PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions de février 1998
 






COMPOSITION - magistrat ayant déjà jugé l'accusé pour une autre affaire - incompatibilité (non) -

Les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme relatives à l'exigence d'un tribunal impartial n'interdisent pas aux juges de se prononcer sur la prévention reprochée à une personne qu'ils ont déjà condamnée à l'occasion d'une autre procédure suivie contre elle, même si elle concernait les mêmes victimes.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 81 338 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'Ille-et-Vilaine du 22 décembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 100.

Jurisprudence constante.



COMPOSITION - juge placé - délégation au siège de la cour d'assises

Le moyen soutenait qu'à défaut de la présence au dossier de l'ordonnance du premier président déléguant au tribunal, siège de la cour d'assises, un juge placé, la preuve n'était pas établie que la cour d'assises était régulièrement composée.

Le conseiller rapporteur ayant demandé à la première présidence la communication de cette ordonnance, la régularité de cette délégation a pu être vérifiée et le moyen écarté.

Chambre criminelle 11 février 1998 (97 82 101 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la GUYANE du 19 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 88 et mise à jour p. 9.

Cette affaire nous donne l'occasion de signaler aux greffiers que les dossiers transmis à la Cour de Cassation doivent comporter les ordonnances de délégation.

Leur absence au dossier provoque des moyens parasites qui obligent à réclamer la pièce manquante pour en vérifier la régularité.



COMPOSITION DE LA COUR - session supplémentaire

Avant l'ouverture d'une session supplémentaire c'est le premier président qui est compétent pour désigner les assesseurs appelés à remplacer ceux ayant siégé lors de la session ordinaire. Cette désignation n'est pas de la compétence du président de la cour d'assises désigné pour présider la session ordinaire.

Chambre criminelle 25 février 1998 (97 84 112 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAR du 13 juin 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 92

 



MINISTÈRE PUBLIC - versement de pièces aux débats

Le ministère public peut produire à l'audience tous documents qui lui paraissent utiles sauf le droit pour les autres parties de les examiner et de présenter toutes observations à leur sujet.

Chambre criminelle 11 février 1998 (97 82 425 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du MORBIHAN du 15 mars 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 247 à 250.

L'accusé était poursuivi pour des viols commis sur sa nièce, en 1990 et 1991, alors qu'elle avait 8 ans.

Après la lecture de l'arrêt de renvoi, le ministère public avait communiqué à la Cour de nombreuses pièces provenant des archives du parquet et du dossier d'assistance éducative concernant cette famille, suivie, depuis 1956, par le juge des enfants.

Ces pièces comprenaient, notamment, deux procédures, qui n'avaient pas fait l'objet de poursuites mais avaient été transmises au juge des enfants dans le cadre du dossier d'assistance éducative, relatives à des violences sexuelles sur des enfants de 9 à 11 ans commises par l'accusé, en 1979 et 1980, alors qu'il avait 16 ans.

Y figurait également une procédure de 1988 dans laquelle l'accusé et sa femme avaient été suspectés de viols commis sur une petite cousine, âgée de 12 ans, qu'ils hébergeaient pendant les vacances. Cette affaire avait été classée sans suite.

La défense ayant, par conclusions, protesté contre le versement tardif de ce volumineux dossier, la Cour avait rendu un arrêt rejetant ces conclusions. Les pièces avaient donc été versées aux débats.

Le moyen soutenait qu'il y avait là une violation du caractère équitable du procès, garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il est vrai qu'en l'espèce, les documents produits étaient particulièrement importants en nombre et, surtout, particulièrement accablants pour l'accusé et on comprend que la défense ait manifesté un certain mécontentement face au dépôt tardif de ces pièces, le 13 mars 1997, alors que l'instruction était ouverte depuis le 16 juin 1993.

Cependant, la Cour de Cassation a toujours estimé que le ministère public avait le droit de produire tous documents lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité, sauf le droit pour les autres parties d'examiner les pièces produites et de présenter toutes observations à leur sujet. Ceci tient au fait qu'en matière criminelle, la recherche de la vérité se déroule contradictoirement à l'audience.

