PANORAMA DE LA JURISPRUDENCE DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
DE LA COUR DE CASSATION EN MATIERE DE COUR D'ASSISES
 
Par M. Henri LE GALL
Conseiller à la Cour de cassation

Décisions de janvier 1998
 






COMPÉTENCE - crimes devenus délits après l'arrêt de renvoi

Selon l'article 231 du Code de procédure pénale, la cour d'assises a plénitude de juridiction et elle est, dès lors, compétente pour connaître de toutes les infractions dont elle est régulièrement saisie, même si celles-ci, par l'effet d'une loi nouvelle, entrée en vigueur postérieurement à l'arrêt de renvoi, ne sont plus constitutives de crimes mais de délits au moment où elle est appelée à statuer.

Chambre criminelle 21 janvier 1998 (96 86 612 - à paraître au bulletin)

- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises des ARDENNES du 6 juin 1996.

Renvoi devant la cour d'assises de la MOSELLE.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : La pratique de la cour d'assises" n° 280.

Par arrêt du 4 mars 1993, les accusés avaient été renvoyés devant la cour d'assises pour une tentative de vol avec violences ayant entraîné une incapacité de plus de huit jours (qui était un crime en vertu de l'article384 ancien du Code pénal, alors applicable).

Cette infraction est devenue un délit le 1er mars 1994 (article 311-6 nouveau du Code pénal).

Fondant sa décision sur les dispositions de l'article 112-2, 1°, du Code pénal, la cour d'assises des Ardennes avait, le 6 juin 1996, non sans une certaine pertinence, rendu un arrêt d'incompétence.

Le procureur de la République de Charleville-Mézières s'était pourvu contre cette décision en reprochant à la cour d'assises de n'avoir pas retenu sa compétence alors qu'elle a, selon l'article 231 du Code de procédure pénale, plénitude de juridiction pour juger les individus renvoyés devant elle par l'arrêt de mise en accusation.

La Chambre criminelle reçoit le pourvoi et casse la décision attaquée en se fondant sur cette plénitude de juridiction.

Cette interprétation rejoint celle donnée par la Chancellerie dans les réponses qu'elle a apportées aux questions posées par les parquets généraux lors de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal (Avis Chancellerie des 21 mars et 1er avril 1994).

Elle est conforme à un précédent arrêt de rejet qui avait approuvé la cour d'assises de Paris d'avoir retenu sa compétence pour juger un faux en écriture publique, crime devenu délit depuis l'arrêt de renvoi : Chambre criminelle 29-04-1997 B. 155.


COMPOSITION - assesseur - juge des enfants ayant transmis au parquet un rapport d'enquête sociale - incompatibilité (non)

Le juge des enfants, qui s'est contenté de transmettre au parquet un rapport d'enquête sociale concernant la famille dont le père est accusé de viols aggravés, peut siéger à la cour d'assises pour le jugement de l'affaire pénale.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (97 82 073 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la GUYANE du 25 février 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 98.

Si le juge des enfants s'est contenté de transmettre au parquet un rapport d'enquête sociale concernant la famille dont le père est accusé de viols aggravés, il peut siéger à la cour d'assises pour le jugement de l'affaire (voir dans le même sens : Chambre criminelle 03-10-1968 B. 242).

Il en est de même pour le juge des enfants qui a suivi la famille et a ordonné des mesures d'assistance éducative (Chambre criminelle 20-10-1997 - 96 86 029 non publié).

Mais il en va différemment si le juge des enfants a procédé à une enquête sur les faits et en a transmis le résultat au parquet, cette transmission étant à l'origine des poursuites (Chambre criminelle 10-01-1996 B. 9 cassation). En ce cas le juge en question ne peut siéger à la cour d'assises.


COMPOSITION - remplacement des assesseurs

Le président de la cour d'assises avait procédé, par ordonnance du 3 février 1997, jour de l'ouverture de la session, au remplacement des assesseurs désignés par le premier président, en raison de l'empêchement de ces derniers de siéger à l'audience du 7 février 1997 où était jugé l'accusé. Il avait nommé, à leur place, "Mme Texier-Verhaeghe, juge, et Mme Forge, juge placé".

La Cour de Cassation estime qu'il a été ainsi procédé conformément aux prescriptions de l'article 251 du Code de procédure pénale, dès lors que, d'une part, il ne ressort d'aucune des pièces de la procédure que le président de la cour d'assises ait ordonné ce remplacement avant l'ouverture de la session et que, d'autre part, il résulte des pièces contradictoirement versées devant la Cour de Cassation que les magistrats ainsi désignés remplissaient les conditions pour occuper les fonctions d'assesseurs à la cour d'assises de l'Hérault.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (97 81 427 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'HERAULT du 7 février 1997.

Note: Voir: Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 86 et suivants.

Dans cette affaire, le premier président avait fixé au 3 février 1997 à 9 heures l'ouverture de la session de la cour d'assises et il avait désigné comme assesseurs : Messieurs Hervé LAGARRIGUE, juge au tribunal de grande instance de Montpellier, et Jean-Marie THIERS, juge placé.

Par ordonnance du 3 février 1997, le président de la cour d'assises a remplacé ces assesseurs, qui se trouvaient empêchés, par différents juges, pour chaque affaire inscrite au rôle.

La façon dont cette ordonnance a été rédigée prête à discussion dans la mesure où :

1 - elle ne précise pas l'heure à laquelle elle a été prise, alors qu'elle est intervenue le jour de l'ouverture de la session.

2 - elle ne précise pas la qualité des magistrats désignés pour remplacer les assesseurs empêchés.

