de la Maison d'Arrêt de Strasbourg (UPS) |
Juin 1999
I. PRÉSENTATION DU DISPOSITIF
L'objectif principal de l'UPS (Unité de Préparation à la Sortie ) est de se donner les moyens pour que la prison ne soit pas un lieu d'exclusion mais devienne un lieu de préparation à la sortie sociale du détenu par une meilleure connaissance des institutions ou des dispositifs d'insertions.
Cette Unité a été mise en place à la Maison d'Arrêt de Strasbourg en février 1992, grâce à un travail en partenariat entre l'administration pénitentiaire de l'établissement, le service socio-éducatif, une conseillère d'orientation psychologue et l'association Parenthèse (association socio-culturelle de la Maison d'Arrêt de Strasbourg).
L'UPS permet à des détenus condamnés en fin de peine ou en situation d'aménagement de peine de préparer leur sortie de la Maison d'Arrêt dans de meilleures conditions. Cette Unité accueille des détenus libérables à court terme (3 à 6 mois), volontaires, souhaitant s'engager dans un processus de réinsertion sociale et professionnelle. Elle se veut être un lieu de dynamisation et de parole, un lieu d'acquisition d'un savoir être, un lieu qui soutient le détenu dans sa volonté de changement et de réadaptation à la vie sociale et professionnelle. En intégrant ce dispositif, les détenus accèdent à un statut de stagiaire de la formation professionnelle pendant 12 semaines. Ils travaillent leur projet socio-professionnel avec le soutien de plusieurs intervenants pendant les 6 premières semaines et ils effectuent un stage en alternance dans une entreprise extérieure pendant les 6 dernières semaines, sous réserve de l'accord de la Commission d'Application des Peines.
L'UPS occupe l'ensemble du dernier étage du bâtiment C de la Maison d'Arrêt, c'est donc un espace " identifié " et " repéré " dans l'établissement, l'accès au dispositif se concrétise par un changement de cellule. Chaque session animée par un coordinateur accueille une quinzaine de détenus qui participent au programme d'intervention. A l'issue de la session, le détenu est, en principe, en situation de " sortant de prison ". Suite à sa sortie, il peut solliciter et rencontrer, s'il le désire, le personnel de l'UPS et les intervenants des organismes de droit commun.
L'UPS est un lieu où les détenus peuvent rencontrer différents acteurs sociaux d'origines institutionnelles ou associatives diverses. Le réseau des partenaires sociaux extérieurs est composé d'organismes de droit commun ayant une fonction d'intégration, de soutien et d'insertion. Ces partenaires informent les personnes incarcérées des caractéristiques de l'institution ou de l'organisme qu'ils représentent, ils leur précisent quelles sont les modalités d'accès aux services offerts et soutiennent les détenus dans leurs démarches d'insertion (logement, santé, gestion des dettes). Parmi ces organismes, on peut citer entre autres : l'ANPE1, la Mission Locale, la CPAM2,la CAF3, un bailleur social, le service logement de la Ville de Strasbourg, les ASSEDIC4, des centres de formation, des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, des associations d'accueil de sortants de prison, un service instructeurs du RMI5 (ACCORD6), l'association Aides Alsace (prévention du SIDA), des directeurs d'entreprises d'insertion, un responsable d'agence intérimaire, un Juge d'Application des Peines, un membre du CPAL7, une association conseil en matière d'endettement D'autres interventions sont menées sur des thèmes plus originaux et spécifiques tels que le sociodrame, la mise en parole, la gestion du stress, les enjeux à la sortie, le code de la route, la sécurité routière
II. ENTRETIEN
Interview de Monsieur René VOGEL, chargé de mission à l'Association Parenthèse de la Maison d'Arrêt de Strasbourg, chargé de la mise en place de l'UPS (Unité de préparation à la sortie)
Intervieweur : Patrick COLIN, Maître de conférences en sociologie au Département de Formation Continue de l'Université Marc BLOCH de Strasbourg.
- Pouvez-vous me dire ce qui est à l'origine de la création
de cette Unité de Préparation à la Sortie
?
- L'origine de ce dispositif, c'est l'étude réalisée par un collectif interprofessionnel et le C.E.R.I.S. en 89-90 sur la récidive pénitentiaire8. Cette étude avait permis de mettre en évidence la faiblesse des supports institués en particulier pour la tranche d'âge 25-35 ans (travail, hébergement, ANPE, CPAM, CPAL ). L'idée était de mettre en place un dispositif permettant de mobiliser l'ensemble de ces supports avant de sortir de prison, d'où l'intitulé de cette formation : unité de préparation à la sortie. Il est important de rappeler que ce projet n'aurait jamais pu se mettre en place sans la forte mobilisation de trois acteurs principaux de la maison d'arrêt : le directeur, le Président de l'association Parenthèse et le chef du service socio-éducatif.
- Pourquoi avez-vous créé un étage à
part au sein de la maison d'arrêt pour l'UPS ? Vous auriez
pu laisser les stagiaires dans leur unité de vie initiale
et seulement les regrouper en journée comme pour les autres
formations ?