Toutefois, étant donné que, dans notre système français, cette phase procédurale est précédée d'une instruction préparatoire qui, actuellement, tend à devenir particulièrement longue, il n'est pas exclu qu'on assiste, dans un avenir plus ou moins proche, à une évolution de la position de la Chambre criminelle s'il était établi que le ministère public avait volontairement différé le versement de certaines pièces qu'il aurait pu communiquer dès le stade de l'instruction. On pourrait, en ce cas, considérer qu'une telle manœuvre peut porter atteinte à l'équité du procès.

La Chambre criminelle n'a pas, à l'occasion de cette affaire, franchi le pas.

 



TÉMOINS - beaux-parents de l'accusé - serment - nullité (non)

Les père et mère de la femme de l'accusé avaient été entendus sous serment, sans opposition des parties.

En vertu de l'article 336 du Code de procédure pénale, il n'y a pas là cause de cassation.

Chambre criminelle 25 février 1998 (97 83 818 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des ALPES-MARITIMES du 15 mai 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 558.

Jurisprudence constante : si un témoin reprochable a prêté serment il n'y a pas de nullité si aucune partie ne s'est opposée à son audition sous serment. En revanche, si un témoin non reprochable a été dispensé du serment, même avec l'accord des parties, la cassation est encourue.

C'est pourquoi, en cas d'hésitation sur le caractère reprochable ou non d'un témoin régulièrement acquis aux débats, il est plus prudent de lui faire prêter serment si aucune partie ne s'y oppose.

 



DÉBATS - lecture du rapport d'un expert - conditions de validité

Le président peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, donner lecture du rapport d'un expert, régulièrement cité et dénoncé, lorsque les parties ont renoncé à l'audition de cet expert.

Chambre criminelle 11 février 1998 (97 82 396 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du MORBIHAN du 25 mars 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 533 et 613.

Le moyen faisait reproche au président d'avoir donné lecture du rapport d'un expert régulièrement cité et dénoncé et ainsi acquis aux débats.

Mais, il résultait du procès-verbal des débats que le ministère public et les parties avaient expressément renoncé à l'audition de cet expert.

Aussi, en donnant lecture de son rapport, le président a fait un usage régulier du pouvoir qu'il tient de l'article 310 du Code de procédure pénale, sans violer la règle de l'oralité des débats.

Ceci vaut également pour les lectures de déclarations de témoins à l'audition desquels les parties ont renoncé.

 



DÉBATS - suspension d'audience - moment

Le moyen reprochait au président d'avoir porté atteinte aux droits de la défense en suspendant l'audience entre midi et 14 heures, juste après la plaidoirie de l'avocat de l'accusé.

La Cour de Cassation estime qu'en procédant ainsi, le président n'a méconnu aucune disposition légale ou conventionnelle et n'a pas porté atteinte aux droits de la défense.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 80 710 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des ARDENNES du 1er décembre 1995.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 467

 



DÉBATS - demande de donner acte - obligation de statuer

L'avocat de l'accusé avait présenté, par conclusions adressées au président, une demande de donné acte. Après audition de toutes les parties, la Cour avait rendu un arrêt incident par lequel elle avait déclaré cette demande irrecevable au motif qu'elle avait été adressée au président et non à la Cour alors qu'elle revêtait un caractère contentieux.

Cette décision est censurée. En effet, la Cour, qui constatait que l'incident avait pris un caractère contentieux, était tenue de statuer à son sujet (même si la demande avait été adressée à l'origine au président).

Chambre criminelle 18 février 1998 (97 81 707 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de l'ESSONNE du 21 février 1997.

Renvoi devant la cour d'assises du VAL-DE-MARNE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 638.

En présence de conclusions de donné acte :

- ou le président accepte, sans opposition des parties, la demande telle qu'elle est formulée et le procès-verbal rend alors compte, dans les termes requis, de l'incident dont acte a été demandé ;

- ou le président n'entend pas donner l'acte dans les termes requis, ou une autre partie s'y oppose, et il naît alors un incident contentieux sur lequel la Cour est seule compétente pour statuer.

Dans la présente espèce, la Cour avait cru pouvoir évacuer, par une pirouette, le problème qui lui était posé en déclarant que la demande, qui avait été adressée au président, était irrecevable.

En réalité, cette demande adressée au président n'était pas irrecevable car celui-ci avait compétence, en l'absence d'opposition des parties, pour accorder l'acte requis. Toutefois, dès lors qu'il n'entendait pas satisfaire la demande ou qu'une des parties s'y opposait, la Cour était nécessairement saisie du problème car le président ne peut, de sa seule autorité, refuser un donné acte. La Cour devait donc se prononcer sur le problème qui lui était soumis.

