Quelles réponses à la petite délinquance
?
Etude du droit répressif français
sous l'éclairage
comparé du droit répressif allemand
par Jocelyne Leblois - Happe
L'auteur a soutenu cette thèse de droit en novembre
1998 à l'Université Robert-Schuman de Strasbourg
III. Son grade de docteur est également reconnu officiellement
par l'Université Albert-Ludwig de Fribourg-en-Brisgau
(RFA). Cette recherche a été menée sous
la direction du Professeur Renée Koering-Joulin, nommée
récemment conseiller à la Cour de Cassation. Elle
sera publiée, courant 2000, aux Editions L'Harmattan.
Jocelyne Leblois-Happe est actuellement chargée d'enseignement
à l'Institut d'Etudes Judiciaires de l'Université
Robert-Schuman et chargée de recherche à l'Institut
Max-Planck pour le droit pénal et international de Fribourg-en-Brisgau..
Elle est également, depuis avril 1999, admise sur la liste
de qualification aux fonctions de maître de conférences.
Depuis la seconde guerre mondiale, les infractions
de moindre gravité augmentent, contribuant pour une part
non négligeable à la progression de la criminalité.
Cette délinquance à la fois massive et de faible
gravité appelle de l'Etat une réaction adaptée.
Force est néanmoins de constater l'absence de politique
criminelle claire et cohérente en la matière. Une
remise à plat des réponses à la petite délinquance
s'impose par conséquent. Mais elle ne se conçoit
pas sans une remise en ordre ; il serait vain de proposer une
refonte des mesures répressives sans établir entre
elles une gradation, sans assigner à chacune une place
et un rôle spécifiques dans la gamme des sanctions.
L'institution de programmes informatiques d'aide à la
décision contribuerait, dans cette optique, à rationaliser
la mise en uvre des sanctions.
Pour tenter de définir ces réponses à
la petite délinquance, il a paru opportun de recourir
au droit comparé. Le droit d'Outre- Rhin a été
choisi car il est à la fois suffisamment proche de notre
droit pour que la comparaison soit dénuée d'artifice
et suffisamment éloigné pour qu'elle se révèle
fructueuse. Les travaux spécifiquement juridiques consacrés
à la petite délinquance sont au demeurant rares
dans l'Hexagone.
Face aux petits délits, il n'y a pourtant, globalement,
que deux attitudes possibles. Ou bien l'on recourt aux sanctions
pénales classiques en s'efforçant de les ajuster
au contentieux à traiter. Ou bien l'on invente d'autres
sanctions, dont la petite délinquance devient alors le
domaine d'élection. Les deux voies sont en réalité
complémentaires. Nous les suivrons tour à tour,
envisageant d'abord l'adaptation des sanctions pénales
classiques à la petite délinquance (Première
partie), ensuite la recherche de réponses nouvelles à
la petite délinquance (Deuxième partie).
I- L'emprisonnement et l'amende sont les peines les
plus fréquemment infligées aux petits délinquants.
EIles se montrent néanmoins d'une efficacité limitée
pour contenir les petits délits. Adapter les sanctions
pénales classiques à la petite délinquance
implique donc de lutter contre l'emprisonnement court (Livre
I) et de réformer l'amende (Livre Il).
Le droit allemand offre l'exemple d'une politique criminelle
résolument hostile aux courtes peines privatives de liberté.
Un dispositif serré limite aussi bien le prononcé
que l'exécution des courtes peines d'emprisonnement. Ce
tableau contraste avec la lente évolution de la politique
criminelle française. Aucune disposition ne tend spécifiquement
à limiter le prononcé des courtes peines. Quant
à celles qui s'efforcent d'en restreindre l'exécution,
elles manquent parfois singulièrement de cohérence.
Aussi convient-il d'opter pour une politique criminelle plus
volontariste. Second pilier du droit pénal classique,
l'amende requiert aussi quelques réformes.
Le droit allemand, pour lequel l'amende est l'instrument principal
de répression des petits délits, s'est efforcé
d'en optimiser l'utilisation en instaurant le système
des jours-amende. Face à ce choix clair de politique criminelle,
le droit français s'est montré beaucoup plus timide
il a conservé l'amende classique tout en adoptant le système
des jours-amende. Cette coexistence n'étant ni très
harmonieuse ni très efficace, l'unification des deux peines
pécuniaires mérite d'être également
envisagée en France.
Les peines classiques ne constituent plus cependant qu'une
arme parmi d'autres pour combattre les petits délits.
Depuis 1975 sont apparues quantité de réponses
nouvelles à la petite délinquance.
II- En deux décennies, le traitement de la petite
délinquance s'est métamorphosé. Cette évolution
a emprunté deux voies complémentaires : le développement
des peines de substitution d'un côté (Livre I),
la promotion des sanctions alternatives à la répression
pénale de l'autre (Livre II).
Les sanctions alternatives à l'emprisonnement et à
l'amende ont connu en France un essor remarquable. L 'Allemagne
s'est montrée sur ce point beaucoup plus hésitante.
La réflexion contemporaine sur les sanctions alternatives
progresse mais l'amende reste en droit positif la seule peine
de substitution à l'emprisonnement. De ce point de vue,
le droit français semble donc plus avancé. On ne
saurait toutefois oublier qu'une fraction seulement de la petite
délinquance traitée par la justice aboutit au prononcé
d'une peine.
On assiste en effet depuis vingt ans à la promotion
des solutions alternatives à la répression pénale.
La sanction ne consiste plus nécessairement à une
punition ; la réaction sociale elle-même tend à
se diversifier. De part et d'autre du Rhin, ces mouvements de
dépénalisation et de décriminalisation n'ont
pas reçu le même accueil. La politique criminelle
française accorde nettement la priorité à
la dépénalisation. La politique criminelle allemande
assure, elle, un développement parallèle de la
décriminalisation et de la dépénalisation.
Une transposition des règles germaniques en droit français
apparaît néanmoins peu souhaitable, ne serait-ce
qu'en raison de la place modeste qu'elles offrent à la
victime.
L'étude du droit répressif français sous
l'éclairage comparé du droit répressif allemand
conduit à proposer un certain nombre de modifications
du droit positif. Il ne reste plus alors qu'à déterminer
les principes de sentencing destinés à organiser
la mise en uvre de ces règles. D'un tel dispositif,
il est permis d'attendre un surcroît de qualité
dans le traitement des petits délits. Il importe néanmoins
de rester lucide. D'une part, la réussite d'une politique
de lutte contre la petite délinquance suppose un accroissement
des moyens dont dispose la justice et une augmentation du taux
d'élucidation des petits délits. D'autre part,
un monde sans délinquance, petite ou grande, n'existe
pas.
Jocelyne Lebois-Happe
Autres publications :
LEBLOIS (J.), " La médiation pénale comme
mode de réponse à la petite délinquance
: état des lieux et perspectives ", Revue de science
criminelle et de droit pénal comparé, 1994,
3, pp 525-536.
LEBLOIS-HAPPE (J.), Note sous Paris 4ème chambre,
section A, 14 octobre 1998, recueil Dalloz 1999.
Coordonnées de Jocelyne Leblois-Happe : 30,
rue Grimling 67000 STRASBOURG. |