PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions de mars 1998
 






SUPPLÉMENT D'INFORMATION - nullités - compétence pour statuer à leur sujet

 C'est la cour d'assises et non la chambre d'accusation qui est compétente pour statuer sur les irrégularités qui auraient été commises lors d'un supplément d'information ordonné par le président de la cour d'assises.

 Chambre criminelle 25 mars 1998 (97 86 098 - à paraître au bulletin)

- Rejet du pourvoi contre une ordonnance du président de la chambre d'accusation de BORDEAUX du 28 octobre 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 336.

C'est la première fois que la Chambre criminelle est appelée à statuer sur ce problème depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 août 1993.

Suite à une purge de contumace, le président de la cour d'assises avait ordonné un supplément d'information dont il avait, par commission rogatoire, chargé un juge d'instruction.

Estimant qu'une irrégularité avait été commise lors d'une expertise, l'accusé avait déposé une requête en nullité devant la chambre d'accusation en vertu de l'article 173 du Code de procédure pénale.

Par l'ordonnance attaquée, le président de la chambre d'accusation avait estimé cette requête irrecevable.

La Chambre criminelle considère que, même si c'était la chambre d'accusation et non son président qui était compétente pour statuer sur la recevabilité de la requête (voir dernier alinéa de l'article 173), il n'y a pas lieu à cassation car la chambre d'accusation aurait dû, en toute occurrence, se déclarer incompétente étant donné que les éventuelles nullités commises lors d'un supplément d'information doivent, en application de l'article 305-1 du Code de procédure pénale, être présentées devant la cour d'assises.

La solution n'était pas évidente car l'article 283 du Code de procédure pénale soumet les compléments d'information aux prescriptions du chapitre 1er du titre III du livre 1er du Code de procédure pénale dont fait partie l'article 173.

Reconnaître compétence à la chambre d'accusation avait, par ailleurs, l'avantage de faire régler tous ces problèmes de nullités avant l'ouverture du procès criminel.

Mais il pouvait apparaître curieux que la cour d'assises soit la seule juridiction qui ne soit pas compétente pour se prononcer sur la régularité des suppléments d'information ordonnés par elle (voir article 463 pour le tribunal correctionnel et 538 pour le tribunal de police).

C'est pourquoi, en se fondant sur l'article 305-1, la Chambre criminelle lui a reconnu cette compétence.




 COMPOSITION - causes d'incompatibilité

 Peut siéger à la cour d'assises un magistrat qui faisait partie du tribunal correctionnel qui s'est déclaré incompétent pour connaître des faits en raison de leur nature criminelle, dès lors que cette juridiction ne s'est pas prononcée sur la culpabilité de l'accusé.

 Chambre criminelle 11 mars 1998 (97 82 659 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 8 avril 1997

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 100.

Il est nécessaire que le jugement correctionnel ne comporte aucune allusion quelconque à la culpabilité éventuelle de l'accusé.

Aussi, pour éviter toute discussion, il est préférable, quand c'est possible, que le magistrat ayant déjà connu de l'affaire en correctionnelle s'abstienne de siéger à la cour d'assises.




 COMPOSITION - causes d'incompatibilité

 Peut siéger à la cour d'assises chargée de juger l'accusé un magistrat qui, lors d'une précédente session, faisait partie de la cour d'assises qui a statué sur une demande de modification du contrôle judiciaire présentée par cet accusé.

 Chambre criminelle 25 mars 1998 (97 83 055 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des ALPES-MARITIMES du 21 mars 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 100

Même solution pour un magistrat qui, lors d'une précédente session, faisait partie de la cour d'assises qui a statué sur une demande de mise en liberté. Il peut siéger lors de l'évocation de l'affaire au fond :

- Chambre criminelle 17-06-1987 B. 255

Mais un magistrat qui a siégé à la chambre d'accusation sur une demande de mise en liberté de l'accusé ne peut faire partie de la cour d'assises. La Chambre criminelle a maintenu, en ce cas, la jurisprudence qu'elle avait inaugurée le 12 octobre 1983 :

- Chambre criminelle 3 décembre 1997 ( 97 80 446 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de l'ORNE du 13 décembre 1996.