3 - pour certaines audiences, un seul magistrat est désigné, sans qu'on puisse déterminer celui des assesseurs qu'il est appelé à remplacer (ce dernier reproche ne concerne pas la présente affaire).

Le moyen se saisit de cette ambiguïté pour contester la validité de la composition de la juridiction appelée à juger l'accusé lors de l'audience du 7 février 1997.

Il reproche au président de la cour d'assises:

1 - de n'avoir pas spécifié l'heure à laquelle il a pris son ordonnance, ce qui ne permet pas de savoir s'il était compétent pour pourvoir au remplacement des assesseurs empêchés.

2 - de n'avoir pas indiqué à quel tribunal était affectée Martine TEXIER-VERHAEGHE, ce qui ne permet pas de contrôler si celle-ci pouvait être valablement désignée.

3 - d'avoir désigné un juge placé, lequel n'est pas conseiller à la cour d'appel ni juge au tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises.

Sur le premier grief invoqué, l'article 251 du Code de procédure pénale précise qu'en cas d'empêchement survenu avant l'ouverture de la session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du premier président, alors que, si l'empêchement survient au cours de la session, les assesseurs sont remplacés par ordonnance du président de la cour d'assises.

Lorsque l'empêchement intervient le jour de l'ouverture de la session, l'ordonnance de remplacement doit donc préciser l'heure à laquelle elle est prise pour déterminer si elle a été rendue par le magistrat compétent:

Ouverture de la session à 14 heures. Ordonnance valablement rendue par le premier président à 10 heures 30.

Ouverture de la session à 14 heures. Ordonnance valablement rendue par le président de la cour d'assises à 14 heures 15.

Toutefois, la Chambre criminelle a déjà décidé que, si l'ordonnance ne précise pas l'heure à laquelle elle est intervenue, elle est présumée avoir été prise par le magistrat compétent:

- Chambre criminelle 11 mars 1970 B. 99.

C'est également ce que décide l'arrêt rapporté.

Sur les deux autres griefs invoqués, en vertu des articles 249 et 251 du Code de procédure pénale, les assesseurs sont choisis parmi les conseillers de la cour d'appel ou parmi les magistrats du siège du tribunal de grande instance du lieu de la tenue des assises.

Il faut donc, pour que la régularité de leur désignation puisse être vérifiée, que soient précisées les fonctions exactes des magistrats désignés.

Mais, là encore, la Cour de Cassation a décidé qu'à défaut de précisions, les magistrats nommés étaient présumés avoir qualité pour siéger:

- Chambre criminelle 20 janvier 1965 B. 20

- Chambre criminelle 22 juin 1988 B. 284 et 285.

Notons toutefois que, dans la présente espèce, la Chambre criminelle n'a pas voulu avoir recours à cette présomption et elle a fait vérifier, auprès de la cour d'appel, si les deux magistrats désignés avaient qualité pour siéger, ce qui était le cas de Mme TEXIER-VERHAEGHE, laquelle était juge au tribunal de grande instance de Montpellier.

C'était également le cas de Mme FORGE qui, en sa qualité de juge placé auprès du premier président de la cour d'appel de Montpellier, pouvait valablement siéger comme assesseur à la cour d'assises de l'Hérault, siégeant à Montpellier, sauf si elle était déléguée provisoirement dans un autre tribunal du ressort, ce qui n'était pas le cas.

Il résulte, en effet, du 4° de l'article 3-1 de l'ordonnance modifiée du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, qu'un magistrat du siège placé auprès du premier président de la cour d'appel, en application de l'article 1-2° du même texte, exerce, à défaut d'être chargé d'un remplacement temporaire dans un autre tribunal, ses fonctions au tribunal du siège de la cour d'appel à laquelle il est rattaché.

La Chambre criminelle s'était déjà prononcée sur ce point :

- Chambre criminelle 8 janvier 1992 B. 4

- Chambre criminelle 3 avril 1996 (95-83.469 - non publié-)

- Chambre criminelle 18 juin 1997 (96-83.985 - non publié sur le moyen).

L'arrêt attaqué échappe donc, de ce fait, à la censure mais cette affaire a nécessité des vérifications inopportunes.

Pour éviter de telles mesures, on ne peut que conseiller de préciser, dans les ordonnances de remplacement d'assesseurs, la qualité exacte des magistrats désignés.


COMPOSITION - remplacement des assesseurs

Le premier président avait pris une ordonnance fixant l'ouverture de la session au 15 janvier 1997. Dans la même ordonnance, il avait désigné le président et les deux assesseurs. Pour ceux-ci, il avait précisé que les magistrats A et B étaient désignés pour siéger les 15 et 16 janvier, les magistrats B et C pour siéger du 17 au 25 janvier et les magistrats A et D pour siéger du 27 au 29 janvier.

L'affaire appelée le 24 janvier avait fait l'objet d'un renvoi aux 30 et 31 janvier suivants en raison de l'absence d'un témoin.

Par ordonnance du 30 janvier 1997, le président de la cour d'assises avait désigné, pour siéger à ces audiences, les magistrats E et F, en remplacement des assesseurs A et D empêchés.

Le moyen soutenait que, les assesseurs A et D n'ayant été désignés que pour les 27 et 29 janvier et n'étant donc plus assesseurs titulaires le 30 janvier, l'ordonnance prise par le président de la cour d'assises était irrégulière.

La Chambre criminelle écarte le moyen au motif que la session d'assises se poursuivant tant que la cour d'assises n'a pas épuisé son rôle, les magistrats désignés comme assesseurs jusqu'à la date de clôture sont habilités à siéger au-delà de cette date, jusqu'à ce que toutes les affaires aient été examinées. Le président, ayant constaté leur empêchement, pouvait donc valablement pourvoir à leur remplacement.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 085 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 31 janvier 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 19 et 93.

