, la session n'était pas ouverte. D'autre part, il existait, dans la seconde ordonnance, une divergence entre les motifs et le dispositif sur l'identité du magistrat empêché.

De ce fait, la cassation était inéluctable.

Dans le panorama de mars 1998 nous indiquions que "le fonctionnement par sessions de la cour d'assises conduit fréquemment les premiers présidents et les présidents de cours d'assises à rendre une cascade d'ordonnances de désignation, délégation, remplacement, etc. qui ne vont pas sans poser d'irritants problèmes de coordination et d'adéquation les unes aux autres. Elles sont sources de nombreux moyens de cassation, même si ceux-ci sont rarement fructueux.

Lorsque l'article 305-1 a été introduit, en 1985, dans le Code de procédure pénale, on aurait pu penser que la Cour de Cassation en ferait usage pour couper court à la floraison de tels moyens. Il n'en a rien été, la Chambre criminelle ayant estimé que, les règles régissant la composition des juridictions étant d'ordre public, les griefs tirés de leur méconnaissance échappaient à la forclusion prévue par ce texte.

Moyennant quoi, la chambre se livre à des contorsions gymniques dignes de la foire du trône pour éviter, autant que possible, les cassations fondées sur de tels moyens !"

La présente décision de cassation révèle que les capacités de contorsionnistes des magistrats de la chambre criminelle ont quand même des limites.



HUIS CLOS - étendue - caractère partiel de la mesure

L'avocat de la partie civile ayant demandé le huis clos pour l'audition de la victime, la Cour l'avait ordonné en excluant de la mesure les "représentants accrédités de la presse".

Le moyen, présenté par l'accusé, critiquait cette restriction en soutenant qu'elle n'avait pas été demandée par la victime et qu'elle n'était justifiée par aucun motif.

La Cour de Cassation rejette ce moyen en considérant que le caractère partiel du huis clos n'affecte pas les droits de la défense et ne saurait en conséquence autoriser le demandeur à le critiquer.

Chambre criminelle 1er avril 1998 (97 82 881 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du DOUBS du 7 mars 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 450.



DÉBATS - pouvoir discrétionnaire - lecture du rapport d'un expert

Le président peut lire le rapport d'un expert défaillant avant l'audition des experts présents.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 82 995 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du PAS-DE-CALAIS du 14 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 66.



TÉMOIN - cité par la partie civile - absence de dénonciation à l'accusé - conséquence

Un témoin régulièrement cité par la partie civile mais signifié au seul ministère public doit, en l'absence d'opposition de l'accusé ou de son conseil, être entendu après prestation de serment.

Chambre criminelle 29 avril 1998 (97 84 165 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des YVELINES du 31 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 536, 572 et 599.

Si un témoin n'a pas été dénoncé à l'une des parties conformément à l'article 281 du Code de procédure pénale, cette partie peut s'opposer à son audition.

En l'absence d'opposition, le témoin doit être entendu sous serment. La cassation serait encourue si, en ce cas, le président l'entendait sans serment, en vertu de son pouvoir discrétionnaire :

- Chambre criminelle 18-05-1983 B. 146.

En revanche, si la partie à laquelle le témoin n'a pas été signifié s'oppose à son audition, la Cour doit statuer sur la régularité de cette opposition (qu'elle estimera fondée si le témoin n'a effectivement pas été dénoncé).

En ce cas, mais en ce cas seulement, le président peut, après le prononcé de l'arrêt incident, entendre ce témoin, sans serment, en vertu de son pouvoir discrétionnaire (article 330 du Code de procédure pénale).



TÉMOIN - beau-frère de l'accusé - audition sans serment - régularité

Le procès-verbal mentionnait que le témoin, "beau-frère de l'accusé", avait été entendu sans serment.

Le moyen prétendait que cette mention, imprécise quant au lien de parenté unissant ce témoin à l'accusé, ne permettait pas à la Chambre criminelle d'exercer son contrôle sur la régularité de l'audition de cette personne sans serment.

La Chambre criminelle écarte le moyen au motif qu'en l'absence de contestation des parties, il y a présomption que le témoin se trouvait dans un cas d'empêchement prévu à l'article 335 du Code de procédure pénale.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 82 995 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du PAS-DE-CALAIS du 14 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 559.