 



TÉMOINS - absence - refus de la défense qu'il soit passé outre - arrêt incident - motivation

Lors de l'appel des témoins, certains d'entre eux étant absents, le président les avait fait rechercher. A l'issue des débats, leur comparution n'ayant pu être assurée, l'avocat d'un des accusés s'était opposé à ce qu'il soit passé outre.

La Cour avait alors rendu un arrêt en décidant qu'il serait passé outre au motif que les démarches effectuées pour faire rechercher les témoins défaillants avaient été un échec et que le président aurait toujours latitude pour lire leurs dépositions auxquelles les accusés pourront répondre.

La Cour de Cassation ne censure pas la décision car les conclusions n'articulaient aucun fait ou circonstance de nature à caractériser l'importance des témoignages réclamés et ne soutenaient pas que l'accusé n'avait été, à aucun stade de la procédure, confronté avec les témoins absents.

Chambre criminelle 25 février 1998 (97 81 457 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du NORD du 12 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 532 et mise à jour p.31.

La Cour de Cassation n'a pas cassé bien que les motifs de l'arrêt incident fussent sujets à caution. En effet, pour refuser le renvoi d'une affaire, il faut surtout que la Cour constate qu'au vu du résultat des débats, l'audition des témoins absents n'apparaît pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Il ne faut pas se référer à la possibilité de lire leurs auditions qui figurent au dossier.

 



ARRÊTS INCIDENTS - lecture - présence obligatoire des jurés - cassation

Les jurés doivent, à peine de nullité, assister à l'intégralité des débats. Il en résulte que les arrêts incidents doivent être rendus en leur présence.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 82 134 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de l'ISÈRE du 12 mars 1997.

Renvoi devant la cour d'assises de SAVOIE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 230 et 633.

Les jurés sont présents lors des débats sur les incidents mais ils ne participent pas aux délibérés qui s'ensuivent, les décisions étant prises par la Cour seule. Néanmoins, ils doivent être présents lorsque la Cour rend ses arrêts.

C'est la première fois semble-t-il que la Cour de Cassation est appelée à se prononcer sur ce problème.

 



QUESTIONS - meurtre - omission du mot "volontairement" - cassation

La question demandait si l'accusé était coupable d'avoir donné la mort à la victime.

La Cour de Cassation estime que cette question, en omettant de mentionner le caractère volontaire de l'homicide, n'a pas fait état de l'un des éléments constitutifs du meurtre.

Cette irrégularité entraîne la cassation de la décision.

Chambre criminelle 11 février 1998 (97 80 427 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de la MOSELLE du 12 décembre 1996.

Renvoi devant la cour d'assises de MEURTHE-ET-MOSELLE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 800.

C'est la première fois que la Cour de Cassation se prononce sur ce problème depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal.

 



QUESTIONS - viol - circonstance aggravante de vulnérabilité

On peut réunir dans une seule question les deux éléments de la circonstance aggravante de vulnérabilité, à savoir l'état de particulière vulnérabilité de la victime et le fait que cet état était apparent ou connu de l'auteur.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 80 312 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAL-DE-MARNE du 22 novembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 812 et mise à jour pages 55 et 87(Q 15).

La question avait été posée dans les termes conseillés par M. Angevin dans son ouvrage de référence. La Chambre criminelle approuve cette rédaction.

Cet arrêt est l'occasion de rappeler que, si l'article 332 ancien prévoyait que la peine prévue pour le viol pouvait être aggravée lorsqu'il était commis sur une personne particulièrement vulnérable, l'article 222-24, 3°, nouveau du Code pénal exige désormais, pour entraîner l'aggravation de la peine, que cet état de particulière vulnérabilité de la victime soit apparent ou connu de l'auteur.

Le texte nouveau est favorable à l'accusé en ce qu'il restreint le champ d'application de la circonstance aggravante qui ne peut dorénavant être retenue que si les deux conditions qu'il prévoit sont remplies. En vertu de l'article 112-1, alinéa 3, du Code pénal, les dispositions nouvelles doivent donc recevoir application, même pour des faits antérieurs à leur entrée en vigueur.

Il apparaît ainsi que la question doit être posée dans les termes du nouvel article 222-24, 3° qui est plus restrictif que l'ancien article 332.