Cette différence de traitement est difficilement explicable d'autant qu'en matière correctionnelle, la Chambre estime qu'il n'y a pas d'incompatibilité : un magistrat, qui a statué à la chambre d'accusation sur une demande de mise en liberté, peut siéger à la chambre des appels correctionnels saisie du fond de l'affaire.




 COMPOSITION - remplacement des assesseurs

 Le premier président avait désigné, le 27 décembre 1996, comme assesseurs, pour la session devant s'ouvrir le 20 janvier 1997, Mme X et M. Y, puis, le 9 janvier 1997, constatant l'empêchement de M. Y, il l'avait remplacé par Mme W.

Or, le 20 janvier, dès l'ouverture de la session, le président de la cour d'assises, constatant l'empêchement de Mmes X et W, les avait remplacées par Mme Z et ... M. Y.

La Cour de Cassation estime qu'il en résulte que l'empêchement de M. Y, constaté le 9 janvier 1997 par le premier président, avait cessé à la date où il a été désigné, par le président de la cour d'assises, pour faire partie de cette juridiction.

 Chambre criminelle 11 mars 1998 (97 80 853 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-ET-MARNE du 22 janvier 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 93.

Le fonctionnement par sessions de la cour d'assises conduit fréquemment les premiers présidents et les présidents de cours d'assises à rendre une cascade d'ordonnances de désignation, délégation, remplacement etc. qui ne vont pas sans poser d'irritants problèmes de coordination et d'adéquation les unes aux autres. Elles sont sources de nombreux moyens de cassation, même si ceux-ci sont rarement fructueux.

Lorsque l'article 305-1 a été introduit, en 1985, dans le Code de procédure pénale, on aurait pu penser que la Cour de Cassation en ferait usage pour couper court à la floraison de tels moyens. Il n'en a rien été, la Chambre criminelle ayant estimé que, les règles régissant la composition des juridictions étant d'ordre public, les griefs tirés de leur méconnaissance échappaient à la forclusion prévue par ce texte.

Moyennant quoi, la chambre se livre à des contorsions gymniques dignes de la foire du trône pour éviter, autant que possible, les cassations fondées sur de tels moyens !




 COMPOSITION - remplacement des assesseurs

 Le dossier transmis à la Cour de Cassation ne comportait que l'ordonnance du premier président désignant X, Y et Z pour composer la cour d'assises. Or, dans l'affaire en cause, avaient siégé X, Y et W. Le moyen soutenait que la cour d'assises était ainsi irrégulièrement composée.

Sur demande du conseiller rapporteur, l'ordonnance du président de la cour d'assises désignant W en remplacement de Z a été adressée à la Cour de Cassation, ce qui a permis le rejet du moyen.

 Chambre criminelle 25 mars 1998 (97 80 251 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du RHÔNE du 12 décembre 1996.

 

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 95

Cette affaire nous offre l'occasion de rappeler aux greffiers que les dossiers transmis à la Cour de Cassation doivent comporter toutes les ordonnances permettant de contrôler la régularité de la composition de la Cour (ordonnances de désignation, de remplacement, de délégation).

Leur absence au dossier provoque des moyens parasites qui ne seraient pas soulevés si ces pièces se trouvaient au dossier.

Par ailleurs, en présence de tels moyens, le conseiller rapporteur se voit contraint de réclamer la ou les pièces manquantes et de les communiquer aux avocats pour recueillir leurs observations, ce qui ralentit inutilement le traitement des affaires.




 JURY DE JUGEMENT - remplacement d'un juré de jugement

 Seule la Cour est compétente, après audition de toutes les parties, pour ordonner le remplacement d'un juré de jugement par le premier juré supplémentaire mais le président est en droit d'informer préalablement la Cour et les parties des raisons de l'absence du juré empêché.

Chambre criminelle 25 mars 1998 (97 80 100 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des HAUTS-DE-SEINE du 14 décembre 1996.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 193.

Le procès-verbal constatait que, l'audience ayant été ouverte le 10 décembre 1996 à 13 heures 40, il avait été procédé au tirage au sort des jurés de jugement et des jurés supplémentaires, puis à l'appel des témoins et des experts et à la lecture de l'arrêt de renvoi. L'audience avait ensuite été suspendue. A la reprise, à 15 heures, le premier juré étant absent, le président avait annoncé que "ce juré était dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions, celui-ci ayant indiqué qu'il connaissait deux des accusés". Sur ce, la Cour, après avoir régulièrement entendu toutes les parties et leurs avocats, avait rendu un arrêt ordonnant le remplacement du premier juré de jugement par le premier juré supplémentaire au motif "qu'il est justifié que le premier juré est dans l'impossibilité de poursuivre ses fonctions".