Jusqu'en 1996 la Chambre criminelle se montrait rigoureuse sur l'obligation pour les témoins de prêter serment. Elle cassait les décisions qui ne lui permettaient pas de s'assurer que c'était à bon droit que le témoin avait été entendu sans serment. Le procès-verbal des débats devait donc indiquer précisément le lien de parenté qui unissait le témoin à l'accusé pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle. La mention "beau-frère" était jugée insuffisante du fait de son caractère ambigu. En effet, par exemple, le mari de la soeur de la femme de l'accusé, qui est communément appelé son beau-frère, n'est pas dispensé du serment car il n'est pas un allié de l'accusé mais seulement de son conjoint (voir sur ce point : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 552 et mise à jour page 34).

Mais le 3 avril 1996, un revirement de jurisprudence a été opéré sur ce point, la Chambre criminelle estimant, dorénavant, qu'en l'absence de contestation des parties, les auditions sans serment de témoins acquis aux débats étaient régulières même si la raison de l'absence de serment n'était pas indiquée avec précision au procès-verbal, le seul visa de la prohibition de l'article 335 ayant été jugé suffisant :

- Chambre criminelle 3 avril 1996 B. 149.

La présente décision constitue une nouvelle illustration de cette jurisprudence.



TÉMOIN - médecin traitant - secret professionnel

Le médecin traitant de l'accusé, entendu comme témoin, peut refuser de répondre à des questions concernant l'état de santé de celui-ci, même si ces questions sont posées par l'accusé lui-même.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 83 656 - à paraître au bulletin)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-ET-MARNE du 30 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 562.



ARRÊTS INCIDENTS - parole en dernier à la défense - nécessité de le constater

Aux termes de l'article 346 du Code de procédure pénale, l'accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers. Cette règle, générale et fondamentale, domine tous les débats et s'applique lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt.

Ceci doit être constaté dans le procès-verbal ou dans l'arrêt incident.

Chambre criminelle 1er avril 1998 (97 82 874 - non publié)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises du MAINE-ET-LOIRE du 20 mars 1997.

Renvoi devant la cour d'assises de la LOIRE-ATLANTIQUE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 424.

Il résultait du procès-verbal des débats que, l'avocat de l'accusé ayant demandé qu'il lui soit donné acte de propos tenus par le président, et le conseil de la partie civile et le ministère public s'étant opposés à ce que l'acte soit donné dans les termes requis, la Cour, après en avoir délibéré, avait statué sur cet incident contentieux.

Mais, ni le procès-verbal ni l'arrêt ne faisaient mention que l'accusé ou son avocat aient eu la parole les derniers au sujet de cet incident. De ce fait, la cassation est encourue.

Nous ne pouvons qu'appeler la vigilance des présidents et greffiers sur ce point car plusieurs arrêts sont cassés chaque année pour ce motif : il faut, à l'occasion de tout incident contentieux, constater au procès-verbal ou dans l'arrêt incident que toutes les parties ont été entendues et que la défense a eu la parole en dernier.



DÉFENSE - pluralité d'avocats - audition d'un seul en sa plaidoirie - régularité (oui)

Si l'accusé a plusieurs avocats, il n'est pas obligatoire qu'ils prennent tous la parole pour assurer sa défense à l'issue de l'instruction d'audience.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 82 905 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Saône-et-Loire du 25 avril 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 400.

Il résultait du procès-verbal des débats (ainsi que de l'arrêt) que l'accusé était assisté de deux avocats, un seul ayant présenté sa défense en fin d'audience.

Il n'y a pas là de motif de cassation, les avocats étant libres d'assurer comme ils l'entendent la défense de leur client.



QUESTIONS - dispense de lecture - conformité à l'arrêt de renvoi

Pour que les questions soient considérées comme étant conformes à l'arrêt de renvoi, il n'est pas nécessaire qu'elles en soient la reproduction littérale. Le président peut les compléter au vu des termes de la loi.

En l'espèce, l'arrêt de renvoi reprochait à l'accusé "des violences volontaires n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sur un témoin".

Or, le président avait posé la question de savoir si les violences avaient été commises pour empêcher un témoin de dénoncer les faits.

La Cour de Cassation estime qu'ainsi posée dans les termes de la loi, la question est conforme au dispositif de l'arrêt de renvoi.

De ce fait, le président n'est pas tenu d'en donner lecture.