Le problème trouvait sa source dans la rédaction ambiguë de l'ordonnance du premier président qui aurait dû indiquer que les assesseurs A et D étaient désignés pour siéger à compter du 27 janvier (et non du 27 au 29) car la date de clôture d'une session n'a pas à être précisée. Elle n'intervient que lorsque toutes les affaires ont été examinées.

La Chambre criminelle a donc considéré que les assesseurs en fonction le 29 avaient compétence pour siéger au-delà de cette date et que, s'ils étaient empêchés, le président de la cour d'assises avait compétence pour pourvoir à leur remplacement.


GREFFIER - signature de l'arrêt par les deux greffiers ayant assisté à l'audience - irrégularité (non)

Si deux greffiers ont assisté aux débats, il n'y a pas de nullité s'ils signent tous les deux l'arrêt.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 870 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des YVELINES du 28 février 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 263, 906 et 949.

Cette double signature n'est pas obligatoire. Elle n'est pas non plus interdite.


TÉMOINS - dénonciation comme étant des experts - audition comme témoins - régularité (oui)

C'est la qualité réelle de la personne entendue qui doit être prise en compte pour savoir s'il s'agit d'un expert ou d'un témoin. Peu importe en quelle qualité cette personne a été citée.
Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 085 - non publié sur le moyen)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 31 janvier 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 606.


TÉMOIN - serment - seconde femme de l'accusé bigame

L'accusé étant bigame, c'est à bon droit que sa seconde épouse a été entendue sans serment.

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (97 80 258 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du CALVADOS du 17 décembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 553 et 558.

En vertu de l'article 335 du Code de procédure pénale, les personnes dites "reprochables" visées par ce texte sont entendues sans serment. Néanmoins, si aucune des parties ne s'y oppose, il n'y a pas de nullité à leur faire prêter serment (article 336, alinéa 1er). En revanche, il y aurait cause de cassation à entendre sans serment un témoin acquis aux débats que le président aurait considéré, à tort, comme reprochable.

Si le président a un doute, il est donc toujours préférable de faire prêter serment à un témoin acquis aux débats si les parties ne s'y opposent pas.


TÉMOIN - audition - lecture par le président de sa déposition à l'instruction

Le président ne peut donner lecture de la déposition écrite d'un témoin avant que celui-ci ait terminé sa déposition.

En l'espèce, le procès-verbal mentionnait que "le témoin avait déposé oralement sans être interrompu" mais il précisait ensuite "qu'au cours de son audition, le président avait porté à la connaissance des jurés et des assesseurs, la teneur du procès-verbal d'audition de ce témoin devant le juge d'instruction".

La Cour de Cassation, en présence de ces mentions contradictoires, estime "qu'en dépit d'une maladresse d'expression, il se déduit de ces mentions que la communication critiquée n'a eu lieu qu'après achèvement de la déposition du témoin".

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (96 82 307 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'INDRE-ET-LOIRE du 1er mars 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 66.

L'arrêt en cause a frôlé la cassation. Il ne fallait pas dire "au cours de" mais "à la suite de". En effet, l'instruction d'audience étant orale, il n'est pas possible de donner lecture de l'audition d'un témoin avant que celui-ci ait achevé sa déposition.

Ceci amène deux remarques: l'une sur la technique d'audience, l'autre sur la rédaction du procès-verbal.

La première est qu'il faut réduire au minimum les lectures de pièces du dossier pendant l'audience. Rien de plus agaçant et de plus soporifique que ces audiences qui se résument en une lecture publique du dossier.

La seconde est qu'il n'est pas nécessaire de faire mention au procès-verbal des lectures effectuées à l'audience, sauf s'il en est demandé acte par l'une des parties. Ces mentions superflues sont souvent à l'origine de cassation.


PRÉSIDENT - manifestation d'opinion

Dans une affaire de viols, le président avait lu, à l'audience, une lettre adressée par l'accusé à la victime. Cette lettre se terminait par ces mots: "et puis on jouera à la bicyclette tous les deux...". En terminant sa lecture, le président avait ajouté: "Selon Valérie P., il ne s'agissait pas de faire du vélo". Sur demande de l'avocat de l'accusé, il en avait été donné acte au procès-verbal.

La Chambre criminelle estime que ces paroles ne constituent pas une manifestation d'opinion contraire à l'exigence d'impartialité, le président n'ayant fait que rappeler les déclarations d'une partie au procès.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (97 82 091 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des ALPES-MARITIMES du 11 décembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 78


ASSESSEUR - manifestation d'opinion

Dans une affaire de violences mortelles avec arme, lors d'une question posée à l'expert psychiatre, un assesseur avait employé les termes de "coup de couteau sournois". Acte en avait été donné au procès-verbal sur demande de l'avocat de l'accusé.

La Chambre criminelle estime qu'il ne s'agit pas là d'une manifestation d'opinion préconçue sur la culpabilité de l'accusé et elle refuse de casser pour ce motif.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (97 81 676 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du RHÔNE du 11 février 1997
Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 78 et 233


POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE - lecture de rapports disciplinaires de la cote "Détention"

Le président peut donner lecture de rapports disciplinaires figurant à la cote "Détention". Ces pièces n'ont pas à être communiquées aux parties car elles font partie du dossier auquel elles ont eu accès. Ces sanctions disciplinaires, même infligées avant le 18 mai 1995, ne sont pas concernées par la loi d'amnistie.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 82 246 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du NORD du 18 mars 1997.