Le moyen se saisit de la relation de cet incident au procès-verbal pour reprocher au président d'avoir pris, seul, une décision que la Cour n'avait plus qu'à entériner.

La lecture du procès-verbal laisse, en effet, penser que le président, ayant appris, pendant la suspension d'audience, que le premier juré connaissait deux des accusés, a estimé que, dans ces conditions, ce juré se trouvait "dans l'impossibilité de reprendre ses fonctions" et l'a prié de cesser ses fonctions. L'audience ayant ainsi été reprise en l'absence dudit juré, la Cour s'est trouvée contrainte de pourvoir à son remplacement.

Ainsi, les jeux semblaient donc faits, la Cour n'étant appelée à statuer, dans les formes légales, que pour entériner la décision du président.

Or, le fait de connaître un ou plusieurs accusés ne constitue pas, en soi, une cause légale d'exclusion en dehors des cas limitativement énumérés par l'article 291 du Code de procédure pénale qui ordonne que soient retirés de la liste des jurés, pour le jugement d'une affaire, les conjoints, parents et alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement de l'accusé ou de son avocat. Contrairement à l'affirmation du président relatée au procès-verbal, le seul fait que le premier juré connaissait deux des accusés ne l'empêchait donc pas d'exercer ses fonctions.

Toutefois, le fait de connaître un ou plusieurs accusés peut constituer, pour un juré, une cause valable d'excuse. Mais l'appréciation de la validité de cette excuse appartient, non au président, mais à la Cour, qui doit statuer, après audition de toutes les parties, par un arrêt motivé

- Chambre criminelle 16-01-1985 B. 30

Il est vraisemblable qu'en fait, le premier juré a profité de la suspension d'audience pour faire savoir au président qu'il connaissait deux des accusés (et, sans doute, qu'il souhaitait, en conséquence, ne pas siéger dans cette affaire). Face à cette situation, le président a certainement consulté ses deux assesseurs qui ont convenu qu'il était opportun de remplacer ce juré par le premier juré supplémentaire, le motif invoqué étant de ceux qui peuvent justifier un tel remplacement. L'audience a alors été reprise, en l'absence de ce juré, et la Cour a été appelée à pourvoir à son remplacement dans les conditions prévues par l'article 296 du Code de procédure pénale.

Bien que le moyen ne manquât pas de pertinence compte tenu de la rédaction sibylline du procès-verbal, la Chambre criminelle sauve cet arrêt en estimant que le président n'a fait qu'indiquer à la Cour et aux parties la raison motivant l'absence du premier juré, la Cour ayant souverainement estimé que ce motif justifiait le remplacement de celui-ci.

Dans cette affaire, il aurait été préférable de reprendre l'audience avec le juré en cause et de signaler alors que ce juré, connaissant deux des accusés, demandait à être déchargé de ses fonctions. Après audition de toutes les parties, la Cour aurait statué sur cette demande par un arrêt qui pouvait se contenter d'indiquer que le fait que le premier juré connaissait deux des accusés rendait nécessaire son remplacement par le premier juré supplémentaire.




 GREFFIER - présence lors des débats - lecture de l'arrêt de condamnation

 Le fait que le procès-verbal dressé par le greffier constate la lecture de l'arrêt de condamnation implique sa présence à ce stade des débats.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (97 80 395 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SAÔNE-ET-LOIRE du 13 décembre 1996.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 262

La trame habituellement utilisée par les greffiers pour la rédaction du procès-verbal ne comporte pas, pour la reprise d'audience après le délibéré de la Cour et du jury, de mention quant à la présence, à ce stade de la procédure, des diverses parties (comme c'est le cas après chaque suspension d'audience). Ceci est à l'origine de moyens de cassation qui sont écartés mais dont on pourrait faire l'économie si la présence du greffier, de l'avocat général et des autres parties était indiquée.