La Cour de Cassation a déjà censuré une décision de cour d'assises au motif que, pour des faits antérieurs au 1er mars 1994, la question de vulnérabilité avait été posée sans demander si cet état était apparent ou connu de l'auteur :




QUESTIONS - arrestation et séquestration illégales

Les crimes d'arrestation illégale, d'une part, d'enlèvement, d'autre part, de détention ou séquestration illégales, de troisième part, constituent des crimes différents qui doivent faire l'objet de questions distinctes (réponse implicite).

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 80 312 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du VAL-DE-MARNE du 22 novembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 817.

Cet arrêt nous amène une nouvelle fois à attirer l'attention des présidents et greffiers sur la nécessité de distinguer en cette matière les faits d'arrestation illégale, d'une part, d'enlèvement, d'autre part, de détention ou séquestration illégales, de troisième part, qui constituent des crimes différents et doivent faire l'objet de questions distinctes.

Les cassations sont nombreuses sur la rédaction des questions relatives à ces crimes :

- Chambre criminelle 30-10-1996 B. 385

- Chambre criminelle 10-12-1997 (97 80 284 - non publié)

Comme les chambres d'accusation visent en général, dans les arrêts de renvoi, l'ensemble des infractions prévues par le texte, les présidents de cours d'assises devront être attentifs à poser, en ce cas, trois questions distinctes.

Dans l'espèce rapportée, le président avait réuni dans une même question les faits d'arrestation, enlèvement, détention et séquestration. La cassation était encourue.

Néanmoins, comme l'accusé avait été reconnu coupable également de viol aggravé, la Chambre criminelle considère que la peine de 7 ans qui lui a été infligée trouve son support légal dans les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions, régulièrement posées, relatives à ce crime. L'arrêt échappe donc, de ce fait, à la cassation.

 



QUESTIONS - arrestation et séquestration illégales - libération volontaire avant le 7ème jour

Le président n'a pas l'obligation de poser la question relative à la libération avant le 7ème jour de la personne séquestrée si les avocats des accusés n'ont pas demandé qu'une telle question soit posée (et si l'arrêt de renvoi ne vise pas cette circonstance).

Chambre criminelle 11 février 1998 (97 81 501 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la GIRONDE du 24 janvier 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" mise à jour page 99.

Cette question, relative à une cause légale de diminution de peine, doit être posée si cette circonstance est retenue dans le dispositif de l'arrêt de renvoi ou si la défense le demande expressément. En dehors de ces cas, le président n'est pas tenu de la poser.

Il est cependant opportun de le faire s'il apparaît des débats que l'otage ou la personne séquestrée a été libéré volontairement avant le 7ème jour accompli.

 



QUESTIONS - lecture

En se bornant à rectifier l'erreur commise dans l'arrêt de renvoi sur le prénom d'un accusé, le président n'a ni altéré le sens ni modifié la substance de l'accusation. De ce fait, il n'avait pas l'obligation de donner lecture des questions ainsi rectifiées.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 80 023 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SARTHE du 19 septembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 833.

Dès qu'on opère, au niveau de la rédaction des questions, la rectification d'une erreur quelconque de l'arrêt de renvoi, il vaut toujours mieux, soit lire les questions en attirant l'attention des parties sur la modification apportée, soit recueillir le renoncement de l'accusé ou de son avocat à cette lecture.

Si le procès-verbal est muet sur la connaissance qu'ont eu les parties de cette modification et s'il indique d'autre part que les questions n'ont pas été lues car elles ont été posées dans les termes de l'arrêt de renvoi, les risques de cassation ne sont pas minimes. Ainsi la cassation est encourue lorsque le président, sans donner lecture des questions et en aviser les parties, a demandé si l'accusé avait commis des actes de pénétration sexuelle alors que le dispositif de l'arrêt de renvoi ne visait qu'un seul viol, même s'il résultait des motifs de cet arrêt que l'accusé en avait commis plusieurs sur la même victime :

- Chambre criminelle 15-10-1997 (96 85 379 - à paraître au bulletin)

La Cour de Cassation ne tolère que les rectifications qui sont sans portée sur le contenu de l'accusation.