Chambre criminelle 29 avril 1998 (97 83 410 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAUCLUSE du 2 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 833.

Pour éviter des moyens de ce genre, il est toujours préférable, comme nous l'avons déjà dit, de lire les questions ou d'obtenir le renoncement de l'accusé ou de son avocat à cette lecture. On se met ainsi à l'abri de quantité de moyens de cassation qui se fondent sur cette absence de lecture en contestant la conformité des questions au dispositif de l'arrêt de renvoi.



QUESTIONS - viols - âge de la victime - précisions nécessaires

Il n'est pas nécessaire d'indiquer dans la question la date de naissance de la victime. Il suffit de demander si elle était âgée de moins de quinze ans.

Chambre criminelle 8 avril 1998 ( 97 81 381 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la CORRÈZE du 4 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" Formulaire n° F 110.

La Cour de Cassation réaffirme la position qu'elle a prise sur ce problème le 7 janvier 1998.



QUESTIONS - vol avec violences ayant entraîné la mort

Si un vol a été précédé, accompagné ou suivi du meurtre de la victime, la circonstance aggravante de l'article 311-10 du Code pénal se trouve constituée, le meurtre impliquant nécessairement des violences volontaires ayant entraîné la mort.

Chambre criminelle 1er avril 1998 (97 84 230 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'ISÈRE du 4 juin 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 821.

Voici une affaire qui a senti le vent du boulet sur les quatre moyens proposés et sur un moyen que la Cour de Cassation a renoncé à soulever d'office, tous ces moyens portant sur la rédaction des questions.

Il s'agissait pourtant d'une affaire fort simple concernant deux vols avec arme commis par une bande de trois individus. Au cours d'un des vols, la victime avait été tuée. Ce sont les accusations retenues au sujet de ce second vol qui posaient problème.

Tout d'abord, la chambre d'accusation n'avait pas facilité la tâche du président en superposant deux qualifications fondées sur les mêmes faits :

  1. meurtre commis en concomitance avec un vol qualifié (article 221-2)
  2. vol commis en concomitance avec un meurtre (article 311-10).

Ce cumul de qualifications est impossible en vertu de la règle "non bis in idem" (voir sur ce point Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 744 et les arrêts cités). Il faut choisir : un fait = une qualification. Ceci aurait pu faire l'objet d'un moyen relevé d'office.

Ensuite, en ne posant pas les questions in abstracto, le président ne s'était pas lui-même simplifié le travail.

Ces erreurs "tactiques" cumulées avaient entraîné une cascade de questions aux articulations incertaines.

Il serait trop long d'entrer dans le détail mais cet arrêt nous fournit l'occasion de conseiller, d'une part, aux chambres d'accusation de simplifier le plus possible les qualifications qu'elles retiennent et surtout d'éviter les doublons et, d'autre part, aux présidents de cours d'assises de poser les questions in abstracto (sauf pour les circonstances aggravantes personnelles - mais il n'y en avait pas dans cette affaire) lorsque les auteurs et complices sont poursuivis en même temps (voir sur ce point Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 753).



QUESTIONS - questions particulières aux mineurs - mode d'emploi en cas de faits multiples commis, pour certains, lors de la minorité de l'accusé et, pour d'autres, après sa majorité

La Cour et le jury ayant, par leurs réponses affirmatives aux questions n° 3, 4 et 5, déclaré l'accusé coupable de faits commis alors qu'il était majeur, c'est à bon droit que les questions particulières aux mineurs prévues par l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 ont été déclarées sans objet, la réponse à ces questions ne s'imposant qu'au cas où l'accusé est déclaré coupable uniquement de faits commis durant sa minorité.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 82 905 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Saône-et-Loire du 25 avril 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 778.

L'accusé était poursuivi pour avoir contraint sa soeur à des relations sexuelles en 1988, alors qu'il avait 16 ans et elle 9, puis de 1992 à 1995, alors qu'il était majeur et qu'elle avait, au début, moins de 15 ans, puis, après le 12 novembre 1994, plus de 15 ans.

Il avait été renvoyé pour le tout devant la cour d'assises des mineurs.

Le président avait donc divisé l'accusation en cinq questions :

Il avait ensuite posé les questions particulières aux mineurs prévues par l'article 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 (questions 6 et 7)

Mais ces questions avaient été déclarées sans objet, l'accusé ayant été reconnu coupable, par les réponses affirmatives aux questions 3, 4 et 5, des faits commis alors qu'il était majeur.