 DÉBATS - pouvoir discrétionnaire - apport de pièces nouvelles - lecture - nécessité (non)

 Lorsque le président ordonne le versement aux débats de pièces nouvelles il n'a pas l'obligation d'en donner lecture. Ces pièces doivent simplement être communiquées aux parties afin de permettre leur discussion contradictoire.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (96 85 165 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-MARNE du 15 octobre 1996.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 64

Le procès-verbal mentionnait que les pièces versées aux débats avaient été communiquées à toutes les parties et qu'aucune observation n'avait été formulée.

La Chambre criminelle estime que cette façon de procéder ne porte aucune atteinte aux droits de la défense à la condition, respectée en l'espèce, que les pièces versées aux débats soient soumises à une discussion contradictoire et qu'un délai soit, le cas échéant, accordé à l'accusé et à son conseil pour les examiner :

- Chambre criminelle 9 mars 1994 B. 92

- Chambre criminelle 20 mai 1987 B. 208

- Chambre criminelle 30 nov.1976 B. 345.




 EXPERTS - assistance aux débats après leur audition - mention au procès-verbal - nécessité (non)

 Aux termes du dernier alinéa de l'article 168 du Code de procédure pénale, "après leur exposé, les experts assistent aux débats, à moins que le président ne les autorise à se retirer".

Le moyen faisait grief au procès-verbal de ne comporter aucune précision à cet égard.

La Cour de Cassation estime qu'à défaut de mention au procès-verbal ou d'un donné acte, il n'est pas établi que les experts aient quitté la salle d'audience après leur audition.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (96 85 810 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'AUDE du 28 juin 1996.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 611 et 589.

Pour éviter toute contestation, il est préférable de noter au procès-verbal que le président a autorisé les experts à se retirer à l'issue de leur audition si, comme c'est généralement le cas, ceux-ci n'assistent pas à la suite des débats.




 
ARRÊT INCIDENT - lecture - publicité

 Si l'arrêt incident ne mentionne pas qu'il a été rendu publiquement, il résulte des énonciations du procès-verbal que l'audience, au cours de laquelle cet arrêt a été prononcé, était publique.

 Chambre criminelle 18 mars 1998 (97 81 772 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la COTE-D'OR du 3 mars 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 671.




 QUESTIONS - purge de l'accusation

Une question doit être posée sur chaque fait spécifié dans le dispositif de l'arrêt de renvoi et sur chacun des éléments qui le caractérisent.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (97 82 360 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-ET-MARNE du 29 mars 1997.

Renvoi devant la cour d'assises de PARIS.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 711.

Il s'agissait d'une rixe dans une discothèque au cours de laquelle l'un des participants avait trouvé la mort à la suite d'un coup de tesson de bouteille.

Les témoins étaient relativement formels quant à l'identification de celui qui avait tendu le tesson de bouteille à l'auteur du coup mais ils étaient bien moins affirmatifs quant à l'identité de ce dernier.

Néanmoins, la chambre d'accusation les avait renvoyés tous les deux devant la cour d'assises, l'un pour meurtre, l'autre pour complicité de meurtre.

Le président de la cour d'assises se trouvait confronté à deux difficultés pour poser les questions car, d'une part, la culpabilité de l'auteur principal posait problème, et, d'autre part, compte tenu des circonstances de l'infraction, la qualification de meurtre risquait fort de ne pas être retenue.

Pour résoudre ces deux problèmes, le président avait décidé de poser les questions de façon décomposée et in abstracto de la manière suivante :

Question n° 1 : Est-il constant que le... , à... , des violences volontaires ont été commises sur la personne de X ?

Question n° 2 : Est-il constant que ces violences volontaires ont entraîné la mort de X ?

Question n° 3 : L'accusé A est-il coupable des violences volontaires spécifiées aux questions n° 1et 2 ?

Question n° 4 : L'accusé A avait-il l'intention de donner la mort à X ?

Question n° 5 : L'accusé B est-il coupable d'avoir sciemment facilité par aide ou assistance les faits spécifiés aux questions 1 et 2 ?

La Cour et le jury avaient répondu positivement aux questions 1 et 2 mais il avait été répondu "non" à la question n° 3 sur la culpabilité de l'auteur principal. De ce fait la question n° 4 devenait, bien évidemment, sans objet et l'accusé A était acquitté. En revanche, la question n° 5 sur la culpabilité du complice avait été résolue affirmativement et celui-ci avait donc été condamné pour complicité de coup mortel.