Un conseil : En toute occurrence, il est toujours préférable soit de lire les questions, soit d'obtenir le renoncement de l'accusé ou de son avocat à cette lecture. On se met ainsi à l'abri de quantité de moyens de cassation qui se fondent sur cette absence de lecture en contestant la conformité des questions au dispositif de l'arrêt de renvoi.

 



QUESTIONS - questions subsidiaires - lecture - obligation (oui)

Si le président envisage de poser des questions subsidiaires, il doit en donner lecture à l'issue des débats sauf si l'accusé ou son avocat y renonce.

La cassation est encourue si le procès-verbal des débats n'en fait pas mention et ceci, même si les questions subsidiaires sont devenues sans objet en raison des réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions principales.

Chambre criminelle 18 février 1998 (96 84 643 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises de la VENDÉE du 26 juin 1996.

Renvoi devant la cour d'assises de la LOIRE-ATLANTIQUE.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 723 et 834, 835.

Comme nous l'indiquons ci-dessus, il est toujours préférable soit de lire les questions, soit d'obtenir le renoncement de l'accusé ou de son avocat à cette lecture. Ceci est impératif en ce qui concerne les questions subsidiaires ou les questions spéciales qui, par nature, ne sont pas posées dans les termes de l'arrêt de renvoi.

En l'espèce, la cassation est d'autant plus regrettable que je suppose que le président avait donné lecture de ces questions. Toutefois, le procès-verbal mentionnait que le président avait "donné lecture des questions posées dans les termes de l'arrêt de renvoi auxquelles la Cour et le jury auront à répondre". De cette mention il résultait que seules les questions principales avaient été lues, les questions subsidiaires ne l'ayant pas été. Il aurait suffi de dire, tout simplement, que : "le président a donné lecture des questions auxquelles la Cour et le jury auront à répondre", ce qui impliquait que les questions principales et subsidiaires avaient été lues. Les mots "posées dans les termes de l'arrêt de renvoi" étaient de trop. On remarquera, au surplus, qu'ils sont en toute occurrence inutiles, la lecture des questions n'étant pas obligatoire lorsqu'elles sont conformes à l'arrêt de renvoi.

 



CONTRAINTE PAR CORPS - décision de la Cour et du jury - mention sur la feuille de questions - nécessité (non)

L'arrêt condamnait l'accusé à la contrainte par corps mais celle-ci n'était pas mentionnée sur la feuille de questions.

La Cour de Cassation estime que cette mention sur la feuille de questions n'est pas nécessaire dès lors qu'il résulte de l'arrêt que cette mesure a été prononcée par la Cour et le jury réunis.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 81 338 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'ILLE-ET-VILAINE du 22 décembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 887, 902 et 903 et mise à jour page 70.

Dans cette affaire la Cour de Cassation a strictement répondu au moyen qui lui était présenté mais elle aurait pu casser d'office par voie de retranchement et sans renvoi sur le prononcé de la contrainte par corps qui, en l'espèce, n'avait pas lieu d'être.

En effet, l'accusé n'avait pas été condamné à une amende et se trouvait seulement redevable du droit fixe de procédure de 2 500 francs.

Or, la Chambre criminelle a décidé que l'assujettissement à ce droit fixe de procédure dont le montant est déterminé par l'article 1018 A du Code général des impôts ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps :

- Chambre criminelle 15-01-1997 B. 12 (cassation en matière correctionnelle)

- Chambre criminelle 11-06-1997 (96 84 081-non publié) (cassation en matière criminelle)

Quand le moyen est proposé, la cassation par voie de retranchement est inévitable. Mais la Chambre criminelle ne soulève jamais ce moyen d'office car elle serait amenée à casser pratiquement tous les arrêts criminels frappés de pourvoi.

En effet, les arrêts rendus par les cours d'assises prononcent systématiquement la contrainte par corps contre les condamnés alors que, dans la grande majorité des cas pour ne pas dire la totalité, aucune amende n'a été infligée au condamné.

Les arrêts pourraient donc faire l'économie de cette mention relative à la contrainte par corps laquelle, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1993 qui a supprimé la condamnation aux dépens, ne peut plus être prononcée si aucune peine pécuniaire n'a été infligée au condamné. Les formulaires d'arrêts utilisés par les greffiers pourraient être utilement révisés en ce sens.

 



PROCÈS-VERBAL - lecture de pièces du dossier

Le procès-verbal constatait qu'en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le président avait donné partiellement lecture du procès-verbal de synthèse figurant à la cote D 24 du dossier de la procédure.