Note: Voir: Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 71, 640 et 666.

C'est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de Cassation se prononce, incidemment en l'espèce, sur le caractère amnistiable ou non des sanctions disciplinaires prononcées en détention.


POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE - audition d'une personne ni citée ni dénoncée - incident

Lors des débats sur le curriculum vitae, le ministère public ayant fait valoir que l'accusé avait déjà été mis en cause pour un viol qui avait ensuite fait l'objet d'un classement sans suite, la défense avait saisi la Cour de conclusions par lesquelles elle sollicitait la comparution et l'audition de la victime de ce prétendu viol, laquelle n'avait été ni citée ni dénoncée comme témoin.

La Cour avait refusé de faire droit à cette demande.

Le moyen alléguait que la Cour, en rejetant la demande de l'accusé, avait violé le principe de l'égalité des armes et les droits de la défense.

La Cour de Cassation écarte le moyen en considérant que la Cour avait justifié sa décision en estimant souverainement, sans préjuger du fond, que l'audition réclamée n'était pas nécessaire à la manifestation de la vérité.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (96 85 424 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 26 octobre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 55 et 56.

Si nous citons cet arrêt de rejet qui ne présente pas grand intérêt c'est parce qu'il nous permet d'attirer l'attention des présidents d'assises sur l'irritant problème de la répartition des compétences entre la Cour et le président pour statuer sur des incidents d'audience.

En effet, dans la présente espèce, la Cour aurait dû se déclarer incompétente pour statuer sur l'incident, lequel ressortait de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du président au sujet duquel la Cour ne peut ni ordonner ni refuser au président d'en faire usage :

- Chambre criminelle 12 juin 1981 B. 198

- Chambre criminelle 26 juillet 1993 B. 251

Ces deux arrêts approuvent des décisions d'incompétence rendues par la Cour lorsque, comme ici, elle est saisie de conclusions relatives à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du président.

La Cour n'a compétence pour répondre à de telles conclusions que si, en vertu de l'article 310, alinéa 1er, in fine, du Code de procédure pénale, elle en a été spécialement saisie par le président lui-même, ce qui doit résulter des mentions du procès-verbal ou de l'arrêt rendu.

Peut-on estimer que cette saisine puisse être tacite ?

La Cour de Cassation l'a exceptionnellement admis lorsque, sans être saisie de conclusions ou de réquisitions, la Cour ordonne d'office une mesure relevant du pouvoir discrétionnaire du président. En ce cas, "le fait que la Cour ait statué sans qu'aucunes réquisitions ou conclusions n'aient été déposées devant elle, implique que le président avait estimé opportun de la saisir, comme lui permettait de le faire l'article 310, alinéa 1er, in fine du Code de procédure pénale" :

- Chambre criminelle 18 décembre 1980 B. 357

- Chambre criminelle 4 février 1987 B. 60

Dans notre espèce, la Cour avait statué sur des conclusions déposées par la défense alors que le problème posé ressortait de la compétence du président sans constater que ce dernier l'avait saisie de ce contentieux.

En vertu de la jurisprudence traditionnelle de la Chambre criminelle, la cassation aurait donc été inévitable si le moyen, au lieu de cibler sur la motivation de l'arrêt de la Cour, avait axé sa critique sur l'incompétence de la Cour pour statuer sur le problème qui lui était soumis par voie de conclusions :

- Chambre criminelle 19 juin 1974 B. 226 (cassation)

- Chambre criminelle 29 octobre 1976 B. 298 (cassation)

- Chambre criminelle 16 novembre 1976 B. 327 (cassation sur moyen d'office)

- Chambre criminelle 9 juin 1982 B. 154 (cassation).

Il serait hasardeux de penser que le fait que la Chambre criminelle n'ait pas, cette fois, soulevé d'office le moyen laisse augurer un assouplissement de sa jurisprudence sur le caractère tacite de la saisine de la Cour.


ARRET INCIDENT - motivation

Les avocats de l'accusé ayant déposé, après la lecture de l'arrêt de renvoi, des conclusions dans lesquelles ils s'opposaient à ce qu'il soit passé outre à l'audition d'un témoin absent et sollicitaient un supplément d'information et le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, la Cour, après avoir sursis à statuer sur ces demandes, les a rejetées, à l'issue de l'instruction d'audience, au motif "qu'au vu de l'instruction orale à laquelle il avait été procédé, l'audition du témoin absent ainsi que les autres mesures sollicitées n'apparaissaient pas indispensables à la manifestation de la vérité".

La Cour de Cassation estime qu'en statuant ainsi, la Cour, qui n'avait pas l'obligation d'ordonner de nouvelles recherches du témoin dont l'adresse était inconnue, a, sans préjuger le fond, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, sans être tenue de s'expliquer spécialement sur les articulations des conclusions ne constituant que de simples arguments, et a ainsi souverainement apprécié, au vu des résultats de l'instruction d'audience, l'utilité des mesures sollicitées par le demandeur.

Chambre criminelle 21 janvier 1998 (97 82 141 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des VOSGES du 14 mars 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 532 et 676 à 683.

En début d'audience, après la lecture de l'arrêt de renvoi, la défense avait déposé des conclusions par lesquelles, d'une part, elle s'opposait à ce qu'il soit passé outre à l'audition d'un témoin absent et, d'autre part, elle demandait qu'il soit procédé à un supplément d'information et notamment qu'il soit procédé à des expertises complémentaires.

Dans un premier temps, la Cour avait sursis à statuer sur l'examen de ces demandes jusqu'à l'achèvement de l'instruction d'audience.

