LE PRIX GABRIEL TARDE

Le palmarès du PGT


 


Les travaux primés lors de la session 1996
Prix : Philippe COMBESSIE, Mention spéciale : Martine HERZOG-EVANS
 
Prisons des villes et des campagnes
étude d’écologie sociale
Philippe Combessie
(éditions de l’Atelier, 1996, 240 pages)

 
Des historiens, des sociologues, des journalistes, se sont intéressés au fonctionnement interne des prisons, d’autres ont étudié la place de l’enfermement pénitentiaire dans la société, mais les recherches portant précisément sur l’interface entre la prison et l’extérieur sont rarissimes. Ce livre présente une analyse fouillée des influences réciproques entre la prison et la société qui l’entoure. Il est le fruit de nombreuses observations menées pendant plus de trois ans au sein et autour de quatre prisons, à l’occasion de manifestations diverses : visites de l’établissement, remises de médailles, pots de départ, activités associatives… On y voit l’accueil réservé aux familles de détenus, aux fonctionnaires pénitentiaires. On y comprend les effets d’un établissement carcéral sur la valeur des patrimoines fonciers et sur l’ensemble de l’économie locale. On y découvre l’influence de l’environnement (plus bourgeois ici, plus pauvre là, plus rural ailleurs) sur la distribution des pouvoirs au sein même de la prison. Au fil de cet ouvrage, la prison se révèle moins hermétique que les murs qui gardent ses détenus, tant par l’existence de ce que l’auteur appelle un périmètre sensible qui déborde la stricte enceinte pénitentiaire, que dans le jeu des influences du milieu environnant sur chaque établissement. C’est là, sans doute, l’aspect le plus novateur de ce livre, qui prolonge la démarche d’Erving Goffman et se distingue du travail de Michel Foucault en n’abordant pas la prison en fonction d’une théorie de la peine mais comme un lieu où ? et autour duquel ? les rapports sociaux se nouent de façon spécifique.
 

La gestion du comportement des détenus
L’apparence légaliste du droit pénitentiaire
Martine Herzog Evans
(Editions L’Harmattan, 1998)

 
Depuis l’origine, la légitimité de la prison pénale est discutée. Ses fondements affichés n’ont jamais correspondu à ses objectifs réels. Ambiguité et hésitation sont constantes, entre humanisme et maintien de l’ordre. Dans son fonctionnement interne, l’objectif premier est cependant la maîtrise des comportements individuels et collectifs des détenus,  au plan global comme au plan local. Sa réalisation passe par une réalité largement a-normative. Les normes sont floues ; l’ensemble des acteurs n’en respectent généralement ni la lettre, ni le sens ; il n’existe pratiquement aucune voie de recours véritable. Mais tant l’équilibre particulier de chaque établissement que celui de l’ensemble du système carcéral reposent sur cette utilisation souple des normes : le droit apparaît avant tout comme un outil et non comme un cadre. Le droit pénitentiaire n’est donc pas véritablement légaliste, contrairement au droit pénal. Pourtant, la proximité avec ce dernier suscite une forte attente de légalisme, dans le monde extérieur et du côté des détenus. Il est généralement difficile de concevoir qu’il n’existe pas de véritable droit pénitentiaire qui soit sanctionné judiciairement. En sorte qu’il faut fournir tant aux usagers du système pénitentiaire qu’à la société toute entière un semblant de légalisme de manière à conserver une légitimité relative à l’institution. De nombreux signes récents que Martine Herzog Evans annonçait, dans sa thèse, démontrent qu’un fonctionnement aussi peu normatif n’est plus admissible. Ces changements suscitent de nombreuses interrogations juridiques - qui ont été étudiées par l’auteur dans diverses revues.  Reste à savoir quel nouvel équilibre l’institution établira avec ces nouvelles données.