- D'une part on voulait que ce soit un endroit à part en détention, il était souhaitable que ce lieu soit clairement identifié. D'autre part, il était important que la personne sorte de sa cellule pour intégrer cette unité. Ce déplacement géographique marque bien l'entrée dans un nouvel espace qui doit être également considéré comme un nouveau lieu de vie. Il s'agissait de bien marquer ce moment particulier du vécu carcéral : la personne intègre physiquement un nouvel espace destiné à mieux préparer sa sortie. Ce que l'on peut offrir à l'UPS, c'est un moment particulier où les personnes peuvent réfléchir autrement sur leur détention.
- Qui finance cette formation ?
- Au départ, c'était le C.C.P.D. qui finançait l'UPS, actuellement d'autres sources de financement permettent de faire fonctionner ce dispositif.
- Comment sélectionnez-vous les personnes retenues ?
- Cette formation s'adresse prioritairement aux personnes qui ont le plus de difficultés, on ne va pas intégrer des personnes qui a priori n'ont pas de problème d'accès à l'emploi, d'accès au logement, etc. Il y a des critères pénaux et comportementaux à respecter : il s'agit d'hommes condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à six mois, leur comportement durant leur détention doit être également pris en compte, par exemple nous n'allons pas intégrer un homme très agressif qui a eu de nombreux rapports disciplinaires car il risque de complètement déstructurer la vie de groupe. Toutes les personnes qui se trouvent dans cette situation sont invitées à une réunion d'information sur l'existence de l'UPS, ensuite une commission composée de représentants de la direction, du service socio-éducatif et des membres de l'association Parenthèse retient les personnes les plus en difficulté, mais aussi les plus motivées.
- Pourquoi insistez-vous autant sur la présence d'acteurs
des différentes institutions ou associations au sein de
l'UPS?
- Les personnes retenues pour le stage UPS ont très peu de contact avec les institutions, elles ont du mal à maîtriser et à comprendre le fonctionnement de ces structures, donc nous avons inversé le processus habituel, ce sont les acteurs des institutions et associations qui viennent vers ces personnes pour exposer plus simplement leur mode de prise en charge. Il s'agissait de désacraliser les institutions. La croissance de la complexité des démarches administratives permettant une prise en charge affole ou décourage de nombreuses personnes. Enfin, les personnes responsables qui parlent de leur institution au moment de la formation deviennent des référents extérieurs ; autrement dit, lorsque les stagiaires sortent de la maison d'arrêt, ils ont déjà une personne ressource qu'ils peuvent rencontrer à l'ANPE, aux ASSEDIC, à la CPAM, dans une entreprise d'insertion, à l'AFPA, dans une mission locale, à ACCORD9.
- Pendant deux mois les détenus sont ensemble dans une
même unité de vie, est-ce que cela implique un mode
de vie particulier ?
- Au début du fonctionnement de l'UPS, c'était un des seuls endroits où il existait un lieu de parole, un lieu d'échange en dehors des démarches thérapeutiques habituelles. Le fonctionnement de cette unité repose beaucoup sur la dynamique de groupe des stagiaires, il s'agit également de leur proposer un autre type d'échange que celui dont ils ont d'habitude en détention ; les thèmes de discussion sur la préparation de la sortie sont privilégiés. Ce lieu d'échange permet de donner un autre sens à la peine. Cet intérêt porté sur un mode de vie et une réflexion collective peut sembler paradoxal en prison puisqu'en principe on privilégie des mesures d'individualisation de la peine.
- Quels sont les effets de l'UPS sur la sortie de prison ?
- Les anciens stagiaires que nous rencontrons à l'extérieur ou qui reviennent à la maison d'arrêt restent inscrits dans une dynamique d'insertion ; même si certains " replongent ", ils ont déjà plus de supports institués, ils connaissent les personnes ressources. Dès le début de leur peines ils préparent un projet de sortie de prison. Pour l'instant nous ne permettons pas à une personne de revenir une deuxième fois comme stagiaire à l'UPS. Beaucoup d'anciens stagiaires parlent encore de l'UPS, cela a été un moment important dans leur vécu carcéral. Lorsque les personnes s'inscrivent dans une dynamique d'insertion à l'intérieur de la maison d'arrêt, il est important de maintenir cette dynamique à l'extérieur immédiatement après la sortie, elles doivent toujours pouvoir interpeller un travailleur social en cas de difficulté, il s'agit souvent de choses très pratiques : pas de travail, pas d'argent, pas de logement C'est pourquoi nous avons également mis en place une Permanence Emploi Adultes (P.E.A) et une permanence logement située au Comité de Probation et d'Assistance aux Libérés de Strasbourg.
III. POUR EN SAVOIR PLUS :
René VOGEL
Directeur de l'association Parenthèse
Maison d'arrêt de Strasbourg
6, rue Engelmann,
BP 25
67 035 STRASBOURG cedex
tel : standard : 03 88 30 05 55
R. VOGEL : 03 88 30 90 10