Puis, l'instruction d'audience terminée, la Cour, après nouvelle audition de toutes les parties, avait rejeté les demandes présentées estimant "qu'au vu de l'instruction orale à laquelle il avait été procédé, l'audition du témoin absent et les autres mesures sollicitées n'étaient pas indispensables à la manifestation de la vérité".

Les arrêts incidents en cette matière sont toujours assez délicats à rédiger car ils doivent à la fois motiver la décision de rejet mais sans préjuger du fond.

Comme le mentionne M. Angevin dans son ouvrage (n° 683, p. 262), la conciliation de ces deux impératifs conduit à l'adoption de formules neutres et quasi abstraites.


QUESTIONS - répétition de l'infraction - complexité (non)

Lorsque des faits de même nature, commis par le même accusé, sur une même victime, dans le mêmes conditions et entraînant les mêmes conséquences pénales se sont succédés pendant une certaine période ont peut les réunir en une question unique sans encourir le grief de complexité.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 82 408 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du CHER du 3 avril 1997

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 787.

Cette jurisprudence est constante. Elle trouve à s'appliquer notamment en matière de viols par ascendant qui se poursuivent pendant une certaine période. Il faut néanmoins scinder les questions lorsque les circonstances changent, notamment pour les faits commis sur une victime avant et après qu'elle ait atteint l'âge de 15 ans.


QUESTIONS - viols - circonstances aggravantes - précisions nécessaires

Les questions doivent être posées en fait et non en droit.

Néanmoins, dans les questions relatives aux circonstances aggravantes, le terme de viol peut être utilisé car il se réfère à la question principale qui a été régulièrement posée en fait en demandant à la Cour et au jury si l'accusé est coupable d'avoir commis, par violence, contrainte ou surprise, des actes de pénétration sexuelle sur la personne de la victime.

Par ailleurs, la question relative à la circonstance aggravante de parenté peut être posée dans les termes de la loi en demandant si l'accusé est l'ascendant légitime de la victime.

Chambre criminelle 21 janvier 1998 (96 86 603 - à paraître au bulletin)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 14 novembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 740, 811, 814 et F110

Sous le régime antérieur à la loi du 25 novembre 1941, les jurés se prononçaient sur le fait et les magistrats sur le droit. De là, l'interdiction de poser aux jurés les questions en droit.

Bien que la distinction ne présente plus la même nécessité depuis que magistrats et jurés délibèrent ensemble sur la culpabilité et sur la peine, la Cour de Cassation a maintenu cette interdiction en précisant que "la Cour et le jury ne peuvent être interrogés sur des questions de droit".

Ainsi, en ce qui concerne le viol, depuis que la loi du 23 décembre 1980 en a donné une définition légale, la Cour de Cassation exige que la question principale caractérise les éléments constitutifs du crime tels que définis par le Code pénal. La cassation est encourue lorsqu'il est demandé à la Cour et au jury si l'accusé est coupable de viol :

- Chambre criminelle 10 novembre 1982 B. 251

- Chambre criminelle 23 mai 1984 B. 191.

Néanmoins, il n'a jamais été exigé que les questions relatives aux circonstances aggravantes, qui se réfèrent à la question principale régulièrement posée, reprennent la définition légale du viol. Dans ces questions, le qualificatif de viol peut être valablement employé.

Pour la question relative à la circonstance aggravante tenant à la qualité d'ascendant de l'auteur des faits, la Chambre criminelle admet, depuis 1986, que la question puisse être posée dans les termes de la loi sans qu'il soit indispensable de préciser la nature exacte du lien de parenté unissant l'accusé à la victime, contrairement à ce qu'exigeait la jurisprudence antérieure :

- Chambre criminelle 23 décembre 1986 B. 388.


QUESTIONS - viols - âge de la victime - précisions nécessaires

Il n'est pas nécessaire d'indiquer dans la question la date de naissance de la victime. Il suffit de demander si elle était âgée de moins de quinze ans.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 82 408 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du CHER du 3 avril 1997

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" Formulaire n° F 110.

Il semble que ce soit la première fois que la Cour de Cassation se prononce expressément sur ce problème mais elle avait toujours implicitement admis que la question relative à la circonstance aggravante de minorité soit posée sous cette forme. Elle l'affirme formellement dans la présente décision.


QUESTIONS - viols en réunion - question abstraite unique - irrégularité

Il ne peut être posé une question abstraite unique lorsque plusieurs accusés sont poursuivis pour des viols "en réunion" qu'ils ont commis tour à tour sur une même victime. Il s'agit de faits différents qui doivent faire l'objet de questions distinctes.

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (97 81 432 - à paraître au bulletin)
- Cassation d'un arrêt de la cour d'assises du VAUCLUSE du 7 février 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 813.

Par un moyen relevé d'office, la Cour de Cassation censure une nouvelle fois cette façon de procéder qui est encore utilisée, en matière de viols collectifs, par certaines cours d'assises.

Lorsque A et B ont commis, chacun, au cours d'une même action criminelle, des viols sur une victime C, on ne peut pas demander, par une questions abstraite, si C a été victime de viols puis, par une deuxième question abstraite, si ces viols ont été commis par deux ou plusieurs auteurs ou complices et ensuite demander si A est coupable des faits spécifiés et qualifiés aux questions 1 et 2 puis si B est coupable des mêmes faits.

Il faut poser des questions distinctes, d'une part, pour les viols commis par A et les viols commis par B, et d'autre part pour la circonstance aggravante de "réunion", tant pour les viols commis par A que pour les viols commis par B.