Le moyen soutenait que les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions 1, 2 et 5 n'avaient pas caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le crime de complicité de coup mortel dont l'accusé B avait été déclaré coupable.

La Cour de Cassation retient cet argument et casse au motif "qu'aucune question n'a été posée sur le point de savoir si les violences volontaires dont il est résulté la mort de X avaient été commises avec l'intention de la donner".

Cette solution apportée par la Chambre criminelle au problème qui lui était posé manifeste un durcissement certain de sa jurisprudence car, jusqu'à présent, elle avait toujours considéré que l'accusé n'était pas recevable, faute d'intérêt, à se plaindre d'une omission qui n'avait pu que l'avantager.

Tel était bien le cas en l'espèce car, de deux choses l'une : ou l'auteur des coups (quel qu'il soit) avait l'intention de donner la mort, ou il n'avait pas une telle intention. De ce fait, si la question relative à l'intention homicide de l'auteur principal avait été posée (comme effectivement elle aurait dû l'être pour purger l'accusation), ceci ne pouvait que risquer d'aggraver le sort du complice dans la mesure où, en cas de réponse positive à une telle question, il se serait vu déclarer coupable de complicité de meurtre alors que l'arrêt attaqué n'avait retenu contre lui qu'une complicité de coup mortel.

Selon la jurisprudence traditionnelle de la Chambre criminelle, il n'avait donc aucun intérêt à se plaindre d'une telle omission.

Jusqu'à ce jour, seuls des pourvois émanant du ministère public, qui se fondaient sur un tel grief de défaut de purge de l'accusation, avaient été accueillis mais uniquement dans l'intérêt de la loi :

- Chambre criminelle 23-04-1887 Dalloz 1888 I-322

- Chambre criminelle 30-10-1908 B. 412

Les accusés n'étaient pas admis, faute d'intérêt, à invoquer un tel grief :

- Chambre criminelle 14-10-1880 Dalloz 1881 I-137

- Chambre criminelle 08-09-1887 B. 330

- Chambre criminelle 18-06-1975 B. 160

- Chambre criminelle 18-11-1975 B. 248

- Chambre criminelle 12-02-1997 (96 82 068 - non publié)

Il est encore trop tôt pour dire si le présent arrêt inaugure un revirement de jurisprudence mais le fait qu'il ait fait l'objet d'une publication pourrait le laisser penser.

 Comment aurait dû procéder le président de la cour d'assises pour être à l'abri de toute critique dans cette affaire où la rédaction des questions s'avérait assez délicate ?

A mon sens, il a bien fait de poser les questions in abstracto mais il n'aurait pas dû décomposer la question de meurtre car, en l'espèce, il était plus clair de recourir au système des questions subsidiaires.

De cette façon, les questions se seraient présentées ainsi :

Question n° 1 : Est-il constant que le..., à..., il a été donné volontairement la mort à X ?

Question n° 2 : L'accusé A est-il coupable du meurtre spécifié et qualifié à la question n° 1 ?

Question n° 3 : L'accusé B est-il coupable d'avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la consommation du meurtre spécifié et qualifié à la question n° 1

Question subsidiaire n° 1 : Est-il constant que le..., à..., des violences volontaires ont été commises sur la personne de X ?

Question subsidiaire n° 2 : Est-il constant que ces violences volontaires ont entraîné la mort de X sans intention de la donner ?

Question subsidiaire n° 3 : L'accusé A est-il coupable des violences mortelles spécifiées et qualifiées aux questions subsidiaires n° 1et 2 ?

Question subsidiaire n° 4 : L'accusé B est-il coupable d'avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la consommation des violences mortelles spécifiées et qualifiées aux questions subsidiaires n° 1et 2 ?

De cette façon tous les cas de figure qui pouvaient se présenter étaient couverts.




 QUESTIONS - tentative

 La question de tentative n'est pas entachée de complexité lorsqu'il est demandé, dans une question unique, si l'accusé est coupable d'avoir tenté de donner volontairement la mort à X, ladite tentative manifestée par un commencement d'exécution, n'ayant manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (97 80 092 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'OISE du 30 septembre 1996.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 747 et mise à jour p. 84.

Le président avait posé la question de tentative de meurtre dans les termes suggérés par M. Angevin dans la mise à jour de son ouvrage (page 84 : Q3).