Le moyen soutenait qu'en déclarant ces questions sans objet, le président avait commis une erreur.

La Cour de Cassation n'est pas de cet avis et approuve la technique utilisée dans cette affaire.

En effet, en l'espèce, le président a résolu de façon adéquate un problème qui se présente assez souvent devant la cour d'assises des mineurs lorsque les faits poursuivis se situent, pour certains, lors de la minorité de l'accusé et, pour d'autres, après sa majorité. Il est nécessaire, en ce cas, de scinder les questions de culpabilité en questions distinctes relatives aux faits commis avant et après l'âge de 18 ans et de prévoir les questions d'excuse de minorité, auxquelles il sera répondu si l'accusé est reconnu coupable uniquement des faits commis étant mineur, lesdites questions devenant sans objet dans le cas contraire.

Il s'agit d'une application particulière de l'article 132-3 du Code pénal sur les infractions en concours.



DÉLIBÉRÉ - interdiction de communiquer avec l'extérieur

Pendant le délibéré, un assesseur s'était absenté de la chambre du conseil. Acte en avait été donné par le président, sur demande de la défense.

Le moyen se fondait sur les dispositions de l'article 355 du Code de procédure pénale pour demander la cassation.

La Chambre criminelle estime que, "si les magistrats et jurés ne peuvent sortir de la salle de délibérations qu'après avoir pris leurs décisions, la méconnaissance de ces prescriptions n'est cause de nullité que s'il en est résulté une communication de nature à exercer une influence illégale sur l'opinion de la Cour et du jury", ce qui n'est pas constaté en l'espèce.

Chambre criminelle 29 avril 1998 (97 83 277 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la GIRONDE du 6 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 849



INTERDICTION DES DROITS - application dans le temps

Pour des faits de viols antérieurs au 1er mars 1994, la cour d'assises peut prononcer, contre l'accusé la peine complémentaire de l'interdiction des droits de l'article 131-26 du Code pénal car cette peine est plus douce que celle de la dégradation civique, peine accessoire antérieurement encourue par tout condamné à une peine criminelle.

Chambre criminelle 29 avril 1998 ( 97 81 542 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du HAUT-RHIN du 31 janvier 1997.

Chambre criminelle 29 avril 1998 ( 96 86 641 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'AISNE du 6 décembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 871, mise à jour, page 62.

Dans ces deux affaires, les moyens étaient relatifs à l'application dans le temps de la sanction de l'interdiction des droits de l'article 131-26 du Code pénal. Ils soutenaient qu'à l'époque des faits, lesquels étaient antérieurs au 1er mars 1994, l'intéressé n'aurait pu se voir interdire le droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, l'article 42 ancien du Code pénal ne prévoyant pas une telle interdiction.

Contrairement à l'argumentation développée, l'application de l'article 42 ancien du Code pénal n'était pas en cause dans ces affaires car, sous l'empire de l'ancien Code pénal, les auteurs de viols ne pouvaient être condamnés à l'interdiction des droits visés à l'article 42, cette peine complémentaire n'étant pas prévue par l'article 332 ancien dudit Code.

Néanmoins, l'article 28 du même code prévoyait que toute condamnation à une peine criminelle emportait la dégradation civique.

En l'espèce, les accusés, condamnés à une peine criminelle, se seraient donc vus frappés automatiquement de dégradation civique.

Cette peine, accessoire et perpétuelle, consistait dans la perte de certains droits énumérés à l'article 34 dudit code. Toutefois, ce texte, comme celui de l'article 42, ne mentionnait pas, parmi les droits dont le condamné était privé, celui de représenter ou d'assister une partie devant la justice, lequel figure actuellement dans la liste de l'article 131-26.

Le problème était donc le même, les dispositions nouvelles, à cet égard plus sévères que les anciennes, ne pouvant, en vertu de l'article 112-1, alinéa 2, du Code pénal, être appliquées à des individus poursuivis pour des faits antérieurs au 1er mars 1994.