QUESTIONS - violences - conséquences

Il suffit de demander si les violences spécifiées à la question n°... ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, sans qu'il soit nécessaire de préciser davantage.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 406 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE du 9 janvier 1997

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" mise à jour Formulaire Q 47


QUESTIONS - complicité - aide ou assistance

La question de complicité par aide ou assistance doit comporter ces mentions pour être régulière.

Néanmoins, en l'espèce, l'omission de ces mentions ne doit pas entraîner la cassation, la peine prononcée étant justifiée par les réponses à d'autres questions (concernant d'autres faits de viol reprochés à l'accusé) régulièrement posées.

Chambre criminelle 21 janvier 1998 (97 82 059 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-SAINT-DENIS du 7 mars 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" mise à jour n° Q 5.

Cet arrêt, bien qu'il soit de rejet par application de la théorie dite "de la peine justifiée", retiendra particulièrement notre attention car il dispose que la question de complicité par aide ou assistance, qui avait été posée par le président dans les termes conseillés par M. Angevin dans le formulaire qu'il a fait paraître au Jurisclasseur, est irrégulière en ce qu'elle omet, dans sa formulation, les éléments d'aide ou d'assistance.

Si cette position de la Chambre criminelle était maintenue, une cassation pourrait donc intervenir dans un cas où la peine prononcée trouverait son seul support légal dans la question ainsi irrégulièrement posée.

Il est donc conseillé de faire figurer ces mentions dans les questions relatives à ce cas de complicité.

Notons également que la Chambre criminelle a estimé que le mot "sciemment" devait figurer dans cette question (Chambre criminelle 28 juin 1995 B. 241).

C'est pourquoi, il convient de modifier la rédaction conseillée par M. Angevin dans la mise à jour de son ouvrage (page 84, formule Q 5).

Il sera ainsi prudent, à l'avenir, de poser la question de la façon suivante :

"L'accusé... est-il coupable d'avoir, à..., le..., sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation...etc. ?"


QUESTIONS - question spéciale

Un viol avait été commis par un auteur principal qui avait été aidé par un complice. Néanmoins l'arrêt de renvoi n'avait pas visé la circonstance aggravante dite "de réunion".

Le président a posé une question spéciale relative à cette circonstance aggravante ainsi rédigée : "le viol spécifié à la question n° 1 a-t-il été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ?".

La Chambre criminelle approuve cette façon de faire en disant que, si les parties entendaient contester la position de cette question spéciale (dont il leur a été donné connaissance), il leur incombait d'élever un incident contentieux dans les formes prévues par l'article 352 du Code de procédure pénale. Elle estime également que la question a été correctement rédigée dans les termes de la loi.

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (96 82 307 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'INDRE-ET-LOIRE du 1er mars 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 718, 813 et 834.

Un seul viol était concerné par cette question spéciale. Il avait été commis par un auteur principal qui avait été aidé par un complice.

Le président a posé la question principale de viol in abstracto puis la question spéciale de "réunion" également in abstracto. Il a ensuite demandé si X était coupable de ce viol aggravé et Y complice. Ce faisant il a régulièrement procédé.

En revanche (voir cassation ci-dessus de la cour d'assises du Vaucluse), si Y avait également commis un viol sur la victime aidé cette fois par X, il n'aurait pas été possible de réunir dans une même question abstraite les deux viols. Il fallait les distinguer et poser des questions distinctes à leur sujet tant sur le fait principal que sur la circonstance aggravante.


QUESTIONS - état mental de l'accusé - article 122-1 du Code pénal

Il n'y a pas de questions à poser sur l'application de l'article 122-1 du Code pénal au sujet de l'état mental de l'accusé.

En répondant affirmativement aux questions relatives à la culpabilité de l'accusé, la Cour et le jury ont, de façon irrévocable, nécessairement estimé qu'il n'était pas atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, au sens de l'article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal.

Par ailleurs, les dispositions de l'alinéa 2 dudit texte ne prévoyant pas une cause légale de diminution de la peine, le président n'a pas à poser de question à la Cour et au jury sur le trouble psychique ou neuropsychique ayant pu altérer le discernement de l'accusé ou entraver le contrôle de ses actes.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (97 81 676 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises du RHONE du 11 février 1997

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 734 et mise à jour p. 46


FEUILLE DE QUESTIONS - délibéré sur la peine - majorité

Le fait d'indiquer que la peine a été acquise à la majorité absolue des voix implique qu'elle a été obtenue à la majorité absolue des votants.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 870 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des YVELINES du 28 février 1997

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 864 et 887.

Si le maximum de la peine encourue a été prononcé, il faut indiquer sur la feuille de questions que ce vote a été acquis à la majorité de 8 voix au moins. Dans les autres cas, il n'est pas obligatoire d'indiquer que le vote a été obtenu à la majorité absolue des votants.

Dans le présent arrêt, la Cour de Cassation considère que les termes "majorité absolue des voix" sont équivalents à "majorité absolue des votants".


PROCÈS-VERBAL - précision de l'identité des témoins entendus - nécessité (non)

Le procès-verbal mentionnait simplement que tous les témoins présents avaient été successivement appelés et introduits à tour de rôle dans l'auditoire et qu'ils avaient déposé oralement dans les conditions prescrites par l'article 331 du Code de procédure pénale et après avoir prêté serment dans les termes prévus par ledit article, à l'exception de quatre d'entre eux dont l'identité était précisée.

Cette façon de faire n'est pas censurée, l'indication figurant au procès-verbal permettant à la Cour de Cassation de s'assurer que les formalités légales ont été respectées.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 559 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'AUBE du 13 février 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 956.

Dans le même sens : Chambre criminelle 15 octobre 1997 (96-85.743 - à paraître au bulletin) et 17 décembre 1997 (97 81 485 - à paraître au bulletin).