Le moyen estimait que cette question, ainsi posée, était complexe.

La Cour de Cassation est d'un avis contraire. Elle maintient, à cet égard, la position qui était la sienne sous l'empire de l'ancien Code pénal.




 
QUESTIONS - complicité

 Le principe de l'autorité de la chose jugée n'interdit pas de retenir à l'égard de l'auteur principal une circonstance aggravante qui n'a pas été retenue contre ses complices condamnés par une précédente décision devenue définitive.

 Chambre criminelle 18 mars 1998 (97 81 768 - à paraître au bulletin)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-SAINT-DENIS du 25 février 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 752.

L'auteur et ses complices avaient été renvoyés devant la cour d'assises pour assassinat et complicité d'assassinat. Les complices avaient été jugés seuls et la Cour et le jury, après avoir répondu négativement à la question abstraite de préméditation, les avaient condamnés seulement pour complicité de meurtre.

Lors du jugement de l'auteur principal par la décision attaquée, il avait été répondu affirmativement à cette même question de préméditation ce qui avait entraîné la condamnation de l'auteur principal pour assassinat.

Le moyen estimait qu'il y avait là une violation du principe d'autorité de la chose jugée.

La Cour de Cassation écarte ce moyen estimant que la décision des premiers juges ne s'impose pas aux seconds.

Voir dans le même sens : Chambre criminelle 31-01-1996 B. 56




 QUESTIONS - complicité

 La question relative à la complicité doit caractériser tous les éléments de l'un des modes de complicité prévus par la loi.

Est nulle la question qui demande seulement si l'accusé est "coupable de s'être rendu complice des crimes de... commis par..." sans préciser en quoi a consisté cette complicité.

 Chambre criminelle 11 mars 1998 (97 84 422 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises du MAINE-ET-LOIRE du 1er octobre 1996.

Renvoi devant la cour d'assises de la LOIRE-ATLANTIQUE.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 755 et mise à jour p. 84.

Même si l'arrêt de renvoi n'indique pas les modes de complicité qu'il retient contre l'accusé, c'est au président de la cour d'assises de les préciser dans les questions qu'il pose à la Cour et au jury.

A noter au surplus que, dans la présente affaire, si l'auteur principal s'était pourvu, il aurait également obtenu la cassation car, telles qu'étaient posées les questions concernant le complice, la culpabilité de l'auteur principal y était présumée.




 
QUESTIONS - viol - particulière vulnérabilité de la victime

 Lorsque la particulière vulnérabilité de la victime est due à son âge, il n'est pas nécessaire de préciser cet âge dans la question relative à cette circonstance aggravante.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (97 82 624 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la CHARENTE-MARITIME du 11 avril 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 812, mise à jour p. 55 et Q 15.

La question avait été posée dans les termes suggérés par M. Angevin dans la mise à jour de son ouvrage (Q 15).

Le moyen estimait que l'âge de la victime devait être précisé dans la question.

La Chambre criminelle estime que cela n'est pas nécessaire s'agissant d'une circonstance de fait confiée à l'appréciation de la Cour et du jury.




 QUESTIONS - lecture

Le procès-verbal des débats mentionnait que le président avait "lu les questions principales auxquelles la Cour et le jury auraient à répondre".

Or, l'accusé étant poursuivi pour assassinat, il n'y avait, au sens de l'article 349 du Code de procédure pénale, qu'une question principale d'homicide volontaire et une question distincte sur la circonstance aggravante de préméditation.

Le moyen s'en saisissait pour prétendre qu'en raison des termes employés, la Cour de Cassation n'était pas à même d'exercer son contrôle sur le point de savoir quelles questions avaient pu être lues à l'audience en plus de la seule question principale qui devait être posée.

La Chambre criminelle écarte le moyen en précisant qu'en dépit de l'impropriété du terme qualifiant de principale une question relative à une circonstance aggravante, elle était en mesure de s'assurer que les deux questions posées avaient été lues.

 Chambre criminelle 18 mars 1998 (97 83 455 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE du 22 mai 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 835.

Comme nous le disions le mois dernier, il est toujours préférable soit de lire les questions, soit d'obtenir le renoncement de l'accusé ou de son avocat à cette lecture. Ceci est impératif en ce qui concerne les questions subsidiaires ou les questions spéciales qui, par nature, ne sont pas posées dans les termes de l'arrêt de renvoi.