La Chambre criminelle, en matière correctionnelle, a admis la validité de ce raisonnement en estimant que, lorsque le condamné, qui aurait pu, à l'époque des faits, se voir priver uniquement des droits de l'article 42, avait été condamné à l'interdiction des droits de l'article 131-26-3°, il y avait lieu de casser la décision par voie de retranchement (en ce qui concerne l'interdiction de représenter ou d'assister une partie devant la justice) :

Mais, en matière criminelle, la Chambre n'a jamais prononcé en ce sens.

Elle considérait initialement que, l'article 222-45 du Code pénal, prévoyant seulement la peine complémentaire facultative de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour les personnes coupables notamment du crime de viol, était moins sévère que les articles 28, 34 et 463 du Code pénal, applicables au moment des faits, selon lesquels toute condamnation à une peine criminelle emportait la dégradation civique, cette peine n'ayant un caractère facultatif que dans des hypothèses où une peine correctionnelle était prononcée pour des faits qualifiés crime par la loi : - Chambre criminelle 11 janvier 1995 B 17

Cette réponse n'était pas très pertinente car, ce n'est pas parce qu'une peine est facultative qu'elle est moins sévère, du moment qu'elle est prononcée.

C'est pourquoi la Cour de Cassation, modifiant sa motivation, décide, dorénavant, que c'est à bon droit que, faisant application des articles 222-23 et 222-45 du Code pénal, la cour d'assises a prononcé pour une durée de 10 ans l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26 du même Code car, aux termes de l'article 112-1 du Code pénal, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Tel est le cas de l'article 131-26 nouveau du Code pénal qui édicte une peine moins sévère dans sa durée que la dégradation civique, prévue par les articles 28 et 34 anciens dudit Code, laquelle, en excluant à perpétuité les condamnés à une peine criminelle de toutes fonctions, emplois ou offices publics et en leur interdisant de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements, les privait nécessairement de l'exercice de fonctions juridictionnelles et du droit de représenter ou d'assister une partie devant les tribunaux.

Cette motivation, inaugurée par un arrêt du 15 octobre 1997 (B. 336), est régulièrement reprise depuis pour répondre à de tels moyens.

Certains présidents de cours d'assises, connaissant la jurisprudence de la Chambre criminelle en matière correctionnelle, et, sans doute, pour éviter une cassation par voie de retranchement, mentionnent expressément, lorsque la peine complémentaire de l'interdiction des droits de l'article 131-26 est prononcée, que c'est à l'exclusion du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice. Une telle exclusion est évidemment toujours possible, les juridictions pouvant prononcer l'interdiction de tout ou partie des droits visés à l'article 131-26. Mais elle n'est nullement obligatoire en matière criminelle.

Ainsi, même pour des faits antérieurs au 1er mars 1994, le condamné à une peine criminelle peut se voir priver de l'ensemble des droits visés à l'article 131-26 du nouveau Code lorsque cette peine complémentaire est prévue par le texte de répression actuellement en vigueur.



PROCÈS-VERBAL - date - mention essentielle à sa validité

Le procès-verbal des débats doit impérativement être daté. Ceci est essentiel à sa validité.

Chambre criminelle 1er avril 1998 (97 83 675 - non publié)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises du FINISTÈRE du 24 mai 1997.

Renvoi devant la cour d'assises de l'ILLE-ET-VILAINE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 946.

La Cour de Cassation maintient sa jurisprudence inaugurée en 1975 dans l'affaire Goldman et réaffirmée de façon constante depuis cette date (dernière décision publiée : 10-01-1996 B. 9).

Cette exigence peut apparaître curieuse car, au cas où le procès-verbal est daté, le fait qu'il ait été établi au-delà du délai de 3 jours prévu par l'article 378 du Code de procédure pénale n'est cause de cassation que si cette tardiveté a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de l'accusé.

La Cour de Cassation fait, en ce cas, application de l'article 802 mais elle se refuse à le faire si le procès-verbal n'est pas daté.

Il est donc impératif que le président et le greffier, avant de signer ce document, vérifient soigneusement, pour éviter une cassation, qu'il comporte bien la date de sa clôture.



ARRÊT PÉNAL - date - erreur manifeste - cassation (non)

Si l'arrêt porte une date erronée qui peut être rectifiée au vu des mentions du procès-verbal des débats, cette erreur n'est pas cause de cassation.

Chambre criminelle 8 avril 1998 (97 81 412 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la CHARENTE-MARITIME du 24 janvier 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 896.