PROCÈS-VERBAL - propos tenus par le président, non mentionnés au procès-verbal

Faute de mention au procès-verbal, le demandeur ne peut invoquer comme moyen de cassation des propos qui auraient été tenus à l'audience par le président.

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (97 80 007 - non publié)

- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de l'INDRE du 19 novembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 637, 959 et 1028.

Pour obtenir la constatation d'un fait qui s'est produit à l'audience qu'elle estime contraire à ses intérêts, une partie ne dispose que de la faculté d'en demander acte. Le greffier n'est pas tenu de rendre compte au procès-verbal d'un incident d'audience si aucune des parties n'en a demandé acte.


PROCÈS-VERBAL - mention de lecture de pièces du dossier par le président.

Le procès-verbal énonçait qu'avant l'audition des témoins et des experts, le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, avait "donné lecture des dépositions écrites, telles qu'elles résultent du dossier de la procédure, de témoins non comparants, ni cités, ni dénoncés pour les présents débats".

Le moyen faisait grief au président d'avoir ainsi violé le principe de l'oralité des débats en donnant lecture, avant toute audition de témoins, de pièces de la procédure dont il n'était pas établi qu'elles ne faisaient pas référence aux déclarations de témoins acquis aux débats.

La Cour de Cassation estime qu'à défaut de réclamation de l'accusé ou de son avocat au sujet du contenu des pièces lues, le grief d'atteinte au principe de l'oralité des débats demeure à l'état d'allégation.

Chambre criminelle 28 janvier 1998 (96 85 424 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SOMME du 26 octobre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 65 et 66.

Comme nous l'indiquions le mois dernier et comme nous l'avons rappelé ci-avant, il est préférable de ne pas faire mention au procès-verbal de la lecture de pièces du dossier par le président sauf s'il en est demandé acte par une partie au procès.

Ces mentions superflues génèrent souvent, comme en l'espèce, des moyens de cassation.

Si une partie entend contester la régularité d'une lecture, il lui appartient de s'en faire donner acte et, au besoin, de saisir la Cour d'un incident contentieux.

C'est seulement en ce cas que le procès-verbal est tenu d'en rendre compte.


ARRET - concordance avec la feuille de questions - nécessité.

Voici une affaire qui, en raison du désistement du demandeur au pourvoi, a échappé à une cassation inéluctable. Mais le problème qu'elle pose n'est pas résolu pour autant, bien au contraire.

La feuille de questions portait que l'accusé A avait été condamné à 12 ans de réclusion criminelle et l'accusé B à 9 ans d'emprisonnement. Or, l'arrêt avait inversé les peines et il y était mentionné que A était condamné à 9 ans d'emprisonnement et B à 12 ans de réclusion criminelle.

Seul A s'était pourvu et il invoquait un moyen de cassation sans intérêt. Néanmoins, en raison du défaut de concordance entre l'arrêt et la feuille de questions, le rapporteur proposait une cassation d'office ainsi que de faire usage de l'article 612-1 du Code de procédure pénale pour étendre la cassation à B qui ne s'était pas pourvu, ceci afin que l'affaire soit rejugée en son entier.

Le demandeur au pourvoi, ayant sans doute appris que, selon l'arrêt, ce n'était pas 12 ans qu'il avait eu mais 9, s'est empressé de se désister de son pourvoi.

Le problème est qu'en cet état, selon la minute de l'arrêt qui fait foi jusqu'à inscription de faux, A se retrouve condamné à 9 ans d'emprisonnement et B à 12 ans de réclusion criminelle alors qu'à l'évidence, l'arrêt prononcé à l'audience de la bouche du président reprenait les peines inverses figurant sur la feuille de questions rédigée de sa main.

Que dire si l'un avait été acquitté et l'autre condamné à perpétuité ?

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 042- non publié)
- Donné acte du désistement du demandeur de son pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des PYRÉNÉES-ORIENTALES du 7 février 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 904.

Cette affaire met en lumière le paradoxe de notre procédure criminelle : c'est une procédure orale dont la mémoire ne se conserve que par l'écrit. Et le contrôle de la Cour de Cassation ne porte que sur les écrits : procès-verbal des débats, feuille de questions, arrêts. La vigilance des présidents et des greffiers qui, à juste titre, est perpétuellement en éveil pendant l'audience, doit redoubler dans le travail de cabinet, lors de la rédaction et du contrôle des documents écrits dans lesquels se nichent le plus souvent les motifs de cassation.


ARRET - précision du nom des jurés - nécessité (non)

Aucun texte de loi ne prescrit, à peine de nullité, que les noms des jurés figurent dans l'arrêt, le procès-verbal du tirage au sort du jury contenant, à cet égard, toutes indications nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (97 81 088 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 24 janvier 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 893.

Les jugements ou arrêts doivent mentionner les noms des juges qui les ont rendus pour permettre à la Cour de Cassation de s'assurer que les prescriptions de l'article 592 du Code de procédure pénale ont été observées. Ceci vaut pour les arrêts rendus par les cours d'assises.

Néanmoins, en ce qui concerne les jurés, la Chambre criminelle n'exige pas que leurs noms figurent dans l'arrêt lui-même car le procès-verbal du tirage au sort du jury contient toutes indications nécessaires pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle :

- Chambre criminelle 23-06-1993 B. 223

- Chambre criminelle 03-11-1994 B. 346

- Chambre criminelle 24-01-1996 (95 82 760)

- Chambre criminelle 10-04-1996 (95 84 163)

- Chambre criminelle 29-05-1996 (95 85 326)

- Chambre criminelle 28-05-1997 (96 83 468)

Il suffit donc d'indiquer dans l'arrêt, en ce qui concerne la composition de la juridiction, les noms des magistrats composant la Cour proprement dite et de mentionner ensuite "et les jurés de jugement". De cette façon, on évite les erreurs qui peuvent se glisser lorsqu'on mentionne les noms des jurés, notamment si l'un d'eux a été remplacé en cours d'audience.