Or ce procès-verbal de synthèse faisait mention du contenu de la déposition, lors de l'enquête, de divers témoins non encore entendus à ce stade des débats.

Le moyen s'en saisit pour reprocher au président une violation de la règle de l'oralité des débats.

La Cour de Cassation écarte le moyen au motif que, ladite lecture n'ayant été que partielle, il ne peut être établi, à défaut de donné acte, que le président ait lu les passages du document concernant les déclarations faites par les témoins en cause au cours de l'enquête.

Chambre criminelle 18 février 1998 (97 81 770 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la GIRONDE du 28 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 65 et 66.

L'utilisation du mot "partiellement" a permis de sauver cet arrêt de la cassation.

Comme nous l'indiquions le mois dernier, il est préférable de ne pas faire mention au procès-verbal de la lecture de pièces du dossier par le président sauf s'il en est demandé acte par une partie au procès.

Si une partie entend contester la régularité d'une lecture, il lui appartient de s'en faire donner acte et, au besoin, de saisir la Cour d'un incident contentieux.

C'est seulement en ce cas que le procès-verbal est tenu d'en rendre compte.

 



PROCÈS-VERBAL - mentions obligatoires - plaidoiries de la défense - omission - possibilité d'y suppléer en se référant aux mentions de l'arrêt

Le procès-verbal avait omis de faire mention des plaidoiries des avocats de la défense. Toutefois, l'arrêt, portant mention de ces plaidoiries, permet de suppléer à cette omission.

Chambre criminelle 4 février 1998 (96 85 896 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la MEUSE, du 14 novembre 1996.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 957

 



ARRÊT PÉNAL - visa des textes de répression - erreur manifeste

L'accusé, reconnu coupable de vol avec arme, avait été condamné, à la majorité absolue, à 15 ans de réclusion criminelle.

Or l'arrêt de condamnation visait l'article 311-7 du Code pénal (sur le vol avec violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente) et non l'article 311-8 sur le vol avec arme.

Le moyen soutenait que le visa erroné du texte de répression ne permettait pas à la Cour de Cassation de s'assurer que la peine avait été légalement appliquée car le vol avec violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente étant puni de 15 ans de réclusion criminelle, cette peine aurait dû être prononcée à la majorité de huit voix au moins, ce qui n'avait pas été le cas.

La Cour de Cassation refuse de casser pour ce motif, estimant que le visa de l'article 311-7 du Code pénal provient d'une erreur manifeste, la feuille de questions et les autres mentions de l'arrêt établissant que l'accusé avait été déclaré coupable de vol avec arme (maximum : 20 ans de réclusion criminelle) et que, de ce fait, la peine de 15 ans de réclusion criminelle, qui avait été prononcée à la majorité absolue, avait été légalement appliquée.

Chambre criminelle 25 février 1998 (97 81 457 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du NORD du 12 février 1997.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 895

L'arrêt de la Chambre criminelle du 25 septembre 1890, cité dans l'ouvrage de M. Angevin, aurait pu, par une interprétation a contrario, conduire à la cassation dans cette affaire.

Mais nous ne sommes plus au XIXème siècle !

 



ACTION CIVILE - enfant né d'un viol - recevabilité (oui)

Un enfant né d'un viol est recevable à se constituer partie civile contre l'auteur de ce viol.

Chambre criminelle 4 février 1998 (97 80 305 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt civil de la cour d'assises de l'ISÈRE du 10 décembre 1996.

Renvoi devant le tribunal civil de LYON.

Note : Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 425.

C'est la première fois, à notre connaissance, que la Chambre criminelle se prononce sur ce délicat problème. La solution est loin d'être évidente.

D'une part, le préjudice n'est ni actuel ni certain puisqu'il résultera seulement du traumatisme psychologique consécutif à la révélation, future et hypothétique, qui sera faite à l'enfant des circonstances de sa conception.

D'autre part, c'est un cas, tout à fait inédit, dans lequel la victime d'une infraction n'était ni née ni même conçue lors de la perpétration du crime. L'acte de pénétration constitutif du viol est, en effet, nécessairement antérieur à la fécondation qui en est la conséquence.





Retour au sommaire de la jurisprudence ANAPCA
Retour au sommaire du Juripole