L'arrêt était daté du 24 janvier alors que, selon le procès-verbal des débats, il avait été prononcé le 25 à 1 heure du matin.



ARRÊT CIVIL - montant des dommages-intérêts - appréciation souveraine

La cour d'assises peut estimer qu'une partie civile n'a subi aucun préjudice, même de principe, du fait de l'infraction poursuivie. Ceci relève de son appréciation souveraine.

Chambre criminelle 8 avril 1998 ( 97 81 381 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la CORRÈZE du 4 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 934.

Les juges apprécient souverainement le montant des dommages-intérêts accordés aux parties civiles. Leur seule obligation est de se prononcer dans les limites des conclusions des parties et de ne pas se fonder sur des motifs erronés ou contradictoires. Il leur suffit de préciser qu'ils disposent des éléments suffisants pour en chiffrer le montant à la somme qu'ils déterminent.

S'ils estiment que les prétendues victimes n'ont subi aucun préjudice, ils peuvent débouter les parties civiles de leurs demandes d'indemnisation. En l'espèce, les parents de la victime d'un viol demandaient pour eux-mêmes des dommages-intérêts alors qu'ils étaient, de leur côté, poursuivis pour corruption de mineur.



RENVOIS APRÈS CASSATION - étendue de la saisine de la cour d'assises de renvoi

Lorsque la poursuite comporte plusieurs chefs d'accusation distincts, les réponses négatives de la Cour et du jury aux questions relatives à un ou plusieurs d'entre eux demeurent acquises à l'accusé, même en cas de cassation totale de la première décision.

Ces chefs d'accusation ne doivent donc pas être soumis à l'examen de la cour d'assises de renvoi. Aucune question ne peut être posée à leur sujet.

Chambre criminelle 1er avril 1998 (97 83 994 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises du TARN-ET-GARONNE du 19 juin 1997.

Renvoi devant la cour d'assises du LOT-ET-GARONNE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 1043 et mise à jour p. 80.

Il arrive que les arrêts de la Cour de Cassation précisent l'étendue exacte de la cassation qu'ils prononcent.

Ainsi, certains arrêts indiquent spécialement que les réponses négatives restent acquises à l'accusé :

D'autres arrêts spécifient, au contraire, que les déclarations de non-culpabilité sur des faits "étroitement liés" à l'accusation principale ou sur des circonstances aggravantes sont remises en question par la décision de cassation :

En présence de telles décisions, la cour d'assises de renvoi est parfaitement éclairée sur l'étendue de sa saisine.

Mais il est assez fréquent que les arrêts de la Chambre criminelle ne comportent aucune indication à cet égard et se contentent de prononcer une cassation totale.

Dans ce cas de figure, on aurait pu penser, comme l'a fait la cour d'assises de renvoi dans la présente espèce, que les réponses négatives étaient nécessairement remises en cause du fait de la cassation totale prononcée. Or, il n'en est rien.

En effet, une cassation, même totale, ne peut conduire à remettre en cause les "acquittements partiels" dont l'accusé a bénéficié sur certains chefs d'accusation. Il n'en va différemment que si les faits pour lesquels l'accusé a été reconnu non coupable sont indivisibles de ceux pour lesquels il a été condamné par la décision cassée :

C'est en vertu de cette jurisprudence que la présente décision de la cour d'assises du Tarn-et-Garonne est cassée car elle a considéré que les "acquittements partiels" dont l'accusé avait bénéficié devant la première cour d'assises étaient remis en cause devant elle par la cassation totale de cette précédente décision, alors qu'il s'agissait de faits distincts de ceux pour lesquels l'accusé avait été reconnu coupable lors du premier procès. De ce fait, les réponses négatives dont l'accusé avait bénéficié sur ces chefs d'accusation distincts devaient lui rester acquises.

On peut en conclure que, pour éviter des cassations en chaîne, la Chambre criminelle aurait intérêt, chaque fois que des réponses négatives ont été apportées à certaines questions lors du procès cassé, à préciser, dans son arrêt, si ces réponses restent ou non acquises à l'accusé car il est parfois difficile, pour la cour d'assises de renvoi, d'apprécier si les faits pour lesquels l'accusé a été condamné par la décision cassée sont ou non divisibles de ceux pour lesquels sa culpabilité n'a pas été retenue.







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