Mais il convient de faire attention à la formule utilisée dans le procès-verbal pour rendre compte de cette lecture.

Le plus simple est de mentionner que "le président a donné lecture des questions auxquelles la Cour et le jury auront à répondre". Une telle formule permet de couvrir tous les cas de figure.




 FEUILLE DE QUESTIONS - réponses - erreur de libellé

 L'accusé ne saurait, faute d'intérêt, se faire un grief d'une irrégularité affectant la réponse à une question qui a été résolue en sa faveur.

 Chambre criminelle 4 mars 1998 (97 82 218 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du BAS-RHIN du 14 mars 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 1031.

Le problème concernait la réponse à une question qui demandait, dans une affaire de séquestration, si l'otage avait été libéré volontairement avant le septième jour accompli depuis son arrestation. Le président avait noté sur la feuille de questions qu'il avait été répondu "oui à la majorité de huit voix au moins" à cette question. Or, comme la libération volontaire avant le septième jour est une cause légale de diminution de la peine, seule une réponse négative à une telle question nécessitait de recueillir une majorité de huit voix au moins en vertu de l'article 359 du Code de procédure pénale. La réponse aurait donc dû être simplement formulée : "oui".

Néanmoins, comme la réponse, telle qu'irrégulièrement formulée, ne causait aucun préjudice à l'accusé, la Chambre criminelle estime qu'il n'y a pas lieu à cassation.




 ARRÊT DE CONDAMNATION - concordance avec la feuille de questions

Il y a concordance entre l'arrêt et la feuille de questions si l'arrêt en restitue la substance, sans adjonction ni substitution.

 Chambre criminelle 18 mars 1998 (97 82 660 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 11 avril 1997.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 905

Les questions avaient seulement interrogé la Cour et le jury sur le point de savoir si le viol avait été commis par plusieurs auteurs ou complices (question 2) et avec usage d'une arme (question 3). L'arrêt précisait le nom des coauteurs ou complices et de quelle arme il s'agissait (un pistolet). Bien que ces précisions ne figuraient pas dans les questions, la Chambre criminelle estime qu'il n'en résulte pas une discordance entre la feuille de questions et l'arrêt de condamnation.




 ARRÊT CIVIL - modification de la demande initiale - possibilité (oui)

 La partie civile peut modifier sa demande initiale jusqu'à la clôture des débats sur l'action civile (notamment lorsque l'affaire revient après sursis à statuer).

 Chambre criminelle 18 mars 1998 (97 82 260 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt civil de la cour d'assises des mineurs des DEUX-SÈVRES du 17 mars 1997.

Renvoi devant le tribunal civil de POITIERS.

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 924.

L'accusé était poursuivi pour des faits de viols commis, pour certains, alors qu'il était mineur et, pour d'autres (sur les mêmes victimes), alors qu'il était devenu majeur.

Lors de l'audience civile faisant suite à l'audience pénale, les parties civiles avaient réclamé des dommages-intérêts uniquement aux parents de l'accusé, civilement responsables.

Il avait été sursis à statuer sur ces demandes pour mise en cause de la compagnie d'assurance de ces derniers (ce qui, au demeurant, n'était pas très orthodoxe, l'article 388-1 étant inapplicable en l'espèce).

A l'audience de renvoi, les victimes avaient été indemnisées par la compagnie d'assurance mais certaines d'entre elles maintenaient leurs demandes, cette fois à l'encontre de l'accusé personnellement, pour les faits commis alors qu'il était majeur.

La cour d'assises les avait déboutées de leurs demandes au motif qu'elle n'était saisie que dans la limite des prétentions initiales.

Cette décision est cassée car les parties civiles peuvent modifier leurs demandes jusqu'à la clôture des débats sur l'action civile.




 ARRÊT CIVIL - audition des parties - nécessité

 La cassation de l'arrêt civil est encourue lorsqu'il ne résulte ni des mentions dudit arrêt ni du procès-verbal que les parties et le ministère public aient été entendus.

 Chambre criminelle 25 mars 1998 (97 83 519 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt civil de la cour d'assises de l'AIN du 4 juin 1997

Renvoi devant le tribunal civil de LYON

 Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 915.







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