Mais de nombreuses cours d'assises utilisent encore un vieux formulaire d'arrêt qui ne mentionne pas du tout l'existence des jurés dans la composition de la juridiction. Il n'est pas conseillé de l'utiliser car les jurés font partie de la juridiction qui rend l'arrêt pénal. En réalité, il s'agit d'un formulaire qui était en usage avant la loi du 5 mars 1932, à une époque où la Cour prononçait seule le verdict à la suite des réponses apportées par les jurés aux questions posées sur la culpabilité et les circonstances atténuantes. A cette époque l'arrêt était rendu par la Cour seule.

Néanmoins, la Chambre criminelle ne sanctionne pas cette omission qui est souvent invoquée comme moyen de cassation. Elle estime, pour sauver ces arrêts, que la mention de l'arrêt attaqué indiquant que la Cour et le jury réunis ont délibéré sur la culpabilité de l'accusé et sur l'application de la peine, conformément aux dispositions des articles 355 à 366 du Code de procédure pénale, implique nécessairement la présence et la participation des jurés.


ARRET - motivation sur la peine (non)

La cour d'assises n'a pas à motiver, dans son arrêt, les peines qu'elle prononce.

Chambre criminelle 14 janvier 1998 (97 82 192 - non publié)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises des BOUCHES-DU-RHÔNE du 6 mars 1997.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 898

L'accusé avait été condamné à perpétuité. L'avocat à la Cour de Cassation n'a dû trouver aucun moyen valable. Il a donc invoqué comme seul moyen de cassation le fait que l'arrêt ne comportait aucune motivation sur la peine et que ceci n'était pas conforme aux articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-24 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale,... anticipant par là sur une éventuelle réforme.

Un tel moyen ne pouvait prospérer.

Comme tous arrêts ou jugements, les arrêts rendus par les cours d'assises doivent être motivés mais on considère qu'ils le sont par l'ensemble des réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés ont donné aux questions qui leur étaient posées.

La Cour de Cassation a estimé "que tenait lieu de motifs aux arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique l'ensemble des réponses, reprises dans l'arrêt de condamnation, qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés ont donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi" :- Chambre criminelle 30-04-1996 B. 181

En ce qui concerne les peines, l'article 132-24 du Code pénal fait obligation aux juges de les prononcer et d'en fixer le régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de leur auteur. En cour d'assises ce texte est lu aux jurés avant qu'ils ne délibèrent sur la peine.

Mais aucune disposition légale ou conventionnelle n'impose aux juges de motiver leur décision à cet égard, en-dehors du cas prévu par l'article 132-19 s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement ferme.

Toutefois, la Cour de Cassation a décidé que ce texte ne s'appliquait pas aux cours d'assises lorsqu'elles prononcent une peine d'emprisonnement :

- Chambre criminelle 22-01-1997 B. 24

- Chambre criminelle 29-04-1997 B. 155

En l'espèce, ce texte est donc doublement inapplicable puisque l'accusé a été condamné par une cour d'assises et, au surplus, non à une peine d'emprisonnement mais à une peine criminelle.


INTERDICTION DES DROITS - application dans le temps

Pour des crimes antérieurs au 1er mars 1994, même si la peine principale prononcée est une peine d'emprisonnement, on peut priver le condamné des droits de l'article 131-26 car, avant cette date, dans le cas d'une peine d'emprisonnement pour crime, la cour d'assises pouvait, en vertu de l'article 463, alinéa 2, ancien du Code pénal infliger au condamné la dégradation civique, peine plus sévère que celle de l'interdiction des droits.

Chambre criminelle 21 janvier 1998 (96 86 603 - à paraître au bulletin)
- Rejet du pourvoi contre un arrêt de la cour d'assises de la SEINE-MARITIME du 14 novembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 871 (mise à jour, p.62).

Cet arrêt précise la position de la Chambre criminelle sur ce problème.


ARRET CIVIL - motivation

Si la Cour apprécie souverainement le préjudice résultant de l'infraction, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs contradictoires ou erronés.

Chambre criminelle 7 janvier 1998 (96 86 313 - non publié)
- Cassation d'un arrêt civil de la cour d'assises de PARIS du 14 novembre 1996.

Note: Voir : Henri ANGEVIN : "La pratique de la cour d'assises" n° 934 et F 116.

Les juges apprécient souverainement, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice résultant de l'infraction. Ils ne sont pas tenus de préciser les bases sur lesquelles ils ont fondé leur estimation.

Il suffit donc de dire, à cet égard, dans l'arrêt civil, que "la Cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation pour évaluer à la somme de... tel chef de préjudice". Une telle motivation est "incassable".

Mais si l'arrêt détaille sa motivation et que lesdits motifs sont contradictoires ou erronés, la cassation est encourue.

Tel a été le cas en l'espèce où la victime, partie civile, qui était tombée sous une rame de métro à la suite d'une tentative de meurtre, avait perdu les deux bras. La Cour d'assises avait refusé de rembourser une prothèse au motif que celle-ci était onéreuse et d'une utilité réduite. Par ailleurs, elle avait refusé d'indemniser le recours à une tierce personne au motif que la femme de la victime pouvait remplir ce rôle.







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